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Au bas Moyen Age : Pauvres des villes et pauvres des campagnes

Published online by Cambridge University Press:  11 October 2017

František Graus*
Affiliation:
Université de Prague

Extract

En essayant d'esquisser une histoire des « pauvres » au bas Moyen Age et de son évolution, je me rends compte des écueils qui doivent se dresser et se dresseront sur ma route, du caractère provisoire aussi de la présente tentative. Cependant, si je me suis décidé à persévérer, c'est au moins pour deux raisons. En premier lieu, alors que les historiens examinent avec minutie l'histoire économique du bas Moyen Age et prêtent une très vive attention aux faits politiques, à la doctrine même de l'Etat et aux changements survenus dans la structure de ce même Etat, en contre-partie, il n'est paru aucun travail d'importance sur l'évolution sociale et notamment sur celle des groupes sociaux inférieurs.

Type
Études
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1961

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References

page 1053 note 1. Voir un très bon aperçu d'ensemble dans Mollat, M., tt\ Johansen, Postan, M., Sapori, A., Ch. Verlinden, , L'Economie européenne aux deux derniers siècles du Moyen Age, X e Congrès International de Sciences Historiques, Rome, 1955,Google Scholar Relations VI, p. 801-957. On ne peut lui reprocher que d'avoir trop négligé l'Europe centrale.

page 1053 note 2. Le matériel le plus important est à chercher dans les différents travaux analysant les monuments de la littérature médiévale. Longtemps, ces analyses ont fourni des sujets de choix pour les thèses de doctorat, dans les universités allemandes. On trouvera aussi bien des matériaux ayant trait, pour la plupart, à des révoltes locales, dans le recueil intitulé Stâdtische Volksbewegungen im 14. Jahrhundert, Berlin, Akademie- Verlag, 1960. Je m; borne dans les notes suivantes à quelques indications bibliographiques, qui — peut-être — ont pu échapper à l'attention du lecteur français. La dimension de cet article ne me permet pas des références plus abondantes.

page 1054 note 1. Voir, par exemple, pour l'expression allemande « arm », Deutsches Rechtswbrterbuch, I, Weimar 1914-1932, col. 821-824 ; pour l'expression tchèque « chudy », Brandi, V.,, Glossarium illustrans bohemico-moravicae historiae fontes, Brno, 1876, p. 80.Google Scholar C'est dans une acception très large que cette expression peut être employée. Voir par exemple la lettre adressée en 1390 par la ville de Torun à la ville de Wroclaw (Hansisches XJB, IV, n° 1001, p. 440), où les marchands mêmes sont désignés comme « aime lute » du grand maître de l'Ordre.

page 1054 note 2. Prenons, par exemple, l'expression « pauperes » au IXe siècle. On a tendance de nos jours à l'appliquer à des vassaux. Verriest, L., Institutions médiévales, I, Mons et Frameris, 1946, p . 33 Google Scholar et suiv. ; BOSL, K., Franken um 800. Strukturanalyse einer Frtinkischen Konigsprovinz, Munich, 1959, p. 16 Google Scholar, — sans, cependant, en donner les raisons.

page 1054 note 3. Voir à ce sujet des aperçus dans : Schilling, O., Reichtum und Eigentum in der altkirchlichen Literatur. Ein Beitrag zur sozialen Frage, Fribourg-en-Brisgau, 1908.Google Scholar Consulter von Pohlmann, R., Geschichte der sozialen Frage und des Sozialismus in der antiken Welt, II, 3. Aufl., Munich, 1925, p. 475 Google Scholar et suiv. ; tout particulièrement W., R. et Carlyle, A. J ., A History of Mediaeval Political Theory in the West, I, 2 e éd., Edimbourg- Londres, 1927.Google Scholar

page 1055 note 1. Comm. in Jeremiam, 5, 26 ff. dans Migne, P. L., 24, 719 n. Pour d'autres exemples, voir O. Schilling, op. cit., p. 159.

page 1055 note 2. Ainsi Tektullien (De patientia, c. 7), affirme déjà que Dieu « semper pauperes justificat, divites praedamnat ». Pour des opinions analogues, voir Pohlmann, op. cit., p. 475.

page 1055 note 3. Voir, par exemple, un sermon de la Vita Eligii ep. Noviomag. II, 15 (P.L., 87, 533) : « potuit nempe Deus omnes homines divites facere, sed pauperes ideo in hoc mundo esse voluit, ut divites haberent quomodo peccata sua redimerent ». La Vita a été écrite au milieu du v m e siècle d'après un modèle plus ancien. Diverses variantes de cette pensée sont tout à fait courantes.

page 1055 note 4. Voir déjà dans Saint Ambroise, De Nabuthe Jezraelita, I, 1, (P. L., 14, 731) : « non unus Nabuthe pauper occisus est : quotidie Nabuthe spernitur, quotidiepauper occiditur ». Dans toute la littérature médiévale, depuis les recueils de seimons jusqu'aux romans médiévaux, on rencontre des récits relatifs à l'oppression des pauvres qui ont partout et toujours revendiqué vainement leurs droits.

page 1056 note 1. On n'est pas encore parvenu à remonter aux débuts de cette doctrine d'une façon précise. Une allusion très expressive se trouve dans la Vita Dagoberti régis Francorum, c. 4 (MG, Script, rer. Mer., II, p. 515).

page 1056 note 2. Swmma 11-2 qu. 188 a. 7. L'opinion de saint Thomas d'Aquin faisait autorité.

page 1056 note 3. Voir par exemple Th. Crame, F., The Exempta or illustrative Stories from the Sermones vulgares of Jacques de Vitry, Londres, 1890,Google Scholar n08 66, 78, 108, ainsi que les notes accompagnant ces morceaux. Parmi les anciens auteurs chrétiens, voir, par exemple, Saint Augustin, De civ. Dei, IV, 3.

page 1056 note 4. Par exemple Ruodlieb, V, v. 427 et suiv., éd. K. Langosch, Berlin, 1956, p. 138. Ruodlieb exprime le point de vue de petits féodaux. Ce courant d'opinion se poursuit aux siècles suivants.

page 1056 note 5. Le Grand Testament, XXI.

page 1057 note 1. Il n'est pas question d'évoquer ici tous les points de vue qui concernent cette crise. Voir un aperçu dans mon article « Erste Krise des Feudalismus », Zeilschrift filr Geschichtswissenschaft, 1955, p. 552-592. J'estime que cette première crise a été provoquée enfin de compte, par la transformation de la rente féodale en nature en redevance pénuniaire et par la pénétration des relations marchandes (monétaires). On trouvera un aperçu sommaire des travaux récents dans l'article de B. Zientara, « Zagadnienie depresji rolnictwa w XIV-XV w. w swietle najnowszej literatury », Przeglad historyczny, 1960, p. 262-274.

page 1057 note 2. Voir un essai de comparaison des trois révoltes du xive siècle (Flandres, France, Angleterre) chez Huoenholtz, F. W. N., Drie boerenopstanden uit de vertionde eeuw, Haarlem, 1949.Google Scholar Toutefois, ni les « pauvres », ni les différences entre les mouvements n'y apparaissent d'une manière nette.

page 1057 note 3. Le travail fondamental, à ce point de vue, est récent, c'est l'ouvrage de Macek, J., Tâbor v husitském revolucnim hnutl (Le rôle de Tabor dans le mouvement révolutionnaire hussite), l2, II, Prague, 1956.Google Scholar

page 1057 note 4. Je m; suis occupé du problème des « pauvres », principalement en Bohême, au xive et au début du xve siècle, dans deux ouvrages assez étendus : Chudinà mëstskâ v dobe pfedhusitské (Les « pauvres » des villes à l'époque préhussite), Prague, 1949, et Dzjiny venkovského lidu v Cechdch v dobe pfedhusitské (Histoire de la paysannerie en Bohêm; à l'époque préhussite), Prague, 1957. J'expose dans ces ouvrages avec quelque détail les arguments qui appuient ce que j'avance dans cet article-ci.

page 1057 note 5. Que ee « mirché aux ouvriers » ait pénétré jusqu'en Bohême, cela ressort, par exemple, du compte rendu de la visite pastorale de l'archidiacre de Prague datant de 1379 (Archives du chapitre de Prague, Cod. XIV, fol. 53v), où l'on trouve cette allusion « Pragae… sub pretorio ubi ancille serviles soient recipi ».

page 1058 note 1. Par exemple, en Bohême, qui ne réussit pas, à l'époque préhussite, à exporter du drap de façon importante.

page 1058 note 2. Tout spécialement les clercs vagabonds, qui n'étaient pas justiciables des juges municipaux.

page 1059 note 1. Je ne saurais discuter ici du problème tant de fois débattu du rôle joué par la Peste noire dans la stagnation de la population. Je suis assez sceptique à ce sujet, pour l'Europe Centrale, où son importance a été sans doute exagérée. Il faut souligner avec insistance que plusieurs manifestations de la crise (révoltes populaires, hausse des salaires) avaient déjà eu lieu, d'une manière marquante, avant les épidémies de peste.

page 1059 note 2. Cela s'applique également aux Flandres, pourtant très avancées, où cet isolement des différents mouvements est dû, comme ailleurs, entre autres choses, à la concurrence entre les villes, surtout sensible chez les maîtres de corporations et les marchands.

page 1059 note 3. Les « pauvres » étaient exposés à des vexations à long terme : par exemple la dépréciation du petit numéraire, qui pesait particulièrement sur eux ; souvent aussi la proportionnalité à rebours du système des impôts municipaux, enfin la discrimination juridique.

page 1059 note 4. Il est très significatif qu'à cette époque les autorités ecclésiastiques mêmes aient commencé à se préoccuper des usuriers des campagnes ; ce ne sont pas seulement les usuriers des villes qui pénètrent dans les campagnes : des paysans riches font également des prêts à des taux usuraires.

page 1060 note 1. Partout, mais surtout en Angleterre, les petites exploitations agricoles tendent à disparaître et le pourcentage des exploitations plus importantes s'accroît. Mais ici encore on peut constater des exceptions locales assez marquées, causées, entre autres, par des obstacles — de nature différente — que les seigneurs ainsi que le droit féodal apportaient à cette évolution.

page 1060 note 2. Là aussi, les conditions locales jouent un rôle très important et, à mon avis, il faut se garder de généraliser les arguments basés sur la diminution du nombre des travailleurs. Qu'il me soit permis d'attirer l'attention sur le fait suivant. Vers 1408, l'Ordre des Chevaliers teutoniques en Bohême avait fait planter de nouvelles vignes aux environs de la ville de Chomutov, et, comme le dit expressément le document qui s'y rapporte, les salaires ont monté. C'est pourquoi l'Ordre vendit les vignes et créa un étang — entreprise plus lucrative à ses yeux. Voir le texte dans Gkaus, F., Déjiny venkovskéholidu (Histoire de la paysannerie), II , p . 446,Google Scholar note 36.

page 1060 note 3. En ce qui concerne la Bohême au xive siècle, on a pu constater à l'analyse qu'il était plus avantageux pour les assujettis d'exploiter une superficie moyenne dans une région fertile. Toutefois, ce n'est que l'un des traits typiques d'une région très propice à la culture des céréales, comme l'était la Bohême à cette époque.

page 1060 note 4. Edité récemment par K. Langosch, op. cit., p. 251 et suiv. Voir également les notes, p. 379 et suiv.

page 1060 note 5. Andrée Ratisbonensis… Dyalogus de Hussitis, éd. Hofler, C., Geschichtsschreiber der husitischen Bewegung in Bôhmen, I, Vienne, 1856, p. 567 Google Scholar: « Fuit quidam rusticus, qui conferens cum quodam presbytero dixit : Bonum videtur, quod sic non gravaremur per dominos. Dixit presbyter : E t quomodo ? Respondit rusticus : Certe quod omnia essent aequalia. Dixit presbyter : Si tibi istud sic placeret, numquid tibi etiam placeret, si ingrediens domum tuam, in qua tu es dominus, servus tuus vellet esse similis tibi ? Respondit rusticus : Certe non. Dixit presbyter : Quare non 1 Res- pondit rustieus : Res ista stare non posset. (Dixit presbyter) : Quare res ista, quemadmodum t u asseris, stare non potest ; quid tune débet fieri ? Respondit rustieus : Melius est ut antiquo more, servato ordine, superioribus inferiores sint subjecti. »

page 1061 note 1. On rencontre ce trait dans la littérature française du bas Moyen Age. Dans toute l'Europe, à cette époque, circulaient des récits analogues, racontant comment le diable avait emporté tel bailli cruel ou puni tels collecteurs d'impôts impitoyables. Voir des parallèles chez Hilka, A., Die Wundergeschichten des Caesarius von Heisterbach, III, Bonn, 1937, p. 106107,Google Scholar et chez PAUH, Joannes, Schimpf und Ernst, II, éd. Boite, J., Berlin, 1924, p. 277278.Google Scholar

page 1061 note 2. Les « pauvres » n ‘y sont qu'un des éléments d'un mouvement plus large. En général les mouvements des paysans et des citadins se confondent à un point déterminé. 1061

page 1062 note 1. Les seigneurs s'y opposaient également, par crainte de voir leurs travailleurs partir en masse. L'attitude du patriciat et des maîtres de corporations différait suivant les circonstances.

page 1062 note 2. Cette idéalisation littéraire existe déjà dans l'antiquité classique et elle apparaît aux époques les plus diverses.

page 1063 note 1. Etant donné l'évolution sociale propre à l'Italie, ce trait n'est pas très marqué dans le soulèvement des Ciompi, qui manifestent d'ailleurs beaucoup plus de cohésion que d'autres groupes. On rencontre déjà, chez les Ciompi, des éléments précis d'idéologie politique.

page 1063 note 2. Au point de vue idéologique, c'est surtout en France que cette coopération se manifeste d'une façon frappante. Un courant analogue s'est révélé en Angleterre. ]•!. H. Kantorowicz l'a très bien dépeint dans The King's two Bodies. A Study in Mediaeval Political Theology, Princeton, 1957. On ne peut lui reprocher que d'avoir sous-estimé le courant bourgeois très prononcé et d'avoir trop séparé évolution des idées et événements politiques. Le fait que cette alliance n'apparaît en Allemagne que très faiblement a pour cause l'état idéologique arriéré de ce pays. Par contre elle se manifeste d'une manière très significative dans l'attitude adoptée par les villes à l'égard de Louis de Bavière et, dans une certaine mesure, également à l'égard de Venceslas IV.

page 1063 note 3. Et ce n'étaient pas seulement les pauvres qui pensaient ainsi. Cette opinion s'exprime aussi chez de savants théoriciens, comme par exemple dans une lettre d'Alcuin, datant de 793 (MG, Epistolae, IV, p. 43-44, ép. 16).

page 1064 note 1. Lors du soulèvement de Wat Tyler, ainsi qu'au début du mouvement révolutionnaire hussite, il est curieux de constater que les objets de luxe sont, non pas volés mais brûlés, comme s'ils étaient coupables de la misère des pauvres ».

page 1064 note 2. Le chiliasme ecclésiastique — plus ancien — est de nature différente : il attend la fin du monde. Cela est très net, par exemple, chez Grégoire le Grand. Mais ici, cette attente s'accompagne surtout de crainte, à l'idée des horreurs dont le monde sera frappé. Ces idées deviennent ensuite un leit motiv de la littérature médiévale.

page 1064 note 3. Pour le chiliasme de cette période, l'ouvrage fondamental est le livre de Macek, J., Tdbor v husitském revoluënim hnuti (Le rôle de Tabor dans le mouvement révolutionnaire hussite), II : Tdbor chudiny venkovské a mëstské (Tabor des « pauvres » des campagnes et des villes), Prague, 1955.Google Scholar On trouve un court aperçu — notamment en ce qui concerne l'idéologie — chez E. Werneh, « Popular Idéologies in Late Mediaeval Europe : Taborite Chiliasme and its Antecendents », Comparative Studies in Society and History, II, 1960, p. 344-363.

page 1064 note 4. La chronique de Laurent de Brezovâ (en 1420) fait figurer cette opinion comme le point 22 des erreurs hérétiques des chiliastes : « Item quod in supradicto regno hominum viancium usque ad resurreccionen generalem duraturo longe ante cessabit omtiis exactor et quiescet tributum, et omnis principatus et secularis dominacio crssabit. » (Fontes rerum bohemicarum, V, Prague 1893, p. 457). La version tchèque contient une formulation beaucoup plus forte. Pour ces articles chiliastes, voir

page 1065 note J. Mackk, op. cit., 12, p. 383-384.