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Au Moyen Age : Temps de l'Eglise et temps du marchand

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

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Le Marchand n'a pas été au Moyen Age aussi communément méprisé qu'on l'a dit, à la suite notamment des remarques de Henri Pirenne qui s'est trop fié sur ce point à des textes surtout théoriques. Il reste que, si l'Eglise a très tôt protégé et favorisé le marchand, elle a longtemps laissé peser de graves soupçons sur la légitimité d'aspects essentiels de son activité. Certains de ces aspects engagent profondément la vision du monde qu'avait l'homme du Moyen Age, disons plutôt, pour ne pas sacrifier au mythe d'un individu collectif abstrait, qu'avaient en Occident, des gens qui, entre XIIe et XVe siècles, possédaient une culture et un outillage mental suffisants pour réfléchir sur les problèmes professionnels et leurs incidences sociales, morales, religieuses.

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Études
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Copyright © Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1960

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References

1. Cf. Notamment H. Pirenne, Histoire économique de l'Occident médiéval (recueil posthume, 1951), p. 169.

2. Ms Flor. Bibl. Laurent. S. Croce Plut. VII, sin. 8, fol. 851. Cf. Guillaume D'Auxerre (1160-1229), Summa aurea, III, 21, fol. 225v : a L'usurier agit contre la loi naturelle universelle, car il vend le temps, qui est commun à toutes les créatures. Augustin dit que chaque créature est obligée de faire don de soi; le soleil est obligé de faire don de soi pour éclairer; de même la terre est obligée de faire don de tout ce qu'elle peut produire et de même l'eau. Mais rien ne fait don de soi d'une façon plus conforme à la nature que le temps ; bon gré mal gré les choses ont du temps. Puisque donc l'usurier vend ce qui appartient nécessairement à toutes les créatures, il lèse toutes les créatures en général, même les pierres d'où il résulte que même si les hommes se taisaient devant les usuriers, les pierres crieraient si elles le pouvaient; et c'est une des raisons pour lesquelles l'Eglise poursuit les usuriers. D'où il résulte que c'est spécialement contre eux que Dieu dit : « Quand je reprendrai le temps, c'est-à-dire quand le temps sera dans Ma main de telle sorte qu'un usurier ne pourra le vendre, alors je jugerai conformément à la justice. » Cité par John T. Nooman Jr., The scolastic Analyses of Vsury, 1957, p. 43-44, qui souligne que Guillaume d'Auxerre est le premier à produire cet argument qui est repris par Innocent IV (Apparatus, V, 39, 48 ; V, 19, 6). Le dominicain Etienne de Bourbon dans sa Tabula Exemplorum (éd. J . T. Welter, 1926, p. 139) développe : « Comme les usuriers ne vendent que l'espérance de l'argent, c'est-à-dire le temps, ils vendent le jour et la nuit. Mais le jour est le temps de la lumière et la nuit le temps du repos ; ils vendent donc la lumière et le repos. Aussi il ne serait pas juste qu'ils jouissent de la lumière et du repos éternels. » Cf encore Duns Scot, In IV libros sententiarum (Op. Oxon), IV, 15, 2, 17.

1. Les données les plus précieuses se trouvent dans Giovanni di Antonio DA Uzzano, La pratica délia mercatura, éd. G. F. Pagnini Délia Ventura, t. IV de Délia Décima…, 1766, et dans El libro di mercatantie e usanze de’ paesi, éd. F . Borlandi, 1936. On y trouve par exemple : « A Gênes, l'argent est cher en septembre, janvier et avril, en raison du départ des bateaux… à Rome ou là où se trouve le pape, le prix de l'argent varie suivant le nombre des bénéfices vacants et les déplacements du pape qui fait monter le prix de l'argent partout où il se trouve… à Valence il est cher en juillet et en août à cause du blé et du riz…, à Montpellier il y a trois foires qui y causent une grande cherté de l'argent. » Cité par J. LE Goff, Marchands et banquiers du Moyen Age, 1956, p. 80. Pour les spéculations à partir de la rapidité des informations, cf P. Saedella, Nouvelles et spéculations à Venise au début du XVIe siècle, 1949.

2. Cf. G. Post, K. Giocarinis, R. Kay, The médiéval héritage of a Humanistic Idéal : « Scientia donum Dei est, unde vendi non potest », dans Traditio, II (1955), p . 196- 284, et J. L E Goff, Les intellectuels au Moyen Age, 1957, p. 104 sqq.

1. O. Cullmann, Temps et histoire dans le christianisme primitif, 1947, p. 85. Gerhard Delling,dos Zeitoerstûndnis desNeuen Testaments, 1940, cité ibid.,j>. 85, note 2.

2. O. Cuixmann, op. cit., p. 32.

1. Ibid., p. 93.

2. Ibid., p. 98.

3. Ibid., p. 111.

4. Ibid., p. 152.

5. Sur le millénarisme Ray C. Petby, Christian Eschatology and Social Thought. A historical essay on the social implications of some selected aspects in Christian eschatology to a.d. 1500, 1956, reste théorique. On peut encore consulter E. Waldstein, Die esckatologische Ideengruppe : Antéchrist, Weltsabbat, Weltende und Weltgeschichte, 1896, et même Malvenda, Tommaso, De Antichristo, Rome, 1604, 3e éd., 1647 Google Scholar. Gordon Leff a opposé des problèmes d'historien (« In search of Millenium », Past and Présent, 1958, p. 89-95) à l'ouvrage abstrait de Norman Colm, The Pursuite of the Millenium, 1957. — Sur les rapports entre hérésies médiévales et classes sociales les vues divergent. Les aspects sociaux sont minimisés par le P. Ilarino da Milano, Le eresie popolari del secolo XI nelV Europa occidentale (Studi greg. raccolti da G. B. Borina, II, 1947, p. 43- 101) et A. Borst, Die Katharer, 1953. En sens contraire : G. Volpe, Movimenti religiosi e sette ereticali nella società médiévale italiana, 1922, et les interprétations marXIstes de N. Sidohova, « Les mouvements hérétiques populaires en France aux XIe-XIIe siècles » (en russe) dans Srednie Veka (Le Moyen Age), 1953, et E. Werner, Die gesellschaftlichen Grundlagen der Klosterreform im 11. Jahrhundert, 1955. Mise au point de R. Morghen dans Medivo Cristiano, 1951, p. 212 sqq. et dans les Relazioni du X” Congrès international des Sciences historiques, Rome, 1955, t. III, p. 333 sqq. Essai suggestif de Charles P. Bru, « Sociologie du catharisme occitan » in Spiritualité de l'hérésie : le Catharisme, 1 vol. sous la direction de R. Nelli, 1953.

1. G. Poulet, Etudes sur le temps humain, 1949.

2. M. Bloch, in Annales d'histoire économique et sociale, 1936, p. 582.

1. H. I. Mabeou, L'ambivalence du temps de l'histoire chez saint Augustin, 1950. Sur le temps chez saint Augustin consulter dans le recueil : Augustinus Magister, Congrès international augustinien. Paris, 21-24 septembre 1954, 3 vol., 1955 : J . Chaixruy, La cité de Dieu et la structure du temps chez saint Augustin, p. 923-931. — R.P.R. Gillet, O.S.B., Temps et exemplarisme chez saint Augustin, p. 933-931. — J . Hubaux, «Saint Augustin et la crise cyclique, p. 943-950.

2. E. Bernheim, Mittelalterliche Zeitanschauung in ihrem Einfluss auf Politik und Geschichtsschreibung, 1918. — H. X. Arquillière, L'augustinisme politique, 1934.

3. Cf. P. Rousset, « La conception de l'histoire à l'époque féodale », in Mélanges Halphen, p. 623-633 : « La notion de durée, de précision faisait défaut aux hommes de l'époque féodale » (p. 629); « ce goût du passé et ce besoin de fixer les époques s'accompagnent d'une volonté d'ignorer le temps » (p. 630) ; « à l'origine de la Croisade ce même sentiment éclate; les chevaliers veulent, supprimant le temps et l'espace, frapper les bourreaux du Christ » (p. 631). L'auteur fait écho à M. Bloch qui a décelé, à l'époque féodale, « une vaste indifférence au temps » (La Société féodale, t. I, p. 119). — Sur Othon de Freising, cf. H. M. Klinkenberg, « Der Sinn der Chronik Ottos von Freising » in Aus Mittelalter und Neuzeit. Gerhard Kullen zum 70 Geburtstag dargebracht, 1957, 63-76.

4. M.-D. Chenu, Conscience de l'histoire et théologie, in Archives d'Histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age, 1954, p. 107-133 ; repris dans La théologie au XIIe siècle, 1957, p. 62-89. Rappelons E. Gilson, L'esprit de la philosophie médiévale, 2e éd., 1948, ch. XIX : « Le Moyen Age et l'Histoire », p. 365-382. Sur deux « historiens » du x n e siècle, cf. R. Daly, « Peter Comestor, Master of Historiés », in Spéculum, 1957, p. 62-72 et H. Wolter, Ordericus Vitalis. Ein Beitrag zur Kluniazensischen Geschichtsschreibung, 1955.

1. M.-D. Chenu, op. cité, p. 210-220 : « L'Ancien Testament dans la théologie médiévale ». L'ouvrage de B. Smalley, The Study of the Bible in the Middle Ages, 1940, 2 e éd., 1952, est fondamental. L'aspect symbolique de la pensée chrétienne au XIIe siècle a été présenté par M. M. Davy, Essai sur la Symbolique romane, 1955, qui ne met en valeur que le côté le plus traditionnel de la théologie du x n e siècle.

2. M.-D. Chenu, op. cité, p. 66-67

3. Ibid., p. 76.

4. Cf. E. Gilson, Les idées et les lettres, p. 183 sqq. et P. Renucci, Uaventure de l'humanisme européen au Moyen Age, p. 138 sqq. La « traslatio studii » franco-italienne.

1. M.-D. Chenu, op. cité, p . 79-80.

2. Ibîd., p. 86.

3. Cf. H. Liebeschutz, Médiéval Humanism in the Life and Writings of John of Salisbury, 1950.

4. Sur le marchand médiéval vues d'ensemble in Y. Renouard, Les hommes d'affaires italiens du Moyen Age, 1949; A. Sapori, Le marchand italien au Moyen Age, 1952; J . LE Goff, Marchands et banquiers du Moyen Age, 1956.

1. Sur les problèmes monétaires au Moyen Age, M. Bloch, Esquisse d'une histoire monétaire de l'Europe (posthume, 1954); C. M. Cipoixa, Money, Priées and Civilization in the Mediterranean World, V'h to XVIIe c, 1956. T. Zerbi, Moneta effettiva e moneta di conto nelle fonti contabili di storia economica, 1955; R. S. Lopez, Settecento annifa : Il ritorno all'oro nelVOccidente duecentesco, 1955.

2. Cf. J. Meuvret, « Manuels et traités à l'usage des négociants aux premières époques de l'âge moderne », in Etudes d'Histoire moderne et contemporaine, t. V, 1953.

3. Cf. R. de Roover, L'évolution de la lettre de change, 1953.

4. Cf. R. H. Bautier, « Les foires de Champagne. Recherches sur une évolution historique », in Recueils de la Société Jean Bodin : La Foire, 1953, p. 97-147.

5. Publié par J. Rouyer, Aperçu historique sur deux cloches du beffroi d'Aire. La bancloque et le vigneron. P.J.I., p. 253-254; G. Espinas et H. Pirenne, Recueil de documents relatifs à l'Histoire de l'industrie drapière en Flandre, t. I, 1906, p. 5-6.

1. G. Feiedmann, « Frédéric Winslow Taylor : l'optimisme d'un ingénieur », in Annales d'Histoire économique et sociale, 1985, p . 584-602.

2. Sur la mesure du temps et les horloges, idées intéressantes mais à reprendre souvent avec une information plus précise dans Lewis Mumford, Technique et Civilisation, 1984, trad. fr. 1950, p. 22 sqq; excellent aperçu dans Y. Renouard, op. cit., p. 190-92. On se rappellera toutefois que dans ce domaine aussi des progrès décisifs ne se produiront qu'à partir du XVIe siècle. A. P. Usher exagère cependant en sens inverse en déclarant : « The history of clocks prior to the XVIth century is largely a record of essentially empirical achievements » in A History of mechanical inventions, 2e éd., 1954, p. 804. Cf. A. C. Crombie, Augustine to Galileo. The History of Science. A.D. 400-1650, 2= éd., 1957, p. 150-151, 183, 186-187. — D'une vaste littérature retenons, pour la documentation, F . A. B. Ward, Time Measurement, 1937, et, pour l'agrément, le plaisant ouvrage de vulgarisation de F. L E Lionnais, Le Temps, 1959. La phrase de Jean de Garlande est tirée de son Dictionarius, éd. Géraud, p. 590. — On sait que les psychologues ont insisté sur l'acquisition concomitante des notions temporelles et spatiales par l'enfant (J. Piaget, Le développement de la notion de temps chez l'enfant, 1946, p. 181-203. — P. Fraisse, Psychologie du temps, 1957, p. 277-299. — Ph. Malrieu, « Aspects sociaux de la construction du temps chez l'enfant », Journal de Psychologie, 1956, p. 315-332.)

1. P. Francastel, Peinture et Société. Naissance et destruction d'un espace plastique. De la Renaissance au Cubisme, 1951.

2. Sur les rapports entre les représentations théâtrales et le tableau d'Uccello, cf. P. Francastel, « Un mystère parisien illustré par Uccello : le miracle de l'hostie d'Urbino », in Revue archéologique, 1952, p. 180-191.

1. Exemples notamment J. Lestocquoy, Les villes de Flandre et d'Italie sous le gouvernement des patriciens (XIe-XVe s. ), 1952, p. 204 sqq : « Les patriciens et l'Evangile ».

2. Nous ne méconnaissons pas que les études récentes de détail amènent à nuancer et à corriger considérablement les thèses classiques de Max Webkr, Die protestantische Ethik und der Geist des Kapitalismus, 1920, et de R. H. Tawney, Religion and the Bise of Capitalism, 1926.

3. « La mémoire collective et le temps », Cahiers internationaux de Sociologie, 1947, p. 3-31.

1. R. Mandrou vient de rappeler (Annales, 1960, p. 172) les eXIgences de l'historien et des suggestions anciennes de M. Bloch face à des travaux récents de philosophes peu soucieux d'histoire concrète.

2. G. Poulet, op. cité, p. vi, reprenant Duns Scot, Ouest. Quodl. q. 12.

3. Outre les ouvrages généraux sur l'histoire de la philosophie et des sciences, on peut, sur le rôle des Arabes, consulter A. Mieli, Panorama gênerai de historia de la ciencia, t. I I . El mundo islamico y el occidente médiéval cristiano, 1946 et F. Van Steenberqhen, Aristotle in the West, 1956. Sur un point précis : E. Wiedemann, Vber die Vhren im Bereich der Islamischen Kultur, 1915.

1. M.-D. Chenu, op. cité, ch. XII et XIII : « L'entrée de la théologie grecque et orientale », p. 274-322.

2. O. Cullmann, op. cité, p. 36; cf. L. Laberthonnière, Le réalisme chrétien et l'idéalisme grec, 1904 et J. Guitton, Le temps et l'éternité chez Plotin et chez saint Augustin, 1933.

3. E. Gilson, L'esprit de la philosophie médiévale, 2e éd., 1948, p . 66. Voir tout le début du chapitre IV : « Les êtres et leur contingence », p . 63 sqq.

1. Cf. G. L E Bras, Art. « Usure » in Dictionnaire de Théologie Catholique, t. XV, II e partie, 1950, col. 2336-2372; B.N. Nelson, The Idea of Usury : front tribal brotherhood to universal otherhood, 1949 et Vouvrage cité de John T. Noonan Jr.

2. Joannes Andreae (1270-1348), professeur de droit canon à Bologne, dans son traité De regulis Juris, art. « Peecatum », 12 (cité par John T. Noonan, op. cité, p. 66) déclare que l'argument selon lequel le temps ne peut être vendu est « frivole », car de nombreux contrats comportent un délai de temps, sans qu'on puisse dire qu'ils impliquent une vente du temps ». Le mécanisme des opérations commerciales est donc mieux connu désormais des docteurs, et saisi par eux dans une perspective proprement technique.

3. M. de Gandiiaac, Valeur du temps dans la pédagogie spirituelle de Jean Tauler, 1955.

4. Gordon Leff, « The XlVth century and the décline of Scholasticism », in Past and Présent, n° 9, avril 1956, p . 30-41 ; Id. Braduiardine and the Pelagians, 1957.

1. A. Tenenti, La vie et la mort à travers Vart du XVe siècle, 1952 et II senso délia morte e l'amore délia vita nel Rinascimento, 1957, eh. II : « I l senso délia durata », p . 48-79.

2. A. Combes, Conclusiones de Jean de Ripa. Texte critique avec introduction et notes, 1956.

3. Bibliographie la plus récente ap A. C. Ckombie, op. cit., 2” éd., 1957, p . 414-416. On consultera notamment les travaux de M. Clagett, A. Koyre, A. Maieb, C. M I - Chalsky. Y ajouter les études de G. Beaujouan et son esquisse dans Histoire générale des Sciences, t. I . La Science antique et médiévale, sous la direction de R. Taton, 1957. Sur les origines de ce courant H. Shapïro, « Motion, Time and Place according to William Ockham », Franciscan Studies, 1956.

1. S. Pines, Beitràge zur islarnischen Atomenlehre, 1936 et ID. « Les précurseurs musulmans de la théorie de l'impetus », in Archeion, 1938.