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Mélusine maternelle et défricheuse

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

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« La création populaire ne fournit pas toutes les formes mathématiquement possibles. Aujourd'hui, il n'y a plus de créations nouvelles. Mais il est certain qu'il y a eu des époques exceptionnellement fécondes, créatrices. Aarne pense qu'en Europe ce fut le cas au Moyen Age. Si l'on songe que les siècles où la vie du conte populaire fut la plus intense sont perdus sans retour pour la science, on comprend que l'absence actuelle de telle ou telle forme ne suffise pas à mettre en cause la théorie générale. De même que, sur la base des lois générales de l'astronomie, nous supposons l'existence d'étoiles que nous ne voyons pas, de même nous pouvons supposer l'existence de contes qui n'ont pas été recueillis ». (V. Propp, Morphologie du conte, trad. franc., Gallimard éd., Paris, 1970, pp. 189-190.)

Au chapitre IX de la quatrième partie du De nugis curialium, écrit entre 1181 et 1193 par un clerc vivant à la cour royale d'Angleterre, Gautier Map, est racontée l'histoire du mariage d'un jeune homme, visiblement un jeune seigneur, « Henno aux grandes dents » (Henno cum dentibus) « ainsi appelé à cause de la grandeur de ses dents », avec une étrange créature Un jour, à midi, dans une forêt proche des rivages de la Normandie, Henno rencontre une jeune fille très belle et vêtue d'habits royaux, en train de pleurer. Elle lui confie qu'elle est rescapée du naufrage d'un navire qui la conduisait vers le roi de France qu'elle devait épouser. Henno tombe amoureux de la belle inconnue, l'épouse et elle lui donne une très belle progéniture : « pulcherrimam prolem ».

Type
Mythes
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1971

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References

page 587 note 1. Walter Map, De nugis curialium, éd. M. R. James, Oxford, 1914.

page 588 note 1. Seule édition complète (mais très imparfaite) dans Leibniz, G. W., Scriptores rerum Brunsvicensium, I, Hanovre 1707, pp. 8811004.Google Scholar Emendationes et supplementa, II, Hanovre, 1709, pp. 751, 784. Liebrecht, F. a édité avec d'intéressants commentaires folkloriques les passages « merveilleux » des Otia Imperialia avec en sous-titre, Ein Beitrag zur deutschen Mythologie und Sagenforschung Hanovre, 1856.Google Scholar J.R. Caldwell préparait une édition critique des Otia Imperialia (cf. articles dans Scriptorium 11 (1957), 16 (1962) et Mediaeval Studies 24 (1962). Sur Gervais de Tilbury : Bousquet, R., « Gervais de Tilbury inconnu », in Revue Historique 191, 1941, pp. 122 Google Scholar et Richardson, H. G., « Gervase of Tilbury », in History, 46, 1961, pp. 102114.CrossRefGoogle Scholar

page 588 note 2. Cet épisode ﹛Otia Imperialia, III, 57, éd.F. Liebrecht, p, 26) est repris par Jean d'Arras et transporté en Orient. C'est au château de l'Espervier en Grande Arménie que l'une des soeurs de Mélusine, Melior, est exilée par sa mère Presine (éd. L. Stouff, p. 13).

page 588 note 3. Cet épisode (Otia Imperialia, I, 15, éd. F. Liebrecht, p. 4) a étérapproché de l'histoire de Mélusine mais pas, en général, de l'histoire de Henno alors que le tout constitue un ensemble. Certains manuscrits de Jean d'Arras appellent le Raymond des Otia Imperialia Roger (p. 4). S'agit-il d'une contamination Rocher-Roger ou d'une autre tradition ? Cf. la thèse de Mlle Duchesne annoncée iinfra, p. 592, n. 1). Notons en tout cas que Raymond est déjà nommé quand Mélusine ne l'est pas encore.

page 589 note 1. Gautier raconte deux fois l'histoire d'Edric. La seconde version, plus courte, et qui ne nomme pas Edric, suit immédiatement l'histoire de Henno (De Nugis curialium, IV, 10, éd. M. R. James, p. 176).

page 589 note 2. « ad domum in hora nemoris magnam delatus est, quales Anglici in singulis singulas habebant diocesibus bibitorias, ghildhus Anglice dictas… » (De nugis curialium, 11, 12, éd. M. W. James, p. 75). Il me semble que ce texte curieux a échappé aux historiens des ghildes.

page 589 note 3. L. Stouff a rapproché ce texte de celui de Jean d'Arras (p. 79) où la ville de Saintes est appelée Linges. Renardet, E., Légendes, Contes et Traditions du Pays Lingon, Paris, 1970, p. 260 Google Scholar, évoque Mélusine sans en donner de version proprement lingonne. De même Marcelle Richard dans Mythologie du Pays de Langres, Paris, 1970, où, à propos de Mélusine (pp. 88 sqq), sans rapporter d'élément local précis, elle fait d'intéressantes remarques sur les transformations serpent-dragon, les arrièreplans chtoniens et aquatiques et l'ambivalence du dragon-serpent qui peut ne pas être maléfique mais symboliser, selon des termes de Duval, P.-M., « la fécondité reproductrice et la prospérité terrienne ». Nous avons présenté une interprétation identique dans : « Culture ecclésiastique et culture folklorique au Moyen Age : Saint Marcel de Paris et le dragon », in Ricerche storiche ed economiche in memoria di Corrado Barbagallo, t. II, pp. 53-90, Naples, 1970.Google Scholar

page 590 note 1. « In Lingonensi provincia quidam nobilis in sylvarum abditis reperit mulierem speciosam preciosis vestibus amictam, quam adamavit et duxit. Illa plurimum balneis delectabatur in quibus visa est aliquando a quadam puella in serpentis se specie volutare. Incusata viro et deprehensa in balneo, nunquam deinceps in comparitura disparuit et adhuc durât ejus projenies » (Vincent DB Beauvais, Spéculum Naturale, II, 127 cité par L. Hoffrichter, p. 67).

page 591 note 1. Un rapprochement jusqu'ici non signalé, me semble-t-il, confirme les liens entre toutes ces histoires. Le fils d'Edric, Alnold, lorsqu'il veut retrouver la santé, est invité à faire le pèlerinage de Rome pour demander sa guérison aux apôtres Pierre et Paul. Indigné, il répond qu'il ira d'abord implorer à Hereford saint Ethelbert, roi et martyr, dont il est le « paroissien » (De nugis curialium, éd. M. W. James, p. 77).

page 591 note 2. Gautier Map, Gervais de Tilbury et Jean d'Arras évoquent, à côté de Mélusine, et dans la même « catégorie » qu'elle, d'autres fées (démons succubes) non-serpentes. Le christianisme ici a bouleversé la typologie. Tout en le signalant nous nous bornerons au dossier « étroit ». Cf. la fée d'Argouges signalée par E. Le Roy Ladurie dans sa note bibliographique. On aura noté par ailleurs des échos et des transferts épisodiques. Henno aux grandes dents et Geoffroy à la grand dent, le château de l'Espervier en Dauphiné et celui de l'Épervier en Arménie, e t c .

page 592 note 1. Jean d'Arras a dû connaître les Otia Imperialia par la traduction qu'en a faite, au xrv° siècle, Jehan du Vignay, traducteur par ailleurs du Spéculum Naturale de Vincent de Beauvais. C'est la bibliothèque de Jean de Berry qui met à la disposition de Jean d'Arras ces « sources ». Mlle A. Du- Chesne vient de consacrer une thèse de l'École des Chartes (1971) aux traductions françaises médiévales des Otia Imperialia.

page 592 note 2. L'étude de la culture populaire ou de phénomènes ou d'oeuvres imprégnées de culture populaire met l'historien en contact avec un « temps historique » qui le déconcerte. Rythmes lents, flash backs, pertes et résurgences s'accordent mal avec le temps unilinéaire dans lequel il est à tout le plus accoutumé à discerner çà et là des « accélérations » ou des « retards ». Raison de plus pour se féliciter que l'élargissement du champ de l'histoire au folklore remette en cause ce temps insuffisant.

page 592 note 3. Sur les mirabilia napolitains et virgiliens, D. Comparetti, Vergilio nel Medio Evo, 2e éd. 1896, trad. angl. rééd. en 1966. Spargo, J. W., Virgil the Necromancer, Cambridge(Mass.), 1934.Google Scholar

page 592 note 4. Cf. plu' haut p. 589, note 3.

page 593 note 1. M. R. James, Préface à l'édition du De Nugis curialium de Walter (Gautier).

page 593 note 2. Map, p. XXII. Rappelons que l'existence d'une culture savante non écrite (bardes liés à des milieux « aristocratiques »?) complique le problème des cultures celtes, germaniques, etc. La distinction entre tradition orale et tradition populaire est une prudence élémentaire.

page 593 note 3. Otia Imperialia, éd. F. Liebrecht, p. 4.

page 593 note 4. Rappelons qu'une importante revue française de folklore, fondée par Henri Gaidoz et Eugène Rolland, qui a compris 11 volumes étalés irrégulièrement de 1877 à 1912, s'appelait Mélusine (Recueil de mythologie, littérature populaire, traditions et usages).

page 593 note 5. Van Gennep, A., Manuel de folklore français contemporain, t. IV, 1938, pp. 651652.Google Scholar Van Gennep fait précéder les titres de ce « chapeau » : « Les origines de ce thème folklorique bien caractérisé ne sont pas connues; Jehan d'Arras a sûrement puisé dans le fonds populaire; malgré sa littérarisation, le thème est resté populaire dans certaines régions, comme on peut le voir dans la monographie de Léo Desaivre, à laquelle j'ajoute des compléments folkloriques classés par ordre chronologique, sans tenir compte des travaux des médiévistes, qui sortent du cadre assigné à ce Manuel ».

page 594 note 1. Aarne, A. et Thompson, S., The Types of the Folktale. A Classification and Bibliography 2e révision, Helsinki, 1964 (FFC n° 184Google Scholar). Devant ce monument on est partagé entre l'admiration et la reconnaissance d'une part, les doutes en face des principes de classification de l'autre. Mme Marie Louise Tenèze a exprimé avec son autorité et sa courtoisie ses réserves à l'égard de cet autre monument qu'est le Motif-Index of Folk-Literature de Stith Thompson, 6 vol., Copenhague, 1955-1958 (M.-L. Tenèze, « Introduction à l'étude de la littérature orale : le conte », in Annales E.S.C., 1969, p. 1116, et « Du conte merveilleux comme genre », in Approches de nos traditions orales, G. P. Maisonneuve et Larose éd., Paris, 1970, p. 40). Il nous semble que ces réserves peuvent être étendues aux Types of the Folktale.

page 594 note 2. Renvoyons plus spécialement à la remarquable étude de M.-L. Tenèze citée à la note précédente.

page 594 note 3. De l'abondante littérature sur le problème des genres de la littérature « populaire », contentons- nous de citer : H. Bausinger, Formen der « Volkpoesie », Berlin, 1968 et spécialement Iii : Erzâhlformen. 2. Mârchen, 3. Sage, 4. Légende, pp. 154 sqq. Les auteurs allemands disent Melusineasa^ c.

page 595 note 1. J. et Grimm, W., Die deutschen Sagen, Préface du vol. I, éd. de Darmstadt, 1956, p. 7 Google Scholar, cité par Bausinger, H., op. cit., p. 170.Google Scholar

page 595 note 2. Cf. L. Hoffrichter, p. 68.

page 595 note 3. Heisig, K., « Uber den Ursprung der Melusinensage », in Fabula, 3, 1959, pp. 170181 CrossRefGoogle Scholar (p. 178 : Aix liegt etwa 30 km nordlich von Marseille; mon wird daher kaum fehlgeben, wenn mon annimmt, dass Kauffeute ans Marseille die atteste Fassung des Marchera aus Zypern in ihre Heimat mitgebracht haben werdenf).

page 596 note 1. L'étymologie de Mélusine est abordée par presque toutes les études. Plus spécialement Henri Godin, « Mélusine et la philologie », in Revue du Bas-Poitou, et Martin-Civat, P., Le très simple secret de Mélusine, Poitiers, 1969.Google Scholar

page 596 note 2. Cf. L. Hoffrichter et L. Desaivre, pp. 257 sqq.

page 596 note 3. Slownik Folkloru Polskiego, éd. J. Krzyzanowski, s.v. Meluzyna, pp. 226-227.

page 596 note 4. Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung (Kuhn éd.), vol. XVIII, 1869.

page 597 note 1. Cf. M.-L. Tenèze, « Du conte merveilleux comme genre », loc. cit., pp. 12-13,16-17.

page 597 note 2. Propp, V., Morphologie du conte, trad. fr., Paris, Gallimard, éd. 1970, pp. 46 sqq.Google Scholar, Le Seuil éd., 1970, pp. 36 sqq.

page 598 note 1. Sur tout ceci, outre l'oeuvre de Claude Lévi-Strauss (et notamment la série des Mythologiques) et l'ouvrage collectif dirigé par E. F. Leach cité dans la bibliographie, voir Communications, numéro spécial : « L'Analyse structurale du récit », n° 8, 1966 et M.-L. Tenèze, « Du conte merveilleux… », loc. cit., notamment « … vers la structure « logique » du genre » (pp. 20 sqq.).

page 598 note 2. Sur le héros, cf. notamment M.-L. Tenèze, loc. cit., p. 15, n. 7.

page 598 note 3. Sur cette évolution, Jan de Vries, Betrachtungen zum Mârchen besonders in seinem Verhâltnis zu Heldensage und Mythos (FFC n° 154), Helsinki, 1954. Cf. « Les contes populaires », in Diogène, n° 22, 1958, pp. 3-19. Toute l'oeuvre de DumÉzil, G. serait presque à citer à cet égard. Rappelons le dernier ouvrage, Du mythe au roman (La saga de Hadingus et autres essais), Paris, 1970.Google Scholar

page 599 note 1. I) Audivimus demones incubos et succubos, et concubitus eorum periculosos; heredes autem eorum aut sobolem felici fine beatam in antiquis historiis aut raro aut nunquam legimus, ut Alnoldi qui totam hereditatem suam Christo pro sanitate sua retribuit, et in eius obsequiis residuum vite peregrinus expendit (Gautier Map, conclusion de l'histoire d'Edric le Sauvage, De nugis curialium, 11,12, éd. M. W. James, p. 771.) Même explication de Gervais de Tilbury (Otia Imperialia, I, 15, avant l'histoire de Raymond du Château Rousset) qui rapproche le cas des femmes-serpents de celui des loupsgarous. De même Jean d'Arras, qui se réfère à Gervais de Tilbury. L'originalité de Jean d'Arras est d'identifier, en insistant, ces démons succubes avec les fées (importance dans son esprit et son oeuvre des sources populaires) et, d'autre part, de noter les trois tabous : « elles leur faisoient jurer, les uns qu'ilz ne les verroient jamais nues, les autres que le samedy n'enquerroient qu'elles seraient devenues, aucunes se elles avoient enfans, que leurs maris ne les verroient jamais en leur gésine » (éd. L. Stouff, p. 4). A quoi il ajoute, explicitant bien le mécanisme de prospérité lié au pacte : « Et tant qu'ilz leur tenoient leurs convenances, ils estoient regnans en grant audicion et prospérité. Et si tost qu'ilz défailloient ilz les perdoient et decheoient de tout leur bonheur petit a petit ». Déjà Geoffrey de Monmouth, dans VHistoria Regum Britanniae avait exposé les amours des humains et des démons (incubes et succubes) à propos de la naissance de Merlin (ici le couple est inversé : mortelle + démon incube).

page 600 note 1. Dans une oeuvre de jeunesse Georges DuméZil a abordé, à propos de Urvaçi, les thèmes mélusiniens en évoquant les hypothèses totémiques de Frazer et en renvoyant plus spécialement à l'étude de J. Kohler et aux travaux slaves, et surtout polonais : « La nymphe Urvaçi est la doyenne d'une corporation fort répandue dans le folklore : celle des femmes surnaturelles qui épousent un mortel sous une certaine condition et qui, le jour où le pacte est violé, disparaissent à jamais, laissant parfois au malheureux époux la consolation d'un fils, premier d'une lignée héroïque. En Europe ce thème de folklore est largement répandu, et les romans de Mélusine lui ont donné, en même temps que la consécration littéraire, une vitalité nouvelle : il fleurit des lemuziny jusqu'aux bords de la Vistule. Mais les Nègres, mais les Peaux-Rouges racontent des histoires semblables, et sir J.-G. Frazer a proposé l'hypothèse que ces contes sont un reste de mythologie totémique; chez lesOjibways en effet, et sur la Côte de l'Or, la forme des contes est solidement liée à l'organisation de la société en clans totémiques, et jusque dans notre folklore européen la nature mi-humaine mi-animale de l'héroïne (sinon du héros) a subsisté… Mais une origine si obscure et si lointaine est ici pour nous sans importance : ce qui nous importe, au contraire, ce sont les traits par lesquels l'histoire de Pururavas et d'Urvaçi se distingue du type ordinaire des contes mélusiniens… » (Le problème des Centaures, Paris, 1929, pp. 143-144.)

page 601 note 1. Exprimées notamment dans « Observations historiques et sociologiques sur la poésie des troubadours » in Cahiers de Civilisation médiévale Vii, 1964, repris dans Esprit und arkadische Freiheit. Aufsâtze aus der Welt der Romania, Francfort/Main, 1966.

page 601 note 2. Cf. la remarque de Claude Lévi-Strauss : « Le totémisme est d'abord la projection hors de notre univers, et comme par un exorcisme, d'attitudes mentales incompatibles avec l'exigence d'une discontinuité entre l'homme et la nature, que la pensée chrétienne tenait pour essentielle ». Le Totémisme aujourd'hui, 3° éd., Paris, 1969, p. 4). Sur l'antihumanisme qui s'oppose vigoureusement à l'humanisme chrétien roman et gothique (continuité entre l'homme et les règnes animal et végétal), cf. les dossiers iconographiques et les analyses stylistiques de Baltrusaitis, J., Le Moyen Age fantastique, Paris, 1955, et Réveils et Prodiges. Le gothique fantastique, Paris, 1960.Google Scholar La pierre de touche — la grande mise en cause de l'homme fait « ad imaginem Dei — c'est le loupgarou. Cf. Montague Summers, The Werewolf, Londres, 1933. Troublants aussi les cas du singe et de l'homme sauvage. Cf. Janson, H. W., Apes and Ape Lore in the Middle Ages and the Renaissance Londres, 1952.Google Scholar Bernheimer, Richard, Wild Men in the Middle Ages. A study in art, sentiment and demonology, Cambridge (Mass.), 1952.CrossRefGoogle Scholar Tinland, F., L'homme sauvage, Paris, 1968.Google Scholar

page 602 note 1. DuméZil, G. Mythe et Épopée, I, Paris, 1968, p. 10.Google Scholar

page 602 note 2. Jan de Vries, Les contes populaires, loc. cit., p. 13, cf. M.-L. Tenèze évoquant la Wunschr dichtung, la littérature de compensation selon Max Luthi, Du conte merveilleux…, loc. cit., pp. 26- 29.

page 603 note 1. Depuis la vieille et classique étude d'Alfred Maury, Les fées du Moyen Age, Paris, 1843, nouvelle éd. 1896), les fées médiévales n'ont pas beaucoup intéressé les historiens et elles n'apparaissent dans les travaux des folkloristes que sur des points particuliers. Cf. toutefois, Lewis, C. S., The discarded image. An introduction to Médiéval and Renaissance literature, ch. VI : « The Longaevi », Cambridge, 1964, pp. 122138.Google Scholar Lewis a noté, en particulier chez Gautier Map, la référence aux âmes des morts; mais tout son livre nous paraît vicié par une conception du Moyen Age comme époque « livresque » (cf. notamment p. 11) que nous croyons fausse parce que liée aux oeillères de la médiévistique traditionnelle et viciée par le recours au mythe de « l'homme du Moyen Age » (par exemple p. 10 : « médiéval man was not a dreamer nor a wanderer; he was an organise, a codifier, a builder of Systems, etc. ». Filii mortue, dit Gautier Map des enfants d'une pseudo-Mélusine évoquée juste avant la fée d'Henno (De nugis curialium, IV, 8, éd. M. R. James, p. 174). J. Kohler avait noté : es ist der Sagenstoffder sich um die Orpheussage schlingt, p. 31. A. Maury, de son côté, avait souligné que Mélusine, chez Jean d'Arras, « pousse des gémissements douloureux chaque fois que la mort vient enlever un Lusignan ».

page 603 note 2. Je tiens à remercier particulièrement M. Claude Gaignebet qui m'a procuré les numéros du Bulletin de la Société de Mythologie française où figurent des articles concernant Mélusine, et M. Jean- Michel Guilcher qui m'a signalé les miniatures du Ms Fr. 12575 de la B.N. (le plus ancien manuscrit du Roman de Mélusine de Couldrette, xve siècle) dont certaines illustrent cet article.

page 604 note 1. Cette partie de notre exposé s'intéresse exclusivement aux traces indubitables (indirectement connues par témoignage) qu'a laissées Mélusine dans la culture non-écrite de l'époque « moderne ». Mais la serpente occupe aussi une place importante (et qui mériterait une étude particulière) dans la production de livres qu'on associe à la Bibliothèque bleue de Troyes : voir à ce propos, la bibliographie de Léo Desaivre, dans Le Mythe de la Mère Lusine, Saint-Maixent, 1883, pp. 249-252. Cf. aussi, dans le registre de « l'écrit », la médiocre Mélusine de Nodot, 1698.

page 604 note 2. Nous avons utilisé l'édition qu'en a donnée Pierre Jourda (Conteurs français du Xvie siècle, Bibl. de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1965; notamment p. XXIII, et pp. 620-621).

page 605 note 1. Sur « cuir d'Anette », voir effectivement la version bretonne (et orale), intitulée elle aussi Peau d'Anette, dans Sébillot, Littérature orale de Haute-Bretagne, pp. 73-78, cité par Delarue, P. et Tenèze, M.-L., Le Conte populaire français, Paris, Maisonneuve et Larose, vol. II, p. 264.Google Scholar

page 605 note 2. Aarne, A., traduit et augmenté par Thompson, S., The types of the folktale, Helsinki, 1961, pp. 2122.Google Scholar Au début du xviie siècle également, Mélusine et le Roman de Renart font partie du répertoire des contes de nourrices racontés aux petits enfants (Ph. Aries, L'enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime, Paris, 1960, p. 59).

page 605 note 3. Aarne et Thompson, ibid.

page 606 note 1. N. Du Fail, Contes et discours d'Eutrapel (au chapitre 33, intitulé « De la Moquerie »), p. 483 de l'édition Natoire, Anvers, 1587.

page 606 note 2. « Les reliques de saint Rigomer étaient conservées à Maillezais et fort révérées en Poitou » (Rabelais, Œuvres complètes, éd. Pléiade, N.R.F., Paris, 1951, p. 666; note 1, établie par J. Boulenger). Il est à noter qu'à l'abbaye de Maillezais précisément, était « enterré » Geoffroy à la grande dent, « fils » de Mélusine.

page 606 note 3. Rabelais, Quart livre, chap. 38. L'allusion finale à la Bretagne (voir, à propos des danses mises en cause, Guilcher, La tradition populaire de danse en Basse-Bretagne, Paris, 1963), est intéressante dans la mesure où les textes de Du Fail et d'Etienne de Lusignan indiquent, pour les xve- xvie; siècles, une extension de l'influence de Mélusine jusqu'en Bretagne (Etienne de Cypre de Lusignan, Les généalogies de 67 très nobles et très illustres maisons…, Paris, 1586, p. 49).

page 606 note 4. Pantagruel, chap. 30.

page 606 note 5. Si intéressant qu'il puisse paraître au premier abord, le lien de Mélusine avec la cuisine dérive peut-être tout simplement d'une rime trop tentante. Voir aussi à ce propos Corneille, Le Menteur, Acte 1, scène 6. « Urgande et Mélusine n'ont jamais sur le champ mieux fourni leur cuisine ».

Il reste néanmoins que les repas miraculeusement abondants et servis caractérisent en effet les noces de Mélusine (Mélusine par Jean D'Arras, édition de Ch. Brunet, Paris, 1854, p. 62); et que, en Poitou au moins, Mélusine est comestible, ayant donné son nom et ses formes à un gâteau local (Nodot, Mélusine, 1698, p. 13 de l'éd. Favre; cf. aussi M. de LA LiborliÈRE, dans «Gâteaux d'une forme particulière », Bull, de la Soc. des Antiq. de l'Ouest, 1840, et L. Favre, Glossaire du Poitou, éd. 1867, p. 225). Sur le nom de ce gâteau, et son lien plausible avec les dons de fertilité frumentaire de la fée, voir infra, page suiv., note 3.

page 607 note 1. Œuvres complètes de Brantôme, éd. 1869 par L. Lalanne, tome V, Grands capitaines français, p. 19.

page 607 note 2. Sur les dons de métaux précieux et de pierres précieuses, dont Melusine en effet n'est jamais avare, cf. l'édition du roman de Jean d'Arras déjà citée, de 1854, pp. 41, 124 et 357.

page 607 note 3. Ce nom, mal orthographié par Perrault, est à rapprocher des Coiraults et Koirots (noms locaux des gâteaux Merlusins, d'après de LA LiborliÈRE, dans Bull, de la Soc. des Antiq. de l Ouest, 1840).

page 608 note 1. M. Mazet, « Mémoire sur la Mellusine du Poitou », Athénée de Poitiers, 8e séance publique du II fruct. an XII, Poitiers, Catineau, an XII, 1804, pp. 42-54.

page 609 note 1. Son texte est reproduit par B. Fillon et O. de Rochebrune, Poitou et Vendée, Fontenay-le- Comte, 1861, pp. 27-28.

page 609 note 2. Sur les liens de Mélusine avec la maison des Chabot, voir Mazet, op. cit., 1804, p. 49.

page 609 note 3. « La grand dent », autrement dit Geoffroy à la grande dent.

page 609 note 4. D'après Fillon, op. cit., p. 27, saint Louis lutta effectivement contre Geoffroy de Lusignan, qu'il assiégea dans Vouvent en 1242.

page 609 note 5. « Pour y mettre sans tarder toute la bande qu'elle traînait derrière elle ».

page 610 note 1. Aujourd'hui la ferme de la Funerie, commune de Jazeneuil. Le changement de l'm en n est fréquent dans le patois poitevin : sener (semer), gerner (germer). (Note de L. Desaivre, op. cit., p. 154).

page 610 note 2. Il conviendrait d'y ajouter les nombreux témoignages oraux, qui circulaient dans les campagnes poitevines au xixe siècle, et qu'a recueillis et rassemblés, directement ou par intermédiaire, Léo Desaivre, op. cit. : tardifs, et publiés sous une forme ultra-condensée, ces témoignages insistent essentiellement sur les fonctions bâtisseuses de la fée.

page 610 note 3. Babinet, Jérémie, Mélusine, Poitiers, 1850, p. 50.Google Scholar

page 610 note 4. Sur la présence de serpents dans les cultes folkloriques ou pré-chrétiens de Savoie et de Dauphiné, voir Christillin, Louis, Mémoires historiques sur la vallée d'Aoste, vol. 1, 1884, Aoste, p. 149.Google Scholar

page 610 note 5. Chorier, N., Histoire généalogique de la maison de Sassenage, Grenoble, 1669, pp. 1020.Google Scholar

page 611 note 1. de Boissieu, Denis Salvaing, Septem miracula Delphinatus, Grenoble, 1656, pp. 99106 Google Scholar (Melusina, sive Tinae Sassenagiae). Sur les méthodes de prévision des récoltes par le niveau de l'eau à la veille des Rois, ou par la qualité du brouillard, au sein notamment d'une source, d'une caverne ou d'une anfractuosité quelconque, cf. la revue Mélusine, I, 1884 (à propos du village de Neuville- Chant-d'Oisel); voir aussi le rapport de l'abbé Boisot dans Journal des Savants, 1686, sur la Froidière- de-Chaux (Jura).

page 612 note 1. Jean D'Arras, op. cit., éd. 1854, p. 74 et pp. 116-118 (d'après l'âge des aînés, p. 118; et d'après les intervalles intergénésiques des puînés, pp. 116-117. A ces huit enfants s'ajouteront plus tard les deux derniers, Remonnet et Thierry).

page 612 note 2. Goubert, P., in Braudel, F. et Labrousse, E., Histoire économique et sociale de la France, Paris, 1970, p. 32.Google Scholar

page 612 note 3. P. Chaunu, l'Europe classique.

page 613 note 1. L. Desaivre, op. cit.

page 613 note 2. Cependant Couldrette (publié par F. Michel, Mellusine, poème… composé à la fin du Moyen Age, éd. de Niort chez Robin et Favre, 1854, p. 182) note (ce que ne fait pas Jean d'Arras) que Mélusine, avant de s'envoler pour toujours, déclare à propos de son fils l'horrible, qui doit être tué pour que survive le Poitou :

« Entens Raimon : ton fils orrible fay mourrir… s'il vit jamais ne faudra guerre, En tout le pays poitevin; et n'y croistra ne pain ne vin … Tant que rien croistre ne pourroit »

Ce texte capital donne deux indications : a) Mélusine se préoccupe effectivement dès le xve siècle, et sans doute bien avant, des problèmes de fertilité agricole; elle s'intéresse en particulier, tout comme elle le fera plus tard à Sassenage, aux vins et aux blés, b) Si l'on se fie à ces quelques vers, Couldrette n'apparaît pas seulement comme un plat compilateur de Jean d'Arras; il est aussi « branché » bel et bien, comme le suggère supra J. Le Goff, sur des versions antérieures et fort pertinentes du mythe, dont Jean d'Arras, pour une fois mal inspiré, avait omis, lui, certains détails importants.

page 613 note 3. Cf. supra les textes tirés de Cl. Perrault, de N. Chorier et, plus tardivement, de Biaille-Germont.

page 613 note 4. Sur la diffusion du haricot, mojette ou mongette, voir Le Roy Ladurie, E., Les Paysans de Languedoc, Paris, 1966, vol. I, pp. 7172.CrossRefGoogle Scholar

page 614 note 1. Infra, conclusion de cet article.

page 614 note 2. Éd. 1854, p. 65.

page 614 note 3. Voir à ce propos un texte écrit sous Louis XIII, et qui est reproduit dans Lenglet-Dufresnoy, Recueil de dissertations anciennes et nouvelles sur les apparitions, les visions et les songes, Avignon, 1752, tome I, 2e partie, p. 127.

page 614 note 4. de Certeau, M., Les possédées de Loudun, Paris, 1970.Google Scholar

page 614 note 5. Cf. aussi pour le Poitou le témoignage de Dom Mazet, supra.

page 614 note 6. Desatvre, op. cit., p. 153-156.

page 615 note 1. Jérémie Babinet, Mélusine, Poitiers, 1850, pp. 55-59 (traduction infidèle). Et surtout, Anzeiger fur Kunde des deutschen Mittelalters, publié par Auffess et Mone, 1834, 3e année, pp. 87-91 (texte original recueilli directement « de la bouche des conteurs populaires », par un érudit badois du début du xixe siècle).

page 615 note 2. L'histoire de Sebald se rattache expressément au cycle de Peter von Staufenberg dont les plus anciennes versions sont attestées au commencement du XIVe siècle (Lü;tz Rôhrich, Erzāhlungen des spāten Mittelalters und ihr Weiterleben in Litcratur und Volksdichtung, vol. I, Francke, Berne, 1962, p. 243-244).

page 616 note 1. Prieuret, Ch., « Histoire de la grosse communauté chez Jault (1580-1847) », Bull, de la Soc. nivernaise des lettres, sciences, et arts, tome 28, 1929 (paru en 1930), pp. 333386.Google Scholar

page 621 note 1. Nous n'avons pas traité cependant de la Vouivre du Jura : sa personnalité originale nous aurait emmenés beaucoup trop loin des limites strictes de notre sujet.

page 621 note 2. Cf. aussi, non cité dans cet excellent travail de Moricet, M., C. de Cadc de Saintamour, Vieux manoirs et gentilshommes bas-normands, Caen, s. d. (vers 1920), p. 2730.Google Scholar