Dans les écrits narratifs composés au XIIe siècle dans le Nord-Ouest du royaume de France, on voit certains hommes de bonne naissance désignés comme étant des « jeunes », soit individuellement par l'adjectif juvenis, soit collectivement par le substantif juventus. De toute évidence, ces termes sont des qualificatifs précis, utilisés pour marquer l'appartenance à un groupe social particulier. Parfois, ils sont employés à propos de gens d'Église, et notamment pour distinguer une certaine fraction de la communauté monastiqu. Le plus souvent, cependant, ils s'appliquent à des hommes de guerre et servent à les situer dans une étape bien déterminée de leur existence.

Cette étude a pour base principale les documents de la Gëniza du Caire : immense trésor de contrats, d'actes de tribunaux, de lettres et de comptes, s'échelonnant du Xe au XIIIe siècles, et conservés à l'origine dans une synagogue de Fustât, ou le Vieux Caire. La plupart des personnages mentionnés dans ces documents sont des Juifs. Aussi le titre général que nous donnons à cet article nécessite-t-il une explication. Comme nous le montrerons, il n'existait alors en Egypte ni ghetto professionnel ni ghetto physique : pas de concentration forcée de Chrétiens ou de Juifs dans des quartiers séparés. Certes, chaque groupe socioreligieux avait jusqu'à un certain point une préférence pour des professions déterminées (comme c'est encore le cas aujourd'hui pour quelques minorités aux États-Unis), mais sans qu'il y eût de cloisons étanches entre les métiers.

Examinant, dans ses études sur l'histoire sociale et économique de l'Asie, le problème de l'équilibre entre l'Europe et l'Asie au XVIIIe siècle, J. C. van Leur écrit : « L'immense progrès technique du XIXe siècle a introduit l'élément exotique dans la littérature concernant l'Asie et a imposé en même temps une image d'états orientaux tombés en décadence et de despotismes anarchiques, mis en opposition avec la force motrice, la perfection et le libéralisme des états chrétiens de l'Occident. La littérature missionnaire et politique a appliqué cette image à tous les états, à commencer par la Turquie et la Perse jusqu'à la Chine et au Japon… Il y a lieu de se méfier de cette image de décadence projetée en arrière, du XIXe siècle vers le passé.

Le XVIIIe siècle a toujours bénéficié aux yeux des historiens de deux privilèges complémentaires : il a été couronné par la Révolution, et il a légué ses valeurs au monde contemporain. Libéraux et marxistes se réclament également du « grand siècle » de Michelet, et de sa finalité hédoniste. Ce sont les chemins du bonheur qui les séparent, non le but.

Voici du même coup fondée, depuis cent cinquante ans, la « modernité » du XVIIIe siècle. Mais voici aussi sa blessure : le milieu du XXe siècle a perdu ses paradis artificiels dans les deux dernières guerres mondiales, et derrière l'Europe bourgeoise de 14, l'Amérique du gaspillage et de la névrose, l'Union Soviétique de Staline, ce sont les ombres du monde des lumières qui sont venues au premier plan. Il est normal que les désenchantements ramènent aux sources de l'utopie et à l'examen critique de la philosophie des lumières.

Parmi les institutions de Châlons-sur-Marne à la fin du XVIIIe siècle l'Académie était une des plus importantes. Les travaux de Henri Menu ont éclairé les circonstances de sa fondation en 1775, le lent travail de préparation accompli, depuis 1750, par la société littéraire sur l'initiative du commissaire des guerres Dupré d'Aulnaye, un Parisien établi Champenois, de l'abbé Beschefer, chanoine de Notre-Dame de Châlons, du bailli de Vertu, Culotteau de Vélie. Grâce à cet important mémoire, les règlements, les principales séances, les grands concours, les difficultés et les appuis officiels de l'Académie sont connus. Ils ont été replacés dans le contexte de l'histoire de la province par M. Poinsignon, sur le plan de l'histoire idéologique nationale par Daniel Mornet et plus récemment encore par M. Pierre Barrière.

Certains cadres de l'histoire des civilisations paraissent à première vue aisés à délimiter, compte tenu du petit nombre de témoins connus ; le retard de l'enquête est alors d'autant plus irritant. On connaît relativement bien, par exemple, le système de fortification ou de protection de l'Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Lybie) installé par les généraux et les officiers de Justinien au VIe siècle, et il serait facile de faire un relevé des bâtiments cultuels ou administratifs construits à cette époque. Les archéologues nous enseignent aussi que des capitales de l'Antiquité comme Leptis Magna et Carthage ont dû se garder par des murs d'enceinte, depuis le IVe siècle, contre les raids des nomades venus des steppes ; guidés par les chroniques grecques, ils ont observé que la superficie des villes africaines s'est beaucoup réduite à la même époque et en ont conclu à une dépopulation de l'Afrique « romaine » au ve siècle sous la domination vandale.

Depuis 1954, une équipe d'historiens de l'Université de Kyôto a entrepris des recherches sur les émeutes du riz de 1918, et fait paraître sous la direction de MM. Inoue et Watanabe, un ouvrage intitulé : Etudes sur les émeutes du riz. Elle a eu à sa disposition la documentation réunie, dans les années 1920 et 1930, par M. Hosokawa Karoku, de l'Institut des questions sociales Ohara, avec l'aide de M. Fuse Tatsuji, avocat de nombreux inculpés, à la suite de ces émeutes. Elle l'a dépouillée, mise en fiches, et a procédé à des enquêtes sur les événements eux-mêmes, surtout dans les environs d'Osaka. La première mise en ordre terminée, elle résolut de publier les résultats de ses travaux, « afin de fonder les bases pour le départ d'une recherche d'ensemble ».

De la littérature culinaire antique, on ne connaît plus aujourd'hui que quelques fragments. Les hommes du Moyen Age ont-ils été plus favorisés que nous ? La tradition gastronomique s'est-elle perpétuée dans les siècles qui ont suivi l'effondrement de l'Empire et par quel cheminement : technique professionnelle, tant bien que mal transmise de génération en génération, à la cuisine ; ou science en sommeil dans les bibliothèques et peu à peu disparue avec elles ? Telles sont quelquesunes des questions que l'on peut se poser.

Les Annales ont déjà publié, sous une plume autorisée, le compte rendu de ce témoignage poignant : Un faubourg de Tunis, Saïda Manoubia, enquête sociale, nutritionnelle et médicale. Aussi nous bornerons-nous à quelques mots en rapport avec les précocupations qui sont plus particulièrement celles des Annales sous la rubrique « Enquêtes ».

Notons d'abord les énormes difficultés que rencontre une telle enquête sur le terrain, malgré l'appui de toutes les autorités locales. Paul Sebag, en faisant scrupuleusement la synthèse des données recueillies, sera plus d'une fois amené à douter lui-même de ses chiffres (p. 46).

Grâce au professeur W. H. Chaloner, de l'Université de Manchester, et à M. Alvaro Castillo, spécialiste de l'histoire financière espagnole, il nous est déjà possible d'apporter quelques compléments à des notes trop brèves sur la taille et les tailles.

En Angleterre. Privilégiés par sept siècles d'emploi officiel de la tailleobjet, les historiens anglais pourraient avoir tendance à n'étudier que cet aspect des choses, et à croire à une diffusion par le haut. Ce faisant, ils ne méconnaissent pas le point essentiel : dès le règne de Henri II Plantagenet, chaque shériflf de comté, collecteur d'impôts et de rentes, devait avoir son propre bureau de comptabilité et d'émission de tailles.

Organisé par M. Besterman, directeur de l’ « Institut et Musée Voltaire » de Genève, le « premier congrès international sur le siècle des lumières » a tenu ses assises à Genève et au château de Coppet en juillet 1963. Dès l'automne, les communications faites à ce congrès ont été éditées, à quelques rares exceptions près, dans les volumes XXIV à XXVII des « Studies on Voltaire and the eighteenth century » : en tout, quatre-vingt-huit communications, près de deux mille pages.

La grosse thèse de M. J. Roger est plus et moins qu'une histoire de la recherche biologique aux XVIIe et XVIIIe siècles. Si elle précise, discute et complète sur plus d'un point l'ouvrage classique d'E. Guyénot, elle demeure, pour l'essentiel, une histoire des découvertes et des doctrines. On y trouvera peu d'éléments à verser au dossier de cette « archéologie » de la perception scientifique que tente par exemple, pour les dernières années du XVIIIe siècle, un livre récent de Michel Foucault . Fidèle aux méthodes éprouvées de l'histoire des idées, l'auteur a su toutefois leur faire donner tout ce qu'elles pouvaient produire.

Dans sa préface, Jacques Proust présente cette thèse de six cents pages comme « une contribution à l'étude d'ensemble de cette Maturité de Diderot qu'il faudra quelque jour mener à son terme ». Mais à lire certains chapitres, particulièrement denses, tels le chapitre IX (« Matérialisme et morale »), les chapitres X et XI (« Formation de la pensée politique de Diderot » et « Principes d'une philosophie politique »), on a l'impression que l'auteur a fait plus que rassembler les matériaux pour cette étude ; d'ores et déjà les pièces maîtresses sont mises en place.

C'est une heureuse initiative qu'a eue la VIe Section en assurant la publication d'un important document arabe : le Dictionnaire des métiers damascains, dont la rédaction fut entreprise à la fin du XIXe siècle par le cheikh Muhammad Sa'îd al-Qâsimî, et achevée dans les années 1900 par son fils Jamâl ad-Dîn al-Qâsimî, et par son gendre Khalîl al-'Azem.

Pourquoi le cheikh Sa'îd al-Qâsimî est-il sorti de la mosquée de Sinân-Pacha où il exerçait Yimâma, pour parcourir les souks sur son ânesse blanche, à la recherche des métiers pratiqués dans sa ville ? Il dénombre des professions aux techniques et aux traditions médiévales, quand, au même moment, à cent kilomètres de là, les vapeurs débarquent sur les quais de Beyrouth des produits industriels, et notamment du matériel ferroviaire.

« Étude politique et sociale », comme elle est sous-titrée, la thèse de Philippe Vigier, bien documentée, et bien construite aussi, sur La Seconde République dans la région alpine, soit cinq départements, dont l'auteur analyse les caractéristiques et même nuance les originalités avec l'évolution, comporte deux tomes aux titres significatifs : I, Les Notables (vers 1845-fin 1848); II, Les Paysans (1849-1852) .

La misère des campagnes y apparaît bien comme la toile de fond de l'histoire de la Seconde République, car les problèmes de la terre furent vraiment dominateurs de la vie politique et sociale dans cette région à prédominance agricole, où la vie urbaine ne concentrait pas 30 000 habitants à Grenoble, ou Avignon.

Le 25 juillet 1898 le Conseil de l'Université de Paris, conformément au vote émis une semaine auparavant, par vingt et une voix contre seize et une abstention, à l'assemblée de la Faculté des Lettres, rejetait la demande introduite par Jaurès, docteur-ès-lettres, ancien chargé de cours à la Faculté de Toulouse, de professer en Sorbonne un cours libre sur « Les principes du socialisme dans leur rapport avec les idées d'individualité, de moralité, d'art et de religion ». Jaurès et le mouvement ouvrier français prennent aujourd'hui, dans l'Université, leur revanche. Quatre importantes biographies, parues en 1962, nous donnent à voir le visage d'un animateur, d'un militant, et nous permettent d'appréhender mieux la réalité, la vigueur et la diversité du fait socialiste et syndical en France à la fin du XIXe et au début du XXe siècles.

Puisque ce livre est vieux déjà de deux ans, le voici solidaire de ses effets. N'est pas déchiffrable encore la suite de ses conséquences, mais du moins, en leur figure d'ensemble, les réactions qu'il a provoquées. Un livre n'est pas important par ce qu'il remue de choses, mais lorsque le langage, autour de lui, se décale, aménageant un vide qui devient son lieu de séjour.

Je ne critiquerai point ceux qui ont critiqué Richard. Je voudrais porter seulement attention à l'écart qui s'est dessiné au pourtour de son texte : à ces marges qui sont en apparence couvertes des signes de la polémique, mais qui, sur un mode muet, définissent le blanc de son emplacement.