L'histoire de l'alphabétisation se trouve à la croisée de tant de domaines différents qu'il lui reste à établir sa propre identité. Dans son acception large, son objet est le réseau de relations sociales qui associent des lecteurs et des textes, et la transformation de ces relations dans le temps. Elle a donc bien des préoccupations en commun avec l'histoire religieuse, avec l'histoire du livre, de l'éducation ou de l'économie, et elle a reconnu aussi tout ce qu'elle devait à la démographie historique. C'est à cette dernière, et particulièrement aux travaux de Roger Schofield et du groupe de Cambridge, qu'elle a emprunté l'idée de faire de la signature des actes d'état civil un indicateur de l'alphabétisation pour de gros échantillons de population et dans la longue durée.
Pendant les quinze années qui ont suivi la publication de l'article fondateur de Schofield, l'indicateur signature a fait l'objet d'une exploitation intensive dans les grands travaux de Kenneth Lockridge sur l'Amérique coloniale, de François Furet et Jacques Ozouf sur la France des xviiie et xixe siècles et de David Cressy sur l'Angleterre du xviie siècle.