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Le jugement suspendu: la calomnie à Florence

Published online by Cambridge University Press:  29 July 2016

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Dans le tableau de Botticelli La calunnia, un jeune homme demi-nu est traîné devant un homme couronné aux grandes oreilles dans lesquelles deux femmes, les ayant empoignées, chuchotent quelque chose. Que se passe-t-il? Le jeune homme est amené de force devant un prince pour être jugé. De quoi doit-il répondre? Nul chef d'accusation n'est patent, nulle trace de méfait. Le seul indice repérable est dans ce geste: parler dans l'oreille, prêter l'oreille. Voilà la calomnie: elle est tout entière dans ce chuchotement, dans le fait de souffler àl'oreille des accusations qui, tout en n'é tant pas étayées par des preuves, deviennent persuasives et convainquent de leur bien fondé par la seule crédulité de qui leur prête l'oreille. Car la calomnie n'est pas tout simplement une forme du mensonge: celui-ci implique un écart entre ce qu'on sait et ce qu'on affirme et n'engage que la personne même qui ment, sa propre crédibilité. La calomnie, par contre, consiste dans une accusation qui vise àcompromettre la crédibilité d'autrui par une stratégie spécifique, la présupposition pragmatique. Celle-ci remonte d'une constatation àce qui est censé la rendre possible. Sa formulation peut être exprimée de la sorte: si X dit ou fait Y, alors on suppose que X a dit ou fait Z: elle s'appuie donc sur l'accumulation d'indices défavorables pour les diriger en faisceau contre quelqu'un. C'est essentiellement une attaque ad personam, qui discrédite non seulement ce qu'est la personne, mais ce qu'elle dit ou fait. Souffler àl'oreille est ainsi le geste qui traduit le mieux cette présupposition pragmatique, de même que le fait de prêter l'oreille exprime clairement la crédulité de celui qui donne son assentiment sans avoir réfléchi.

Aussi bien ce geste que le sujet du tableau sont inspirés d'un texte de Lucien de Samosate: Calumnia non temere credendum, où l'auteur relate la calomnie dont Apelle fut victime. Le célèbre peintre faisait partie de la cour du prince Ptolémée Philopator d'Egypte; un des peintres rivaux, Antiphile, dénonça Apelle au prince comme conspirateur dans la conjuration de Tyr, perpétrée par Théodotos. Heureusement, l'un des conjurés arrêtés avoua que le peintre n'avait eu aucune part au complot. Apelle se sauva, mais, dégoûté de la méchanceté de l'un et de la crédulité de l'autre, se vengea en peignant un tableau sur la calomnie. Cependant, le tableau d'Apelle ne nous est pas parvenu; seul Lucien, parmi les auteurs de l'Antiquité, le décrit; voici comment:

Sur la droite est assis un homme qui porte de longues oreilles à peu près semblables à celles de Midas. Il tend la main à la Calomnie qui s'avance de loin. Près de lui sont deux femmes, Ignorance (Agnoia) et Soupçon (Hypolepsis), deux figures féminines. De l'autre côté on voit la Calomnie (Diabole), s'avançant sous la forme d'une très belle femme: elle a le visage enflammé de colère; de sa main gauche, elle tient une torche, de l'autre elle traîne par les cheveux un jeune homme qui lève les mains au ciel, et semble prendre les dieux à témoin, Un homme pâle lui sert de conducteur; il a le regard sombre et figé, sa maigreur est extrême, maladive: c'est l'envieux personnifié (Phthonos). Deux autres femmes accompagnent la Calomnie, l'encourageant et lui arrangeant les vêtements et la parure: l'une est la Tromperie (Apate; Fraus; Fraude), l'autre est la Perfidie (Epiboule; Insidia; Piège): tel est du moins le nom sous lequel les désignait celui qui m'expliquait ce tableau. Elles sont sui vies de loin par une femme en deuil: son habit est noir, déchiré en mille endroits; on la nomme le Remords (Metanoia); elle détourne la tête, verse des larmes, et regarde honteusement la Vérité (Aletheia) qui vient à sa rencontre. C'est ainsi qu'Apelle a su représenter avec son pinceau le danger qu'il avait couru.

Par un cortège de passions et d'attitudes Apelle a exhibé la dynamique de la calomnie. L'envie et le remords scandent le déroulement du procès: la première déclenche tout le mouvement étant l'instigatrice de l'ignorance et du soupçon, L'homme envieux tient en fait par le poignet la calomnie et inspire les conduites qui l'accompagnent: la fraude et la perfidie. Le remords clôt, mais après coup, les méfaits de la calomnie: il adresse un regard à la vérité qui se tient à l'écart de la scène. Et surtout le geste croisé: parler dans l'oreille, prêter l'oreille, fige par un arrêt sur l'image la calomnie à l'oeuvre; il met sous les yeux la responsabilité conjointe de la malveillance et de la crédulité.

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References

1 Florence, Galleria degli Uffizi, détempre sur planche: 62 cm. sur 91 cm. Giorgio Vasari, 1550, soutient que l'oeuvre avait été offerte à Antonio Segni (ca. 1460–1512), un riche banquier de Florence et de Rome.Google Scholar

2 Le titre grec est: περί το μὴ δίως πιστεύειν διαβόλ. Un premier problème se pose avec la traduction de diabole car Erasme, , Adagia, 1.III.67, précise qu'il s'agit de délation et non pas de calomnie. Cependant, cette remarque ne fut reprise que par J. M. Gessner en 1743 dans une nouvelle traduction de Lucien (en collaboration avec T. Hemsterhuis).Google Scholar

3 Lucien soutient donc que quelqu'un lui a expliqué le tableau. L'a-t-il jamais vu? Le tableau a-t-il vraiment existé? Pierre Bayle releva, en effet, dans son Dictionnaire historique et critique (Rotterdam, 1697), un anachronisme frappant: Apelle vécut dans la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C., alors que la conspiration de Théodotos (que Lucien écrit Théodotas) advint dans l'année 219 av. J.-C., lui étant donc postérieure d'un siècle. Lucien, d'ailleurs, écrit ce texte vers 160 après J.-C., plus de trois cent cinquante ans après le complot. Cf. Massing, J. M., La Calomnie d'Apelle (Strasbourg, 1990), 1617.Google Scholar

4 Cf. Foerster, R., “Die Verläumdung des Apelles in der Renaissance,” Jahrbuch der königlich preussischen Kunstsammlungen 8 (1887): 2956, 89–113; 15 (1894): 27–40; 43 (1922): 126–33; Robinson, C., Lucian and His Influence in Europe (Londres, 1979); et Mattioli, E., Luciano e l'Umanesimo (Naples, 1980).Google Scholar

5 Ensuite par Lapo de Castiglionchio le jeune en 1434–38 et enfin par Francesco Griffolini en 1455. L’editio princeps de Lucien revient à Janus Lascaris en 1496. Cf. Mattioli, , Luciano e l'Umanesimo, 3853 et 67. En outre, la calomnie fut très exploitée comme sujet pictural; cf. Massing, , La Calomnie, 251–480.Google Scholar

6 MS Est. lat. 20 (a, F 2, 52): f ° 4v°–5r°; Modène, Biblioteca Estense. Le passage est reproduit in Baxandall, M., Giotto and the Orators (Londres, 1971) = tr. fr. Brock, de M., Les Humanistes à la découverte de la composition en peinture (Paris, 1989).Google Scholar

7 Alberti, L. B., De Pictura, 1435, III, 53 = tr. fr. Schefer, J. L., intr. Deswarte-Rosa, de S., De la Peinture (Paris, 1992), 212–15.Google Scholar

8 En réalité, il y a un autre domaine qui est prioritaire, mais qui demanderait une analyse à part: il s'agit des discussions philologiques et philosophiques sur la calomnie. Cf. Mariani Zini, F., “Poliziano, allievo degli Antichi, maestro dei Moderni,” in Poliziano nel suo tempo, éd. Secchi Tarugi, L. (Florence, 1996), 165–93; eadem, , “Descartes, la calomnie et l’équité,” in Faye, E., Descartes et la Renaissance, Genève (sous presse).Google Scholar

9 Cf. Cast, D., “The Beginnings, Alberti, Botticelli,” The Calumny of Apelles (New Haven/Londres, 1981), 2954.Google Scholar

10 Cf. Trinkaus, C., “A Humanist's Image of Humanism: The Inaugural Orations of Bartolommeo della Fonte,” Studies in the Renaissance 7 (1960): 90147.Google Scholar

11 Le manuscrit est dédié à Hercule I en 1472 et il est décrit dans le Libro della guardaroba du duc en 1472.Google Scholar

12 A vrai dire, on ne sait pas si la miniature fut l'oeuvre de Fontio ou d'un autre; cf. Massing, , La calomnie, 251–52.Google Scholar

13 Segni l’écrivit, Comme A., “Indicio quemquem ne falso laedere tentent / Terrarum reges parua tabella monet / Huic similem aegypti regi donauit Apelles / Rex fuit & dignus munere: munus eo.” Google Scholar

14 Patrizi, Francesco, De regno et regis institutione 4 (Paris, 1519), 5, invite le prince à se méfier des calomniateurs et à les punir de la peine du talion, en leur imposant le châtiment qu'il aurait infligé au calomnié. Cicéron, , Pro Roscio 19. 55 et 20. 57, rappele qu’à Rome il y avait la Rex Lemmia selon laquelle les calomniateurs étaient marqués au fer rouge de la lettre K sur le front.Google Scholar

15 Pierre tente sans succès de rentrer à Florence en 1497, mais cela coûte cher aux ennemis du Grand Conseil. Le manque d’équité de F. Valori, qui avait fait exécuter des proches de Pierre sans s'adresser au Grand Conseil, discrédit quelque peu cette organisation politique. C'est en 1498 que le mécontement oligarchique réussit à créer un front anti-savonarolien, et finalement à le faire condamner en justice. Le lecteur français peut se rapporter au dossier contenu in Savonarole, J., Sermons, écrits politiques et pièces du procès, éd. J. L. Fournel et J. C. Zancarini (Paris, 1993), 7–44 (intr. des éditeurs) et les annexes, 270–95. Sur ce moment historique on lira Rubinstein, N., “Politics and Constitution in Florence at the End of the Fifteenth Century,” in Italian Renaissance Studies, éd. E. F. Jacob (London, 1960), 148–83. Et sur les attentes et les mouvements religieux, cf. Weinstein, D., Savonarola and Florence: Prophecy and Patriotism in the Renaissance (Princeton, 1970); Polizzotto, L., The Elect Nation: The Savonarolan Movement in Florence 1494–1545 (Oxford, 1994).Google Scholar

16 Savonarole, , “A un Ami,” (1495), Sermons, 125–38.Google Scholar

17 Ibid., 130–31.Google Scholar

18 Meltzoff, S., Botticelli, Signorelli and Savonarola (Florence, 1987), 99286.Google Scholar

19 Aujourd'hui, cette hypothèse n'est plus acceptée, en raison en particulier de la nudité de la Vérité et du caractère humaniste de la galerie. Cependant, Lightbown, R., Sandro Botticelli (Londres, 1978), avance l'hypothèse d'un Botticelli comme “savonarolien prudent.” Google Scholar

20 En réalité Meltzoff, , Botticelli, 223–24, adopte ce point de vue, mais il fait de la défense de la poésie contre Savonarole seulement un des éléments du tableau.Google Scholar

21 Savonarole, J., Apologeticus de ratione poeticae (1492) Opere, éd. Garfagnini, G. C. et Garin, E., vol. 1 (Rome, 1982); tr. fr. et intr. Pinchard, de B., La Fonction de la poésie (Genève, 1989).Google Scholar

22 Savonarole, , La Fonction de la poésie, 141, 146 et 151–52.Google Scholar

23 Ibid., 143–46.Google Scholar

24 Cf. Galand-Hallyn, R, “L’enargeia, de l'antiquité à la Renaissance,” Les Yeux de l'éloquence (Orléans, 1995), 99121; ibid., “Du ‘cocktail’ des styles à l'expression du moi,” 17–30, et “En guise de conclusion: les yeux du paon,” 319–30.Google Scholar

25 Cf. Calame, C., “Quand dire c'est faire voir: l’évidence dans la rhétorique antique,” Etudes de lettres 4 (1991): 320.Google Scholar

26 Cf. de Tharse, Hermogène, Opera, éd. Rape, H. (Leipzig, 1913); Patillon, M., La Théorie du discours chez Hermogène de Tarse. Essai sur la structure de la rhétorique ancienne (Paris, 1988); Pernot, L., La Rhétorique de l'éloge dans le monde gréco-romain (Paris, 1993).Google Scholar

27 Cf. Philostrate, , La Galerie des tableaux, tr. fr. Bougot, A. et Lissarrague, F., préf. Hadot, de P. (Paris, 1991).Google Scholar

28 Il est notoire que ce manque d'immédiateté est pour Léonard de Vinci, , Traité de la peinture = tr. fr. Keller, A. (Paris, 1977), 15, le signe de la “cécité” du langage.Google Scholar

29 Cf. Guarino, , Epistolario, éd. Sabbadini, R. (Venise, 1915), 2: 492. Cependant, suivant les exigences de la cour, Guarino avait rédigé en 1447 pour Leonello d'Este un programme pour un cycle de peintures concernant les Muses; cf. Epistolario (1916), 498–500. Ces textes sont reproduits en latin in Baxandall, , Les Humanistes à la découverte, 220–22 et 223–25.Google Scholar

30 Cf. Aristote, , Poétique, 1340a.Google Scholar

31 Cf. l’éloge par Guarino de la peinture de Pisanello, , Epistolario (1915), 554–57 et l'analyse de Baxandall, “M. Chrysoloras et Guarino: la description de Pisanello,” Les Humanistes à la découverte, 103–24.Google Scholar

32 Guarino, , Epistolario, 3: 56, 213.Google Scholar

33 Ibid., 3: 56, 213–14: “Quae plane historia etiam si dum recitatur animos tenet, quantum censes eam gratiae et amoenitatis ex ipsa pictura eximii pictoris exhibuisse?” Google Scholar

34 Ibid., 2: 41, 177.Google Scholar

35 Alberti, , De la Peinture, 2: 41, 175 et 2: 42, 177.Google Scholar

36 Ibid. 2: 42, 177: “Idcirco diligentissime ex ipsa natura cuncta perscrutanda sunt, semperque promptiora imitanda, eaque potissimum pingenda sunt, quae plus animis quod excogitent relinquant, quam quae oculis intueantur. Sed nos referamus nonnulla quae de motibus partim fabricauimus nostro ingenio, partim ab ipsa natura didicimus.” Google Scholar

37 Comme l'a remarqué Argan, G. C., Botticelli (Genève, 1957).Google Scholar

38 Cf. les sujets tirés de l'Ancien Testament, parmi lesquels David (à la quatrième plinthe et à la quatrième niche); et la série consacrée à Judith (à la trezième plinthe, à la quinzième niche et à la neuvième architrave). Cf. le paragraphe, “Les deux justices: la charité,” infra. Google Scholar

39 Cf. Alberti, , De la Peinture, 3: 53.Google Scholar

40 Cf. Warburg, A., Sandro Botticelli's “Geburt der Venusund “Frühling (Hambourg/Leipzig, 1893); Gombrich, E., “Botticelli's Mythologies: A Study in the History of Classical Scholarship,” Journal of the Warburg and Courtauld Institutes 8 (1960): 7–60, désormais in: Symbolic Images (Londres, 1985); Panofsky, E., Renaissance and Renascences in Western Art (Stockholm, 1960).Google Scholar

41 A la troisième niche.Google Scholar

42 Qui répond ainsi à la quinzième et à la neuvième architrave.Google Scholar

43 Qui répond à Abraham, , à la troisième niche et surtout à Caïn, à la première niche.Google Scholar

44 Ce motif architectonique est peut-être un souvenir du séjour romain de Botticelli auprès du pape Sixte IV (1481–82), ou de son apprentissage, car les albums de la Rome ancienne circulaient facilement dans les botteghe. Google Scholar

45 La présence du guide est en effet l'un des éléments majeurs de l'ekphrasis. Google Scholar

46 Avec surtout son De casibus uirorum illustrium, in Boccaccio, G., Tutte le opere, éd. Branca, V. et alii, (Milan, 1964–); vol. 9, éd. Ricci, P. G. & Zaccaria, V. (1983); De mulieribus claris, vol. 10, éd. Zaccaria, V. (1967). La source de Boccace est en partie évidemment Pétrarque, mais leur rapport ne peut pas être ici l'objet d'une analyse.Google Scholar

47 L'influence de Pétrarque sur Boccace fut très importante dans les années 1350–70, au moment de la longue composition et révision des oeuvres déjà mentionnées et de Genealogia deorum gentilium, ca. 1350–75. Boccace se serait inspiré surtout des recueils d‘exempla de Pétrarque. Sur ce sujet, cf. Cerbo, A., Ideologia e retorica nel Boccaccio latino (Naples, 1984), 4782.Google Scholar

48 Cf. la défense de la poésie dans la Genealogia deorum gentilium, 14: 17.Google Scholar

49 Cf. l’éloge de Cicéron: 6, 12: 535–45: “De Marco Tullio Cicerone.” Boccace souligne la supériorité de la rhétorique de Cicéron à l’égard de celle des Grecs les plus illustres, et il tient surtout à célébrer le caractère politique et moral de son éloquence.Google Scholar

50 La description n'est pas simplement réaliste; tout comme dans la tradition de la uisio, les personnages se présentent à l'auteur en rêve; cf. par exemple, De Casibus, 5, 11: 51–45: “Ingens caterva dolentium,” qui suit de près le récit du sort de Pompée, 6, 9: 515–26: “De Geno Pompeio Magno.” Google Scholar

51 Cf. par exemple, De Casibus, 3, 14: 262–67: “Auctoris purgatio et commentatio poesis,” où il défend la poésie de l'accusation d’être mensongère. Cf. également, 6, 13: 545–51: “In Garrulos adversus rhetoricam.” Mais nombreux sont les commentaires moraux; cf. par exemple; 1, 4: 24–26: “In Superbos;” 1, 14: 74–76: “Contra Superbos;” 2, 5: 118–22: “In Superbos reges.” Google Scholar

52 Personne n’échappe à ce noeud, même si le hasard et la méchanceté des hommes sont le plus souvent les éléments les plus forts. Ainsi Pompée est-il un des cas les plus frappants du mauvais sort, et l'occasion, pour Boccace, de rappeler les hommes à l'humilité et de les mettre en garde contre la superbe. Même la probité d'un homme comme Cicéron n'est pas à l'abri, car celui-ci fut trahi par Gaius Pompilius Lenatus que l'orateur avait auparavant défendu. L'ingratitude du peuple romain est soulignée par Boccace de la manière suivante: “… plebis impia redarguitur et rubore conspersa plurimo in compassionem indigni facinoris prouscatur, eius ceruicem spectans in rostris, cuius opere factum est ne sua inspicerentur in cloacis.” Google Scholar

53 De celles-ci surtout dans le De mulieribus, où même s'il présente des femmes poètes ou artistes, la misogynie est de mise. En effet, Minerve, 6: 49–53 n'est qu'une femme inventive dans certains arts mineurs (l'usage de l'huile, la tessiture). C'est la crédulité des hommes qui en fit une déesse; les Anciens se sont donc trompés. A Vénus, 7: 52–55, on doit carrément l'invention des lupanars.Google Scholar

54 Il ne s'agit donc pas pour Boccace de divertir ou d'apaiser les esprits avec des mises en scène dramatiques. La poésie, sachant mélanger la tragédie, l’épopée et la chronique est un art engagé dans la mise en forme de l’humanitas. Google Scholar

55 Dans le Décameron, ce décalage est un des dispositifs du plaisir, car celui-ci n'a pas de sens dans l'immédiateté, mais il lui faut la tromperie ou le secret. Il est tel s'il est raconté, différé.Google Scholar

56 Malgré la tendance moralisante et le sentiment religieux plus accentués de De casibus et de De mulieribus, une certaine continuité subsiste avec le Decamerone (1349–1351), dans la recherche d'une langue pouvant restituer la complexité de l'expérience, ses “cas,” sans se borner à une taxinomie ou à une collection. Il est clair que les problèmes et mêmes les défis sont différents s'agissant d'une oeuvre en vulgaire, où la langue elle-même reste à faire. Cf. Battaglia Ricci, L., Ragionare nel giardino (Rome, 1987).Google Scholar

57 Si bien que Boccace précise, De casibus, 3, 14: 262–67, que chaque type d'homme a une forme de vie et ce qui est bon pour l'un peut ne pas convenir à un autre. Ainsi l’otium est-il mauvais pour Alcibiade mais non pour les poètes.Google Scholar

58 Cf. De genealogia deorum gentilium, 14: 4, où Boccace oppose aux lois changeantes des juristes, les lois éternelles de la poésie.Google Scholar

59 Le rapport à Boccace devrait faire l'objet d'une analyse que nous ne pouvons pas faire ici.Google Scholar

60 Par exemple: la Judith de la neuvième architrave répond à la Judith de la quinzième niche, juste au-dessus de l'Ignorance, et à la Judith de la treizième plinthe, au pied de l'Ignorance.Google Scholar

61 Comme nous avons vu, par exemple, le rapport entre Paul et le prince.Google Scholar

62 Meltzoff, , Botticelli, 274–75.Google Scholar

63 Celui-ci est explicité par Meltzoff, , ibid., 275–80.Google Scholar

64 Meltzoff, Pour, ibid., 225, 240–45, 265 et 267–83, le tableau de Botticelli est redevable de la classification des disciplines que Politien présente dans son introduction Panepistemon. Google Scholar

65 Pierre avait été l’élève d'Ange Politien et Botticelli avait peint pour sa chambre une allégorie de la Fortuna, aujourd'hui perdue; sur les arguments en faveur de cette identification, ibid., 246–59; 264–66; 273–75 et 281–83.Google Scholar

66 C'est un aspect qui mériterait une attention toute particulière. Nous renvoyons ici simplement à la critique de cet argument de Meltzoff par Bettinzoli, A., A Proposito delle Syluae di A. Poliziano: questioni di poetica (Venise, 1990) et par Mandosio, J. M., “Filosofia, arti e scienze: l'enciclopedismo di Angelo Poliziano,” Poliziano nel suo tempo , éd. Secchi Tarugi, L. (Florence, 1996), 135–64.Google Scholar

67 Arianne est quittée par Thésée dans la seizième base, et consolée par Bacchus dans la deuxième architrave.Google Scholar

68 Cf. la première, la troisième et la cinquième architrave. Cf. également la bataille dans la dixième base.Google Scholar

69 la thèse de Argan, C'est, Botticelli. Google Scholar

70 Cette suspension est levée certainement dans la Natività mistica , détrempe, Londres, National Gallery, 1501, la seule oeuvre signée de Botticelli.Google Scholar