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Le système du pouvoir en Islam d'après Ibn Khaldûn

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Extract

De la société humaine, Ibn Khaldun propose un modèle très simple, mais dont on n'a pas jusqu'ici tiré toutes les conséquences. Deux états sont distingués, qui sont en même temps les deux grands stades d'évolution de l'Homme : la badàwa (état de la société agro-pastorale), première et originelle — logiquement et historiquement —, proche de la nature (at-tab' ou at-tabi'a), simple et ne réalisant que le nécessaire (ad-darûri), en un mot, « être en puissance » ; la hadâra (état de la société urbaine), seconde et dérivée, complexe, préoccupée du superflu, où s'accomplit l' « être en acte » de la société. Le destin du 'umrân (civilisation dans le sens large) est d'osciller, selon une loi implacable, entre ces deux stades.

Summary

Summary

The Muqaddima of lbn Khaldun, a Maghribi historian of the 14th century (1332-1406) contains a model of human society which is at the same time a theory concerning the relationship between urban and rural pastoral societies. It is appropriate to study Ibn Khaldûn's conception of the Islamic political system within the framework of this model. One of the key concepts for understanding this model is the notion of jâh, a concept which escaped the attention of modem scholars. Jah straddles between the social and the psychological ; it evokes notions of prestige, of social rank as well as the aura of power and its fascination. It is a multifunctional concept which simultaneously takes Mo account the political contest, the dynamics of social structuring and the mechanism for the distribution of économie surpluses. It is related to the concept of mulk (which does not designate an institution, but the reality of a suprême power over a human group of the broadest possible extent) as the other side of the same phenomenon of central power. A detailed analysis of the concepts of mulk and jâh allows the author of this article to propose a model for the system of power in Islam as it émerges from the works of Ibn Khaldûn and more particularly from the Muqaddima.

Type
L'Islam et le Politique
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1980

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References

Notes

1. Maghreb-Machrek, Y Annuaire de l'Afrique du Nord, la Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, pour citer quelques périodiques en langue française ; en anglais, The Middle East Journal .

2. Ernest Geuner, Saints of the Atlas, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 1969. « Pouvoir politique et fonction religieuse dans l'Islam marocain », Annales ESC, mai-juin 1970, pp. 699-742.

3. Berque, Jacques, L'intérieur du Maghreb, XVe-XIXe siècle, Paris, Gallimard, 1978 Google Scholar.

* Cf. Note I. Nous n'indiquerons plus loin que le numéro de la page.

1. Voir le chapitre qutbn Khaldûn consacre dans la Muqaddima aux « emblèmes du pouvoir » (shàrdt al-mulk) . Pour toutes nos références à la Muqaddima (M), nous renvoyons à la 5e édition de Beyrouth, très défectueuse, mais la plus accessible aujourd'hui ; les extraits traduits le sont par nous. Nous renvoyons, pour les non-arabisants de langue française, à la traduction de Vincent Monteil, sur laquelle nous émettons toutefois beaucoup de réserves : Ibn Khaldûn, Discours sur l'Histoire universelle (D.H.U.)., Sindbad, seconde édition, 1978.

2. Rappelons qu'Ibn Manzûr, son auteur, est originaire de l'Ifriqya.

3. ‘Uthmân Ibn Jinnî (942-1002), né à Mossoul, mort à Bagdad, est considéré comme un des plus grands grammairiens arabe

4. Toujours d'après le Lisàn, le mot sultan renvoie, d'un côté, à l'idée de qahr (coercition) et de l'autre, à celle de hujja (preuve). Le sultan serait ainsi le détenteur légitime de la force de contrainte et l'administrateur de la preuve.

5. Il s'agit de dictionnaires d'arabe « classique » ; nous renvoyons notamment à al-Munjid , Beyrouth, 1975 et ar-Rà'id, Beyrouth, 1967.

6. Cf. Tedjini, B.. Dictionnaire arabe-français (Maroc), Paris, 1948, p. 48 Google Scholar ; Brunot, L., Textes arabes de Rabat, Glossaire, II, Paris, 1952, pp. 801802 Google Scholar ; Loubignac, V., Textes arabes des Zaer , Paris, 1952, p. 388 Google Scholar. Signalons que le tashelhît, l'un des trois parlers berbères du Maroc, a adopté le mot jàh (Ijàh), avec le sens de prestige, en concurrence avec udm, qui est l'exact équivalent berbère de wajh . Destaing, Cf., « Étude sur le Tashelhît du Sous », Vocabulaire français-berbère, Paris, 1938, p. 231 Google Scholar.

7. L'adoption de kelma, de préférence à jàh, semble marquer le passage d'une vision de l'autorité comme prestige (désormais confisqué au profit du chérifisme ou de la sainteté) à une vision de l'autorité comme parole efficace.

8. Cf. Louis Gardet, La cité musulmane. Vie sociale et politique, 4e édition, Paris, 1976, p. 38.

9. La condition minimale de participation au jàh, définie ici par Ibn Khaldûn, est à comparer avec les conditions de participation à la vie politique dans les tribus berbères, dont sont exclus le pauvre et le faible. Cf. P. Bourdieu, Sociologie de l'Algérie, Paris, PUF, 1958, pp. 27 ss, et Ernest Geuner, Saints of the Atlas, The University of Chicago Press, 1969, pp. 28 ss.

10. Voici un autre concept qui désigne, dans sa plus grande abstraction, la réalité d'un pouvoir suprême sur un groupement humain le plus étendu possible ; on ferait une grossière erreur si on le confondait avec ou si on le restreignait à une forme monarchique quelconque.

11. Le prestige d'essence intellectuelle et/ou religieuse, qui jouera par la suite un rôle très important au Maghreb, reste assez secondaire à l'époque d'Ibn Khaldûn.

12. M,154; D.H.U.,1, 303.

13. Voir en particulier Duby, Georges, Les trois ordres ou l'imaginaire du féodalisme, Paris, Gallimard, 1978.Google Scholar

14. M, idem .

15. Voir Shaban, A., Islamic history. A new interprétation, I, Cambridge Univ. Press. 1971, pp. 1678.CrossRefGoogle Scholar

16. M,202; D.H.U.,I, 398.

17. De 1365 à 1372. C'est à Qal'at Ibn Salâma, où il trouve refuge chez les Awlâd ‘Arîf après de longues pérégrinations, qu'il rédige dans la « solitude de la retraite », entre mars I 375 et octobre 1378, la première ébauche de son histoire universelle, dont la célèbre Introduction, la Muqaddima . Voir Tarif, pp. 226-229.

18. C'est dans ce contexte général qu'Ibn Khaldûn parle des douze apostasies des Berbères, et non pour des considérations d'ordre racial ou psychologique. 19. M,165; D.H.U.,I, 323-324.

20. Ibid .

21. M,236; D.H.U.,II, 502.

22. Ce modèle pourrait également être appliqué au pouvoir spirituel qui, lui, se constitue en tant que sainteté (à travers toute une série de combats pour établir la suprématie d'un saint sur tous les autres candidats à la sainteté, combats dont témoignent de très nombreux récits hagiographiques), et fonctionne en tant que baraka .

23. Pluriel de sharif . Le mot reste encore proche de son origine ; il désigne ceux qui disposent d'un capital d'honneur ; il n'a rien à voir avec le shérifisme, phénomène politico-religieux qui n'apparaîtra que plus tard.

24.illiya et safala s'opposent comme le haut au bas ; ces deux termes seraient à rapprocher de khâçça et ‘âmma (gens de pouvoir et masse du peuple) qu'Ibn Khaldûn n'emploie guère dans le contexte de l'analyse sociale, mais qui s'imposeront par la suite.

25. M,en particulier p. 371.

26. Précisons que la hiérarchie des métiers, en instaurant des différences entre les valeurs sur le marché des divers travaux,.introduit sans doute une forme d'exploitation diffuse et quasi institutionnalisée des travailleurs appartenant aux métiers les moins bien considérés, au profit de toutes les autres couches sociales, mais plus particulièrement de celle des marchands.