Hostname: page-component-68945f75b7-wph62 Total loading time: 0 Render date: 2024-08-05T19:01:00.680Z Has data issue: false hasContentIssue false

Quand les saints font les villes. Lecture anthropologique de la pratique sociale d'un saint marocain du XVIIe siècle*

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Extract

« La ville qui est à moi,

j'en dispose. »

L'Ecclésiaste, VIII-12.

Le premier acte d'un fondateur religieux qui réussit à imposer la reconnaissance sociale de son charisme est toujours de descendre au premier degré de cette réalité en cherchant à concrétiser la position acquise dans ce qui abstraitement s'appelle le champ religieux par l'emprise symbolique, voire aussi juridique, sur un espace, c'est-à-dire un territoire, les hommes et les choses qui le peuplent. Bien qu'il ne le fasse pas explicitement à propos du prophète proprement dit, Max Weber souligne cette « aspiration normale de l'institution ecclésiale » à dominer un territoire Les pages qui suivent entendent expliciter et interroger le sens de cette tendance sur la base d'un examen aussi approfondi que le permettent nos sources, essentiellement hagiographiques, de l'itinéraire d'un saint marocain du XVIIe siècle Mawlây ‘Abdallah ash-Sharîf (1596-1678), double et heureux héritier d'une généalogie et d'une tradition mystique prestigieuses, constituant les deux composantes du capital symbolique initial sur lequel il appuiera la construction de son charisme propre.

Summary

Summary

The itinerary of the saint here examined is subject to a reading which aims to determine the social implications of an act of religious foundation (in this case, the foundation of a mystical “way“) which succeeds and endures through time and to deflne it as a practice of charismatic domination of a given geographical and social space. This reading inquires successively into the pertinence of the space invested by the candidate for sainthood, the means of the social recognition of sanctity, and above all, the kinds and degrees of action lead by the saint in the space in which he is constituted. A model of this praxis (i.e. foundation) is finally proposed as a hypothesis defining one particular type of saint: the saint as founder to be distinguished primarily from the administrators who succeeded to the head of the institution which hefounded.

Type
Sociologie du Religieux
Copyright
Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1985

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

Footnotes

*

Le point de départ de ce texte a été le développement consacré à la « Praxis » de ce saint dans une thèse de doctorat de 3e cycle soutenue à l'E.H.E.S.S. en juin 1984, La « maison du cautionnement ». Les shurfa d'Ouezzane de la sainteté à la puissance. Étude d'anthropologie religieuse et politique (Maroc, XVIIe-XXe siècle). F. Colonna, J.-Cl. Schmitt et L. Valensi ont bien voulu lire attentivement et discuter avec moi une première version de cet article. Je les remercie vivement de ce que la version définitive doit à leurs critiques et suggestions, sur la forme comme sur le contenu.

References

Notes

1. Weber, M., Économie et société, Paris, 1971, p. 59.Google Scholar

2. ‘Abdallah est un sharîf, c'est-à-dire descendant du Prophète et donc porteur de baraka, aptitude à répandre une « bénédiction divine » qui tient de l'essence muhammadienne. Sur le sharifisme en général, cf. Van Arendonck, C., Sharîf, Encyclopédie de l'Islam (E. L), 1” éd., vol. 4, pp. 336341 Google Scholar ainsi que les références qu'il cite ; sur le sharifisme au Maroc, cf. Michaux-Bellaire, Éd., « La légende Idrisside et le chérifisme au Maroc », Revue du Monde musulman (R.M.M.), vol. XXXV, 1917, pp. 5786;Google Scholar du même auteur, Conférences faites au cours préparatoire du Service des Affaires Indigènes, Archives marocaines (A.M.), Paris, vol. XXVII, 1927, pp. 1-86 ; Drague, G., Esquisse d'histoire religieuse marocaine, Paris, s.d. (1950), p. 50 ss.Google Scholar Pour une approche anthropologique dans un contexte contemporain, un travail récent de Jamous, R. analyse les fonctions sociales de « médiation sacrée » des shurfa en milieu tribal rifain, Honneur et baraka, Paris-Cambridge, 1981.Google Scholar

3. Cette tradition, de loin la plus importante de l'histoire religieuse de l'ensemble du Maghreb, est celle du shâdhilisme-jazûlisme, du nom de son fondateur, Shâdhilî (1175-1258), et de son rénovateur, Jazûlî (m. vers 1465). Sur le premier et sa doctrine cf. E.I., lre éd., vol. 4 ; Bel, A., La religion musulmane en Berbérie, Paris, 1938, p. 350;Google Scholar G. Drague, op. cit., p. 42. Sur le second, cf. G. Drague, op. cit., pp. 51-53 et 74-77 ; Éd. Michaux-Bellaire, « Les confréries religieuses au Maroc », A.M., vol. XXVII, 1927, p. 61 ; et du même auteur, « Essai sur l'histoire des confréries religieuses marocaines », Hespéris, 2e trim. 1921, p. 148. Signalons qu'une importante source marocaine, malheureusement trop peu connue, recense les disciples et continuateurs de Jazûlî dans l'hagiologie marocaine, al-Mahdî al-FÂsî (1625-1698), Mumti’ al-''asma fî-l Jazûlî wa-t Tabba wa man lahumâ min al-'atba. Lithographie à deux reprises à Fès, 1305 Hg-1887 et 1313 Hg-1895 ; les pages 2-33 concernent le fondateur lui-même.

4. Cf. Massignon, L., Tarîka, E.I., V éd., vol. 4, pp. 700705.Google Scholar

5. Ce sont les deux principaux textes hagiographiques concernant ‘Abdallah et ses successeurs à la tête de la zâwiya d'Ouezzane. Leurs auteurs sont l'un et l'autre affiliés à l'ordre et intimes des shurfa : ‘Abd as-Salâm al-QÂDiRÎ (m. 1813), at-Tuhfa al-qâdiriya, manuscrit, Bib. Gén. de Rabat, 2 vols (K2321 et 2), 1/p. 68 ; et Hamdûn at-f Âhirî (m. vers 1778), Tuhfat al-ikhwân bi ba'd manâqib shurafâ’ Wazzân, litho., Fès, 1324 Hg-1906, p. 40.

6. Recueillie par Éd. Michaux-Bellaire dans « La Maison d'Ouezzane », R.M.M., vol. V, 1908, p. 32 ss.

7. Cette « errance » à fin spirituelle (siyâha) est une donnée permanente des biographies des saints de l'islam. Celle de ‘Abdallah, commencée vers 1625 et conduite pendant environ trois années, clôturait elle-même un cycle d'acquisition intellectuelle et spirituelle et était marquée par un mobile aussi impérieux que manifeste, faire visiter au jeune candidat à la sainteté les centres hagiologiques où se tiennent, vivants ou morts, les personnages qui comptaient pour la religiosité de son époque.

8. Du nom de Shagra ; Éd. Michaux-Bellaire, « Maison… », loc. cit., indique qu'au moment de son enquête il était connu sous le nom d’ « El-Guezrouf ». Je n'ai réussi à identifier ni l'un ni l'autre dans la toponymie actuelle.

9. Cf. sur ce type sociologique et en une autre aire du Maghreb le travail éclairant de Colonna, F., « La répétition. Les Tolba dans une commune rurale de l'Aurès », dans Ch. Souriau éd., Le Maghreb musulman en 1979, Paris, 1981, pp. 187203.Google Scholar

10. Uuzî'a est une pratique sacrificielle collective courante dans les campagnes maghrébines. Elle consiste, pour manifester et vivre la solidarité du groupe, en l'achat commun d'un animal abattu et consommé collectivement. Vuz Ta peut également rentrer dans le cadre d'un rituel spécifique : rachat d'un animal atteint et devant être abattu, sacrifice rituel, etc.

11.Udûl, pluriel de ‘adl, notaire testimonial.

12. Éd. Michaux-Bellaire, loc. cit., pp. 33-34. Les notes insérées sont de moi, mais les transcriptions de l'auteur ont été conservées. Ma propre enquête dans la région (1981 et 1984), de modeste envergure il est vrai, n'a pas permis de retrouver la trace de cette tradition.

13. Je fais ici volontiers place à cette autre hypothèse suggérée par Lucette Valensi, selon laquelle « on peut aussi interpréter ces “échecs” comme deux épreuves attendues dans ce type de littérature orale-merveilleuse ». Je trouve néanmoins surprenant que ces « épreuves », généralement injectées par le discours hagiographique dans les biographies qu'il construit, comme pour en survaloriser l'aboutissement, soient ici rapportées non pas par le texte hagiographique proprement dit, mais par une tradition orale d'un milieu tribal qui a toujours été ambivalent à l'endroit des shurfa d'Ouezzane. L'essentiel n'est cependant pas là ; il est dans la discordance, qui ne départage pas le vrai et le faux mais qui sépare deux types de mémoire, ayant chacun sa propre représentation.

14. Cette reconnaissance, nécessaire à tout charisme, est un « devoir » qu'impose la légitimité ; cf. M. Weber, op. cit., p. 249.

15. Éd. Michaux-Bellaire, loc. cit., c'est moi qui souligne. Les Banî Mastara continuèrent effectivement cette double pratique, la confrontation armée avec les shurfa en même temps qu'ils les fournissent en bois, jusqu'à fort avant dans le xxe siècle.

16. Littéralement la « maison-au-toit ». Sans doute était-elle exceptionnellement pourvue d'une toiture maçonnée, alors que la règle dans toute la région, et ce jusqu'au xxe siècle, était le toit de chaume.

17. Sur ce saint et les pratiques rituelles qui se déroulent, encore aujourd'hui, autour de son sanctuaire du littoral, voir Éd. Michaux-Bellaire, Le Gharb, A.M., vol. XX, 1913, p. 233 ss. et Villes et tribus du Maroc. Rabat et sa région, Paris, 1918-1920, vol. 3, p. 350 ss.

18. Sur cette crise, l'une des plus graves de l'histoire du Maroc, cf. les ouvrages classiques de l'historiographie arabe marocaine, notamment les deux principaux : NÂSIRÎ, al-'Istiqsâ’ li ‘akhbâr duwal al-Maghrib al-'aqsâ. 2’ éd., Casablanca, 1956, vol. 7, p. 10 ss. (traduction française non critique, dans A.M., vol. XXXIV, 1936, p. 320 ss.) ; et les chroniques annuelles de QÂDIRÎ, al-'Azhâr an-nadiya fî ‘akhbâr ‘ahl al-mi'a al-hâdiya ‘ashar wa-th-thâniya, connu sous le nom de al-Nashr al-kabîr, édité par M. Hajji, Rabat, 1978-1981, 2 vols (traduction française, partielle et non critique, d'une version incomplète du manuscrit dans A.M., vols XXI-XXIV, 1913 et 1917 ; traduction critique anglaise des seules chroniques annuelles à partir de 1650 dans N. Cigar, Muhammad al-Qadiri's Nashr al-Mathani, the Chronicles, Londres, 1980, pp. 1-107, pour le texte arabe et les annotations). Cf. aussi H. Terrasse, Histoire du Maroc, Casablanca, 1949, vol. 2, pp. 210-223 et 239-252 ; A. Larotji, Histoire du Maghreb. Un essai de synthèse, Paris, 1975, vol. 2, pp. 23-38 et 47-49 ; mais seul J. Berque est attentif aux dimensions sociales, intellectuelles voire psychologiques de cette crise, cf. L'intérieur du Maghreb, Paris, 1978, chap. 4, pp. 142-198 ; et Ulémas, fondateurs et insurgés du Maghreb (XVIIe), Paris, 1982, chap. 1-4, pp. 13-160.

19. Le Jabal ‘Alam est encore de nos jours une importante zone d'implantation de shurfa idrîsiyyîn (branches descendant de ‘Idrîs, m. 793 J.-C). Elle abrite également le sanctuaire de l'un des plus importants saints de l'histoire religieuse marocaine, ‘Abd as-Salâm ibn Mashîsh (m. 1228), lui-même idrîsî et ancêtre de ‘Abdallah.

20. La chose se vérifie au moins de presque toutes les fondations maghrébines. Dans le contexte marocain, deux auteurs y ont été sensibles, Morsy, M., Les Ahansala. Examen du rôle historique d'une famille maraboutique de l'Atlas marocain, Paris-La Haye, 1972;Google Scholar Pascon, P., Le Haouz de Marrakech, Rabat, 1977.Google Scholar

21. Qui ne sont pas de vrais « montagnards », puisqu'il s'agit davantage de collines que de montagne.

22. Fonction sociale par excellence de certaines catégories d'acteurs religieux, ainsi que l'a bien montré l'anthropologie anglo-saxonne du Maroc ; cf. Gellner, E., Saints of the Atlas, Londres, 1969,Google Scholar et R. Jamous, op. cit., où l'on voit « marabouts » et shurfa arbitrer et neutraliser la violence segmen taire.

23. Précocement, c'est-à-dire dès le début du xviiie siècle, la zâwiya compte parmi ses gestionnaires, qui sont aussi les descendants du saint, des spécialistes de l'arbitrage tribal, parmi lesquels figurent d'ailleurs trois des chefs de l'institution. Ils exerçaient cette fonction dans les zones d'influence de leur ordre spirituel : Gharb, Rif et Oriental. Sur ces pratiques cf. cet autre recueil hagiographique, MiknÂSÎ, al-Kawkab al-'as'ad fî manâqib sayyidinâ ‘Alt ibn sayyidinâ ‘Ahmad, litho., Fès, 1324 Hg-1906, passim.

24. Qâdirî, Tuhfa, 1/p. 72. Notons que la terre « morte » (mawât), opposée à celle que vivifie le travail humain, est aussi une catégorie du régime foncier islamique. Elle peut en droit être appropriée par celui qui la rend à la « vie » ; cf. Milliot, L., Introduction à l'étude du droit musulman, Paris, p. 574 ss.Google Scholar

25. Pour repérer l'intensité d'une vie sociale locale à cette époque — milieu du xvne siècle — il n'y a que ce type d'indices que nos sources actuelles permettent. Le savant en question est Abu ‘Imrân Mûsâ al-Wazzânî (m. 1562) dont IBN ‘Askar, qui lui consacre une notice dans son recueil biographique, Dawhat an-nâshir, édité par M. Hajji, Rabat, 1976, dit que les fuqahâ’ (docteurs de la Loi) du Maghreb « ne lui arrivent pas à la cheville ». Sa sépulture est encore connue à Ouezzane.

26. C'est QÂDIRÎ, Tuhfa, 1/p. 73 ss, qui inventorie, selon une tradition familiale (son grandpère, contemporain et disciple du saint), les formes que revêt l'aménagement d'Ouezzane par ‘Abdallah. On trouvera un autre exemple de ces interventions supposées ou réellement inaugurales sur l'espace par les fondateurs religieux chez cet autre saint du xvie siècle, al-Ghazwânî (m. 1528), qui prit en charge les systèmes d'irrigation de la région de Fès et dans le Haouz de Marrakech ; cf. P. Pascon, op. cit., vol. 1, p. 262 ss.

27. QÂDIRÎ, ibid., le sûq désigne aussi bien le « marché » que l'ensemble des rues commerçantes d'une ville ; lefunduq est un caravansérail-hôtellerie urbain.

28. Cf. K. A. NiZAMi,./fcfr, E.I., 2” éd., vol. 2, pp. 775-776.

29. Sur la dimension proprement spirituelle de l'action du saint, notamment les oraisons et litanies interprétées comme signes emblématiques de distinction dans un champ religieux où les fondateurs sont en concurrence, je me permets de renvoyer le lecteur à ma thèse, La « maison du cautionnement »…, op. cit., pp. 152-157.

30. Cf. A. Cour, shaykh, ibid., pp. 284-285.

31. Le hizb, qui signifie dans un sens courant une division (1/60) du Coran, désigne dans les pratiques mystiques ces longs extraits de la Parole divine choisis par le fondateur d'une tradition spirituelle en fonction d'un sens ésotérique et dont la récitation intériorisée achemine vers la « remémorisation » que vise le dhikr, nom générique de ces pratiques jaculatoires. Le wird est un ensemble d'invocations (du'â-s), de litanies et d'oraisons devant être déclamées par les pratiquants en une manière, un nombre et à des moments très précisément codifiés par le fondateur. Sur ces notions techniques, cf. E.I., et les références accompagnant les notices.

32. « A certains une fois l'an, à d'autres une fois par mois », QÂDIRÎ, Tuhfa, 1/p. 80.

33. N'oublions pas que ‘Abdallah est sharîf, porteur de baraka, cf. note 2.

34. Cet aspect a été développé dans la seconde partie, chap. rv : A- « Ethos », pp. 135-157, dans La « maison du cautionnement… », op. cit..

35. C'est al-Khayyât, artisan tisserand grandi dans le sillage du saint, qui parle, cité par QÂDIRÎ, Tuhfa, 1/p. 70, ainsi que par TÂHTRÎ, Tuhfat al-ikhwân, p. 40. Son métier ainsi que son intimité avec le saint font l'un et l'autre sans peine accepter son appréciation. Sur ce personnage cf. KattânÎ, Salwat al-anfâs, litho., Fès, 1316 Hg-1928, vol. 1, p. 230.

36. QÂDIRÎ, Tuhfa, le premier passage se trouve : 1/p. 93, le second 2/p. 402.

37. On peut multiplier les exemples de lieux hagiologiques où cette fonction a été notée par les ethnographes et les anthropologues. Cf. A. Hammoudi, article cité en note 43 ; Pascon, P., « Le commerce de la maison d'Ilîgh », Annales E.S.C., n° 3-4, 1980, p. 701 Google Scholar ss. Renvoyons également à ce riche passage de Al- Yousi. Problèmes de la culture marocaine au XVIIe siècle, Paris-La Haye, 1958. « Rites alimentaires dans les zaouias », pp. 127-129, où J. Berque amène le point de vue d'un intellectuel marocain, al-Yûsî, contemporain de ‘Abdallah, et dont l'acuité est à cet égard admirable.

38. Qâdirî, et Tâhirî, passim, évoquent pudiquement les « cadeaux » (hadâyâ) reçus par le saint.

39. C'est tout le contraire pour ce qui concerne la pratique économique de ses successeurs, à partir du troisième, laquelle est une pratique d'accumulation de capital et d'expansion foncière, comme cela sera suggéré plus loin (note 45).

40. Cf. Cl. Cahen, kasb, E.I., 2’ éd., vol. 4, p. 718.

41. Qâdirî, Tuhfa, 2/p. 400.

42. Ibid., c'est moi qui souligne.

43. A. Hammoudi, « Sainteté, pouvoir et société. Tamgrout aux xviie et xviiie siècles », Annales E.S.C., n° 3-4, 1980, p. 626 ss.

44. QÂDIRÎ, Tuhfa, 1/p. 73.

45. Cet indice prend davantage de valeur si l'on indique qu'à partir de la troisième génération, les successeurs du saint à la tête de la zâwiya inaugurent une tout autre pratique économique et politique. C'est que les signes s'inversent et que le dénuement cède la place à la réussite sociale ostentatoire, la redistribution — au moins partielle — à l'accumulation. Sur l'explication de cette inversion de la pratique et de l'éthique, cf. chap. 5, « Le modèle gestionnaire », pp. 191-240, dans La « maison du cautionnement… », op. cit. Un autre cas de ce type d'inversion est illustré par l'étude de P. Pascon, « Le commerce … », loc. cit.

46. Tâhirî, Tuhfat al-ikhwân, p. 41, c'est moi qui souligne. Le tadagga est une argile savonneuse dont usent les démunis.

47. Il s'agit de ‘Abdallah al-Wazzâni (m. vers 1905) ; cf. l'acte qu'il cite dans ar-Rawd almunîf Jî at-ta'rîf bi ‘awlâd mawlây ‘Abdallah ash-sharîf, manuscrit, Bib. Gén. de Rabat, vol. 1, microfilm 98, vol. 2 K2304, cf. 1/p. 24.

48. Il est difficile de rendre en français cette très subtile et pudique figure de la langue qui, au Maroc, désigne littéralement 1’ « excès de curiosité » (fudûl), c'est-à-dire en fait toute immixtion dans la chose publique, donc politique.

49. Qâdirî, Tuhfa, 2/p. 400.

50. On peut trouver un aperçu de la politique, parfois répressive, des premiers sultans ‘alawites à l'égard des confréries religieuses dans G. Drague, op. cit., p. 81 ss ; Marty, P., « Les zaouias marocaines et le Makhzen », Revue des Études islamiques, IV, 1929, pp. 5760;Google Scholar P. Odinot, « Rôle politique des confréries religieuses et des zaouias au Maroc », Bulletin de la Société de Géographie et d'Archéologie de la Province d'Oran, mars 1931, pp. 37-71.

51. Peu d'auteurs de cette école ayant parlé des shurfa d'Ouezzane ont échappé à cette règle.

52. J'ai tenté de brosser un tableau typologique de cette diversité dans La « maison du cautionnement… », op. cit., « Forces et modèles », pp. 34-41.

53. Témoignage personnel de Qâdirî citant ses sources familiales, Tuhfa, 1/p. 80. Il évoque ailleurs, 1/p. 46, les mêmes épisodes en précisant que ‘Abdallah y dépensa une part de son patrimoine personnel.

54. Dans le cas contraire, l'hagiographie ne se serait pas fait faute de s'emparer du fait.

55. Cf. M. Weber, op. cit., pp. 464-474.

56. Cf. La « maison du cautionnement… », pp. 191-240. Ce modèle n'est exposé ici qu'à titre de confrontation avec le précédent, donc sans l'appareil des faits qui ont permis sa définition, ni l'analyse explicative de la transformation.