A notre époque, mettre l'accent sur la nécessité d'une interpénétration plus complète des différentes disciplines scientifiques devrait être un devoir évident pour ‘tous. Or cette nécessité échappe encore trop souvent, même aux érudits. Je voudrais, en résumant ici brièvement des recherches en cours, montrer l'intérêt que les historiens peuvent trouver à s'appuyer, non seulement sur l'archéologie, mais encore sur des travaux de laboratoire au sens précis des termes, qui sont susceptibles de nous révéler bien des faits encore insoupçonnés.

L'histoire des prix et salaires en Belgique ou, si l'on préfère, dans les Pays- Bas méridionaux à l'époque moderne, en est encore à ses premiers pas. Aux publications nombreuses et de qualité qui ont vu le jour en France, en Allemagne, en Angleterre, en Hollande et ailleurs, la Belgique n'a guère à opposer que le recueil, dépourvu de commentaires et de graphiques, que H. Van Houtte consacra il y a plus d'un demi-siècle aux prix atteints par un certain nombre de denrées agricoles sur quelques marchés du comté de Flandre entre 1381 et 1794.

Le district de Menouf n'est pas le centre géographique du Delta, puisqu'il borde la branche occidentale du Nil, celle de Rosette. Mais la fertilité de ses terres, sa formidable densité de peuplement, la personnalité vivace qui caractérise ses fils et s'attache encore à eux, dit-on, longtemps après l'émigration, font de lui, peut-être, le cas-limite de la campagne égyptienne. Aussi n'est-ce pas sans raison que, ces dernières années, le gouvernement l'a pris comme objectif majeur de ses réformes, telles que l'institution de « centres sociaux ». Ce n'est pas un hasard non plus que l'UNESCO y ait fondé en 1953 son Centre international d'éducation de base pour les pays arabes.

On ne saurait trop féliciter le Fondo de Cultura Economica de Mexico — cette puissante et bienveillante maison d'édition — de l'excellence de ses choix en matière de publication1. Embrassant, dans ses préoccupations, le domaine entier des sciences de l'homme, le Fondo est en passe de constituer une bibliothèque unique, telle qu'il n'en existe pas d'équivalente dans le vaste espace culturel des peuples de langues ibériques, voire même, dans une large mesure, de langues latines.

Nul n'est mieux placé que le directeur des Archives Fugger pour connaître l'histoire de la célèbre firme d'Augsbourg. Sa solide biographie de Jakob Fugger en portait déjà témoignage. L'ouvrage qu'il vient de consacrer aux rapports des Fugger avec la Hanse se recommande par les mêmes qualités, information extrêmement riche, tirant parti tout à la fois de nombreuses pièces d'archives dispersées et de travaux inédits, exposition tendue dont on serait presque tenté, parfois, de trouver le brillant trop vif. L'histoire des entreprises Fugger dans l'espace hanséatique, et leur naturel conflit avec Lübeck, s'y dissout cependant quelque peu dans l'exposé des péripéties politiques.

Les Annales ont à plusieurs reprises signalé à leurs lecteurs, dans la masse des publications consacrées à l'U. R. S. S., parmi lesquelles tant de prétentieux et hâtifs jugements portés sans connaissance du pays, de la langue, des institutions, les documents ayant l'exceptionnelle saveur du vécu. En voici un, de tout premier ordre, sur l'U. R. S. S. des années de guerre et d'après guerre jusqu'en 1947. M. Stephan Strogoff, quittant Moscou en août 1947, n'a pas « choisi la liberté ». C'est un jeune Soviétique d'alors vingt ans qui, à travers les bouleversements suscités par «la grande guerre patriotique », comme on l'a dénommée en U. R. S. S., les brassages au cours desquels le Rideau de fer, établi de part et d'autre, avait été crevé, laissant passer troupes, matériels, marchandises et même publications étrangères, a formé (à l'instar de tant d'autres de ses concitoyens, traditionnellement, congénitalement attirés par l'« au-delà des frontières », la zagranitza) de vastes espoirs….

Connus d'abord d'un petit nombre de spécialistes, les travaux de RAYMOND DE ROOVER ont maintenant acquis une juste notoriété. Aussi le Centre de Recherches historiques de l'École des Hautes Études a-t-il été bien inspiré en lui demandant un ouvrage sur ce thème capital : U Évolution de la lettre de change (XIVe-XVIIIe siècles).

Sur les origines de la lettre de change, le développement de la ricorsa aux XIVe et XVIIe siècles et d'autres points encore, il sait que ses conclusions seront contestées et que la découverte de nouveaux documents peut modifier les interprétations proposées.

Les études d'histoire agraire sont en plein essor à l'heure actuelle en Europe centrale. Dans les directions ouvertes par Marc Bloch, historiens allemands et polonais rivalisent d'initiative. Voici une rapide analyse des apports polonais les plus récents.

Les plus anciennes nouvelles que nous ayons sur l'élevage chez les Slaves nous ont été transmises par les écrivains arabes. M. LEWICKI (n° 5) s'occupe surtout de quatre textes à savoir : 1° d'une relation arabe du ixe siècle sur les peuples de l'Asie centrale et de l'Europe orientale, transmise par Ibn Rosteh, al Gardizi, al Marwazi ; — de la relation d'Ibn Faldoun sur les Bulgares de la Volga, 922 ; — des écrits d'al Mas'oudi (moitié du xe siècle) ; — de la relation d'Ibrahim Ibn Ja'qub (966) transmise par al Bekri (1066).

Paul-Thérèse-David d'Astros, cardinal-archevêque de Toulouse (†1851) est surtout connu des lettrés pour la censure qu'il rédigea sur La Mennais. L'homme n'était pourtant ni un dénonciateur ni un conformiste. Vicaire capitulaire de Paris, grâce à son oncle Portalis, il sut tenir tête à Napoléon, ce qui lui valut de terminer l'Empire dans un cachot de Vincennes. Cependant il ne se distingua pas des nombreux évêques de la première partie du XIXe siècle qui, tout occupés à leur mission pastorale, semblèrent ignorer les transformations de la France d'alors, si ce n'est pour en contrecarrer les nouveautés. Avec cela, il passa pour un très bon évêque, sinon pour un saint. Son cas, donc, est typique.

Dans une étude sur La Carte des opinions françaises, M. Alfred Lajusan évoquait jadis ici même « l'action d'intrusions massives de calvinistes convertis de force, après 1685, et dilués dans une collectivité catholique ; elle y attiédit, elle y dénature la foi : ce dernier point est d'importance ». Comme le soulignait M. Lucien Febvre au frontispice de la même étude, il s'agit là d'une « hypothèse intéressante, qui demande a être mise à l'épreuve ». Or nous pouvons verser à ce dossier un passage fort significatif du mandement donné, le 11 novembre 1708, par l'évêque de Castres Honoré de Quiqueran de Beaujeu, «pour l'établissement de son séminaire ». Ce prélat, rappelons-le, est à la tête d'un des diocèses où les nouveaux convertis sont les plus nombreux.

Les géographes n'ont pas fini de s'interroger sur l'objet et la portée de leur discipline. Pourquoi s'en affligerait-on si, ce faisant, ils restent décidés à ne pas élever de murailles entre elle et les disciplines voisines? C'est au moins l'indice qu'ils s'efforcent de ne pas cheminer en aveugles. Plusieurs prises de position récentes, françaises et allemandes, en apportent témoignage.

Si certains Allemands, comme Troll ou Mortensen, estiment que la géographie est maintenant maîtresse de son objet et de ses méthodes, d'autres,. comme Obst, Schmitthenner ou Lautensach, engagent une discussion qui prouve que l'unanimité n'est pas plus faite là que chez nous. Les progrès même de la géographie régionale, la complexité croissante des relations mises en évidence par l'analyse géographique d'une contrée ont conduit certains géographes à se demander si la généralisation était encore possible et si l'on pouvait donner .un contenu véritablement scientifique à une géographie générale.

Qui, entendant parler du livre d'Elinor Castle Nef, Letters and Notes, publié au lendemain de la mort de cette femme d'élite par son mari, se contenterait de dire : «Témoignage respectable et touchant d'un amour conjugal que la mort n'a point brisé, mais je n'ai pas assez connu l'auteur pour que ces souvenirs puissent m'intéresser », commettrait une lourde erreur. Et d'abord se priverait du plus grand des plaisirs : celui de découvrir un talent réel, une intelligence originale, des dons hors série, brusquement et sans préparation. J'ajoute : s'il est Français, il se priverait d'une source jaillissante et rejaillissante à toutes les lignes et à toutes les pages, des réflexions, des méditations, de comparaisons sur son pays. La France, cette grande passion de l'authentique Américaine que fut Elinor Castle Nef. La France évoquée à toutes les pages du livre, ou presque.

Signalons sans plus tarder l'important ouvrage que M. STELLING-MICHAUD consacre à L'Université de Bologne et la pénétration des droits romain et canonique en Suisse aux XIIIe et XIVe siècles. C'est un grand sujet et un livre plein de choses. Sur l'Université même de Bologne, sur la vie des étudiants, sur les opérations financières auxquelles ils se livraient pour subvenir à leurs dépenses (les études de droit, dès ce temps, étaient chères : de 20 à 50 livres pour le logement et la nourriture au XIIIe siècle, sans compter tout le reste), sur le commerce des manuscrits juridiques, — l'ouvrage abonde en données précises. De même, et plus encore, sur l'appartenance sociale et l'origine géographique des étudiants.