Dans une étude classique sans cesse rééditée depuis trente ans (Chinese Communism and the Rise of Mao, Harvard Univ. Press, 1951), Benjamin Schwartz attribuait la victoire du parti communiste dans la révolution chinoise et l'ascension de Mao Zedong au sein de ce Parti à la mise au point — par Mao — d'une « formule » révolutionnaire originale reposant sur la paysannerie et sur l'armée. Avec le tournant des soviets du Jiangxi (1928-1934), Mao s'était fait l'homme de la militarisation et de la ruralisation d'une stratégie jusqu'alors calquée sur le modèle urbain des révolutions européennes, modèle que l'Internationale communiste avait relayé et appliqué sans succès en Chine dans les années 1920. La mise en oeuvre de la guérilla rurale avait opposé Mao à Moscou et plus encore aux hommes de Moscou, maîtres du Comité central demeuré clandestinement à Shanghai après le désastre de 1927 : Li Lisan tout d'abord (1929-1930) puis, derrière Wang Ming et Bo Gu, les « Vingt-huit bolcheviks ». En 1933, l'installation du Comité central à Ruijin (capitale des soviets du Jiangxi) avait consacré, selon Schwartz, la victoire d'une légitimité des faits (Mao) sur la légalité (les hommes de Shanghai et de Moscou).