Qu'une sociologie particulière des parlements d'ancien régime reste à faire, on n'en saurait douter. Si leur structure juridique et leur rôle politique ont fait l'objet d'études approfondies, si le rôle intellectuel des magistrats a été souvent évoqué, il reste encore beaucoup à trouver sur leurs origines sociales, leur fortune en particulier, dont l'aspect capitaliste n'a guère été étudié jusqu'ici. Leur affiliation, assez fréquente à la franc-maçonnerie, ne les empêcha pas d'être des conservateurs sociaux. Ce qu'il advint de ceux qui échappèrent à la guillotine ou revinrent d'émigration n'est pas indifférent à savoir pour la connaissance de l'histoire sociale du xixe siècle.... Ce sont là réflexions suggérées par le Recueil généalogique de M. Henri de Frondeville.

Sait-on que la monnaie de papier est apparue en Chine dès le début du xie siècle? Simple moyen de paiement auxiliaire tout d'abord, elle prit origine dans les billets de crédit qui avaient cours à l'époque des T'ang (618-907) dans les milieux marchands. Employée concurremment avec les monnaies de cuivre du type classique, sa circulation, jusqu'à l'époque mongole, resta le plus souvent limitée à certaines régions. De plus, les billets imprimés étaient régulièrement mis hors circuit au bout d'un laps de temps assez court.

Herbert Franke a consacré à l'histoire de cette institution pendant la domination mongole (1260-1276-1367) une étude qui ne peut laisser indifférents les historiens du moyen âge.

Si les temps d'épidémie ont souvent donné lieu à des manifestations de haine, récemment étudiées ici même, certaines périodes de guerre permettent de saisir quelques réactions psychologiques assez semblables dans leur nature.

A cet égard, les départements de la région toulousaine offrent, en août 1870, quelques exemples significatifs. Alors que « l'entrain vaniteux et fanfaron » provoqué par la déclaration de guerre n'y était pas encore apaisé, l'annonce des premières défaites semble avoir entraîné une forte commotion de l'opinion, se traduisant par un véritable « accablement ». Négligeant les réactions plus proprement politiques entraînées par cette situation (notamment les menaces et malédictions individuelles à l'égard du souverain), nous citerons seulement quelques faits caractéristiques de la psychologie collective.

On croit savoir quelque chose sur le protestantisme français. On ouvre le beau livre d'ÉMILE-G. LÉONARD et l'on s'aperçoit qu'on ne sait rien du tout. L'aventure n'est pas unique, mais elle est rare.

Je dis : « le protestantisme français ». En fait le livre s'intitule : Le Protestant français, ce qui n'est pas la même chose ; je ne puis feindre de l'ignorer puisqu'Émile-G. Léonard veut bien rappeler que je suis pour quelque chose dans la genèse de cet ouvrage. En fait, j'aurais bien voulu le publier dans l'une de nos collections Annales, mais, en ces temps de pénurie généralisée, le sentiment dispose plus vite que la raison n'exécute. L'apparition de ce beau travail ne fait qu'accroître mes regrets ; mais après tout, l'essentiel est qu'il ait vu le jour.

Que les archives d'Italie soient d'une extrême richesse, personne ne pourrait le nier, personne n'en doute ; que, parfois, les recherches s'y avèrent difficiles (sans que, d'ailleurs, reconnaissons-le, la responsabilité en incombe pour autant aux archivistes), on le sait également. On ne peut donc que se réjouir, si l'on aime vraiment la recherche historique, à l'annonce d'un large et méthodique programme de publications, organisé, justement, pour porter remède à toutes ces difficultés. Voila une entreprise d'un rare mérite et d'une évidente utilité.

La Belgique vient de perdre un de ses meilleurs historiens. MICHEL HUISMAN est mort le 19 novembre dernier, à près de 80 ans. Professeur honoraire de l'Université de Bruxelles, ancien haut fonctionnaire du Ministère des Affaires étrangères, il était membre de l'Académie Royale de Belgique et président de la Commission de la Biographie nationale. Auteur de nombreuses et excellentes études d'histoire diplomatique, notamment sur la principauté de Liège à la fin du XVIIIe siècle et sur les rapports hollandobelges durant le XIXe, son titre de gloire restera néanmoins son livre magistral sur la Compagnie des Indes ou Compagnie d'Ostende (1723). Cet ouvrage, qui parut en 1902, est peu connu à l'étranger, car l'engouement à l'égard de l'histoire économique et coloniale était encore faible à cette époque. C'est pourquoi il m'a semblé utile d'attirer l'attention des générations actuelles sur l'œuvre importante de celui qui fut mon prédécesseur à l'Université de Bruxelles, et cela dans cette revue des Annales qui répond le mieux à leurs aspirations.

Jules Bloch m'ayant fait parvenir ses Tsiganes sitôt parus, j'avais lu ce petit livre plein de suc avec un grand contentement. Et n'augurant rien de bon du mal contre lequel depuis longtemps luttait mon ami, je m'étais hâté d'en faire le compte rendu et de veiller à ce qu'il parût dans les Annales. Il put le lire au milieu d'octobre (il devait nous quitter au début de décembre) — et ce lui fut un plaisir. Il réagit en m'adressant une de ces courtes lettres, de cette même écriture intelligente et calme que je lui connaissais depuis 1898 : un de ces billets si typiquement de Jules Bloch que je ne résiste pas au plaisir de le transcrire ici ; ceux .qui l'ont aimé l'y retrouveront tout entier — lui, sa pudeur sentimentale, sa franchise d'attaque, sa modestie, et cette gentillesse secrète qui animait le tout….

En juillet 1952 s'est tenu à Paris, au Palais de la Découverte, un remarquable colloque international consacré à Léonard de Vinci et V Expérience scientifique du XVIe siècle. C'était le Centre National de la Recherche Scientifique qui avait mis tous ses soins à l'organiser sous la direction de M. Jamati : il s'agissait du premier colloque de sciences humaines qu'il eût songé à réaliser. Notre collaborateur et ami M. Koyré s'était employé activement et heureusement à réunir les savants les plus qualifiés ; c'est ainsi que se rencontrèrent à Paris des hommes comme MM. Sarton, Johnston, P. H. Michel, G. de Santillana, P. Francastel, P. Sergezau, R. Dugas, V. Ronchi, M. Daumas, B. Gille, Sherwood Taylor, R. Hooykass, F. S. Bodenheimer, E. Belt, R. Klibansky, A. Chastel — et naturellement A. Koyré. La présidence du colloque fut assurée par Lucien Febvre.

Il faut louer sans réserves les « Archives historiques du Rouergue », qui nous procurent la première édition du Journal de Richeprey, remarquablement présentée par H. GUILHAMON. On voudrait espérer que tant de sociétés locales, qui gaspillent leurs maigres ressources en des publications trop souvent insignifiantes, sauront suivre un exemple aussi heureux : voici un ouvrage qui nous apporte quelque chose de nouveau sur l'histoire rurale française. Sans doute ce premier volume ne concerne-t-il que le Rouergue ; la masse et l'intérêt de ce qu'il apporte suffiraient à condamner ces distinctions formelles que l'on prétend encore faire entre histoire locale, provinciale, générale. — D'autant que nous savons la valeur de certains travaux « généraux », bâtis sur les immortels principes du touriste anglais et de la servante rousse de Calais.

Pierre Goubert, notre collaborateur, par l'exemple d'Auneuil-en-Beauvaisis d'abord, amorce ensuite d'une enquête généralisée, a attiré ici même l'attention sur la richesse historique des registres paroissiaux. Voici, procuré par M. Jacques Levron, L’État-civil antérieur à la Révolution de Saumur avec un index de près de 4 000 noms qui figurent dans le dépouillement des registres des trois paroisses de la ville depuis la fin du XVIe ou le début du XVIIe siècle : « C'est comme le reflet de tous ceux qui ont vécu à Saumur pendant trois siècles : les classes sociales, les métiers, les conséquences des événements sur la vie de la cité s'y retrouvent », écrit l'ancien archiviste en chef du Maine-et-Loire, qui mentionne chronologiquement tous les actes, noms, prénoms, professions, titulatures, parrainages, incidences diverses, par exemple sur la disette de 1692-1694 (p. 91-93), ou les hivers de 1709 (p. 33), 1728-1729, la guerre en 1744, l'attentat de Damiens (p. 95-99), etc..., sans omettre tel épisode des guerres de religion, comme la surprise de Langeaisen 1585 (p. 5), oules abjurations de protestants, au XVIIIe siècle en particulier.

Sous la direction du professeur Gùnther Franz et en liaison avec la Deutsche Landwirtschafts-Gesellschaft une nouvelle revue d'histoire rurale est publiée à Francfort depuis l'an dernier, le Zeitschrift für Agrargeschichte und Agrarsoziologie. Elle prétend s'intéresser à toutes les activités scientifiques qui s'efforcent d'éclairer l'évolution des sociétés et de l'économie rurales, et rassembler par conséquent les observations des historiens, des géographes, des sociologues et même des praticiens de l'agriculture ; elle n'entend pas se limiter à l'étude de la campagne allemande, mais considérer d'une manière générale l'histoire agraire européenne. Le contenu des deux premiers cahiers répond effectivement à ce programme.

Nous avons déjà eu l'occasion de signaler la publication de plusieurs ouvrages de VÉcole des Études hispano-américaines de Séville3: au total, plus de soixante volumes parus en moins de dix ans et qui portent témoi gnage sur la valeur et la puissance de la contribution espagnole à l'historiographie hispano-américaine. Le livre de Francisco Morales Padrón sur la Jamaïque espagnole (1494-1660) est représentatif de cet immense labeur. Autre mérite : il nous offre la première étude, jusqu'à ce jour, sur la domination espagnole dans la grande île.

La Jamaïque, avec Saint-Domingue, fut la plus ancienne des possessions espagnoles d'Amérique. La présente étude est la bienvenue qui couvre près de deux siècles des destins de la grande île, de la découverte en 1494 à ce 20 mai 1655, date du débarquement anglais, au 9 mai 1660 qui est la fin de la résistance espagnole, à cette année 1670 enfin, où le traité de Madrid reconnaît le fait accompli.