Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
La dissymétrie des échanges commerciaux entre la Chine et l'Europe au cours de la période des compagnies de commerce à charte (XVIIe siècle-première moitié du XIXe siècle) a été généralement interprétée comme une conséquence du caractère autarcique de l'économie chinoise pré-moderne. Possédant, sur le vaste territoire qu'ils contrôlaient, tous les produits et marchandises dont ils avaient besoin, les Chinois n'auraient rien trouvé en Europe qui puisse être échangé contre leurs propres exportations. Inversement, c'est parce qu'elles ne parvenaient pas à financer leurs achats de marchandises chinoises — soie, soieries, porcelaines et surtout, à partir du XVIIIe siècle, thé — par la vente de marchandises européennes que les compagnies à charte furent contraintes de solder une balance commerciale constamment déficitaire par des envois d'argent.
The dissymetry of Sino-European trade in the 17th and 18th centuries is familiar to historians, who generally interpret this as resulting from the impact of a dynamic economy (Europe) on a static world (China). Analysis of the monetary mechanisms prevalent in China suggest an alternative interpretation. China 's conversion to silver in the course of the 15th and 16th centuries led to the institution of a silver/ bronze sapek bimetallism which obliged the authorities to intervene constantly to maintain the internal exchange rate. China was to a large extent dependent on external trade for its metal currency supplies, and followed a mercantilist policy in fact if not in name. Examination of priceseries points to a combination of measures designed to stimulate production, or the import, alternately of silver and copper in response to the international economic situation, in which 17th century Japanese growth may well have played a key role, hitherto underestimated by Western historiography.
Texte d'une communication présentée au Deuxième Colloque historique franco-néerlandais, « Histoire et sous-développement » (Leyde, 11-13 octobre 1978).
1. Cf. en particulier les essais réunis dans son « Recueil d'études d'histoire économiquechinoise » (en chinois), 2 vols, Hong Kong, 1972 ; Han-Sheng, Ch'Uan et Kraus, Richard, Mid-Ch ‘ing rice markels and Irade, an essay in price history, Cambridge, Mass., 1975.CrossRefGoogle Scholar
2. P'Eng Hsin-Wei, « Histoire de la monnaie en Chine »(en chinois), Shanghai, 1958 ; et Lien-sheng, Yang, Money and crédit in China, a short history, Cambridge, Mass., 1952.Google Scholar
3. Cf. Economie dialogues in Ancient China. Sélections from the Kuan-tzu, 1954. Le Kuan-tzu présente le plus ancien exposé de la théorie quantitative chinoise de la monnaie, la théorie du « léger »et du « lourd ».
4. Voir sur ce sujet notre étude : « Sapèques et tissus à l'époque des T'ang (618-906), remarquessur la circulation monétaire dans la Chine médiévale », Journal of the Economie and Social History of the Orient, XIX, 3, 1975, pp. 323-344.
5. Ces contrastes ont été étudiés en particulier dans l'ouvrage de CH'UAN et Kraus cité plus haut.La côte chinoise semble constituer une zone de hauts prix par rapport aux provinces de l'intérieur.Une autre étude de Ch'uan Han-sheng a montré que la frontière septentrionale constituait déjà sousles Ming une région de hauts prix en raison, semble-t-il, des masses d'argent injectées parl'intermédiaire de l'intendance militaire.
6. Voir, à ce propos, Kobata Atsushi, « The circulation of silver in the Far East during the 16thand 17th centuries », communication présentée au XIIIe Congrès International des SciencesHistoriques (Moscou, 16-23 août 1970) et Paul Akamatsu, «La monnaie métallique sous lesTokugawa, les essais de réforme monétaire au Japon au XVIIIe siècle », Journal Asiatique, 1972,pp. 319-380.
7. Sur les conditions de l'exploitation minière en Chine, voir Eberstein, Bernd, Bergbau und Bergarbeiter zur Ming-Zeit, Hambourg, 1974.Google Scholar
8. Au terme d'une série de dévaluations, la proportion d'argent dans l'alliage constituant lespièces émises par le gouvernement central passe de 80 % à environ 20 % en 1711. Cependant, le faitque la hausse des prix n'enregistre pas automatiquement les contrecoups des dévaluations laissesupposer que ce n'est pas la plus « mauvaise » monnaie qui fait prime.
9. Dermigny, Louis, Le commerce à Canton au Xviiie siècle, Paris, Sevpen, 1964 Google Scholar, 4 vols.