Parmi les articles qui figurent au programme de la Croix-Rouge de demain, il n'en est pas de plus beau, il n'en est pas de plus haute portée, il n'en est pas qui touche le cœur plus au fond que ce problème des petits. Et cela pour mille raisons; non seulement à cause de l'intérêt particulièrement intense qu'éprouve à l'égard de l'enfant, même étranger, tout homme capable de sentir; non seulement parce qu'entre toutes les créatures le petit de l'homme paraît être le moins apte à se défendre et à assurer sa propre existence, mais parce qu'il y va de l'avenir de l'humanité tout entière. Je ne puis concevoir d'entreprise plus haute que la lutte contre la mortalité infantile, contre les maladies qui assiègent le berceau, contre les infirmités qui vouent le petit être à une existence de paria. Et en dehors même des préoccupations purement sanitaires, que ne doit-on pas tenter pour faire à l'enfant un sort meilleur? Rien qui soit plus contre nature qu'une enfance malheureuse. Veiller sur les générations qui viennent, les défendre contre les embûches de la vie, les éduquer, les façonner non certes plus pour la guerre, mais pour le travail et si possible pour le bonheur, tel est le programme formidable qui se cache sous ces quatre mots: protection de l'enfance.

Au lendemain de la guerre qui vient de bouleverser le monde et où la Croix-Rouge s'est affirmée si puissante dans tous les pays, une réunion générale des Croix-Rouges de l'univers entier s'impose.

Quelques jours après la signature de l'armistice du 11 novembre, le Comité International de la Croix-Rouge laissait entendre qu'il convoquerait cette réunion à Genève aussitôt que les événements le permettraient.

Depuis les séances tenues les 15 et 16 avril 1919 entre les délégués des Etats contractants pour la lutte contre les épidémies, séances qui avaient abouti à une série de décisions consignées dans le procès-verbal de ces réunions et publiées dans notre article de la Revue du 15 mai (p. 497), il est apparu que, pour mener à chef le vaste plan proposé aux travaux des Etats intéressés et du Comité International, il importait d'adjoindre à l'action gouvernementale dans chaque Etat une collaboration neutre, propre à établir le lien entre cette action périphérique et le Bureau central de Vienne. M. Frick, chef de nos missions dans l'Orient de l'Europe, proposa à cet égard un plan d'action qui fut soumis à la Conférence intergouvernementale, dans ses séances des 30 et 31 mai 1919. Ce projet précisait le rôle respectif de la représentation nationale, au centre, dans le bureau intergouvernemental ayant son siège à Vienne, d'une part, et de la représentation neutre ou internationale intervenant dans chacun des Etats contractants, d'autre part.

Au début de l'année 1918, alors que les dernières découvertes de la science et de la technique avaient perfectionné à l'extrême les engins de guerre et étendu au delà de toute prévision les possibilités de destruction, le Comité International de la Croix-Rouge lançait aux belligérants un appel où se trouvait le passage suivant:

«…Bien loin d'atténuer les maux qu'entraîne la guerre, on peut dire que les progrès de la science dans l'aéronautique, la balistique ou la chimie, n'ont fait qu'en aggraver les souffrances et surtout les étendre à toute la population en sorte que la guerre ne sera bientôt plus qu'une œuvre de destruction générale et sans merci.

Dans toute la Pologne libérée, l'hygiène et la prophylaxie antiépidémique sont confiés au ministère de la Santé.

En général, l'état sanitaire de la Pologne est relativement et provisoirement satisfaisant. Depuis le mois de juillet, le typhus exanthématique est en recul, moins à la campagne, où il couve sournoisement dans les villages éloignés des centres et de tout secours médical, que dans les villes.

Dans son message de novembre 1918, le Comité International de la Croix-Rouge a marqué son intention d'etendre le champ de son activité à toutes les œuvres destinées à guérir les maux dont souffre l'humanité et, si possible, à les prévenir. C'est dire qu'aux questions de secours il entend joindre les questions bien autrement importantes de l'hygiène. II s'est souvenu du vieil adage si souvent répété et si rarement mis en pratique : « Prévenir vaut mieux que guérir ».

La tâche humanitaire de la Croix Rouge est bien connue. On peut, il est vrai, taxer de paradoxe le fait d'aider les blessés à guérir pour qu'ils soient ensuite renvoyés de nouveau au front. On peut s'étonner aussi qu'il soit permis à une institution comme la Croix-Rouge de jeter, par son activité, comme un voile sur le carnage insensé que les nations déchaînent de temps en temps. Ne serait-il pas plus politique, pour forcer l'humanité à ouvrir les yeux, de ne pas intervenir du tout, et de laisser la misère se montrer dans toute sa laideur répugnante? N'y a-t-il pas une amère ironie dans le fait qu'une partie de la nation fait tout son possible pour détruire des existences, tandis que l'autre partie de cette même nation s'efforce de sauver et de guérir ceux qui ont été massacrés par les premiers? Une telle manière d'agir n'est-elle pas une «contradictio in adjecto’, une absurdité, une sottise, une naīveté?

L'œuvre ecclésiastique de secours de guerre «Kirchliche Kriegshilfe», fondée par l'épiscopat allemand à Paderborn, peut revendiquer à bon droit, comme trait caractéristique et tout à l'honneur de son activité, l'extension de son œuvre de secours tant en principe qu'en réalité, non seulement à ses compatriotes, mais encore à tous les prisonniers et disparus des nations en état de guerre avec les puissances centrales. En pays neutre, il y a bien eu des organisations s'occupant de tous les belligérants, tel le Comité International de la Croix-Rouge à Genève, le Bureau du roi d'Espagne, la Mission catholique à Fribourg en Suisse, le Bureau de la paix à Berne, etc. Mais chez les belligérants, en dehors de la «Kirchliche Kriegshilfe», il n'existait à notre connaissance aucune grande œuvre se dévouant si généreusement au service des victimes de la guerre de tous les pays.

Parmi les institutions léguées par la Croix-Rouge Américaine à la ville de Paris, il en est une qui était vivement souhaitée par tous ceux qui s'y occupent d'assistance et dont la création paraissait presque chimérique; c'est celle d'un Fichier central où sont enregistrés les noms et adresses de tous les assistés. A bien des reprises et sous diverses formes la tentative avait été faite; la nécessité d'un tel fichier apparaissait urgente, soit pour éviter les doubles emplois des secours, soit pour assurer l'exactitude des enquêtes. Toujours l'échec avait suivi: l'étendue et la complexité de la tâche, l'esprit craintif ou particulariste des œuvres n'avaient pas permis le développement des essais; de côté et d'autre végétaient des embryons de Fichier central, auxquels personne ne recourait puisque les renseignements y étaient si incomplets. Seules les Unions d'Œuvres établies peu d'années avant la guerre, dans quelques arrondissements, et qui avaient pour objet de centraliser les enquêtes faites par les œuvres de secours de l'arrondissement avaient prospéré, et l'idéal paraissait alors d'en créer à Paris une dans chacun des 20 arrondissements.

Au début du mois de septembre, le Comité International avait décidé l'envoi, à Athènes et à Corfou, d'une délégation chargée de s'entretenir avec les Croix-Rouges serbe et hellénique, de diverses questions relatives aux prisonniers de guerre. Cette mission, composée primitivement du professeur William Rappard, membre du Comité International, et du colonel Redard, était partie le 12 septembre, lorsque M. Rappard a été rappelé par le Département politique, qui l'a prié d'accepter une mission économique aux Etats-Unis. En conséquence, la mission du Comité International a été modifiée, et le 18 septembre, partaient pour Athènes et Salonique, via Rome, M. le Dr Ferrière, vice-président du Comité International, M. Georges Werner, secrétaire de l'Agence Internationale des Prisonniers de Guerre et le colonel Redard. La mission est revenue le 22 novembre à Genève. Elle publiera un rapport qui formera la 21e série des Documents publiés par le Comité International. En attendant, M. le Dr Ferrière a bien voulu donner oralement, au moment de son départ pour une autre mission, à la Revue, un aperçu sommaire des remarques qu'il a faites au cours de son voyage.

Quand on entreprend de retracer les interventions charitables du St-Siège durant la guerre, on est tout d'abord frappé de leur ampleur croissante.

Une idée simple et féconde y a présidé dès le début : nous la trouvons exprimée dans une circulaire du cardinal secrétaire d'Etat aux cardinaux archevêques des nations belligérantes. En leur transmettant, le 22 janvier 1915, certaines prescriptions du St-Siège, qui avaient pour but de faciliter, grâce aux bons offices d'ecclésiastiques spécialement désignés à cet effet la correspondance des prisonniers de guerre avec leurs families, le cardinal Gasparri précisait : « Je crois superflu d'ajouter que là où le décret parle de prisonniers, Sa Sainteté entend qu'on ne fasse aucune distinction ni de religion, ni de langue, ni de nationalité. Mais si votre Eminence le juge à propos, qu'elle veuille bien faire connaître à chaque évêque l'intention du Saint Père, afin que l'action bienfaisante des prêtres indiqués dans le décret embrasse tous les malheureux prisonniers avec la même extension que la charité de Jésus-Christ».

L'organisation excellente et les immenses ressources de la Croix-Rouge employées jusqu'ici aux services de guerre, doivent être affectées maintenant à secourir sur une plus grande échelle qu'auparavant les victimes des calamités de la vie ordinaire. II y a là un champ d'action qui ne le cède en rien, comme importance, à celui des secours aux blessés.

Une étude attentive de l'histoire de nos institutions suisses pour la protection de la jeunesse révèle un parallélisme intéressant entre leur développement et celui de notre confédération helvétique. C'est que l'évolution historique et « culturelle » si caractéristique de notre pays a exercé une influence non moins caractéristique sur le développement de l'assistance. Vcilà pourquoi notre système de prévoyance sociale présente,sur plus d'un point essentiel, de si profondes différences avec les institutions des pays avoisinants.

La question des mutilés de guerre est une de celles dont l'importance ne peut échapper à personne. A mesure que nous nous éloignons de la guerre, il semble que nous nous rendons mieux compte des ravages formidables qu'elle a faits parmi la jeunesse des pays belligérants, et c'est à l'heure actuelle où la vie économique aurait besoin de toutes ses forces que l'on constate combien il est difficile de les retrouver. II en résulte un déséquilibre social auquel ont songé dès le début de la guerre ceux qui ont pris l'initiative de donner aux mutilés la possibilité de reprendre leurs fonctions dans l'organisme de la nation. Dans ce but, ils ont tout d'abord procuré aux amputés des membres, des prothèses qui furent adaptés à des moignons que la chirurgie moderne est parvenue à rendre plus aptes au port d'un appareil. Puis nous voyons un peu partout se fonder des écoles d'éducation et de rééducation, écoles admirablement bien comprises, mais dont ne pouvait bénéficier qu'un nombre relativement restreint de blessés.

M. Henri P. Hoffer, vice-président de la Commission romande des internés a effectué, de février à novembre 1918, huit tournées de conférences dans les centres d'internés français, anglais et belges en Suisse. Il a consigné les observations faites par lui à cette occasion dans des rapports restés inédits, dont la documentation et la précision ont été appréciées aussi bien à l'Agence internationale des prisonniers de guerre qu'au Service de l'internement à Berne.

M. Paul Fauchille, le directeur bien connu de la Revue générale de droit international public, vient de faire œuvre de piété filiale: élève distingué du maître vénéré qu'était le professeur Louis Renault, il a consacré un livre à la mémoire de celui qui fut, pour lui comme pour bien d'autres, un guide, un conseiller, un ami dans la carrière.