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Une ethnologie du mariage au temps de l'Humanisme

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Christiane Klapisch-Zuber*
Affiliation:
EHESS

Extract

Peu après 1500, dans son dialogue Li Nuptiali, Marco Antonio Altieri met dans la bouche de l'un des protagonistes la remarque suivante : « Nombreux sont les mystères [offerts par les rites nuptiaux], et je suis persuadé que, pour exalter le sacrement de mariage, une grande part d'entre eux ont été ordonnés par notre sainte mère l'Église […], mais je me trouve porté à douter qu'il en va de même avec certains de ces rites qui, je pense, viennent des recoins de l'obscure Antiquité…. »

Cette interrogation, cependant, n'amène pas l'auteur des Nuptiali à opposer un modèle chrétien à un modèle païen de l'ordre rituel des noces. De telles prémisses pourraient en effet le pousser à rejeter comme superstitieuses des pratiques communes qui négligeraient la nature sacramentelle du mariage et à établir une hiérarchie, ascendante ou descendante, entre fêtes antiques et rites modernes ; bref, à poser une norme en excluant des pratiques.

Summary

Summary

Through his treatise “Li Nuptiali” (On Marriage), the Roman humanist M. A. Altieri (written at the beginning of the 16th century) intended to make the members of the urban aristocracy of Rome aware of the reasons for their decadence. The restoration of political values, in his view, also comprehended that of collective rituals—in particular the rituals of marriage. He also tries to explain the meaning of the nuptial rituals, which were in the course of being lost. He describes them as they were practiced a century or a century and one half before his time and he seeks to find in them ancient parallels which enhance and justify their significance. His repeated reference to the legend of the rape of the Sabines women sustains a vision of marriage in which the rituals are supposed to serve as privileged mediators for social cohesion and social order, because the very fact of marriage itself derives from a situation of rupture and violence. Thus, Altieri proposes an original dialectic concerning marriage and takes his distance from the traditional Christian positions.

Type
Amour, Mariage, Parenté
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1981

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References

Notes

1. Altieri, M. A., Li Nuptiali, Narducci, E. éd., Rome, 1873, p. 70.Google Scholar

2. Cf. Schmitt, J.-C., « “ Religion populaire ” et culture folklorique », Annales ESC, n° 5, 1976, pp. 941953.Google Scholar Ginzburg, C., « Folklore, magia, religione », Storia d'halia, I: / carattcri originali, Turin, 1972, pp. 601676.Google Scholar

3. On trouvera des notices biographiques sur M. A. Altieri dans l'introduction à l'édition des Nuptiali, par E. Narducci ; A. Reumont, compte rendu de cette édition, Archivio storico itaiiano XX, 1874, pp. 449-463 ; RE, E., « Altieri », Enciclopedia italiana. Milan, 1929, II, p. 703 Google Scholar ; Asorrosa, A., « M. A. Altieri », Dizionario biografico degli Ilaliani, Rome, 1960, II, pp. 560561 Google Scholar ; Gnou, D., « Marco Antonio Altieri », La Roma di Leone X, Milan. 1938. p. 32 Google Scholar ss ; Cosenza., M. E. Biographical and bibliographical dictionary oflhe Italian humanists and oflhe world ofclassical scholarship in Italy, 1300-1800, Boston, 1962, 5 vols, I, p. 146.Google Scholar Sur la famille Altieri, cf. aussi Schiavo, A., Palazzo Altieri, Rome, 1963.Google Scholar

4. Cf. Delumeau, J., Vie économique et sociale de Rome dans la seconde moitié du XVIe siècle, Paris, 1959, pp. 526529 Google Scholar, 566-568, 578-580, sur les progrès de l'élevage et sur le comportement des « barons » hostiles aux grains. Sur l'administration capitoline jusqu'à la fin du xivc siècle, cf. Dupré-theseider, E., Roma dal Comune di popolo alla signoria pontificia, Bologne, 1952 (Storia di Roma, 11). Nuptiali, p. 23.Google Scholar

5. Il est châtelain de la forteresse de Viterbe après 1482, maître des routes en 1493 ;cf. Narducci, Introduction aux Nuptiali, pp. v-vi.

6. Sur l'administration de la curie dans la seconde moitié du xve siècle, cf. Aubenas, R. et Ricard, R., L'Église et la Renaissance, 1499-151 7, Paris, 1951 Google Scholar (Histoire de l'Église depuis les origines jusqu'à nos jours, t. 15), pp. 74-75,87-88, 112-113, 138-143, 146-149. Sur la vénalité et le népotisme croissants, pastor, L. Von. Histoire des papes depuis la fin du Moyen Age, Paris, 1892-1898, t. IV, pp. 213226 Google Scholar (sur l'entourage de Sixte IV, 1471-1484) ; pp. 391-395 (sur le détournement des recettes municipales). Paschini, Pio, Roma nel Rinascimento, Rome, 1940 (Storia di Roma, 12), pp. 241246 Google Scholar, 253-254.

7. Sur l'oeuvre d'Altieri, cf. l'introduction de E. Narducci aux Nuptiali, où il a édité le discours prononcé en 1511 (pp. xiv-xix). V. Zabughin a publié une nouvelle d'Altieri : « Una novella umanistica, “ L'Amorosa ” di M. A. Altieri », Archivio délia R. Società Romana di storia patria, 32, 1909, pp. 335-394. F. Cruciani, // teatro del Campidoglio e le [este romane del 1513, Milan, 1968, y édite un « Avviso… » où Altieri, relatant la fête donnée par la commune en l'honneur de la citoyenneté accordée à Giuliano et Lorenzo Medici, y trouve prétexte à un véritable manifeste politique (p. 4 ss). « L'Amorosa » et l'« Awiso » faisaient partie des Baccanali, mélange de travaux à caractère politique ou littéraire, resté manuscrit, et dont une moitié semble perdue (cf. Cruciani. // teatro, pp. XXXVI-XXXVIII et 127-130).

8. Cf. surtout les diatribes contre la papauté et la vénalité de l'entourage pontifical ou l'ingratitude du pape envers les familles romaines dans Nuptiali, pp. 21-23, 186-188 ; le thème réapparaît dans L'Amorosa, Zabughin éd., pp. 374-375.

9. Sur les tumultes de 1511 et les suites de la « Pax Romana », Pastor, Histoire des papes, VI, pp. 345-346 ; Paschini, Roma nel Rinascimento, pp. 393-396.

10. Le discours prononcé en 1511 par Altieri est publié dans Narducci, Nuptiali, éd. cit., pp. xiv-xix, et celui de 1513, prononcé après la mort de Jules II, dans Zabughin, « Una novella… », p. 342.

11. Le manuscrit autographe des Nuptiali (qui ont été composés entre 1506 et 1509 et ont reçu des additions après 1513) est conservé par les héritiers de la famille Altieri. Diverses copies ont circulé dès le xvic siècle ; cf. Narducci, éd. cit., pp. xxv-xxix.

12. Nuptiali, Proemio, pp. 1-2.

13. Ibid., pp. 30-31.

14. Le pape Paul II approuve en 1471 les statuts romains qui comportent une réglementation somptuaire importante, concernant en particulier le mariage (éditée par Narducci, en préambule aux Nuptiali, pp. xi.iii-i).

15. Sur la formation d'Altieri, cf. l'introduction de Narducci aux Nuptiali, éd. cit., pp. xxii-xxm ; Zabughin, « Una novella… », p. 351 ; Reumont, art. cit., p. 450. Sur Pomponio Leto (1428-1498), V. Zabughin, Giulio Pomponio Leto (Rome-Grottaferrata, 1909-1912, 2 vols) ; Cosenza, Dictionary, IV, pp. 2906-2914. Sur Bartolomeo Sacchi dit Platina (1421-1481), Cosenza, Dictionary, IV, pp. 2839-2846 ; Zabughin, Pomponio Leto, I, p. 58.

16. Nuptiali, pp. 30-31, 42 et passim.

17. Sur L. Valla, cf. Cosenza, Dictionary, IV, pp. 3550-3569 ; S. Camporeale, I., L. Valla : umanesimo e teologia, Florence, 1972 Google Scholar ; Napou, G. Di, L. Valla : filosofia e religione nell'umanesimo italiano, Rome, 1971 Google Scholar ; Giannantonio, P., L. Valla .- filologo e storiografo deliumanesimo, Naples, 1972.Google Scholar

18. Sur le complot de l'Académie romaine et les poursuites menées par Paul II contre ses responsables, cf. Pastor, Histoire des papes, IV, pp. 34-59 ; Aubenas et Ricard, L'Église et la Renaissance, pp. 68-70 ; Paschini, Roma nel Rinascimento, pp. 224-227.

19. Ritzer, K., Le mariage dans les églises chrétiennes du Ierau XIe siècle, Paris, 1970 Google Scholar. Esmein, A. Et Genestai., R., Le mariage en droit canonique, Paris, 1929-1935.Google Scholar Brandileone, F., Saggi sulla storia délia celebrazione del matrimonio in Italia, Bologne, 1906.Google Scholar KÏ.Apisch-zuber, C., « Zacharie ou le père évincé. Les rites nuptiaux toscans entre Giotto et le concile de Trente », Annales Esc, n° 6, 1979, pp. 12161243.Google Scholar

20. Nuptiali, p. 185. Ce sont les derniers mots mais les mots clés de l'oeuvre.

21. F. Brandileone est celui qui a utilisé de la façon la plus solide et systématique les Nuptiali pour l'histoire du mariage ; cf. en particulier son étude « La celebrazione del matrimonio in Roma nel sec. XV ed il concilio di Trento », parue dans Rivista di diritto ecclesiastico, VI, 1898, pp. 216-249, et réimprimée dans les Saggi, pp. 291-340.

22. Nuptiali, pp. 3-4. Sur la danse, cf. infra, n. 33.

23. Ibid., p. 7 : « … parentato incatenatose per modo, che pochi qualificati citadini hora ne sonno, chella parentela nolli astringa intervenirce… ».

24. Ibid., p. 57.

25. Ibid., p. 52.

26. Ibid., Leferro hastato est une allusion au rite romain de la hasta caelibaris, un fer de lance recourbé placé dans les cheveux de l'épouse, rite déjà incompris des commentateurs antiques de l'époque classique. Cf. Bayet, J., Histoire politique et psychologique de la religion romaine, Paris, 1957, p. 69.Google Scholar

27. Sur la constitution et la transmission littéraires de la légende des Sabines, cf. Poucet, J., Recherches sur la légende Sabine des origines de Rome, Louvain, 1967 Google Scholar ; Erasmus, H. J., The origins of Rome in historiography from Antiquity to Perizonius, Assen, 1962 Google Scholar ; Seznec, J., La survivance des dieux antiques. Essai sur le rôle de la mythologie dans l'humanisme et dans l'art de la Renaissance, Londres, The Warburg Institute, 1939, pp. 1334.Google Scholar

28. Nuptiali, p. 73.

29. Ibid., p. 93.

30. Ibid., p. 68.

31. Ibid., p. 79.

32. Ibid., p. 48.

33. Ibid., p. 85. La danse s'exécutait le samedi soir, veille des noces, et le lundi soir qui les suivait (p. 58).

34. Ibid., p. 58.

35. Ibid., p. 46.

36. Ibid., p. 45.

37. Ibid., p. 185. Altieri a essayé de faire passer ses idées d'un renouveau festif dans la pratique, en contribuant à la célébration de la fête anniversaire de la fondation de Rome, les Palilie ; cf. Gnou, La Roma di Leone X, p. 102, et Cruciani, // teatro, pp. xxi-xxxv, sur le testament de 1513 imposant à son fils de contribuer aux frais.

38. Sur les festins, lieux de paix et d'alliance, Nuptiali, p. 4. Curieusement, Altieri décrit peu l'ordonnance des festins de noces.

39. Nuptiali, p. 26.

40. Ibid., pp. 27-28. Les « sordides marchands » visés semblent surtout des Florentins, très actifs à Rome sous Jules II. Sur la simplification des rites de mariage de la classe marchande florentine à la fin du xvc siècle, cf. C. Klapisch-zuber, « Zacharie… », pp. 1223-1225.

41. Nuptiali, pp. 53-54, Sur la suprématie de l'homme et ses conséquences sur le remariage, l'adultère, la répudiation, ibid., pp. 97-99, 101.

42. Ibid., pp. 79, 81, 83, 86, 87.

43. Ibid., p. 85.

44. Sur la catégorie du superstitieux, cf. les réflexions de Chartier, R. et Revel, J., « Le paysan, l'ours et saint Augustin », dans La découverte de la France au XVIIe siècle, Paris, 1981 Google Scholar, Colloques internationaux du C.N.R.S., n° 590, pp. 259-264. J.-C. Schmitt, «La “religion populaire”», pp. 944-946.

45. Le mot n'apparaît, à ma connaissance, qu'une fois dans les Nuptiali, p. 73, à propos des « nuits de Tobie » et de « l'observation superstitieuse qu'eux [nos ancêtres] en faisaient » ; « abstinence de trois jours », dont Altieri note cependant, p. 72, « qu'elle me semble aujourd'hui peu observée », mais à laquelle il trouve encore des correspondances antiques qui lui permettent d'évoquer la violence attachée au mariage.

46. Ibid., p. 38.

47. Cf. l'analyse des positions de Hincmar, archevêque de Reims au ixe siècle, récemment faite par Duby, G. dans Le chevalier, la femme et le prêtre, Paris, Hachette, 1981, pp. 3740 Google Scholar et sur la tradition de l'Église en cette matière, ibid, pp. 186-187, 221 ; sur Pierre Damien, cf. Herlihy, D. et Klapisch-zuber, C., Les Toscans et leurs familles, Paris, 1979, pp. 526530.Google Scholar