A vouloir faire l'histoire des conceptions sur la nature et les fonctions du cerveau, depuis l'époque où la science grecque a établi pour la première fois avec certitude que cet organe avait des relations spécifiques avec la « pensée », on s'aperçoit que celles-ci ne se laissent pas ranger selon l'ordre linéaire d'une filiation continue. L'histoire du cerveau n'est ni celle d'une accumulation progressive de découvertes à l'intérieur d'un champ homogène défini dès l'origine, ni celle de l'élaboration continue de concepts patiemment redressés au contact de l'observation, ni celle de l'invention de techniques permettant de donner un jour une réponse positive à des questions séculaires. Plus exactement, si ces modèles s'appliquent assez bien au développement historique de notions restreintes (par exemple, la notion de neurone, celle d'influx nerveux), à l'intérieur de bornes chronologiques relativement rapprochées (entre le moment où la notion a été définie et celui où ses principaux paramètres ont été mesurés), on ne saurait sans fausser toutes les perspectives les appliquer à une histoire globale des idées sur le cerveau.