Comptes rendus de l'Académie des Sciences, t. CXIV, 1892, p. 19–21

La Science mathématique et l'Académie viennent de faire une grande, une irréparable perte: notre illustre Correspondant, M. Kronecker, est mort à Berlin, le 29 décembre dernier, apres une courte maladie.

Notre Confrère s'est mis au rang des grands géomètres par d'éclatantes découvertes dans la théorie des nombres, qui lui assurent une gloire impérissable en associant son nom à ceux de Gauss, de Dirichlet et d'Eisenstein. Son génie s'est aussi montré dans un grand nombre de travaux concernant l'Algèbre pure, la haute Analyse, la Physique mathématique; je rappellerai seulement, et en peu de mots, ceux qui ont pour objet l'Arithmétique et la théorie des fonctions elliptiques.

Les Fundamenta de Jacobi avaient ouvert pour la théorie des nombres un nouveau point de vue, en faisant connaître des propositions extrêmement intéressantes sur la décomposition des entiers en carrés, établies par d'autres méthodes que celles de Gauss, au moyen d'identités qui les mettaient immédiatement en évidence. L'œuvre capitale de M. Kronecker est d'avoir trouvé, dans la théorie de la transformation et l'étude des modules singuliers donnant lieu à la multiplication complexe, une source d'un accès plus difficule, mais infiniment plus féconde pour l'Arithmétique. Dès ses premiers pas dans cette voie, qu'il devait suivre avec tant de succès, notre Confrère découvre sur le nombre des classes de formes quadratiques, de déterminant négatif, des théorèmes d'un caractère tout nouveau, qui ont été accueillis avec une admiration unanime.