En essayant d'esquisser une histoire des « pauvres » au bas Moyen Age et de son évolution, je me rends compte des écueils qui doivent se dresser et se dresseront sur ma route, du caractère provisoire aussi de la présente tentative. Cependant, si je me suis décidé à persévérer, c'est au moins pour deux raisons. En premier lieu, alors que les historiens examinent avec minutie l'histoire économique du bas Moyen Age et prêtent une très vive attention aux faits politiques, à la doctrine même de l'Etat et aux changements survenus dans la structure de ce même Etat, en contre-partie, il n'est paru aucun travail d'importance sur l'évolution sociale et notamment sur celle des groupes sociaux inférieurs.

Le degré d'expansion respective de l'obrok et de la barščina a une importance énorme dans l'histoire du servage en Russie » écrivait V. I. Semevskij en 1882. Rien n'a, depuis, restreint la portée de cette affirmation, postulat fondamental de toute recherche sur le régime agraire en Russie avant 1861. Redevances en espèces (obrok), en travail (barščina) ou en nature : chacune de ces formes implique un type différent de domaine, et exerce une influence sur la structure de la communauté rurale et les principaux aspects de son activité sociale, sur l'organisation et l'administration de la propriété, sur le degré de dépendance des serfs et la nature de leurs occupations.

En effet, la répartition géographique de l'obrok et de la barščina et leur évolution sont deux aspects essentiels du problème des redevances, étroitement lié à la question, longuement débattue et toujours actuelle, des voies du développement économique et social de la Russie.

On n'a pas fini de réfléchir aux rapports du socialisme et de la religion. L'actualité du problème en tout cas n'est pas douteuse, à s'en tenir aux seuls échos suscités par la récente publication d'un texte inédit de Jaurès sous le titre La Question religieuse et le socialisme. Espoirs ou inquiétudes ? Surprise… Elle est venue de la formation matérialiste attribuée à juste titre à la grande majorité des socialistes français de la fin du xixe siècle, de l'aura laïque à laquelle Jaurès doit pour une large part son rayonnement dans les milieux enseignants, enfin des hypothèses sur la date à laquelle fut composée cette méditation d'une vingtaine de pages. Nous pensons toutefois qu'il faut aller plus loin : les réflexions de Jaurès posent un problème de génération.

Cette carte a pour source un seul document : La Guide des Chemins de France de Charles Estienne (1552), utilisé dans l'édition commentée de Jean Bonnerot qui comprend, outre le texte original de Ch. Estienne, trois cartes du xviie siècle, en particulier celle de J. Boisseau (1645) « qui a scrupuleusement, jusque dans les erreurs de noms, recopié les itinéraires de Ch. Estienne », et un commentaire des itinéraires en fonction des routes actuelles, fondé sur des documents d'archives et des sources historiques diverses.

Dans un récent article des Annales, M. Robert Mandrou a présenté les résultats des derniers travaux sur l'émigration des « Français hors de France », en particulier sur les départs de La Rochelle vers les Antilles et le Canada, entre 1634 et 1715. Il y retrace, d'après les recherches minutieuses de M. Gabriel Debien, la courbe de cet exode colonial et cherche à interpréter ses alternances par le contexte général de l'histoire française. Nous voudrions apporter à cette étude un complément d'explication à partir de l'histoire rochelaise. On pouvait supposer a priori que ces départs n'étaient pas tout à fait étrangers à l'évolution de la ville ; les archives locales permettent de les situer dans les mouvements de population qui ont, au cours du siècle, transformé la physionomie de la cité.

L'Affaire Dreyfus, comme l'Amédée d'Ionesco, est un cadavre qui pousse. Du moins pourrait-on le croire. Comment s'en débarrasser? C'est la question que bien des livres qui en traitent semblent se poser ; et de conclure qu'il n'y a pas d'Affaire Dreyfus. Mais bientôt un nouveau livre paraîtra pour enterrer à nouveau un mort si terriblement vivace.

Deux petits ouvrages publiés en 1960 font preuve d'un louable désir de présenter le sujet sous un jour nouveau, tous deux destinés d'ailleurs au grand public ; le compte rendu en serait donc rapide, s'ils ne posaient l'un et l'autre, quelques problèmes importants qui débordent leur propos.

Tous les documents des Archives de Dubrovnik (Raguse) peuvent être répartis en quatre grands groupes d'après leur contenu. Le premier comprend tous les documents qui se rapportent à la politique intérieure et aux relations internationales de Raguse : Registres des trois conseils de la commune, ou plutôt de la République — du Grand conseil, du Petit conseil et du Consilium rogatorum—, puis la correspondance que le gouvernement recevait de son territoire et de l'étranger, et celle qu'il expédiait.

Le deuxième groupe est formé des documents qui se rapportent aux affaires financières de la République : livres de la caisse publique, de la douane, de la Monnaie, des salines, de l'alimentation, des travaux publics, de l'armement et du service de garde, de taxes portuaires, de navigation, etc…, ainsi que les livres de comptes de commerçants privés.

Cet article est entièrement écrit dans les marges de deux livres, deux grands livres : Dutck in Brazil (1624-1654) de Charles Ralph Boxer, qui a déjà trois ans, et le Portugal et l'Atlantique au XVIIe siècle de Frédéric Mauro, qui vient de paraître.

Dans Dutch in Brazil, la critique unanime a salué l'ouvrage d'un très grand historien, rendant hommage à ses qualités de sérieux, de sérénité, de finesse, de pénétration psychologique, d'instinctive élégance, toutes qualités qui marquent l'oeuvre entière du plus grand lusitanisant et d'un des plus grands orientalistes — faut-il ajouter d'un des plus parfaits « honnêtes hommes » de notre temps ? Mais a-t-on bien vu, a-t-on écrit suffisamment ce que ce livre apporte de neuf, de constructif, de décisif pour une meilleure compréhension du Brésil, voire de l'Atlantique et de l'Europe ?

Le rôle des Juifs, et tout particulièrement celui des Marranes de la péninsule ibérique, dans le développement du commerce international et des techniques capitalistes, pour appréciable qu'il ait été, a fait l'objet de surestimations parfois déconcertantes. L'usage même de la langue y a contribué : combien d'auteurs anciens, ont accolé indistinctement l'étiquette de ce Juifs » ou de « Marranes » à tous les manieurs d'argent, et parfois même à tous les marchands ! Sur la foi de tels écrits, maints savants succombèrent à la tentation d'attribuer aux Juifs un rôle prédominant dans le développement du capitalisme en son ensemble ; il n'est que de songer à Sombart. De nos jours, et sans doute par réaction, une tendance à minimiser systématiquement la contribution des Juifs se manifeste chez certains historiens contemporains. C'est pourquoi il faut savoir beaucoup de gré à M. Hermann Kelleubenz d'avoir reconstitué, avec une parfaite précision, la physionomie de l'importante colonie sépharade de Hambourg, et son rôle dans la vie d'affaires de la ville.

S'il est une décision politique qui passe pour avoir eu des conséquences économiques graves, c'est bien la révocation de l'édit de Nantes ; des discriminations qui semblent effectives, pendant près d'un siècle, ce sont bien celles qui frappent, dès lors, les « mauvais catholiques ». L'événement a une portée internationale depuis longtemps reconnue. Il marque la conscience européenne et la figure « légendaire » de Louis XIV. Il crée, selon H. Liithy, « cette internationale huguenote d'où est sorti, avec bien d'autres choses, le réseau universel de la banque protestante » ; « Colbert, écrit encore l'économiste suédois J. Åkerman, avait établi un système capitaliste que les huguenots propagèrent dans tous les pays civilisés ». Il est donc bien naturel que les historiens des pays de Refuge restent aujourd'hui très attentifs à ces questions. De Hollande et d'Amérique des thèses nous parviennent qui remettent en balance certains aspects de cette crise.

Dans l'élaboration d'une histoire économique et sociale « nouvelle », telle qu'elle s'édifie depuis plus de trente ans, l'école italienne joue actuellement un rôle, chaque jour plus important, et nous voyons s'élever, dans les Universités du pays voisin et ami, une pléiade de brillants chercheurs, dont les travaux renouvellent à peu près totalement notre connaissance de l'évolution péninsulaire.

A ce groupe novateur appartient incontestablement Guido Quazza, qui, de Turin, s'est entièrement voué à l'histoire du Piémont aux xviiie et xixe siècles, d'un Piémont qui, dès avant les jours glorieux de 1848 et de 1859, s'est posé en puissance moderne et avancée.

Depuis plus de dix ans M. Michel Phlipponneau s'est affirmé comme l'un des plus qualifiés et des plus ardents zélateurs de la géographie appliquée. Cela lui a attiré plus d'une rebuffade, plus d'une déconvenue. Il y a répondu de la meilleure manière : par le succès. Ses études bretonnes se multipliant, des organismes officiels, para-officiels et privés se sont adressés à lui et à ses élèves rennais pour entreprendre des enquêtes, certes géographiques, mais conduisant à des conclusions pratiques. Sans doute Phlipponneau n'a-t-il été ni le premier, ni le seul géographe français à prôner un modernisme géographique que notre Eglise n'a pas toujours goûté, mais bien peu y ont apporté autant de combativité. Tant de foi, peut-être aussi trop de sensibilité aux critiques et aux méfiances, l'ont amené à publier chez Armand Colin une sorte de manifeste de la géographie appliquée, mais un manifeste qui tournerait parfois moins heureusement à la Catilinade.