« La ville qui est à moi,
j'en dispose. »
L'Ecclésiaste, VIII-12.
Le premier acte d'un fondateur religieux qui réussit à imposer la reconnaissance sociale de son charisme est toujours de descendre au premier degré de cette réalité en cherchant à concrétiser la position acquise dans ce qui abstraitement s'appelle le champ religieux par l'emprise symbolique, voire aussi juridique, sur un espace, c'est-à-dire un territoire, les hommes et les choses qui le peuplent. Bien qu'il ne le fasse pas explicitement à propos du prophète proprement dit, Max Weber souligne cette « aspiration normale de l'institution ecclésiale » à dominer un territoire Les pages qui suivent entendent expliciter et interroger le sens de cette tendance sur la base d'un examen aussi approfondi que le permettent nos sources, essentiellement hagiographiques, de l'itinéraire d'un saint marocain du XVIIe siècle Mawlây ‘Abdallah ash-Sharîf (1596-1678), double et heureux héritier d'une généalogie et d'une tradition mystique prestigieuses, constituant les deux composantes du capital symbolique initial sur lequel il appuiera la construction de son charisme propre.