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Solidarités Familiales et Logiques Migratoires en Pays de Montagne à L'Époque Moderne

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Laurence Fontaine*
Affiliation:
CNRS-Centre Pierre Léon Université de Lyon II

Extract

La mobilité, qui est un des phénomènes majeurs des sociétés de montagne, a fait l'objet de nombreuses analyses. Historiens et géographes s'accordent depuis longtemps pour lier ces migrations à l'écosystème montagnard parce que celui-ci conjugue à de maigres récoltes, un important besoin de main-d'oeuvre pendant la brève saison agricole. A ces données structurelles, s'ajoutent l'oisiveté forcée des hommes durant les hivers trop longs et la fiscalité, qui oblige à trouver le numéraire nécessaire pour acquitter l'impôt. En ce sens, ces analyses reprennent à leur compte les doléances des habitants.

Toutefois, ces modèles classiques reposent sur plusieurs postulats, explicites ou implicites, qui influencent à leur tour les images données de la migration. Nous en retiendrons deux, essentiels pour comprendre les questions que posent ces approches de la mobilité. 1) La dépendance stricte entre système écologique et mobilité montagnarde sous-entend que la nature impose à l'homme une manière de l'exploiter et une seule ; elle renvoie au système agro-pastoral pratiqué dans les Alpes françaises au XIXe siècle ; à la « loi de transhumance » qui concerne hommes et bêtes, énoncée par Raoul Blanchard. 2) Dans ces sociétés agro-pastorales, les hommes sont égaux en pauvreté ; ce second postulat est d'ailleurs explicitement affirmé puisque les communautés montagnardes sont toujours décrites comme des « républiques » de petits propriétaires égaux dans la médiocrité.

Summary

Summary

On the basis of what became of orphans in an Alpine society in the 17th century, this article examines the classical modelsproposed by historians and geographers to account for the migrations of mountain dwellers and, beyond that narrow context, considers the more general models used to interpret migratory phenomena. Orphans were studied because their trajectory proves that this particular group functioned as a microcosm of mountain society as a whole. On these grounds, the various migratory logics that were at work in the society are analyzed: migrations due to exclusion or self-exclusion (begging or hospitalization), migrations for purposes oftraining (being made an apprentice in a town or being taught a temporary migrant's skill), for a settled way of life, etc.

Type
Identités, Solidarités, Migrations
Copyright
École des hautes études en sciences sociales Paris 1990 

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References

Notes

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5. Les études sont toutes d'accord sur l'existence de ce passage et le débat porte sur la date où il a pris place. Châtelain, A., date le « passage » de l'une à l'autre du XIXe siècle, Les migrants temporaires en France de 1800 à 1914, Lille, y.Google Scholar Depuis, maintes études se sont attachées à dater ce passage ; voir par exemple J.-P. Poussou qui, à partir de Sainte-Foy-Tarentaise, le situe plus précocement, Bordeaux…, op. cit., p. 395.

6. A notre connaissance, seules les analyses d'A. Sayad s'inscrivent dans ces contextes pluriels. Sayad, A., « Les trois “ âges ” de l'émigration algérienne en France », Actes de la Recherche en Sciences sociales, n° 15, 1977, pp.5979.CrossRefGoogle Scholar

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8. AD Hautes-Alpes, 1E 4839, mai 1684 et juin 1684 ; le notaire fait observer dans les deux cas qu'il est parent au 4e degré des pupils et l'assemblée lui demande de passer outre.

9. AD Hautes-Alpes, 1E 4839, mai 1684.

10. AD Hautes-Alpes, 1E 4839, mai 1684 ; 8 octobre 1684 ; 24 mai 1685.

11. AD Hautes-Alpes, 1E 7214, 26 juin 1680.

12. AD Hautes-Alpes, 1E4839, 2 juin 1685.

13. Idem, 24 mai 1685.

14. Idem, 1E 4839, mai 1684.

15. AD Hautes-Alpes, 1E 7214, 29 mars 1679.

16. Idem, 24 mai 1680.

17. Idem, 24 mai 1680.

18. Idem, 26 juin 1680.

19. Idem, 2 juillet 1680.

20. AD Hautes-Alpes, 1E 4839, 30 juin 1684.

21. Idem, 5 juin 1684.

22. Idem, 16 octobre 1684.

23. Les intérêts entre dépenses et charges se sont trouvés approchants et n'ont pas été comptés. Marie s'est engagée à payer à son oncle et curateur, d'ici trois mois, les 11 livres 11 sols et 3 deniers qu'elle lui doit ; ils seront payés par son mari deux ans plus tard. AD Hautes-Alpes 1E 4839, 23 février 1685 et 2 juillet 1687.

24. L. Fontaine, « Le marché contraint. La terre et la Révocation dans une vallée alpine », Revue d'Histoire moderne et contemporaine, à paraître.

25. AD Hautes-Alpes, 1E 7214, 24 mai 1680.

26. AD Hautes-Alpes, 1E 4839, 9 et 29 octobre 1685, les biens des trois enfants de Jean Clôt avec leur maison se sont loués 9 livres avec les tailles et 2 quintaux de blés.

27. AD Hautes-Alpes, 1E 4839, Honnête Jean-Pierre Constantin « baille en louage » tous ses biens et ceux de sa femme « et même son bâtiment » pour 6 livres par an plus les tailles ; mais il se réserve les bois, 7 mai 1686 ; la maison du riche marchand Claude Gonnet feu Jean se loue 6 livres par an, 22 juillet 1686. Les meilleurs taux sont enregistrés quand un frère ou une soeur participe aux enchères : pour l'hoirie de Catherine Arnaud, mises aux enchères pour six ans, il a été offert successivement 5, 6, et 7 livres par an ; Marie Finet, la fille aînée, âgée de 22 ans, a offert le meilleur prix, AD Hautes-Alpes, 1E 4839, 23 février 1685.

28. AD Hautes-Alpes, 1E 4839, 16 octobre 1684, p. 131 ; pour un an et demi d'administration, le tuteur renonce aux intérêts.

29. AD Hautes-Alpes, 1E 4839, 9 avril 1680.

30. Dupâquier, J., « Problèmes de mesure et de représentation graphique en matière d'histoire sociale », Actes du 89e congrès national des sociétés savantes, Lyon 1964, Paris, 1965, pp. 77 86.Google Scholar

31. AD Hautes-Alpes, rôle de taille de La Grave de 1671. Pour une discussion sur les problèmes que pose l'utilisation de ce type de sources, voir L. Fontaine, « Family Cycles, Peddling and Society in Upper Alpine Valleys in the Eighteenth Century », dans Domestic Stategies. Work and Family in France and Italy 17-18th Century, S. Woolf éd., Paris-Cambridge, EHESS-Cambridge University Press, 1990.

32. Le nombre de parents présents aux assemblées se révèle inversement proportionnel au besoin que l'enfant a de la solidarité familiale et, bien que le notaire inscrive dans le compte rendu que les absents seront poursuivis en justice, les assemblées réitérées ne se révèlent pas plus nombreuses. L'assemblée des parents de feu Madeleine Finet n'a réuni que deux parents outre les trois tuteurs ; « n'étant que deux, ils [les parents] ne peuvent conclure ni délibérer et ont protesté contre les autres parents assignés et non comparus ». En octobre ils sont sept outre deux des trois tuteurs ; néanmoins, le procès-verbal « proteste » nominativement contre trois parents qui « n'ont daigné paraître ». AD Hautes-Alpes, 1E 4839, juin et 8 octobre 1684 ; les 13, 24 et 25 janvier 1685, le notaire relève la même absence des parents et mentionne expressément celle de deux oncles.

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34. AD Hautes-Alpes, 1E 7215, 10 août 1684 ; 1E 4839, 10 juillet 1684 ; 1E 7218, 14 février 1690 ; 1E 7214, 19 octobre 1680.

35. AD Isère, 4G 271/283.

36. AD Hautes-Alpes, 1E 4839, 2 octobre 1685.

37. Idem, 1E 4839, 6 août 1686.

38. L'engagiste peut être un parent : AD Hautes-Alpes, 1E 7214, 6 juillet 1680 où l'oncle est l'engagiste.

39. AD Hautes-Alpes, 1E 4839 juin 1684.

40. Idem, 8 octobre 1684.

41. Idem, 16 octobre 1684, 19 mars 1685 et 21 mai 1685.

42. A. Poitrineau, Remues d'hommes, op. cit., pp. 156-162.

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45. AD Hautes-Alpes, 1E4839, 16 juin 1685.

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48. AD Hautes-Alpes, 1E 7214, 3 juillet 1680, deux frères, tous deux marchands, font une convention qui règle le partage de la succession paternelle et qui tient compte de ce que l'un pourrait devoir à l'autre pendant le temps où « il a été nourri et entretenu dans sa maison ».

49. AD Hautes-Alpes, 1E 4839, 13 janvier 1685 ; 24 mai 1685. AD Hautes-Alpes, 1E 7214, 24 juin 1680.

50. L. Fontaine, « Le marché contraint », op. cit.

51. AD Hautes-Alpes, 1E 4839, 25 juillet 1684.

52. Idem, 1E 4839, 16 juillet 1684.

53. AD Hautes-Alpes, 1E 7214, 29 mars 1680.

54. AD Hautes-Alpes, 1E 4839, 5, 8 et 30 juin 1684. L'inventaire de Jacques Bérard, fait à Lyon en 1690, montre que sa femme, originaire comme lui de l'Oisans, lui a apporté 15 000 livres de dot et que, outre un riche mobilier et d'importantes quantités de marchandises, il possède près de 20 000 livres de créances. Ces créances, qui sont réparties en 8 obligations et 45 promesses, sont presque toutes signées par des marchands du Haut-Dauphiné, AD Rhône, série B, 8 mai 1690.

55. Sur la plasticité des coutumes successorales, L. Fontaine, « Family Cycle », art. cit.

56. AD Hautes-Alpes, 1E 4839, 2 juin 1685.

57. AD Hautes-Alpes, 1E 7214, 8 novembre 1679.

58. Idem, 13 août 1680.

59. Pour le pôle parisien, voir H. J. Martin, M. Lecocq, H. Carrier, A. Sauvy, Livres et lecteurs à Grenoble. Les registres du libraire Nicolas (1645-1668), 2 vols, Genève, 1977, pp. 55-59.

60. AD Hautes-Alpes, 1E7214, 26 juin 1680.

61. AD Hautes-Alpes, 1E 7215 10 août 1684.

62. AD Hautes-Alpes, 1E 7214, 24 mai 1680.

63. AD Hautes-Alpes, 1E4839, 11 juillet 1685.

64. AD Hautes-Alpes, 4E 4839. La communauté à acheté 55 setiers de blé seigle pour 330 livres et l'a distribué aux plus pauvres. Acte de la dette est dressé le 26 octobre 1685.

65. Woolf, S., The Poor in Western Europe in the Eighteenth and Nineteenth Century, Londres, 1986, p. 33.Google Scholar

66. R. Favier, « L'Église et l'assistance en Dauphiné sous l'Ancien Régime : la vingt-quatrième des pauvres », Revue d'Histoire moderne et contemporaine, juillet-septembre 1984, pp. 448-464.

67. AD Hautes-Alpes, 1E 7215, 24 janvier 1684.

68. Les archives villageoises font périodiquement état de ces départs en masse comme en témoigne vers la mi-xvie siècle, un « Mémoire de ceux qui ont quitté le pays, parti de leurs biensfonds pour ne pouvoir payer les charges » qui dresse la liste de 56 familles et note les destinations qu'elles indiquent vouloir prendre. AD Isère, 4E 25 S10.

69. Honnête Agathe Guerre, malade, prévoit dans son testament le cas où son fils « qui est absent de la province ou royaume pour être à son négoce de marchandise ne viendrait au présent lieu pour jouir ou disposer desdits biens » et constitue sa nièce comme héritière de remplacement. AD Hautes-Alpes, 1E 4839, 5 mars 1686. Et les marchands eux-mêmes écrivent des testaments à double entrée selon que la mort les trouvera au lieu de leur commerce ou au village. AD Isère, 4E 24 SU.