Le Marchand n'a pas été au Moyen Age aussi communément méprisé qu'on l'a dit, à la suite notamment des remarques de Henri Pirenne qui s'est trop fié sur ce point à des textes surtout théoriques. Il reste que, si l'Eglise a très tôt protégé et favorisé le marchand, elle a longtemps laissé peser de graves soupçons sur la légitimité d'aspects essentiels de son activité. Certains de ces aspects engagent profondément la vision du monde qu'avait l'homme du Moyen Age, disons plutôt, pour ne pas sacrifier au mythe d'un individu collectif abstrait, qu'avaient en Occident, des gens qui, entre XIIe et XVe siècles, possédaient une culture et un outillage mental suffisants pour réfléchir sur les problèmes professionnels et leurs incidences sociales, morales, religieuses.

Subsistances, écologie, climat : ces trois termes apparaissent aux XVIIe et XVIIIe siècles bien plus dramatiquement liés qu'ils ne le sont aujourd'hui. A cette époque, les variations des récoltes et des conditions météorologiques qui les déterminent en grande partie, exercent sur le niveau de vie des masses et sur toute l'économie, une influence beaucoup plus décisive que de nos jours. Une étude des fluctuations météorologiques en Europe, aux XVIIe et XVIIIe siècles, ne concerne donc pas seulement l'histoire naturelle, elle intéresse tout autant et davantage l'histoire de l'homme.

L'Histoire a voulu que nous ne puissions considérer l'oeuvre des Churriguera qu'à travers l'écran du concept générique de « churrigueresque ». Mais n'en est-il pas de même de tous les artistes qui ont prêté leur nom, soit à un style ou à un mouvement esthétique dont ils apparaissent comme les initiateurs, soit à une série d'oeuvres dont on entend marquer par là l'unité profonde ? Quelle méthode moins arbitraire, cependant, parmi toutes celles dont use l'historien de l'art, que de définir les caractères essentiels d'une œuvre-clé (comme on dit), sa problématique et sa signification historique ? La définition ainsi obtenue n'a rien d'une construction idéale : résultat d'une analyse concrète et rigoureuse, elle constituerait en quelque sorte un « modèle » à partir duquel il deviendrait possible d'introduire un semblant d'ordre parmi la multiplicité pure des œuvres.

Gette carte, que nous présentons encartée ici en fin de livraison, est une des illustrations de ma thèse de doctorat sur L'Histoire des Forêts françaises au XVIe siècle. Elle comporte l'étude de plus de 400 forêts du Nord et de l'Est de la France. Les précisions indispensables tant sur la superficie que sur la propriété de ces forêts reposent sur les bases archivistiques. Il était difficile, sinon impossible à un seul chercheur de dessiner un tableau complet pour l'ensemble de la France. La carte se compose donc uniquement des régions du Bassin Parisien, limitées artificiellement à cette époque par les frontières politiques, l'Artois, la Flandre, le Cambrésis par exemple, dépendant des domaines de Charles Quint.

L'Histoireque Nous Défendons, dans cette revue, se veut ouverte sur les différentes sciences de l'homme; et, plus que l'histoire ellemême, aujourd'hui c'est l'ensemble de ces sciences qui nous préoccupe. Je crois utile de le redire, au seuil de cette chronique qui se propose de mettre en cause les données et orientations essentielles des études démographiques, en les considérant, elles aussi, de ce point de vue d'ensemble, et non du point de vue de la seule histoire.

Que l'on se rassure : je ne veux pas, par ce biais, entreprendre le procès facile d'un certain démographisme, explication impérialiste, unilatérale, souvent hâtive de la réalité sociale. Chaque science, surtout si elle est jeune ou, ce qui revient au même, rajeunie, s'efforce de soulever l'ensemble du social et de l'expliquer à elle seule.

Il existe actuellement à la Radiodiffusion française une émission naïve et touchante : touchante, parce qu'elle veut suggérer au grand public qu'il n'y a pas seulement une histoire de la musique mais qu'il y a aussi des rapports entre l'histoire et la musique; naïve, on ne voit que trop pourquoi : le principe de l'émission consiste à rapprocher des événements et des œuvres. Le trait d'union, le rapport, l'élément commun, bref le facteur d'identité ? la date. On nous annonce: 1788 — Convocation des États généraux ; Rappel de Necker ; Concerto n° IV à quatre, en ut mineur, pour cordes, de B. Galuppi.

En 1788, il existait en France, comme chacun le sait, un millier d'établissements métallurgiques, dispersés en pleine campagne, souvent dans des écarts perdus, le long des cours d'eau dont le courant faisait tourner la roue de leurs soufflets et marteaux, à proximité des forêts où ils se fournissaient en charbon de bois, et utilisant le minerai de fer de surface extrait au voisinage, la matière première et le combustible étant voitures généralement par des chemins difficiles, à force de charrettes, de chevaux ou de mulets. Ces établissements comprenaient un fourneau pour la production de la fonte, et une forge où l'on affinait la fonte pour obtenir le fer.

L'Étude de l'économie rurale au Moyen Age n'est sans doute dans aucun pays poussée plus loin qu'en Angleterre. Les historiens euxmêmes, et particulièrement ceux de l’ « école de Cambridge », sont certes, et pour beaucoup, responsables de cette avance. Mais elle est due également aux avantages de la documentation. Incontestablement, les sources écrites sont ici plus abondantes et plus riches, parce que les archives anglaises ont subi moins que d'autres le choc des troubles politiques, et, plus encore, parce que dans ce petit royaume étroitement tenu, les techniques d'administration, royales et privées, se sont plus tôt perfectionnées : dès le XIIIe siècle, on conservait des séries de comptes et d'enquêtes qui permettent aujourd'hui d'observer dans le détail la gestion des seigneuries, la répartition des fortunes.

Nous Est-Il Permis D'Imaginer, dans une petite ville de la province italienne, un type d'homme, amateur passionné de choses surannées, mais ignorant des méthodes et des problèmes historiques contemporains, attiré comme par un instinct vers l'histoire, mais surtout préoccupé de philosophie ? Le voici curieux de savoir ce que fut la Réforme, parce que dans son pays, il n'y a pas eu de Réforme, et les professeurs qui enseignèrent ses jeunes années n'en connaissaient pas grand-chose. Et voilà qu'un beau jour, notre curieux découvre — dans une revue qui n'est pas précisément une revue d'histoire, la Civiltà Moderna de Florence, et en tête d'un numéro de 1929 (paru en 1930) l'article célèbre et toujours fondamental sur « Les origines de la Réforme française et le problème des causes de la Réforme ».

Dépouiller les archives de l'ancienne cour des monnaies pour en extraire des renseignements statistiques, établir, à partir de là, des séries permettant de suivre année par année et région par région, durant un très long laps de temps, les émissions des monnaies françaises, c'était là une entreprise qui exigeait beaucoup de courage et de persévérance, voire d'abnégation. Ce gros labeur, poursuivi pendant plusieurs années de recherches, M. Spooner a eu le mérite de le mener jusqu'à son terme. On ne saurait trop l'en remercier.

La thèse de M. Kenneth Vignes vient combler une lacune. S'il est une période mal connue dans l'histoire de l'Algérie, c'est bien celle des « rattachements ». Personne n'en nie l'intérêt, mais personne jusqu'ici n'a osé la fouiller, par suite de difficultés particulières. M. Vignes a eu ce courage, et il a bien posé le problème : problème de gouvernement et d'administration. A quels besoins répondait ce système? Quelle idéologie l'animait? Quels résultats a-t-il obtenus?

M. Vignes a tiré de ses recherches un livre qui se lit aisément. Le style est ferme, l'exposé toujours clair, et l'idée générale n'est jamais perdue de vue au cours de ces 400 pages. C'est un théorème, démontré avec une sobriété toute mathématique. Pas de grâces surannées, pas de prétentions à l'éloquence; un souci constant d'être concis et clair.