En 1213, Thomas de Chobham note que les gens ne savent pas ce qu'est l'envie. En 1330, n'en connaissant guère plus, P. Lorenzetti fait dériver invidia à'invisus (invisible) et, dans la série des sept péchés capitaux que lui ont commandée les Franciscains de Sienne, il la représente par un unique pied sur le point de disparaître. Dans la littérature, le mot n'apparaît presque pas aux XIIIe et XIVe siècles, tandis qu'au XVe siècle il sert d'explication courante aux luttes politiques qui déchirent la France et symbolise bientôt le vice de tout le monde : ainsi l'épidémie de coqueluche de 1414 est réputée la maladie des envieux. Que s'est-il passé entre temps ? Comment ce concept s'est-il formé du XIIIe au XVe siècle ? C'est l'objet de ce travail qui paraissait d'autant plus délicat au départ que le mot envie reste aujourd'hui polysémique : désir, jalousie ou, simplement pris dans les souvenirs de catéchisme, l'avant-dernier des sept péchés capitaux. Ces mots sont-ils d'usage mieux définis à l'époque médiévale ? Oui, puisque le mot jalousie n'est utilisé que dans le sens de jalousie amoureuse, et, quand au XVe siècle, Gerson l'emploie, il évoque la préservation des biens spirituels.