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La loi religieuse de la communauté de Qoumrân

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Joseph M. Baumgarten*
Affiliation:
Université hébraïque de Baltimore, Maryland

Extract

Bien que la communauté de Qoumrân soit souvent définie comme une secte apocalyptique dans l'attente d'une fin des temps imminente, cela ne signifie en aucune manière qu'elle ait été moins préoccupée de l'observance de la loi religieuse. Le terme rabbinique en usage pour la loi traditionnelle, halakha n'apparaît pas dans ses écrits ; cependant il ressort clairement de ceux-ci que la détermination de règles « halakhiques » pertinentes était l'une des principales préoccupations des qoumrâniens. Ainsi, la Règle de la Communauté (IQS), qui regroupe essentiellement les prescriptions régissant la discipline de l'ordre, exige que la congrégation soit constamment occupée à l'étude de la Torah et à la transmission de la loi (IQS 6,7). L'Écrit de Damas (CD) relie les origines de la communauté à leur prise de conscience « qu'ils étaient des hommes coupables » (CD 1, 9) parce qu'eux-mêmes, comme tout Israël, « s'étaient égarés » à propos « des choses cachées » de la Torah, que Dieu leur avait désormais révélées (CD 3,12-14).

The Qumran Community, often defined as an "apocalyptic sect", is nonetheless remarkable for the importance it attributes to the law. Qumranian laws are either founded on the exegesis of the Torah, or presented in an apodictic fashion, without any scriptural justification. As with biblical law, Qumranian laws are revealed. These revelations are periodically renewed, guarded secret and transmitted only within the community.

Contrary to the Pharisees whose halakhic prescriptions were uttered and transmitted by nominally designated wisemen, Qumranian laws remain anonymous. While the Pharisees distinguish between the oral and the written law, the notion of oral law is unknown to the Qumranians just as it is rejected by the Sadduceans. However the similarities between Qumranian and Sadducean prescriptions, in particular with respect to laws of purity, do not allow us to take the Qumranians for Sadduceans; the similarities rather indicate a meeting point of two distinct approaches: the first apply strickly within a separatist community, while the application of the second are reserved for the Temple and its rituals alone. On the other hand, the comparison of the Qumranian halakha with essenian practicies confirms down to the last detail the identification of the Essenians with the Qumran Community.

The element of change in the conception of the law introduced by the belief in a progressive revelation must be interpreted with an eschatological perspective: the function of the Messiah or Messiahs being not to abrogate the law but to reveal its full significance. As for the origins of the religious laws of Qumran, we must again look to eschatology to understand: the extreme momism of the community could be interpreted in the light of its millenary and messianic ideology.

Type
Le Judaïsme Ancien
Copyright
Copyright © École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris 1996

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References

1. L'auteur tient à exprimer sa reconnaissance au professeur Devorah Dimant qui a suggéré la rédaction de cet article et contribué par ses remarques à l'améliorer.

2. Cf. Baumgarten, J., « The Laws of the Damascus Document in Current Research », dans The Damascus Document Reconsidered , Broshi, M. éd., Jérusalem, 1992, pp. 5162 Google Scholar. Sur ces fragments de la grotte 4, voir aussi Caquot, A., « Nouveaux fragments del’Écrit de Damas », Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses, 74, 1994/4, pp. 369394 Google Scholar.

3. Voir en Annexe la liste des fragments halakhiques de Qoumrân, dont plusieurs sont encore inédits.

4. Ceci est vrai également des Jubilés , qui se présentent comme un livre écrit par Moïse sous la dictée divine, directement ou par l'intermédiaire de l'ange de la présence. Méthode dont le 4Q365 a fournit un autre exemple ; il s'agit d'un manuscrit du Pentateuque qui, d'après E. Tov, intercale le texte biblique de commentaires exégétiques. Cf. Tov, E., « The Textual Status of 4Q364-367 », dans The Madrid Qumran Congress , t.1, Leyde, 1992, pp. 4382 Google Scholar.

5. Nous utilisons le terme « apodictique » pour désigner des lois présentées sans justification exégétique, comme c'est couramment le cas dans la Michna.

6. Cf. aussi 4Q270 6IV 1-2.

7. Cf. aussi 4Q274 113 dans lequel l'isolement de quiconque souffre d'un écoulement génital découle de celui de la « lèpre ».

8. La citation de Nombres 30,11 n'est pas mot à mot, mais reprend l'essentiel du passage.

9. Cf. Dimant, D., « Between Scripture and the Scrolls: Citations from the Torah in the Damascus Document », dans Sha'arei Taltnon, Winona Lake, 1992 Google Scholar, où elle suggère que les exégèses du CD qui situent la citation avant l'interprétation signifient une application des lois de la Torah à la vie de la secte. Considérant la très vaste extension de la halakha que reflètent les versions du CD de la grotte 4, je ne me sens plus guère enclin à limiter ces exégèses aux seules prescriptions de la vie communautaire.

10. Cf. Rabin, C., The Zadokite Document, Oxford, 1954, p. 47 Google Scholar.

11. Pour d'autres exemples de citations absentes des Ecritures, cf. Baumgarten, J., «A ” Scriptural “ Citation in 4Q Fragments of the Damascus Document », Journal ofJewish Studies, 43, 1992, pp. 9598 CrossRefGoogle Scholar.

12. Cf. le point de vue de Matthieu 19, 8 et de Marc 10, 5 sur le divorce, considéré comme dû à la « dureté de coeur ».

13. Noter par exemple les différents degrés de pureté suivant qu'il s'agit soit « d'un homme pur » soit de « tout homme d'Israël » en 11QT 49, 8-9.

14. Tossefta, Qiddouchin 1,4; Talmud de Babylone, Yevamot 62b ; Sanhédrin 76b.

15. Cf. Nemoy, L., KaraiteAnthology, Yale, 1952, pp. 123132 Google Scholar.

16. Cf. Michna, Menahot 10, 3 ; et Baumgarten, J., « Halakhic Polemics in New Fragments from Qumran Cave 4 », Biblical Archaeology Today, Jérusalem, 1985, pp. 390399 Google Scholar.

17. Fishbane, M., « Use, Authority and Interpretation of Mikra at Qumran », Mikra, Assen-Maastricht, 198 8, p. 354 Google Scholar.

18. On notera la façon de rendre Michée 7, 2 dans le targoum Jonathan : « Ils livrent chacun son frère à la destruction ».

19. Voir Safrai, S., The Literature of the Sages I, Assen : Van Jorcum, 1987, pp. 146163 Google Scholar ; et une présentation des diverses théories dans Strack, H. L. et Stemberger, G., Introduction au Talmud et au Midrash (trad. M. R. Hayoun), Paris, 1986 Google Scholar.

20. Halivni, D., Midrash, Michnah, and Gemara, Harvard, 1986, pp. 3847 CrossRefGoogle Scholar.

21. Voir Qimron, E. et Strugnell, J., « Halakhic Letter », en Annexe n° 8 Google Scholar.

22. Michna, Édouyot 8,4 ; Tossefta, Makhchirin 3,3-4 ; cf. Epstein, J. N., Introduction à la littérature tannaitique, Jérusalem, 1957, pp. 505506 Google Scholar (en hébreu).

23. Schiffman, L., The Halakhah at Qumran, Leyde, 1975, pp. 2232 Google Scholar.

24. Plus difficile à admettre, la traduction par Schiffman de « nigleh », considéré comme un substantif synonyme de « Torah » en CD 5, 5 : la Torah était cachée.

25. M. Fishbane (voir supra n. 17), p. 362.

26. Baumgarten, J., « Sadducean Elements in Qumran Law », dans The Community of the Renewed Covenant, Ulrich, E. et Vanderkam, J. éds, Notre Dame, 1993, pp. 2736 Google Scholar.

27. Cependant cf. Dimant, D., « New Light from Qumran on the Jewish Pseudepigrapha-4Q390 », dans The Madrid Qumran Congress, t. 2, Leyde, 1992, p. 418 Google Scholar, pour qui « les premiers à revenir de captivité afin de rebâtir le Temple » sont tenus à l'écart de cette période historique des méchants.

28. Voir supra n. 19.

29. Baumgarten, J., « The Unwritten Law in the Pre-rabbinic Period », Journal ofJewish Studies 3, 1972, pp. 729 ; et Studies in Qumran Law , Leyde, 1977, pp. 13-35Google Scholar.

30. Urbach, E., « La Derasha comme base possible de la halakha », Tarbiz 27, 1957-1958, p. 181 Google Scholar (en hébreu).

31. Yadin, Y., The Temple Scroll, vol. 2, Jérusalem, 1983, p. 251 Google Scholar ; cf. aussi M. Fishbane (voir supra n. 17), pp. 362-363, qui juge également que les pharisiens ne permettaient pas que l'on mette par écrit la halakha.

32. La transmission de secrets d'État à une puissance étrangère est évoquée en 4Q270 2 II13, 4Q524 ainsi qu'en 11QT 64, 7. Le langage de ce dernier doit beaucoup à Lévitique 19,16 qui fut, semble-t-il, rédigé contre les calomnies visant plutôt la nation que des individus.

33. Ginzberg, L., Eine unbekannte jüdische Sekte, Breslau, 1922 Google Scholar.

34. Cf. Rabin, C., Qumran Studies, Oxford, 1957 Google Scholar et la recension de ce livre par Baumgarten, J., Journal ofBiblical Literature 72, 1958, pp. 249257 Google Scholar.

35. Talmud de Babylone, Yoma 81a-b ; l'attestation de cette pratique à Qoumrân démontre au passage qu'on y concevait le début de la journée, comme chez les rabbins, la veille au soir.

36. CD 10, 21 ; 11, 5-6.1QM 7, 7.

37. Cela vaut aussi pour la prescription amenant à considérer qu'un foetus mort dans l'utérus est assimilable à un cadavre (11QT 50,10-11). En revanche, concernant les membres arrachés à un être vivant, que les rabbins assimilaient aux autre sources de souillure cadavérique, Yadin (voir supra n. 31), pp. 334-335, déduisait de sa lecture de 11QT 50, 4-6 que cette interprétation était rejetée par les exégètes de Qoumrân.

38. S'agissant de nourriture ordinaire, la loi de Qoumrân autorise une personne impure à en manger immédiatement après son bain (4Q274 et 4Q514).

39. Voir les études présentées en Annexe, n° 8, ainsi que la discussion sur cette question de Finkelstein, L., The Pharisees (3'éd.), 2 vols, Philadelphie, 1962, pp. 661662 Google Scholar.

40. Cf. Baumgarten, J., « A New Qumran Substitute for the Divine Name and Michnah Sukkah IV 5 », Jewish Quarterly Review 83, 1992, pp. 16 CrossRefGoogle Scholar.

41. Cf. Weinfeld, M., « Prayer and Liturgical Practice in the Qumran Sect », dans The Dead Sea Scrolls, Forty Years of Research, Dimant, D. et Rappaport, U. éds, Jérusalem, 1992, pp. 241256 Google Scholar.

42. Yadin, Y., Tefillin front Qumran, Jérusalem, 1969 Google Scholar.

43. Michna, Para 3,7 ; Michna, Yadayim 4,7 ; cf. J. Baumgarten, « The Pharisaic-Sadducean Controversies » (voir en Annexe n° 8), pp. 157-164.

44. Cf. Schiffman, L., « The New Halakhic Letter (4QMMT) and the Origins of the Dead Sea Sect », Biblical Archaeologist 53, 1990, pp. 6473 Google Scholar; Sussman, Y., « L'étude de l'histoire de la halakha et les rouleaux de la mer Morte - Premières réflexions talmudiques à la lumière de MMT », Tarbiz 59, 1990, p. 36 Google Scholar (en hébreu). En faveur de l'hypothèse inverse, que les sadukim de la Michna ne sont pas des sadducéens mais les bnei Sadok (les fils de Sadoq) de nos rouleaux, cf. J. Baumgarten, supra n. 43.

45. Voir J. Baumgarten, « Sadducean Eléments » (cité supra n. 26).

46. Cf. inter alia Dupont-Sommer, A., Aperçus préliminaires sur les manuscrits de la mer Morte, Paris, 1950 Google Scholar ; Brownlee, W. H., « A Comparison of the Covenanters of the Dead Sea Scrolls with Pre-Christian Jewish Sects », Biblical Archaeologist 13, 1950, pp. 5072 Google Scholar.

47. Pour une estimation du célibat pratiqué par certains des esséniens, cf. Baumgarten, J., « The Qumran-Essene Restraints on Marriage », Archaeology and History in the Dead Sea Scrolls, Schiffman, L. éd., Sheffield, 1990, pp. 1324 Google Scholar.

48. Cf. Baumgarten, J., « The Essene Avoidance of Oil and the Laws of Purity », Revue de Qumrân 6, 1967, pp. 183193 Google Scholar ; et « Halakhic Polemics » (supra n. 16), p. 391.

49. Cf. 4Q 512 54 dans lequel « couvrir » (héb. yks) a été corrigé en « laver » (héb. ykbs).

50. Le code des lois (4Q270 6 IX 16) contient la disposition suivante : Celui qui approche sa femme pour forniquer en violation de la loi, devra partir et ne plus revenir. M. Kister (Journal of Jewish Studies AA , 1993, p. 281) suggère que cette loi pourrait faire référence aux rapports conjugaux sans intention de procréer (par exemple avec une femme stérile, ménopausée, enceinte, etc.). Bien que sa suggestion soit une possibilité parmi d'autres, ce passage est à tous égards plus imprécis que celui auquel nous renvoyons.

51. Baumgarten, J., « The « Sons of Dawn » in CDC 13:14-15 and the Ban on Commerce among the Essenes », Israël Exploration Journal 33, 1983, pp. 8185 Google Scholar.

52. L'Écrit de Damas , dans sa version des manuscrits de la grotte 4, conclut à l'accord entre les lois antérieures et « la dernière interprétation de la Torah » (midrash ha-torah ha-aharon). H. Stegemann suggère que cela devait être compris comme l'interprétation ultime des lois (cf. Essener, Die, Qumran, Johannes der Taufer und Jésus, Fribourg, 1993, p. 165 Google Scholar). Je crois qu'il est préférable de le comprendre comme « la dernière » ou « la plus récente » interprétation, dans un processus ininterrompu d'éclaircissement par inspiration.

53. Cf. E. Qimron et J. Strugnell, en Annexe n° 8.

54. Cf. 4Q Bénédictions patriarcales I, qui affirme la continuité de la lignée royale de David «jusqu'à la venue du messie authentique, la tige de David ».

55. Michna, Édouyot 8, 7 et Tossefta, Édouyot 3, 4. Pour Urbach, E., The Sages : Their Concepts and Beliefs, 2 vols, Jérusalem, 1987 Google Scholar, l'idée d'une abrogation ou d'un renouvellement de la Torah par le messie n'apparaît pas dans les sources rabbiniques avant l'époque des Amoraïm.

56. Baumgarten, J., Studies in Qumran Law, Leyde, 1977, pp. 3132, n.77 Google Scholar.

57. Davies, W. D., « Paul and the Dead Sea Scrolls », The Scrolls and the New Testament, Stendhal, K. éd., New York, 1957, p. 281, n. 86 Google Scholar.

58. Geiger, A., Urschrift und Übersetzungen der Bibel, Breslau, 1857 Google Scholar.

59. Cf. L. Schiffman, « The New Halakhic Letter » (voir supra n. 44), p. 69.

60. Il semble découler de CD 11, 15-17 que la violation du chabbat pour sauver une vie humaine peut être sanctionnée, excepté si effectuée « à l'aide d'une échelle ou d'une corde ».

61. Milik, J. T., Ten Years of Discovery in the Wildemess of Judaea, Naperville, 1959, p. 83 Google Scholar. [Dans la première édition, en français, de cet ouvrage (Dix ans de découvertes dans le désert de Juda , Paris, 1957), J. T. Milik apparaissait plus affirmatif : « La défense insistante du calendrier traditionnel - insistance partagée par les écrits de Qoumrân - semble avoir été composée à l'occasion d'un acte de grande portée, la suppression du calendrier traditionnel dans l'usage liturgique. Ne serait-ce pas Jonathan lui-même, soucieux de s'intégrer pleinement à la vie politique et culturelle du monde hellénistique, qui aurait pris cette mesure drastique ? Et ne serait-ce pas une des raisons principales, sinon la raison, des exodes esséniens ? » NdT].

62. Cf. la recension par Baumgarten, J. du livre de Jaubert, A., La date de la Cène, Paris, 1957, dans Studies in Qumran Law , pp. 101114 Google Scholar.

63. Cf. Baumgarten, J., « 4Q503 (Daily Prayers) and the Lunar Calendar », Revue de Qumrân 12, 1986, pp. 399407 Google Scholar.

64. Talmon, S. éd., Jewish Civilization in the Hellenistic-Roman Period, Sheffield, 1991, pp. 3639 Google Scholar.

65. E. Urbach, « La Derasha » (supra n. 30), pp. 166-182.

66. Cf. Lieberman, S., « The Discipline in the so-called Dead Sea Manual of Discipline », Journal of Biblical Literature 71, 1952, pp. 199206 CrossRefGoogle Scholar.

67. Jackson, B. S., Essays in Jewish and Comparative Légal History, Leyde, 1975, p. 5 Google Scholar.

68. Pour une étude systématique des matières halakhiques dans ces deux ouvrages, cf. Schiffman, L., The Halakha at Qumran, Leyde, 1975 Google Scholar ; id., Sectarian Law in the Dead Sea Scrolls, Courts Testimony and the Pénal Code , Chico, 1983 ; id., Loi, coutume et messianisme de la secte de la mer Morte , Jérusalem, 1993 (en hébreu). Voir aussi mon livre Studies in Qumran Law , Leyde, 1977.

69. Cf. Albeck, C., Das Buch der Jubiläen und die Halacha, Berlin, 1930 Google Scholar.