Le régime alimentaire et les salaires des marins sont des points de repère utiles dans l'histoire des conditions économiques d'existence . Ils font partie des quelques critères exprimés en termes numériques dans les informations concernant les travailleurs salariés. De plus, ils constituent un modèle approximativement international, modèle qui, après enquête, se révélera peut-être comme relativement stable.

Les chiffres les plus anciens que je connaisse concernant les rations des marins sont ceux rapportés par Marino Sanuto l'Ancien, appelé Torsello. Vers 1320, il rédigea un projet exhaustif de croisade contre l'Egypte et ce plan rationnel, extraordinairement complet, contient, entre autres, une estimation des provisions nécessaires à la flotte. Celles-ci, à ce que nous dit Sanuto lui-même, ont été calculées en fonction des rations distribuées sur les galères vénitiennes à l'époque. Le tableau cidessous indique ces rations quotidiennes et leur valeur nutritive.

Heureusement publié en français par l'Institut des Hautes Études d'Amérique latine, cet « essai de sociologie coloniale », du professeur Alvaro Jara, est un essai rétrospectif, c'est-à-dire une belle oeuvre d'histoire.

Au Chili (cas particulier d'ailleurs) la guerre est, au XVIe siècle, « la grande donnée permanente ». La société coloniale y dépend non seulement des conditions de la production (minière, agricole) mais aussi de réalités guerrières, elles-mêmes en évolution rapide. Établir ces rapports entre guerre, économie et société, tel est le grand sujet abordé, et dominé, par Alvaro Jara.

Assurément, la rencontre n'est pas fortuite qui rassemble sur notre table deux ouvrages à la fois aussi différents que possible et pourtant unis par ce trait commun : de témoigner, chacun à sa manière, de l'intérêt porté par l'Italie à l'histoire américaine et, dans celle-ci, à l'idée-force qui la nourrit, le thème de la « frontière ». L'un est la traduction, publiée dans une nouvelle Collezione di Storia americana à laquelle on souhaite longue vie, de ce classique entre tous qu'est l’Oregon Trail de Francis Parkman 1. Livre très agréablement présenté, à l'illustration bien choisie, dont on peut simplement regretter que l'annotation, rejetée in fine ne soit pas plus abondante, et, d'autre part, qu'au lieu de se contenter de reproduire les préfaces des éditions de 1872 et 1892, les éditeurs ne l'aient pas pourvu d'une solide introduction situant Parkman et son oeuvre ; du moins faut-il relever le dessein qu'ils annoncent dans un bref et vigoureux avant-propos : plus que combler une lacune, affirmer que l'histoire américaine — dont la connaissance est, disent-ils, trop peu répandue et trop peu approfondie en Italie — fait partie intégrante de notre civilisation, l'Amérique étant la « frontière » de l'Europe.

Au cours de ces dernières années un grand nombre de travaux ont été consacrés à cette Allemagne libérale de la première moitié du XIXe siècle, que l'on appelle souvent l'Allemagne du Vormärz. Cependant, quels que soient la valeur et l'intérêt des travaux récents, nous voudrions rappeler tout d'abord l'importance considérable de la Deutsche Geschichte im 19. Jahrhundert du grand historien allemand Franz Schnabel1. La première édition de l'ouvrage remonte à 1932-1936 ; aujourd'hui nous en sommes à la troisième. A juste titre, la Revue Historique lui avait consacré à deux reprises, sous la signature de M. Benaerts, un compte rendu élogieux. Aussi bien, au moment où cette période de l'histoire d'Allemagne fait l'objet de recherches nouvelles, il convient de revenir à ce livre et d'en feuilleter attentivement les pages.

Il est très difficile pour un historien de lire l'ouvrage d'un philosophe, surtout lorsque celui-ci prend pour objet de sa réflexion l'Histoire. Ne parlons pas de la langue : la science historique en France doit à Michelet et à quelques autres la tradition d'être liée de fort près à la littérature, et la conséquence directe en est que le langage historique y est généralement clair et aisément accessible. Tel n'est pas, hélas, le fait des philosophes, et le livre de F. Châtelet exige d'abord du lecteur un effort constant de... traduction qui fait perdre de vue parfois le fil du raisonnement. Mais il y a plus : en cherchant à déterminer les conditions de la « Naissance de l'Histoire » l'auteur ne pouvait pas ne pas être amené à en faire, et donc à aborder des problèmes proprement historiques. Et parce que ces problèmes historiques ne constituaient pas l'objet premier de sa démarche, il ne pouvait les aborder que par le biais, et de façon souvent contestable.

Cet ouvrage est un événement. Un groupe d'Universitaires belges (le C.R.I.S.P.) « assistés de conseillers syndicaux, politiques et autres » — dont, disons-le afin de voir clair, aucun « conseiller » ne se réclamant du marxisme — entame une enquête du plus haut intérêt, et de la plus belle venue, sur les structures présentes du capitalisme belge. Le C.R.I.S.P. déclare lui-même avoir une double fonction « de recherche positive, d'information et de formation politiques sur les phénomènes socio-politiques ». Son but : « Démonter et analyser les rouages de la vie publique belge et congolaise, et saisir la vie sociale dans son mouvement réel ». Mais puisque « la formation politique » double l'information, l'enquête aboutit fatalement à des conclusions, c'est-à-dire à des jugements sur la situation de crise de l'économie belge, et sur les causes de cette crise.

L'esthétique musicale n'est pas riche en ouvrages scientifiques d'expression française. Il serait exagéré de dire qu'en voici un, car on y trouvera constamment mêlés des exposés clairs de faits objectivement vérifiés et des interprétations personnelles souvent obscures et fragiles. Certains chapitres rappellent seulement le minimum de ce qu'il faut savoir des sons, des intervalles musicaux et de leurs rapports, de l'évolution de la musique occidentale, etc. Les cent pages consacrées à la musique contemporaine, de Debussy à Boulez, sont pénétrantes, et même si l'auteur donne le dernier mot à ses préférences et conclut sur un refus, il analyse toujours les oeuvres avec rigueur.

Du 16 au 24 juin 1962, s'est tenue à Aspen (Colorado) une conférence sur le climat des XIe et XVIe siècles. Elle était organisée par divers groupements scientifiques des États-Unis, qui cherchent à résoudre le problème des fluctuations climatiques récentes. Les organisateurs avaient choisi de concentrer la discussion sur deux siècles déterminés : ceci afin de permettre une véritable confrontation collective des séries et des diagrammes apportés par les participants. Les deux siècles n'étaient pas choisis au hasard : on les considère en général comme de véritables phases de transition, préludant à une légère fluctuation du climat, telle qu'on la constate, probablement au Groenland à partir de 1300, certainement dans les Alpes à partir de 1595-1600 (d'après l'histoire glaciaire).

Nous ne disposions, jusqu'à présent, sur l'histoire bancaire de la France durant la seconde moitié du XIXe siècle, que d'ouvrages très généraux et fort « extérieurs » ; ils nous laissaient dans l'ignorance à peu près totale des vrais et grands problèmes. Cette regrettable lacune, imputable plus à l'hermétisme des archives financières et à l'exclusivisme de leurs détenteurs qu'au manque d'ardeur des historiens, vient d'être comblée en partie par l'admirable ouvrage que Jean Bouvier nous offre, sur les débuts d'une grande Banque, et quelle grande banque ! le Crédit Lyonnais, qui, grâce à l'intelligence et à la ténacité de ce puissant homme d'affaires que fut Henri Germain, passe du rang honorable, mais modeste, de banque régionale, au premier rang des banques françaises, en attendant de s'élever au premier rang des banques mondiales. En 1900, des documents récents nous l'ont prouvé, le Crédit Lyonnais est, par son chiffre d'affaires, le premier institut bancaire de la planète. En 1882, date à laquelle M. Jean Bouvier met un terme à son étude, la voie est déjà largement tracée vers la grandeur.

En 1565, Edward Baeske accepta d'approvisionner la marine de la reine Elisabeth à raison de 5 d. (5 pence) par marin et par jour. Les rations qu'il devait fournir permettent une intéressante comparaison avec les chiffres donnés par Hamilton pour les marins anglais, et par Alvaro Castillo pour les galériens espagnols. Rapportées intégralement par Oppenheim, elles se présentent comme suit.

J'aime et j'admire la thèse alerte de Pierre Goubert, sa robustesse, sa réussite technique, sa langue drue que Pierre Chaunu, dans son enthousiasme, compare à la prose de Michelet. Elle peut se présenter comme le chef-d'œuvre digne des anciennes maîtrises : toutes les règles du métier sont respectées, la documentation massive est allègrement soulevée à bout de bras et le plan choisi si naturel, que le texte coule de source. Le livre se lit avec beaucoup de plaisir. Pourquoi faut-il qu'il ait été écrit à propos du Beauvaisis ?

Le XVIIe siècle, en France, s'avère un siècle déshérité, assurément mal prospecté, surfait peut-être, ou même calomnié. Voici, arraché d'un seul coup, puis accessible à notre curiosité, un échantillon authentique de ce siècle perdu.

Le mot « modèle » est à la mode dans les sciences de l'Homme ; introduit dans le langage des économistes, il y a quelques décennies, sans doute par les statisticiens, il est maintenant d'usage courant chez les psychologues expérimentaux, comme en témoignent de nombreux titres d'ouvrages publiés depuis dix ans : Scholastic Models for learning (R. Bush et F. Mosteller, 1955), Mathematical Models of human behavior (M. M. Flood, 1955), Models of Man : social and rational (H. A. Solomon, 1957), etc.. Et déjà, des sociologues, voire des historiens, se mettent à l'employer.

Un employé supérieur de la Banque d'Angleterre, entré chez la « Vieille Dame » en 1886, a dicté ses souvenirs à la fin de sa vie : ce petit livre foisonne naturellement d'anecdotes pittoresques sur les moeurs d'autrefois (les budgets publiés sont malheureusement théoriques), ou sur les grands personnages de la Cité (p. 166, une photographie remarquable du « tyran » Lord Norman), mais y chercherait-on une contribution à l'enquête ouverte par Lucien Febvre sur la taille et les tailles ? Voici pourtant sept pages documentées, éclairées de croquis (fig. i), sinon tout à fait neuves, que nous nous devions de signaler et de commenter.