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Etude préliminaire sur la violence collective en Ontario et au Québec, 1963–1973

Published online by Cambridge University Press:  10 November 2009

J. A. Frank
Affiliation:
Université d'Ottawa
Michael Kelly
Affiliation:
Université d'Ottawa

Abstract

Le but de cette étude est d'analyser et de décrire statistiquement la violence collective en Ontario et au Québec entre 1963 et 1973. Il y a un cas de violence collective dans la perspective de cette recherche, chaque fois qu'au moins cinquante individus (« insurgés » aussi bien que membres des forces de l'ordre) infligent des dégâts à des personnes ou à la propriété. Nous avons exclu les dommages rattachés aux jeux comme le rugby, le hockey et les courses de voiture (où des règles déterminent les modalités et l'intensité de la violence) de même que les dégâts psychiques. Notre étude se limite donc à la violence collective dite « ouverte », ce qui par conséquent élimine de notre recherche les cas de terrorisme.

Type
Notes
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique 1977

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References

1 Nous pourrions ajouter à cela les réserves de Michael Stohl et de Ted Gurr qui pensent également que la violence ne peut pas dépasser les frontières d'un système politique autonome. Voilà done pourquoi des razzias à travers une frontière internationale ou des coups de main par des émigrés ne sont généralement pas retenus. Voir Stohl, Michael, « War and Domestic Political Violence: The Case of the United States, 1890–1970 », travail présenté devant le congrès de l'International Studies Association à St. Louis (U.S.A.), en mars 1974. Voir aussi l'article deGoogle ScholarGurr, Ted, « A Comparative Study of Civil Strife », dans Graham et Gurr, Violence in America (New York: New American Library, 1969), 545.Google Scholar Il n'y a aucun critère objectif pour fixer le nombre de participants dans un incident de violence collective. Gurr (« Comparative Study », 548) a choisi 100 participants, Stohl a opté pour 20 personnes.

2 Il est aussi possible d'inclure dans la définition de la violence des dégâts psychologiques tels que ceux qui résultent de l'attribution de stéréotypes ou d'autres traits qui atteignent la dignité de l'individu. Mais de tels dégâts impliquent un état subjectif qui ne peut être mesuré que dans des conditions cliniques voire psychanalytiques. D'ailleurs même si une telle réserve était incluse dans la définition, il faudrait alors faire face à l'avertissement de Terry Nardin qui considère qu'une telle qualification brouillera le langage de la théorie empirique avec la polémique politique. Voir Violence and the State (London: Sage Publications, 1971), 10.

3 Nous avons inclus les participants actifs aussi bien que les passifs, c'est-à-dire ceux qui ne se sont pas écartés des foules engagées dans le conflit: ceci en dépit du fait que ces participants passifs n'ont pas commis d'actes violents. En effet, il était souvent impossible de distinguer les membres des foules en fonction de leur militantisme. Par contre, on ne retient pas de simples badauds qui se tenaient à la périphérie d'un accrochage.

4 Il y a plusieurs problèmes inhérents à l'utilisation de la presse quotidienne comme source de renseignements. D'abord il y a le problème de la tendance du journal. Ce n'est pas tellement le parti pris des éditoriaux qui gêne la recherche, mais plutôt l'orientation et l'intérêt régional du quotidien. Il y a aussi la prédilection pour l'effet dramatique et l'emphase sensationnelle. En choisissant un journal pour chaque province on a essayé de limiter la distorsion résultant du régionalisme. Cela n'a pas tout à fait résolu le problème parce que le Globe and Mail aussi bien que La Presse ont quand même concentré leurs reportages sur leurs villes plutôt que sur la province en général, ceci en dépit de leur supposé caractère provincial ou national. Nous n'avons pas consulté d'autres journaux faute de temps et d'argent. Enfin, aucune solution parfaite pour contrôler les sources n'a été possible.

5 Certains indices sont de nature plus qualitative, voire étiologique, par exemple les « causes rapportées », les « buts des participants », les « points de controverse », et enfin la « situation précipitante ». Leur relation avec l'événement varie selon l'immédiateté, mais ces indices, dans l'ensemble, peuvent contribuer à expliquer les conditions qui président à l'éclatement de la violence. Les « causes rapportées » ont servi d'indicateur des motivations des participants. Par exemple, quelles conditions ont contribué au mécontentement ? Quelles conditions expliquent les actions et les paroles des participants ? Etaient-ce les conditions économiques immédiates (une grève pour un meilleur salaire), les conditions politiques internes (Loi 63 au Québec) ou un problème international (comme la guerre au Vietnam) qui ont causé la protestation et sa répression violente ? Le concept « cause rapportée » n'est pas utilisé dans un sens pavlovien de stimulus-réaction telle qu'implicite dans les théories frustration-agression, mais plutôt dans le sens de catalyseur d'une situation. Ensuite, intervient le facteur de perception qui implique un choix de moyens et de buts. La violence n'est donc qu'une forme, parmi plusieurs, d'action collective. Voir Firestone, Joseph M., « Continuities in the Theory of Violence », Journal of Conflict Resolution 18/1 (mars 1974), 125–27.Google Scholar L'indice « point de controverse et buts proclamés par les participants » se rattache à la motivation. Cette variable se rapporte à l'idée de la nature instrumentale de la violence. A quoi servait la violence comme instrument politique ? Quels ont été ses buts ? Ont-ils été de changer la politique ou la structure du gouvernement, de protéger des intérêts techniques, de mettre en question ou de défendre une idéologie, etc. ? A la lumière de l'article « Comparative Study of Civil Violence », de Ted Gurr dans Violence in America, 559, nous avons retenu les buts que la presse attribuent aux participants, ou nous les avons dégagés de l'analyse des cibles contre lesquelles la violence fut dirigée, des pancartes, ou de la composition des groupes qui y participèrent. La variable « situation précipitante » devrait représenter l'ensemble des conditions tactiques ou fortuites qui ont déclenché la violence, mais sans porter un « jugement » sur la responsabilité morale ou légale d'un côté ou de l'autre. C'était, par exemple, un accrochage lors d'une manifestation, un conflit parmi des grévistes, des « jaunes » ou des policiers. Celle-ci fut alors recodifiée en incidents ayant lieu lors d'une manifestation, ou lors d'une grève ou enfin en incident de nature asociale, telle qu'une rixe entre blousons noirs. Un « précipitant » est un événement qui est fortuit, qui a un rôle immédiat dans le déclenchement de la violence, et qui ne fait pas partie intégrale et nécessaire de la logique de l'action collective. Un autre groupe d'indicateurs a été surtout quantitatif. Nous l'avons utilisé pour mesurer la fréquence et l'intensité de la violence, par exemple, le nombre « d'insurgés » et de policiers, les dégâts personnels et matériels, les cibles de la violence, le nombre d'arrestations, la durée de l'incident, etc. La variable « durée » fut composée d'intervalles qui ont augmenté en proportion géométrique allant d'une demi-journée à 10 jours ou plus. Un incident a été considéré continu s'il ne nécessitait pas de nouvelles mobilisations. Les données sur les blessés et les tués manquaient de précision dans le cas des » insurgés », tandis que dans le cas des forces policières la précision n'a pas manqué, mais souvent la presse n'en a pas fait mention.

6 Des données sur plusieurs de ces indices ont été souvent obtenues directement du journal, par exemple les données quantitatives. Par contre, nous avons dû déduire certaines données qualificatives, par exemple les buts des participants.

7 L'index du taux de chômage se base sur un total mensuel ajusté. La moyenne annuelle par contre est basée sur une moyenne non-ajustée. Ces données furent obtenues de Statistics Canada, Historical Labour Force Statistics, Actual Data Seasonal Factors, Seasonally Adjusted Data (Ottawa: Information Canada, February 1974).Google Scholar

8 Le second indicateur économique est composé de la moyenne des salaires tempérée par les effets de l'index des prix de consommation pour en obtenir un salaire réel. Cette variable fut calculée en réduisant la moyenne hebdomadaire des salaires par le pourcentage de la hausse ou de la baisse de l'index des prix. De cette façon on a obtenu le vrai pouvoir d'achat mensuel qui est le meilleur indicateur du bien être économique. Pour rendre cet indicateur économique le plus réaliste possible, nous l'avons comparé au salaire réel du même mois de l'année précédente, pour prendre en considération le changement de niveau de vie perçu par l'individu. Cette différence a été alors réduite en moyennes annuelles. Le pourcentage de changement du niveau de vie pouvait ètre positif ou négatif.

L'index du salaire hebdomadaire en dollars actuels fut établi sur la base de 100 pour 1961. Le salaire réel en dollars de 1961 fut déterminé en divisant le salaire actuel par le taux du prix de consommation au Canada pour le mois qui a suivi le mois pendant lequel le salaire a été gagné, et ensuite en multipliant ce chiffre par 100. L'index mensuel a été obtenu en multipliant le salaire par le nombre de semaines dans un mois.

L'amélioration relative perçue du salaire réel fut calculée en comparant l'amélioration relative du pouvoir d'achat en fonction de la différence en pourcentage entre le salaire réel actuel et le salaire réel de l'annéee précédente. Cela a été fondé sur la présomption que l'individu moyen s'aperçoit de son sort économique en comparant approximativement son budget actuel avec celui de l'année précédente. C'est que la plupart des gens conçoivent leur budget en fonction d'un cycle annuel, car leur paiements et leurs engagements financiers sont échelonnés sur un cycle de douze mois, par exemple des intérêts sur emprunts ou hypothèques, les paiements d'impôts sur le revenu, les contrats de travail, les salaires, etc.

9 Cette étude n'exclut donc pas automatiquement l'action des forces policières dans le déclenchement de la violence collective. La légalité de la répression ne la rend pas moins violente car souvent le contraire est vrai. Les forces coercitives ont été incluses dans le critère d'un minimum de cinquante participants. Par exemple, il y a eu des occasions où la police a précipité des incidents en soutenant les droits des briseurs de grève, ou en se jetant sur une ligne de piquets de grève.

10 L'année 1970 ne s'y conforme pas techniquement mais, en réalité, elle le devrait parce que la progression de la fréquence fut interrompue par la loi des mesures de guerre qui empêcha les efforts de mobilisation au Québec. Si la progression pour cet intervalle avait été normale elle aurait atteint entre 13 (1969) et 18 (1971). Des données obtenues du Département B de la Police de Montréal sur les manifestations confirment ce creux que l'on a constaté pour 1970.

11 L'I.P.E. est tenu pour « haut » quand il dépasse 9.6 pour le Québec, c'est-à-dire la médiane entre 1963–1973. Nous avons utilisé une médiane avec chiffres arrondis. Les années 1965, 1967 et 1969 ne se conforment pas à l'hypothèse. Ici il y a eu de hauts taux de violence et une situation économique favorable. Le taux de chômage fut en dessous de la moyenne des années 1963–1973, tandis que l'amélioration du salaire réel perçu est monté à une allure modérée.

12 Il faut aussi constater que le Québec a eu des taux de chômage plus élevés que l'Ontario. Or, une théorie classique de frustration-agression mettant l'emphase sur la privation en tant que source de violence, présumerait qu'un plus grand nombre d'incidents auraient eu lieu au Québec qu'en Ontario. En fait, il n'y a pas eu de différence quant au nombre de cas entre ces provinces. Pour les 121 incidents au Québec, le taux de chômage moyen médiane a été de 7.6 pour cent. En Ontario, en dépit d'un taux de 3.8 pour cent, c'est-à-dire 3 pour cent plus bas, il y a eu une fréquence tout aussi élevée—125 cas de dossiers plus ou moins complets. Par contre, il faut avouer que la violence fut souvent plus intensive au Québec qu'en Ontario.

13 Voir aussi Kelly, Michael, « Violence, Ontario and Quebec, 1968–1973: A Comparative Analysis » (unpublished M.A. thesis. University of Ottawa, 1975).Google Scholar

14 La proportion numérique des forces de l'ordre et par rapport aux insurgés a été plus élevée au Québec (un policier pour six insurgés), tandis qu'en Ontario il n'y a eu qu'un policier pour huit insurgés pour chaque incident. Ceci peut aussi expliquer la plus haute intensité de la violence collective au Québec.