Étudier la violence sexuelle n'est pas chose aisée. Deux raisons principales expliquent cette difficulté. La première vient de ce que le concept même n'est pas sans ambiguïté. Chaque société a son seuil de tolérance à la violence. Le terme renvoie par conséquent à des réalités qui diffèrent sensiblement, en tout cas, de celles que notre siècle hypersensible à toute violence appelle « viol ». La deuxième raison, plus universelle celle-là, vient de la dissimulation fréquente des faits de viol qui explique que les dénonciations soient peu nombreuses, et donc peu accessibles à l'étude. Pourtant, dans le cas des sociétés coloniales pluriethniques, la question du viol est d'autant plus essentielle que l'obsession du mélange et de la pureté raciale fait de toutes les pratiques sexuelles un enjeu fondamental dans les stratégies d'affrontement et de distinction sociale. En ce sens, en tant qu'usage social du corps le viol peut être lu comme paradigme d'une histoire et d'une structure des relations sociales.