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Quand le Malin Fait de L'Esprit Le rire au Moyen Age vu depuis l'hagiographie

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Laurence Moulinier*
Affiliation:
Université de Poitiers

Extract

Aux prises avec la question du rire au Moyen Age, labile comme le sourire du chat du Cheshire, nous avons choisi de le traquer là où on l'attend a priori le moins, dans les récits hagiographiques et en particulier dans deux Vies du 12e siècle, où un même comique s'exerce aux dépens du saint, Bernard de Clairvaux (1090-1153) dans un cas et Hildegarde de Bingen (1098-1179) dans l'autre.

Le maître d'oeuvre de la Vita prima sancti Bernardi est Geoffroy d'Auxerre, qui avait été son secrétaire et qui prit dès 1145, en raison sans doute de la mauvaise santé de l'abbé, l'initiative de faire écrire sa Vie.

Summary

Summary

As a passion of the soul expressing itself loudly through the body, laughter was generally held in great suspicion by the medieval Church, especially in monastic life, where it was considered as the enemy of silence and seriousness.

Comical elements in edifying texts, telling of the life of an abbot and an abbess in the perspective of their canonizations, are all the more surprising. This study intends to analyze the function of such episods in hagiographic narrative (on the basis of two twelfth-century Vitae, on Bernard de Clairvaux and Hildegard of Bingen) and the mechanism and scope of a certain type of laughter in the Middle Ages.

Type
Le Rire
Copyright
Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1997

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References

1. Pour plus de détails voir Bredero, A. H., « La vie et la Vita prima », dans Bernard de Clairvaux. Histoire, mentalités, spiritualité. Colloque de Lyon-Citeaux-Dijon, Paris, Le Cerf, 1992, pp. 5382.Google Scholar

2. Sigal, P.-A., L'homme et le miracle dans la France médiévale (XIe-XIIe siècle), Paris, Le Cerf, 1985, p. 259 Google Scholar : « Peut-être les saints étant surtout des hommes d'Église, et leur entourage essentiellement masculin, l'accès des femmes auprès d'eux était-il plus difficile ? ».

3. Vita sanctoe Hildegardis, M. Klaes éd., Turnhout, Brepols, 1993, p. 63 : amicis et tutoribus feminoe persuaserunt, ut ad beatam virginem eam perducerent.

4. P.-A. Sigal, L'homme et le miracle…, op. cit., p. 238.

5. Ses biographes en rapportent moult cas « prenant parfois l'allure de véritables cures analytiques » (J. Berlioz, « Saint Bernard dans la littérature satirique. De l'Ysengrimus aux Balivernes des courtisans de Gautier Map (XIIe-XIIIe siècles) », dans Vies et légendes de saint Bernard, Présence cistercienne, 1993, pp. 211-228, p. 221). Que Jacques Berlioz soit ici chaudement remercié de m'avoir communiqué ses travaux.

6. Cf. l'article « Exorciste » dans Dictionnaire de théologie catholique, commencé sous la direction d'A. Vacant et A. Mangenot, continué sous celle d'E. Amann, Paris, Letouzey et Ané, 1939, t. 5, 2e partie, col. 1780-1786.

7. « Mais l'homme de Dieu l'envoya à l'église de saint Syr. Saint Syr voulut le céder à son hôte et ne fit aucun bien à cette femme » ; cf. Sancti Bernardi Vita prima, lib. II, Patrologie latine (désormais PL) 185, col. 280.

8. P.-A. Sigal, L'homme et le miracle…, op. cit., p. 215.

9. Vita sanctoe Hildegardis, op. cit., p. 58 : dixit se suum non relicturum vasculum, nisi per cujusdam vetuloe in superioribus Rheni partibus, sicut ipsa supra dixerat, consilium et auxilium, nomen ejus evertens, et quod Scrumpilgardis vocaretur, deridens.

10. Ibid., p. 57 : Cumque mulier Ma per plurima loca ad sanctos esset deducta, spiritus qui eam oppresserat, devictus meritis sanctorum et votis populorum, vociferabatur, quod in superioribus Rheni partibus Vetula quoedam esset, per cujus consilium expellendus foret.

11. Ibid., p. 59 : Démon enim iste nunc quadam die conjuratus, tandem manifestavit nobis mulierem hanc obsessam liberandam esse per virtutem vestroe contemplationis, magnitudinem divinoe revelationis, et p. 63 (deuxième lettre de l'abbé de Brauweiler) : Nobis autem iterum eum conjurantibus et insistentibus tandem respondit, quod vas possessum non nisi in presentia vestra relinquat.

12. Ibid., p. 63.

13. lbid., p. 55 : Inter coetera autem virtutum insignia, data est a Domino sanctoe virgini ab obsessis corporibus doemones ejiciendi gratia, sicut de quadam nobili et adhuc tenerce oetatis femina.

14. Ibid., p. 60 : et deridet, nec multum pertimescit.

15. Sur ce motif, voir par exemple Daniélou, J., «Les démons de l'air dans la “Vie d'Antoine” », Studia Anselmiana, XXXVIII, 1956, pp. 136147.Google Scholar

16. Cf. Vita sanctoe Hildegardis, op. cit., pp. 60-61 ; pour une analyse de cet exorcisme quasi théâtral, voir Dronke, P., « Problemata Hildegardiana », Mittellateinisches Jahrbuch, XVI, 1981, pp. 97131 Google Scholar ; sur l'exorcisme, voir désormais aussi Gouguenheim, S., « La sainte et les miracles. Guérisons et miracles d'Hildegarde de Bingen », Hagiographica, II, 1995, pp. 157 176.Google Scholar

17. Ibid., pp. 61-62 : « Etergo indocta etpauperculafeminea forma, o blasphemioe etderisor spiritus, tibi dico in Ma veritate, qua ego paupercula et indocta forma de lumine sapientioe hoec vidi et audivi, et per eamdem sapientiam tibi proecipio, ut de ista homine in vera stabilitate, et non in turbine tuoe instabilitatis exeas », idem nequam spiritus totus infremuit, ac tantos ulutatus cum horridis clamoribus ejulando emisit, quod astantibus maximos terrores incussit. Et dum his fere per dimidiam horam bacchando institisset, tandem, ut Deo placuit, vas, quod diu posséderai, reliquit. Mulier cum se esse liberatam sensit, manus astantibus porrexit, ut eam érigèrent, quia vires non habuit. Tune ante principale altare sancti Nycholai se prostravit, etc.

18. Ibid., p. 63 : Nom démon litteris vestris, quas, Spiritu sancto dictante, misistis, conjuratus, vas possessum per brevem horam reliquerat : sed heu ! nescimus quojudicio Dei, rediit, vasque derelictum denuo invadens, illud nunc acrius quam prius fatigat.

19. Ibid., p. 65 : Vade, Sathanas, de tabernaculo corporis mulieris ; et da in eo locum Spiritui sancto.

20. Ibid.

21. Agrimi, J., Crisciani, C., « Savoir médical et anthropologie religieuse. Les représentations et les fonctions de la vetula (XIIP-XV siècle) », Annales ESC, 1993, n°5, pp. 12811308, p. 1293.Google Scholar

22. lbid., p. 1287.

23. lbid., p. 1304.

24. Sur le motif de la vieille femme dans la satire, voir aussi Horowitz, J., Menache, S., L'humour en chaire. Le rire dans l'Eglise médiévale, Genève, Labor et Fides, 1994 Google Scholar, chap. V : « La femme médiévale au miroir déformant de l'humour », pp. 187-242, notamment pp. 197- 198.

25. Cf. Casagrande, C., Vecchio, S., Les péchés de la langue, Paris, Le Cerf, 1991 Google Scholar pour la trad. Frse.

26. Vita sancti Bernardi, op. cit., col. 280.

27. Ibid.

28. P.-A. Sigal, L'homme et le miracle, op. cit., p. 29.

29. Sur le portrait physique de Bernard, voir J.-C. Schmitt, « Saint Bernard et son image », dans Bernard de Clairvaux. Histoire, mentalités, spiritualité. Colloque de Lyon-Citeaux-Dijon, op. cit., pp. 639-657, pp. 644-646.

30. Voir à ce sujet L'invective au Moyen Age. France, Espagne, Italie, Atalaya, Revue française d'Etudes médiévales hispaniques, n° 5, automne-hiver 1994, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1995, par exemple M. Madero, « L'injure et le corps en Castille aux XIIIe et XIVe siècles », pp. 231-246 et la conclusion, par Claude Gauvard, pp. 249-258.

31. Ménard, P., Le rire et le sourire dans le roman courtois en France au Moyen Age (1150-1250), Genève, Droz, 1969, p. 578.Google Scholar

32. Gauvard, C., « De grâce especial ». Crime, État et société en France à la fin du Moyen Age, Paris, Publications de la Sorbonne, 1991, 2 vols, t. 2, p. 732.Google Scholar

33. Cf. Curtius, E. R., La littérature européenne et le Moyen Age latin, trad. J. Brejoux, Paris, PUF, 1956, pp. 601603.Google Scholar

34. Voragine, Jacques de, La légende dorée, trad. J.-B. M. Roze, Paris, Flammarion, 1967, 2 vols, t. 2, pp. 111112.Google Scholar

35. Delort, R., Introduction aux sciences auxiliaires de l'histoire, Paris, Armand Colin, 1969, p. 220.Google Scholar

36. Cf. Beck, P., « Anthroponymie et désignation des clercs en Bourgogne », dans Genèse médiévale de Vanthroponymie moderne, Bourin, M. éd., I et IIe journées d'Azay le Ferron, Tours, Publications de l'Université de Tours, 1992, t. II-1, pp. 99104.Google Scholar

37. Cf. M. Goullet, Les drames de Hrotsvita de Gandersheim, édition critique avec introduction, traduction et notes, thèse de doctorat dactylographiée, Université de Metz, Faculté des Lettres, Section de latin, 1993, p. 7. Je remercie Monique Goullet de m'avoir donné un exemplaire de sa thèse.

38. Duby, G., Mâle Moyen Age : de l'amour et autres essais, Paris, Flammarion, 1988, p. 61.Google Scholar

39. « Tu sei veramente quello che dice il tuo nome (cioè secondo un etimologia, solo in parte esatta, stimolo délia fortezza) perché il pungolo di Dio opéra in te con fortezza mirabile nell'edificazione délia sua Chiesa », cité et traduit par Manselli, R., « Amicizia spirituale ed azione pastorale nella Germania del secolo XII : Ildegarda di Bingen, Elisabetta ed Ecberto di Schoenau contro l'eresia catara », dans Studi in onore di Alberto Pincherle. Studi e materiali di storia délie religioni, Rome, Edizioni dell'Ateneo, 1967, 2 vols, t. 1, pp. 302-313, pp. 307 308.Google Scholar

40. R. Delort, Introduction aux sciences auxiliaires de l'histoire, op. cit., p. 220.

41. qe Fredericx / volt aitan dir com fres de ricx ; cf. Aurell, M., La vielle et l'épée : troubadours et politique en Provence au XIIIe siècle, Paris, Aubier, 1989, p. 338 Google Scholar, n. 99.

42. Voir par exemple « De grâce especial »…, op. cit., p. 733 : « Perenelle Sagette, une forte mégère, s'en prend à son voisin, un nommé Chardebeuf, en jouant sur son nom : “Chardebeuf ! Ribaut, ruffien, maquereau, vendeur de char vive aux moines !” ».

43. Bernard lui-même se montre capable de jouer sur le nom de l'adversaire : dans une lettre à Innocent III, il moque ainsi Abélard et l'antipape Pierre Léon, en comparant le premier à un dragon, le second à un lion, « au prix d'un jeu de mots facile » ; cf. Dimier, A., « Outrances et roueries de saint Bernard », dans Pierre Abélard. Pierre le Vénérable. Les courants philosophiques, littéraires et artistiques en Occident au milieu du XIIe siècle, Colloque de l'abbaye de Cluny 2-9 juillet 1962, Paris, CNRS, 1975, pp. 655670, p. 659.Google Scholar

44. C. Gauvard, sa conclusion dans L'invective au Moyen Age. France, Espagne, Italie, op. cit., pp. 256-257.

45. Cf. Leclercq, J., « La “ paternité ” de saint Bernard et les débuts de l'ordre cistercien », Revue bénédictine, 103, n° 3-4, 1993, pp. 445481, p. 452.CrossRefGoogle Scholar

46. J. Berlioz, « Saint Bernard dans la littérature satirique », loc. cit., p. 211.

47. Cf. P.-A. Sigal, L'homme et le miracle…, op. cit., p. 18 : «Lors de son voyage en Germanie en 1146-1147, les malades ne cessaient de se présenter le long des routes qu'il empruntait ».

48. J. Berlioz, « Saint Bernard dans la littérature satirique », loc. cit., p. 222.

49. Ibid., pp. 225-226.

50. A. H. Bredero, « La vie et la Vita prima », loc. cit., p. 71.

51. Le Goff, J., «Le rire dans les règles monastiques», dans Haut Moyen Age, culture, éducation et société. Études offertes à Pierre Riche, M. Sot coordonnateur, Nanterre, Publidix, 1990, pp. 93103, p. 99.Google Scholar

52. Cf. Tractatus de ordine vitoe et morum institutione, PL 184, col. 568A : « Voe vobis qui ridetis, quia flebitis vos », Dominus ait (Luc VI, 25). Nos ridendi materiam inquirimus, ut hic ridentes, illic fleamus ?

53. Formula honestoe vitoe, PL 184, col. 1172A.

54. Cf. Varia et brevia documenta pie seu religiose vivendi, PL 184, col. 1173D : A cachinnis semper abstineas : rideas vero raro.

55. Liber de gradibus humilitatis et superbioe ; cité par Schmitt, J.-C., La raison des gestes dans l'Occident médiéval, Paris, Gallimard, 1990, p. 153.Google Scholar

56. J. Le Goff, « Le rire dans les règles monastiques », loc. cit., p. 101.

57. Cf. Rupert de Deutz, In Habacuc prophetam commentaria, I, PL 168, col. 599 ss, cité par Riesnick, I. M., « Risus monasticus. Laughter and Médiéval Monastic Culture », Revue bénédictine, 97, 1987, pp. 90100, p. 99.CrossRefGoogle Scholar

58. Cf. Bingen, Hildegarde de, Louanges, prés, et trad. L. Moulinier, Paris, La Différence, 1990, p. 82 Google Scholar : Sed Diabolus in invidia sua / istud irrisit, / qua nullum opus Dei / intactum dimisit (” le Diable, dans son envie, s'en moqua, car il n'a laissé intacte aucune oeuvre de Dieu »).

59. Vita sanctoe Hildegardis, op. cit., p. 66 : Et vidi, quod nequam spiritus inde irridebant, cachinnando dicentes : « Wach ! Ista morietur, et amici ejusflebunt, cum quibus nos confundit ».

60. Ibid., p. 57 : Quis est iste, qui tantam habet potestatem super nos ? Hoc in invidia, odio et irrisione dicentes, adhuc in his persévérant, et omnia in hisfaciunt, quia errorem irrisionis primi incoeperunt.

61. J.-C. Schmitt, La raison des gestes dans l'Occident médiéval, op. cit., p. 153.

62. Cf. Hildegardis Causoe et curoe, P. Kaiser éd., Leipzig, Teubner, 1903, p. 148 : Inepta enim loetitia et risus velut quandam societatem ad delectationem carnis habent, et ideo ventus ille, qui risum suscitât, de meduïla hominis exiens fémur eius et interiora concutit. Ac interdum prae nimia concussione risus aquam lacrimarum de sanguine venarum oculis hoc modo educit, quemadmodum etiam spuma seminis hominis aliquando de sanguine venarum per ardorem delectationis excutitur.

63. Ibid. : Nam sicut in proevaricatione Adoe sancta et casta natura prolem gignendi in alium modum delectationis carnis mutata est, ita etiam et vox superiorum gaudiorum, quam idem Adam habebat, in contrarium modum risus et cachinnorum versa est.

64. Ibid., p. 149 : Cum enim scientia animoe hominis nihil tristitioe et nihil adversi et nihil mali in homine sentit, tune cor ejusdem hominis ad loetitiam se aperit, ut flores ad calorem solis se aperiunt, et mox iecur eamdem loetitiam recipit ac eam in se retinet, ut stomachus cibum in se continet. Et cum sic homo aut de bonis aut de malis, quoe sibi placent, loetatur, tune proedictus ventus interdum ex medulla exiens fémur illius primum tangit et ita splen occupât atque venas ejusdem splenis implet et se ad cor extendit et iecur replet ita quod hominem ridere facit atque vocem ejus similem voci pecorum in cachinnis educit.

65. Ibid., p. 199 : Qui multu et immoderato risu motus et concussus dolet, nucem muscatam pulverizet et huic bis minus zaccari addat et sic calefacto vino imponat et illud tam jejunus quam pransus bibat. Immoderatus risus enim pulmonem arefacit et iecur concutit, sed calor nucis muscatoe iecur sanat, et calor et succus zaccari pulmonem rénovât. Et cum hoec alterato calore vini temperatur et ita sumuntur, bonos humores per immoderatum risum destitutos restituunt.

66. Cf. Adolf, H., « On Médiéval Laughter », Spéculum, 22, 1947, pp. 251253, p. 253.CrossRefGoogle Scholar

67. Cf. Aristote, Les parties des animaux, III, 10, 672b, trad. P. Louis, Paris, Les Belles Lettres, 1956, p. 96 : « Ce qui prouve que, quand il reçoit de la chaleur, le diaphragme manifeste aussitôt qu'il éprouve une sensation, c'est aussi ce qui se passe dans le rire ». Voir aussi ses Problèmes, trad. P. Louis, Paris, Les Belles Lettres, 1994, p. 87 : « Et c'est pourquoi les gens frappés au diaphragme éclatent de rire. Car ce n'est pas en n'importe quel endroit que se déclenche le rire ».

68. Aelred de Rielvaux, De vita eremitica, PL 32, col. 1454, cap. VII : Raro loquatur, id est certis et constitutis horis […]. Quomodo loquatur, id est humiliter, mode rate, non alta voce, nec dura Manda, nec mixta risu. Nam si hoc ad quemlibet virum honestum non pertinet, quanto magis ad feminam ?

69. Ibid., col. 1452, cap. III : Os interea in risus cachinnosque dissolvitur, et venenum cum suavitate bibitum per viscera membraque diffunditur.

70. Cf. Avicenna latinus, Liber de Anima seu Sextus de Naturalibus, Pars V, cap. I, édition critique de la traduction latine médiévale par S. Van Riet, Louvain-Leyde, E. Peeters-J. Brill, 1972, 2 vols, t. 2, pp. 73-74 : De proprietatibus autem hominis est ut, cum appréhendent aliquid quod rarissimum est, sequitur passio quoe vocatur admiratio, quam sequitur risus, sed cum appréhendent aliquid quod est noxium, sequitur passio quoe vocatur anxietas, quam sequitur luctus.

71. Aristote, Problèmes, op. cit., p. 87.

72. Sur la question des sources des écrits scientifiques de Hildegarde, je me permets de renvoyer au chapitre VII, « Sources et influences », de l'ouvrage que j'ai tiré de ma thèse, Le manuscrit perdu à Strasbourg. Enquête sur l'oeuvre scientifique de Hildegarde, Paris, Publications de la Sorbonne-Presses Universitaires de Vincennes, 1995. Les Questions salernitaires éditées par B. Lawn, avec lesquelles l'oeuvre de Hildegarde offre des points de convergence, évoquent aussi le rire, ses rapports avec le spleen, et ses causes (cf. Lawn, B., The Prose Salernitan Questions, Londres, 1979, pp. 88 Google Scholar, 95, 138 et 179).

73. Jackie Pigeaud fait toutefois remarquer qu'un auteur médiéval comme Paul d'Égine a mis le rire au nombre des signes de la mélancolie ; cf. Pigeaud, J., La maladie de l'âme. Etudes sur la relation de l'âme et du corps dans la tradition médico-philosophique antique, Paris, Les belles Lettres, 1981, p. 463 Google Scholar. Hildegarde a peut-être eu accès au De melancolia de Constantin.

74. Le noyau primitif, formé d'environ trois cents vers rassemblés et commentés au 13e siècle par Arnaud de Villeneuve, fut progressivement complété au fil des siècles, mais c'est évidemment au noyau d'origine, tenu par la critique pour le texte latin le plus authentique, que nous faisons ici référence.

75. Regola sanitaria salernitana. Regimen sanitatis salernitanum, version italienne de Fulvio Gherli, Salerne, Ente provinciale per il Turismo, 1966, p. 73.

76. Ibid., p. 77. Voir aussi p. 81, De abundantia melancholioe : Humorum pleno dum foex in corpore régnât, Nigra cutis, durus pulsus, tenuisque urina, Sollicitudo, timor, tristitia, somnia tetra ; Acesunt ructus, sapor, et sputamine idem. Levaque proecepue tinnit vel sibilat auris.

77. Hildegardis causae et curae, op. cit., p. 38 : Et hoec melancolia nigra est et amara et omne malum efflat ac interdum etiam infirmitatem ad cerebrum et ad cor quasi venas ebullire facit atque tristitiam et dubietatem totius consolationls parât, ita quod homo nullum gaudium habere potest, quod ad supernitatem et ad consolationem proesentis vitoe pertinet.

78. Ibid., p. 143 : quia cum splendor in eo extinctus est et melancolia in sanguine ejus coagulata est, de qua tristitia et desperatio in eo surrexerunt, quoniam diabolus in casu Adoe melancoliam in ipso conflavit, quoe hominem aliquando dubium et incredulum parât.

79. Ibid., p. 146 : post tristitiam vero ira exsurgit.

80. Ibid., par exemple p. 153 : Sed alii homines sunt, qui triste et moerens cor soepe habent, et eadem tristitia interiores venulas, quae sanguinem per corpus ferunt, constringit, ita quod aliqua eorum per modicum vulneratur. Unde et Ma guttas sanguinis ad interiora paulatim fundit et ita homo Me aliquando sanguinem evomit […].

81. Ibid., p. 148.

82. Ibid., p. 147.

83. Ibid., p. 148 : Si quis poenitendo peccata sua deflet, hoe lacrimoe tristitia et loetitiapermixtoe sunt et tantum oppressa mente sine fumo educuntur.

84. Cf. E. R. Curtius, La littérature européenne et le Moyen Age latin, op. cit., pp. 527- 528.