C'est en 1664 que les amateurs de théâtre pénétrèrent pour la première fois dans le monde de Jean Racine. Ils avaient vu l'année précédente la Sophonisbe de Corneille, et devaient, cette même année, applaudir (ou bouder) son Othon. Le succès de la pièce du nouveau dramaturge fut honorable; on joua douze fois, du 20 juin au 18 juillet, sa Thébaïde. Le public avait paru apprécier ce que Corneille appelait, non sans hauteur, “une docte et sublime complaisance au goût des délicats, qui veulent de l'amour partout. Les critiques, dès cette confrontation, sentirent qu'une crise se préparait: public et lettrés allaient avoir à prendre parti dans une lutte entre deux conceptions opposées du conflit tragique. Les adversaires ne tardent pas, en effet, à faire appel à leurs admirateurs. La déclaration de Corneille, c'est Sophonisbe qui s'en est chargée, dans une de ses premières répliques:
Le Roi m'honore trop d'une amour si parfaite.
Dites-lui que j'aspire à la paix qu'il souhaite,
Mais que je le conjure, en cet illustre jour,
De penser à sa gloire encor plus qu'à l'amour.
(i.i.31–34)