C'est par les réalisations de son industrie que notre époque montre le plus de grandeur. Notre civilisation est matérialiste en ce sens que les désirs des hommes se tournent de préférence vers la possession d'objets manufacturés, vers des distractions nécessitant la mise en oeuvre de moyens mécaniques. Parmi toutes les activités de l'homme moderne, celle de l'ingénieur joue donc dans notre vie sociale un rôle de clef de voûte. Or ce sont les ingénieurs que la crise économique a le plus touchés ; et ce sont eux aussi qui, probablement, la supportent le moins aisément. Nous voudrions, dans les pages qui suivent, rechercher les causes profondes de cette anomalie. Mais d'abord, avant d'étudier les réactions du technicien devant le chômage, cherchons à définir sa position en temps normal — durant les périodes où l'industrie est florissante.

Lorsque nos historiens de l'Afrique du Nord cherchent à expliquer l'échec final des Portugais et surtout des Espagnols en Berbérie, ils ne manquent pas de l'attribuer à la politique de l'occupation restreinte. En Berbérie, disent-ils, contrairement à ce qui se passe en Afrique noire, la politique des comptoirs n'est pas possible. Si l'on ne se décide pas à pénétrer dans le pays, si l'on se contente de s'accrocher à la côte sans occuper l'intérieur et sans détruire tous les foyers d'hostilité, ou bien l'on est un jour rejeté à la mer, ou bien l'on végète longuement, sans profit et sans gloire. De toute manière, on perd son temps, ses hommes, son argent. Tout dernièrement, un essayiste célèbre, l'écrivain espagnol José Ortega y Gasset, enregistrait à son tour l'insuccès : « Melilla, disait-il, conquise par les Espagnols à la fin du xve siècle, demeurait encore au xxe enfermée à l'intérieur de ses murailles, sans rapports avec le pays…. Chose étrange. Problème. »

Dans l'ouvrage initiateur où, pour la première fois, fut étudié le système des « champs ouverts » en Angleterre, Frédéric Seebohm signalait un trait de ce système auquel depuis lors on n'a accordé que peu d'attention. Il montrait, naturellement, que les différentes tenures d'un village étaient composées de bandes de terre éparpillées dans les divers quartiers (furlongs), lesquels formaient le sol arable du village. Après quoi il expliquait que les bandes de terre d'une tenure donnée avaient pour voisines, dans tous les quartiers, les bandes de deux autres tenures, toujours les mêmes : bref, que les parcelles dépendant des différentes tenures étaient « disposées suivant un ordre régulier de succession ». Il illustrait la chose en montrant que, dans le manoir de Winslow (comté de Buckingham), au milieu du XIVe siècle, la « vergée » appartenant à John Moldeson comprenait 72 bandes d'un demiarpent chacune, dont 66 étaient contiguës à celles d'un certain John Watekyns.

Alors que nous sommes relativement bien informés sur les groupements politiques des époques anciennes (les États) et leur structure, nos renseignements sont beaucoup plus rares sur la vie économique aux mêmes temps de l'histoire : lacune d'autant plus regrettable que l'évolution politique à toutes les périodes a été déterminée par celle de l'économie. En particulier, les groupements d'un faible rayon ont toujours eu l'organisation économique pour objet primordial ; comme des collectivités purement agricoles, cela est vrai de celles dont la principale ressource est la pêche ou encore le commerce ou l'artisanat. D'où la nécessité — ne fût-ce que dans l'intérêt de l'histoire politique elle-même — de travailler à venir à bout des difficultés d'ordre documentaire auxquelles il vient d'être fait allusion.

Si j'écrivais dans une revue d'histoire économique autre que les Annales… — mais j'écris dans les Annales : et c'est pourquoi je ne sens pas le besoin de m'excuser si je présente aux lecteurs, et dans les termes qui vraiment conviennent, une œuvre de tous points remarquable. Disons mieux, un indispensable instrument de travail et dont il n'est pas un historien, ou un curieux d'histoire, qui puisse et doive se désintéresser s'il est soucieux de large culture humaine.

Dans le VIIIe et dernier volume de la Bibliographie des Sources de l'Histoire de France au XVIIe siècle que procure Mr Louis André, il y a moins à glaner pour l'historien économiste que dans le volume précédent, que nous avons signalé en son temps. Mr André l'a consacré, d'une part, à l'Histoire provinciale et locale de la France au XVIIe siècle (Histoire des provinces et pays ; puis, Histoire des États provinciaux ; puis, Histoire des localités et livres de raison) — d'autre part, à un Essai sur les Sources étrangères de l'histoire française à la même époque. On y cherchera également les sources provenant de provinces non encore réunies au royaume : Franche-Comté, Lorraine, etc. Une série d'additions et de corrections ; une copieuse table générale des noms propres et des noms de localités, avec pagination spéciale et références aux huit volumes ; enfin une table des abréviations complètent ce volume. Il met fin à une entreprise qui, conçue sur un plan assez différent de celui qu'adoptèrent Molinier et Hauser dans leurs fascicules bibliographiques — et ne témoignant ni de l'art de choisir, ni de la vigueur critique dont ces deux maîtres ont su donner des témoignages inestimables — n'en mérite pas moins la gratitude des « usagers »

Grâce à Mr Georges Espinas, voici que revivent sous nos yeux deux nouvelles figures de patriciens douaisiens : sire Jean de France et sire Jacques Le Blond. Les principes de la publication sont les mêmes que dans le précédent volume, consacré, on s'en souvient, à Jean Boinebroke. D'abord les textes, édités avec le soin scrupuleux que l'on devine ; puis une notice historique qui rassemble les éléments du dossier et en tire les leçons. Guidés par leur érudit « manager », efforçons-nous, à notre tour, de camper les deux hommes.