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Niveaux de Consommation, Niveaux de vie au Portugal (1874-1922)

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Miriam Halpern Pereira*
Affiliation:
C.N.R.S.

Extract

Savoir si le début du capitalisme industriel a été accompagné d'un progrès social est un thème classique de la problématique historique de l'Europe des xviiie et xixe siècles. Le cas du Portugal ne ressemble pas à celui de la Grande-Bretagne ou de la France, car le passage de la société d'Ancien Régime à une société capitaliste industrialisée s'est heurté à de forts obstacles internes et externes qui ont déterminé différents blocages et distorsions socio-économiques. Mais en fait, les difficultés rencontrées dans ce processus n'ont fait qu'aggraver ici l'extrême inégalité sociale qu'accompagna ailleurs la Révolution industrielle, car la population agricole expulsée vers les villes par la désagrégation des structures anciennes et par la croissance démographique y fut difficilement absorbée. L'industrie s'y développait trop lentement, le chômage y était le grand fléau. Devant une urbanisation sans industrialisation, l'émigration fut souvent la seule issue.

Type
Dossier: Histoire de la Consommation
Copyright
Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1975

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References

Notes

1. La consommation per capita en Autriche, Suisse, Suède, Danemark ou Norvège, tous les cinq moins peuplés que le Portugal, est deux à trois fois supérieure à celle observée au Portugal (Rapport du IVe Plan de Développement, t. I, vol. « Evoluçâo socio-econômica global da década 1960-1970», «International Financial Statistics », 1971, cité dans le Rapport).

2. L'impôt sur la consommation, appelé le « Real de Agua », fut, selon Rafaël Bluteau, appliqué pour la première fois dans la ville de Elvas, afin de financer la construction d'une conduite d'eau. Ensuite, il fut utilisé à s reprises, d'abord épisodiquement pour des buts locaux, puis plus régulièrement aux XVIIe et XVIIIe siècles. En 1870, il devint un impôt national relativement stable, et n'augmenta pas jusqu'en 1922. C'est le nombre de marchandises sur lesquelles il pesait qui s'accrût successivement. Au début, il portait seulement sur la consommation de viande, vins et boissons alcoolisées, mais, dès 1879, viennent s'y ajouter le riz, l'huile d'olive et le vinaigre, et à partir de 1882, les graisses animales et les moelles. Ces denrées n'étaient exemptées de l'impôt que si elles étaient destinées à l'exportation ou à la ville de Lisbonne, où un régime fiscal différent était en vigueur. Dicionârio de Historia de Portugal, vol. III ; E. Freire De Oliveira, « Elementos para a Histôria do Municipio de Lisboa » ; lois du 27 décembre 1870,29 décembre 1879,17 mai 18 82, « Legislaçào Portuguesa », 1870, 1879, 1882 ; loi du 27 décembre 1870, art. I, « Legislaçào Portuguesa », 1870, p. 561 ; règlement du 29 décembre 1879, arts. 1 et 3, dans Colecçào da Legislaçào Fiscal relativa ao imposto do Real de Agua, p. 300. L'utilisation des données publiées dans le Orçamento Gérai do Estado (1874-1905) et dans les publications du Ministère de l'Agriculture de 1921-1922, Consuma de Produtos Pecudrios, Consuma de Produtos Agricalas, a permis d'organiser des séries statistiques plus complètes que ne l'aurait permis la Estatistica do Real de Agua e outras impostos indirectos, publication discontinue , parue seulement de 1884 à 1917. La consommation de trois des principales denrées — la viande, le vin et l'huile d'olive — a pu ainsi être reconstituée de 1874 à 1919.

3. Pereira, Halpern, Livre càmbio e desenvolvimento econômico : Portugal na segunda metade do século dezanove, Ediçôes Cosmos, Lisboa, 1971 Google Scholar.

4. Le riz fut soumis à l'impôt entre 1879 et 1892. Mais le riz consommé dans le pays était en très grande partie étranger. Or, jusqu'en 1882, les marchandises étrangères ne payaient pas d'impôt de consommation, si le droit de douane était supérieur à l'impôt. Le riz étranger ne fut, en fait, soumis à l'impôt qu'entre 1882 et 1892, et les données sont donc insuffisantes pour constituer une série significative. Les autres denrées imposées ont un rôle très secondaire.

5. L'impôt sur la viande portait sur la viande fraîche, salée, séchée ou préparée de toute autre façon. (Les têtes, pieds, entrailles, graisse et autres résidus des bovins, des moutons et des chèvres étaient exclus, ainsi que les entrailles des porcs ; le bétail était pesé, dépourvu de ces parties-là, soit dans les abattoirs publics, soit ailleurs, pourvu qu'un inspecteur des finances y fût présent, (loi de 1879, arts. 3 et 4).

6. La consommation dans la ville de Porto était soumise au « Real de Agua », dont la perception était à la charge de la Douane Municipale (règlement du 30 septembre 1871). C'est donc la statistique de la Douane de Porto, publiée dans le Orçamento Gérai do Estado, qui a été considérée jusqu'en 1905. Nous n'avons pas trouvé de documentation pour les années 1905-1908. De 1908 à 1922, la Estatistica do direito de consumo e do Real de Agua de Lisboa e Porto nous a permis de compléter la série de Porto. La série statistique de la consommation du vin dans cette ville a pu être élargie : les années 1838-1841, par la Estatistica do direito de consumo e do Real de Agua de Lisboa e Porto, Dossier de la Commission Spéciale de l'Assemblée Nationale, carton 206, Archives de l'Assemblée Nationale ; les années 1842-1858, par Mapas estatisticos do rendimento da Alfandega do Porto nos anos de 1858-1859, Porto 1859. A Lisbonne, la consommation était soumise à 1’ « imposto de consumo », qui était plus lourd et atteignait beaucoup plus de denrées que le « Real de Agua ». Comme à Porto, sa perception était à la charge de la Douane Municipale. Elle était née de la réunion de la « Alfandega das Sete Casas » et du « Terreiro do Trigo » (loi du 11 septembre 1852) ; en 1868, elle fut intégrée dans la Douane de Lisbonne, puis elle en fut détachée, en 1875, et s'appela dès lors «Alfandega do Consumo». Ce sont donc les publications de la « Alfandega Municipal » et de la « Alfandega de Consumo » qui nous ont fourni les données pour l'élaboration de nos séries.

7. La viande vendue à Lisbonne et Porto représente entre 1874 et 1900, environ 50 % des opérations effectuées chaque année. La dégradation des conditions de vie dans ces villes altère, ensuite, cette situation de façon sensible. Néanmoins, même pendant les années de guerre et de l'après-guerre, elles représentent 37 à 41 % de la consommation de viande. L'évolution de l'huile est à peu près analogue. Le vin suit une direction inverse, ces villes représentent une part croissante de son marché intérieur.

8. La consommation annuelle des pommes de terre par tête passe de 33 kg en 1887 à 52 kg en 1906, 57 kg en 1912 et n'arrête pas d'augmenter même pendant les années de guerre.

9. Portugal Econômico, Coimbra, 1918, p. 113.

10. Indice construit sur la base des prix de 25 produits destinés à l'alimentation, à l'éclairage, et au lavage, Annuaire Statistique de 1921, p. 234.

11. Halpern Pereira, op. cit., pp. 33-41.

12. Oliveira Marques, Afonso Costa, Lisboa, 1972 ; César de Oliveira, O operariado e a Repûblica de 1910 a 1914, Porto, 1972 ; J. Pacheco Pereira, As lutas operârias contra a carestia da vida em Portugal, Porto, 1917. Les anthologies de textes du mouvement ouvrier réunies par ces deux derniers auteurs permettent de voir le rôle fondamental joué par l'écart grandissant entre salaires et prix dans l'analyse de la société par les organisations ouvrières.

13. Loi de 31 décembre 1910, Législation Portugaise, 1910, 2e partie, pp. 211-213. En fait, les deux impôts sur la consommation totalisaient en 1883-1884, 2 331 000 mil réis (soit 14 % des recettes de l'État), l'impôt sur la propriété foncière 2 929 000 mil réis. Ce dernier impôt, ajouté à la contribution industrielle et à l'impôt sur le revenu, représentaient 4 386 450 mil réis, soit 1/4 des recettes de l'État.

14. « Despacho ministerial » du 29 octobre 1912, dont la publicité a été très restreinte. Très difficile à trouver, il n'a pas été publié dans le Didrio do Governo, mais seulement dans le Boletim Oficial da Direcçào-Geral das Alfândegas, 1912, pp. 457-458.

15. Ex. « Real de Agua » en 1912 sur l'huile : 11,35 réis par 1. Impôt de consommation en 1910 : 55 réis par kg.

16. Loi du 21 septembre 1922, n° 1368, Legislaçâo Portuguesa, p. 274, art. 69b. Dans l'article publié dans le Diciondrio de Historia de Portugal sur le « Real de Agua », qui est très utile, il est indiqué que cet impôt fut aboli immédiatement après l'installation du gouvernement républicain. C'est un détail qu'il faudra corriger dans la réédition.

17. Nazareth, Pedro Doria, « Estudo sobre a alimentaçào das classes trabalhadoras no continente de Portugal », publié dans le Boletim da Assistència Nacional aos Tuberculosos de 1906- 1910. « Inquéritos as condiçôes de vida da classe operâria », effectués par le Instituto dos Seguros Obrigatôrios en 1916, 1918 et 1920, publiés dans le Boletim da Previdéncia Social, 1917, nos 2, 3 et 4 ; 1920, nos 9 et 10 ; 1921, n° 11 et 1923 n° 14. Notons que le Portugal a été un des premiers pays où les assurances sociales de maladie, invalidité, vieillesse et accidents de travail furent créées (lois nos 5636 à 5639, du 10 mai 1919). c'est une institution qui a été supprimée plus tard, pour n'être rétablie que lentement ces dernières années.

18. Nazareth pensait effectuer l'étude des villes de Lisbonne et Porto séparément, étant donné leur caractère spécifique. Elle ne fut pas publiée, tout au moins jusqu'en 1929.

19. Tout d'abord on adressa les questionnaires aux sous-délégués de santé (97 réponses sur 262 envoyés) et aux municipalités (22 réponses). Puis, en face du peu de succès obtenu auprès des autorités, des questionnaires furent envoyés à des médecins, exploitants ruraux (” lavradores ») et industriels (421 réponses). Des renseignements concernant 256 du total des 262 communes furent ainsi rassemblés; Dans la note qui accompagne le résumé des questionnaires de la commune de Guarda, il est dit explicitement que c'est un médecin, qui a répondu à un des trois questionnaires. Un autre exemple est le questionnaire sur la commune d'Alcochete qui a été rempli par le sous-délégué de santé. S'est-il limité à le remplir sur la base des réponses reçues ? On ne le sait pas.

20. Un seul tableau résume les renseignements reçus sur chaque commune, car, explique-ton dans l'enquête, l'alimentation des journaliers agricoles et artisans se ressemble. C'est seulement dans les villes de Covilhâ et de Coimbra que les journaliers agricoles et ouvriers font l'objet de deux tableaux séparés. Dans les notes concernant cette enquête, les pages ne sont pas indiquées, car l'ordre alphabétique y rend toute vérification facile.

21. L'enquête indique la ration d'un adulte moyen, sans tenir compte des différences dues à l'âge et au sexe. Coimbra est la seule exception.

22. Dans de nombreuses communes de la région de Porto, Aveiro, Lisbonne et dans les quatre districts méridionaux, la pomme de terre n'est pas mentionnée.

23. Dans le cas de la sardine, la partie comestible représente à peu près 60 %, dans la morue silée et sèche elle est de 75 % (Ferreira, F. A. Goncalves, « Composiçâo e valor da alimentaçào de algumas espécies de peixe », Boletim da Pesca, Ano VIII, n° 33, 1951, et Tabela da composiçâo dos alimentos portugueses, Lisboa, 1961. La quantité réelle de poisson consommé était donc de 60 à 150 g dans le cas de la sardine, un peu plus s'il s'agissait de la morue salée et sèche.

24. La valeur alimentaire du poisson salé n'est que légèrement différente de celle du poisson frais. Dans le cas de la morue, sa valeur énergétique et le pourcentage de vitamine PP sont supérieurs si elle est salée, mais il y a en revanche une perte quantitative de vitamines Bl et B2, Tabela de composiçâo…, déjà cité.

25. Les ouvriers des villes de Covilhâ et de Coimbra ne sont pas inclus dans les cartes cijointes. Les ouvriers qui viennent travailler tous les jours en ville et habitent les paroisses rurales sont exclus de ce groupe, car ils se nourrissent de la même façon que les journaliers agricoles.

26. Dans cette ration de viande, 200 g étaient du mouton, dont la part comestible de viande est de 46 % à 72 % selon les morceaux (soit moindre que celle de'la viande de porc). La ration de viande comestible était donc peut-être de 100 à 150 g, ce qui serait déjà plus vraisemblable.

27.

28. L'enquête sur la ville de Coimbra est une des meilleures : 22 réponses d'ouvriers ont été reçues.

29. Le chiffre peut paraître invraisemblable de nos jours. Cependant, la quantité de calories nécessaires pour les travaux qui exigent une grande énergie est de 5 000 à 6 000 (Randoin, Table de composition des aliments, Paris, 1961, p. 15). Étant donné le faible degré de mécanisation de l'agriculture portugaise, il n'est' pas exagéré de considérer que les journaliers agricoles et les artisans (qui cumulaient souvent leur métier et la culture du petit lot de terre) exécutaient des travaux exigeant une grande énergie.

30. Dans le cas de la main-d'oeuvre saisonnière, l'alimentation se réduisait plus encore. A Seixal (district de Lisbonne), les saisonniers dépensaient 60 réis pour se nourrir, au lieu des 160 réis dépensés par la main-d'oeuvre locale.

31. Basilio Teles, A carestia da vida, Porto, 1904, p. 33.

32. L'enquête de 1920 n'indique pas les rations de chaque aliment, mais seulement les sommes dépensées.

33. V. Alarcao, « Estimativa do nivel de vida da populacào opérâria portuguesa, Revista da Economica, I, março 1948, p. 16 ; Boletim de Previdència, 1916-1917, p. 187 ; idem, 1921-1922, pp. 78-79.

34. Statistiques alimentaires des pays de l'O.C.D.E., 1968.

35. Voir cet article, lre partie.

36. Classement par catégories professionnelles, dans Boletim…, 1920, pp. 187-188.

37. Boletin…, 1920, P. 186.

38. J. Alarcâo, op. cit., pp. 12-24 ; Lima Basto l'a précédé dans une courte analyse de la même enquête (qu'il croyait être la seule existante), dans Niveis de vida e custo da vida, 1935 (pp. 26-27), où il souligne avec-raison certaines autres limites de cette enquête.

39. Dans la première enquête, bien que le nombre de familles ne soit pas exactement proportionnel à la population de chaque province, les régions les plus peuplées (Entre-Douro et Minho, Beira Litoral et Estremadura) sont aussi celles où le nombre de familles enquêtées est le plus élevé. Par contre, dans l'enquête suivante, l'Alentejo est représenté par un nombre de familles (69) presque égal à celui qui représente l'Estremadura (73), et supérieur à celui qui représente l'Entre- Douro et Minho (51). Or, l'Estremadura, l'Entre-Douro et Minho ont une population totale et une population ouvrière très supérieures à celle de l'Alentejo.

40. Anselmo de Andrade, Portugal Econômico, Coimbra, 1918, p. 104. Les autres dépenses, notamment le logement, étaient cependant moindres en dehors des grandes villes.

41. Boletim da Previdència, 1916-1917, pp. 115-116. Certaines dépenses fondamentales ne sont même pas mentionnées comme celle de l'ameublement et de l'équipement domestique.

42. Il y avait 53 coopératives en 1909 avec 18 056 membres. En 1922, elles étaient 472 et leurs membres 116 335 (Boletim da Previdència Social, n° 18, 1927, pp. 56-57). Grèves : sur un total de 518 de 1910 à 1925, 207 avaient pour but l'obtention de meilleurs salaires.

43. Afin de se protéger de cette préférence envers les produits étrangers, les industriels indiquaient souvent, au xixe siècle, une fausse origine étrangère de leurs produits, comme cela se pratique de nos jours.

44. Halpern Pereira, Livre càmbio e desenvolvimento econômico : Portugal na segunda metade do século dezanove, Lisboa, 1971 ; Assimetrias de crescimento e dependencia externa, Lisboa, 1974.