Ces deux volumes consacrés à l'histoire de l'Australie et de la Nouvelle- Zélande appartiennent à la monumentale histoire de l'Empire britannique, entreprise par la « Cambridge University Press », œuvre de premier choix que la diligence et le soin de ses éditeurs a déjà poussée jusqu'à la moitié de son exécution. Le volume I (The Old Empire) parut en 1929 ; le volume VI (Canada et Terre-Neuve) en 1930 , les volumes IV et V (Inde), un peu plus tard. Le volume II (la croissance du nouvel Empire, 1783-1870) et le volume VII (Afrique du Sud) seront bientôt publiés. On remarque d'abord avec étonnement que ces beaux volumes ne contiennent pas de cartes ; mais on est vite rassuré par l'annonce que les éditeurs préparent un atlas historique de l'Empire britannique. Et voici maintenant deux nouveaux volumes, en tous points dignes des précédents, qui nous donnent un magistral tableau de l'évolution des deux Dominions de l'hémisphère austral.

Le livre que Günther Franz vient de consacrer à la Guerre des Paysans repose sur une documentation à peu près complète, et réellement considérable. Il représente des années et des années de recherches dans les archives et les bibliothèques. Mais il est autre chose qu'une compilation — et on ne saurait trop louer ce qui le caractérise avant tout : un effort attentif pour circonstancier avec une extrême précision chacune des émeutes qui rentrent dans le cadre du sujet et les localiser rigoureusement dans le temps et dans l'espace ; un constant souci de replacer dans leur milieu social les chefs du mouvement aussi bien que leurs partisans ; une ingéniosité réelle dans la présentation des cartes qui, à elles seules, rendent un compte remarquable de la propagation du mouvement et de son extension ; ajoutons, le goût de poser les problèmes, même quand ils semblent impossibles à résoudre.

Il n'est pas nécessairement besoin de remonter à l'antiquité ou à la préhistoire pour découvrir des domaines inexplorés : l'histoire contemporaine peut en offrir encore. Sur un sujet un peu spécial, mais qui est d'importance, Mr Harry D. White nous en administre la preuve et comble du même coup, fort utilement, une lacune de l'histoire économique française du dernier demi-siècle.

On sait de reste que le Français est assez peu statisticien de nature, et que, si, à cet égard, il a sérieusement progressé depuis une quinzaine d'années, il le doit principalement aux exemples américain et allemand. Avant la guerre le travail statistique était dans notre pays à la fois retardataire et très fragmentaire ; c'est ainsi que le début de l'étude de Mr White sur la balance des comptes internationaux de la France de 1880 à 1913, doit commencer par cette constatation que, pour cette période, il n'a été tenu chez nous à cet égard aucune statistique.

Les hasards des courriers bibliographiques rassemblent parfois sur la même table de travail des livres qui appellent un rapprochement méthodique. C'est le cas du livre de Mr Curt Lomberg et de celui de Mr Adolf Grohmann qui permettent de comparer les économies rurales de deux pays arides : d'un côté, l'Afrique du Sud avec ses fermiers d'origine européenne ; de l'autre, l'Arabie du Sud avec son exploitation archaïque demeurée sans changement depuis l'antiquité. On a ainsi le contraste entre deux pays dont l'histoire et la position géographique ont différemment orienté l'évolution de l'agriculture.

Trois histoires de province, — trois livres qui ne se ressemblent guère. — Il est loisible de ne pas tout aimer dans la « Savoie » de Mr Henri Menabrea. Un petit grain de fantaisie de trop, m'a-t-il semblé, dans les débuts ; quelques longueurs dans l'exposé de la grande politique du XVIIIe siècle ; sur Joseph de Maistre, un chapitre décevant, où les allusions, trop souvent, prennent la place des faits précis, qui eussent permis de camper, comme elle le méritait, cette curieuse figure ; çà et là des considérations inutilement moralisantes, qui alourdissent l'exposé…. Mais comment ne pas être conquis par cet allant et ce sens de l'humain ? L'ouvrage ne se contente pas d'instruire ; il amuse, au bon sens du mot ; ce n'est pas une qualité qui coure les rues, ou les bibliothèques. Sur la Champagne, Mr René Crozet nous a donné un livre soigneux, utile et clair ; un livre bien sage, en un mot, peut-être trop sage; on a l'impression, constamment, d'un élan jalousement contenu, de fenêtres à demi ouvertes sur une histoire plus large et tout aussitôt prudemment refermées.

Mr G. Demorgny a voulu attirer l'attention du grand public sur les questions redoutables que posent les divergences politiques des États de l'Europe centrale, leur réorganisation économique, les rapports de l'Italie avec la Yougoslavie et la France. Ancien secrétaire général de la Commission européenne du Danube, il semblait devoir être particulièrement informé de ces problèmes ; mais, d'autre part, sa situation officelle l'a peut-être gêné, car, s'il consacre presque tout son livre à l'exposé des négociations, il n'y apporte à peu près rien de nouveau. Les questions économiques sont traitées trop brièvement à notre gré, sauf quelques statistiques sur le commerce extérieur des pays danubiens (p. 219-231). Son utilité, pour les historiens, sera celle de présenter un recueil commode des faits et textes diplomatiques, depuis l'avant-guerre jusqu'aux tentatives de Fédération européenne, à la conférence de Stresa, aux discussions sur les emprunts, au Pacte à quatre y compris.

Le Centre international de synthèse que dirige Mr Henri Berr et qui est rattaché d'ailleurs aux Annales par des liens personnels — puisque sa Section de synthèse historique a comme directeur Mr Lucien Febvre — a entrepris la rédaction d'un Vocabulaire historique dont il est inutile de dire qu'il répond à un véritable besoin. Dans chaque numéro de la Revue de synthèse, organe du Centre, paraissent des « projets d'articles du Vocabulaire » : projets, parce que les lecteurs de la Revue, les membres et correspondants du Centre sont priés de fournir, quand il y a lieu, des rectifications ou des compléments au travail élaboré par le rédacteur du mot.

Deux Amériques du Sud. L'une, celle de la flèche empoisonnée, du hamac, de la hutte quadrangulaire : on l'étudié au Trocadéro. L'autre, celle des buildings, des banques, des puissants journaux : elle s'inscrit dans les statistiques et les guides de tourisme. Des deux, laquelle est vivante ? La seconde ? Voire, disait Panurge….

«Le problème est de taille, écrivais-je ici-même en 1929 C'est celui de notre civilisation et de ses limites. Et n'y aurait-il pas lieu de lui consacrer une enquête approfondie : je veux dire, une enquête qui s'efforce d'atteindre les vraies réalités, par delà les apparences sensibles ?” — Cette enquête, en voici les résultats condensés dans un petit livre excellent, net de dessein, riche de substance filtrée et digérée.