La révolte nobiliaire est inhérente aux territoires gouvernés par les Plantagenêt. Elle fait même partie intégrante de leur vie sociale et politique. Elle est un élément essentiel du système qui règle les relations entre la royauté et l’aristocratie. Elle éclate avec une régularité remarquable. Elle obtient la Magna Carta, si décisive pour l’évolution institutionnelle ultérieure de la monarchie anglaise. Elle est responsable du retour de la Normandie (1204), des pays ligériens et, enfin, en 1224, du Poitou à la couronne de France. Elle est pour beaucoup dans l’impossible survie de l’Empire angevin.

Pour mesurer l’ampleur du phénomène, prenons l’exemple de l’Aquitaine. Sous le règne d’Henri II, il existe, en moyenne, un soulèvement seigneurial contre les officiers royaux tous les trois ans et demi. Ses épicentres se trouvent dans le Limousin, où le domaine propre du roi est inexistant, et surtout dans le comté d’Angoulême, où les Taillefer et ensuite les Lusignan, toujours en conflit contre le duc, se constituent une véritable principauté territoriale indépendante, enclavée au coeur de l’Aquitaine. La violence de ces soulèvements est telle qu’elle aboutit parfois à l’assassinat des représentants d’Henri II: ces mêmes Lusignan sont à l’origine du meurtre de Patrick de Salisbury en 1168 et d’un ami très proche de Richard Ier en 1188. Le sort d’un Anglais en Poitou n’est pas toujours très rassurant, comme le prouvent les remarques d’Isaac, abbé de l’Étoile: ‘Hugues, seigneur de Chauvigny, proclame sur les toits qu’il veut se venger sur moi de tous les Anglais. Ah si je n’étais pas anglais et si, à l’endroit où je suis exilé, je n’avais jamais vu d’Anglais!’ Enfin, à partir de 1202, encore les Lusignan donnent un argument juridique à la conquête française de la Normandie, en raison de l’affaire de la rupture du mariage par verba de presenti d’Isabelle d’Angoulême, qu’ils portent devant le tribunal de Philippe Auguste. L’hostilité des nobles aquitains à l’égard du roi d’Angleterre et de ses représentants, contre lesquels ils n’hésitent guère à prendre les armes, n’est que trop souvent ouverte. Certes leur principauté est la plus périphérique et la moins bien contrôlée par les Plantagenêt, mais des exemples similaires pourraient être pris dans d’autres régions.

Les médiévistes britanniques et américains ont, de longue date, pris conscience de l’ampleur et de l’importance du phénomène de la rébellion nobiliaire.