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Comment écrit-on l’histoire intellectuelle des Lumières? Spinozisme, radicalisme et philosophie*

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Antoine Lilti*
Affiliation:
École normale supérieure

Résumé

Dans deux ouvrages influents, J. Israel a proposé de réinterpréter l’histoire intellectuelle des Lumières en mettant au premier plan l’influence massive de Spinoza sur un courant radical, démocratique, athée et égalitaire qui serait aux origines de la modernité européenne. Cet article présente et discute cette thèse en insistant sur la diversité des auteurs et des textes les plus hétérodoxes des Lumières, sur l’ambiguïté même du « spinozisme » comme catégorie historiographique, et en contestant la notion de « Lumières radicales ». Ce faisant, l’article essaye de réfléchir autrement à ce que pourrait signifier le radicalisme des Lumières, au regard des pratiques d’écriture et de publication, et s’interroge plus largement sur les différentes façons d’écrire aujourd’hui l’histoire intellectuelle des Lumières à l’échelle européenne.

Abstract

Abstract

Jonathan Israel has recently proposed a new interpretation of the Enlightenment thought by stressing the influence of Spinoza on a radical stream–democratic, atheist and egalitarian–in which he sees the origins of European modernity. This article takes issue with this interpretation by stressing the diversity of the most heterodox texts and authors of the Enlightenment. It also addresses the ambiguities of ‘spinozism’ as an historiographical tool and challenges the notion of ‘radical Enlightenment’. Then, the article proposes to rethink what may be called ‘radical’ in the writings and actions of these authors and, more broadly, tackles the question of how to write the intellectual history of the European Enlightenment.

Type
Débats
Copyright
Copyright © Les Áditions de l’EHESS 2009

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Footnotes

*

À propos de Jonathan I. Israel, Radical Enlightenment: Philosophy and the making of modernity 1650-1750, Oxford, Oxford University Press, 2001, trad. fr. Les Lumières radicales. La philosophie, Spinoza et la naissance de la modernité (1650-1750), Paris, Éditions Amsterdam, 2005 (désormais LR); Id., Enlightenment contested: Philosophy, modernity, and the emancipation of man 1670-1752, Oxford, Oxford University Press, 2006 (désormais EC).

References

1 - Lumières! Un héritage pour demain, catalogue de l’exposition, Paris, BNF, 2006; Todorov, Tzvetan, L’esprit des Lumières, Paris, R. Laffont, 2006 Google Scholar; Debray, Régis, Aveuglantes Lumières, journal en clair-obscur, Paris, Gallimard, 2006 Google Scholar.

2 - Jacob, Margaret C., The Radical Enlightenment: Pantheists, Freemasons, and Republicans, Metairie, Cornerstone Book Publishers, [1981] 2006 Google Scholar.

3 - « A democratic civilisation, avowedly based on equality, needs to know its origins correctly » (EC, p. 60); « The social values of the Radical Enlightenment, in short, have an absolute quality in terms of reason which places them above any possible alternative » (EC, p. 869).

4 - Par exemple: « Locke and Hume, like Voltaire and the great American Deist Benjamin Franklin were politically, socially, morally, and in some respects, religiously–and in their views on philosophy’s proper scope–essentially conservative thinkers who opposed many or most of the radical and democratic ideas of their Âge and, as such, were, in the main, opponents of the Radical Enlightenment» (EC, p. 58).

5 - McMahon, Darrin, «What are Enlightenments?», Modern Intellectual History, 4-3, 2007, p. 601616 CrossRefGoogle Scholar, ici p. 609.

6 - La pensée de Spinoza a commencé à être connue dans un petit cercle hollandais dès le début des années 1660, ainsi que dans certains réseaux de la République des Lettres, notamment par l’intermédiaire d’Henry Oldenburg, qui avait rendu visite à Spinoza en 1661 à Amsterdam et entretint par la suite une correspondance nourrie. Mais c’est surtout la parution du Tractatus theologico-politicus, en 1670, le scandale qu’il provoqua et son assez large diffusion européenne qui fit la renommée de Spinoza. En revanche, L’Éthique ne fut publiée qu’après sa mort (survenue en 1677), dans les Opera posthuma qui contenaient aussi les traités inachevés et des lettres et parurent clandestinement durant l’hiver 1677-1678. Elles furent immédiatement condamnées par les autorités civiles et religieuses (LR, p. 321-340).

7 - van Bunge, Wiep (dir.), The early Enlightenment in the Dutch Republic, 1650-1750, Leyde, Brill, 2003 CrossRefGoogle Scholar.

8 - Ce retour à Spinoza remonte sans doute, d’une part, aux relectures inspirées par la pensée marxiste chez Louis Althusser, puis chez Pierre Macherey ou chez Étienne Balibar, et, de l’autre, à l’œuvre de Gilles Deleuze. Celle-ci est sans doute décisive dans les références actuelles, d’ailleurs multiples, du néo-spinozisme. Plus récemment, la référence spinoziste est explicite et importante dans les travaux de Antonio Negri et Michael Hardt, de Frédéric Lordon, de Christian Lazzeri. Pour un bilan récent, voir Citton, Yves et Lordon, Frédéric (dir.), Spinoza et les sciences sociales. De la puissance de la multitude à l’économie des affects, Paris, Éditions Amsterdam, 2008 Google Scholar; Spector, Céline, «Le spinozisme politique aujourd’hui: Toni Negri, Étienne Balibar...», Esprit, mai 2007, p. 2745 Google Scholar. Le recours à Spinoza est aujourd’hui un des traits majeurs de l’arsenal théorique de cette gauche intellectuelle altermondialiste et antiautoritaire que l’on qualifie volontiers de... radicale.

9 - Deleuze, Gilles, Spinoza, philosophie pratique, Paris, Éd. de Minuit, 1981 Google Scholar; Negri, Antonio, L’anomalie sauvage: puissance et pouvoir chez Spinoza, Paris, PUF, 1982 Google Scholar; Hardt, Michael et Negri, Antonio, Multitudes, guerre et démocratie à l’âge de l’Empire, Paris, La Découverte, 2004 Google Scholar.

10 - Negri, Antonio, «L’antimodernité de Spinoza», Spinoza subversif. Variations (in) actuelles, Paris, Kimé, 1994, p. 111129 Google Scholar; Yves Citton et Frédéric Lordon, « Un devenir spinoziste des sciences sociales», in Y. Citton et F. Lordon (dir.), Spinoza et les sciences..., op. cit., p. 15-44, ici p. 19.

11 - Secretan, Catherine, Dagron, Tristan et Bove, Laurent (dir.), Qu’est-ce que les Lumières « radicales »? Libertinage, athéisme et spinozisme dans le tournant philosophique de l’âge classique, Paris, Éditions Amsterdam, 2007 Google Scholar.

12 - L’œuvre de J. Israel est considérable. Voir notamment Race, class and politics in colonial Mexico 1610-1670, Oxford, Oxford University Press, 1975; Id., Empires and entrepots: The Dutch, the Spanish monarchy and the Jews, 1585-1713, Londres, The Hambledon Press, 1990; Id., The Dutch republic: Its rise, greatness, and fall, 1477-1806, Oxford, Clarendon Press, 1995; Id., Diasporas within a diaspora: Jews, Crypto-Jews and the world maritime empires (1540-1740), Leyde/Boston, Brill, 2002.

13 - On peut regretter précisément cette façon de traiter du contexte (le développement urbain, l’espace public, les bibliothèques, le rôle de la censure, celui des femmes ou encore de la presse) comme d’un préalable pour ne plus avoir ensuite à y revenir.

14 - Hazard, Paul, La crise de la conscience européenne (1680-1715), Paris, Boivin, 1935 Google Scholar; Gay, Peter, The Enlightenment: An interpretation, Londres, Wildwood House, 2 vol., 1966-1973 Google Scholar.

15 - J. Israel réduit l’histoire sociale de la culture à un simple prolongement de l’histoire des mentalités et lui reproche un déterminisme structuraliste, qui lui paraît la marque des « héritiers des Annales ». C’est faire évidemment peu de cas des trente dernières années de réflexions méthodologiques et de travaux empiriques qui se sont nourris, entre autres, d’une critique de la notion de mentalités, des acquis de l’histoire du livre, d’une réflexion sur la notion de représentation, des études sur les sociabilités intellectuelles, ou encore de l’histoire et de l’anthropologie des sciences. Tous ces points sont superbement ignorés. Il faut donc espérer que J. Israel lise plus scrupuleusement les radicaux du XVIIIe siècle que ses collègues.

16 - Lacapra, Dominick, Rethinking intellectual history: Texts, contexts, language, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 1983 Google Scholar; Id., History and reading: Tocqueville, Foucault, French Studies, Toronto, University of Toronto Press, 2000, notamment p. 21-72 pour les remarques méthodologiques.

17 - Venturi, Franco, Utopia and reform in the Enlightenment, Cambridge, Cambridge University Press, 1971, p. 2 CrossRefGoogle Scholar.

18 - Cette ambiguïté est particulièrement criante dans la conclusion du deuxième volume, qui joue sur le terme « importance », à la fois dans le sens historique et philosophique (EC, p. 865-866).

19 - On peut prendre l’exemple frappant du comte de Boulainvilliers, auquel J. Israel consacre un chapitre et de nombreux commentaires. Alors que ses ouvrages sur l’histoire des institutions politiques et de la noblesse, dans lesquels il défend les intérêts nobiliaires, ont été publiés et réédités de son vivant et ont connu un grand succès, ses ouvrages d’inspiration déiste ou spinoziste sont restés plus confidentiels. Son Abrégé d’histoire universelle n’a circulé que parmi un cercle d’intimes et n’a jamais été publié. L’Essai de métaphysique n’a été publié, clandestinement, qu’après sa mort. Enfin, sa traduction de L’Éthique est restée largement inconnue jusqu’au XIXe siècle, et on discute encore pour savoir si elle est de sa main. Sur cette question de la publication et de la réception des œuvres radicales, voir les commentaires de Chisick, Harvey, «Interpreting the Enlightenment», The European Legacy, 13-1, 2008, p. 3557 CrossRefGoogle Scholar.

20 - J. Israel conclut le deuxième volume par une définition des Lumières radicales comme «a package of basic concept and values» qui peut se résumer en huit points cardinaux: la raison comme unique critère du vrai, le rejet des explications surnaturelles, l’égalité raciale et sexuelle, une éthique universelle et sécularisée, la tolérance et la liberté de pensée, l’acceptation de la liberté des conduites sexuelles, la liberté d’expression publique, le républicanisme démocratique (p. 866). A l’objection selon laquelle certains auteurs peuvent être radicaux dans certains domaines et non dans d’autres, J. Israel répond qu’ils ne pouvaient l’être de « façon cohérente » (it was assuredly not possible to be so coherently) (EC, p. 866) et que l’objet de l’histoire intellectuelle est de reconstituer des formes de pensée cohérentes. L’opposition est explicite avec l’histoire socioculturelle, plus intéressée selon lui par « des sujet périphériques, des associations clandestines et des formes de sociabilité que par les arguments intellectuels et les structures de pensée (patterns of thought) et de controverse » (id.).

21 - Verniere, Paul, Spinoza et la pensée française avant la Révolution, Paris, PUF, 1954 Google Scholar; van Bunge, Wiep et Klever, Wim (dir.), Disguised and overt Spinozism around 1700, Leyde, E. J. Brill, 1996 Google Scholar; Bloch, Olivier (dir.), Spinoza au XVIIIe siècle, Paris, Méridiens Klincksieck, 1990 Google Scholar; Zac, Sylvain, Spinoza en Allemagne. Mendelssohn, Lessing et Jacobbi, Paris, Méridiens Klincksieck, 1989 Google Scholar; Bell, David, Spinoza in Germany from 1670 to the Âge of Goethe, Londres, Institute of Germanic Studies, 1984 Google Scholar; Schröder, Winfried, Spinoza in der deutschen Frühaufklärung, Würzburg, Königshausen und Neumann, 1987 Google Scholar.

22 - Berti, Silvia, «At the roots of unbelief», Journal of the History of Ideas, 56-4, 1995, p. 555575 CrossRefGoogle Scholar.

23 - Jaffro, Laurent et al. (dir.), Léo Strauss: art d’écrire, politique, philosophie. La persécution et l’art d’écrire, Paris, J. Vrin, 2001 Google Scholar.

24 - Mori, Gianluca, Bayle philosophe, Paris, H. Champion, 1999, p. 181 Google Scholar. Pour une présentation nuancée des débats actuels sur Bayle, voir aussi Pierre Bayle dans la République des Lettres: philosophie, religion, critique, éd. par A. McKenna et G. Paganini, Paris, H. Champion, 2004.

25 - De la même manière, et de façon encore plus étonnante, J. Israel range un autre napolitain, Doria, parmi les auteurs radicaux, alors même que celui-ci était un patricien hostile au matérialisme. Sur ces deux auteurs, la bibliographie est trop considérable pour être citée ici. On renverra à la synthèse récente de Robertson, John, The case for the Enlightenment: Scotland and Naples, 1680-1760, Cambridge, Cambridge University Press, 2006 Google Scholar. Dans une recension des Lumières radicales, pourtant assez favorable au livre, Giuseppe Ricuperati, sans aucun doute le meilleur spécialiste du radicalisme italien des Lumières, exprime de fortes réserves sur cette présence de Doria et de Vico parmi les auteurs radicaux: voir Ricuperati, Giuseppe, «In margine al Radical Enlightenment di Jonathan I. Israel», Rivista storica italiana, 115-1, 2003, p. 285329 Google Scholar.

26 - Lanson, Gustave, «Questions diverses sur l’histoire de l’esprit philosophique en France avant 1750», Revue d’histoire littéraire de la France, XIX, 1912, p. 129 Google Scholar et p. 293-317; Wade, Ira O., Clandestine organisation and diffusion of philosophic ideas in France from 1700 to 1750, Princeton, Princeton University Press, 1938 Google Scholar.

27 - Deux ouvrages collectifs marquent le point de départ de cette redécouverte. Gregory, Tullio et al. (dir.), Ricerche su letteratura libertina et letteratura clandestina nel Seicento, Florence, La Nuova Italia, 1981 Google Scholar; Bloch, Olivier (dir.), Le matérialisme du XVIIIe siècle et la littérature clandestine, Paris, J. Vrin, 1982 Google Scholar. A partir de 1992, une revue annuelle, La lettre clandestine, présente les travaux sur ces sujets. La bibliographie est considérable. Voir en particulier, en dehors des titres cités dans d’autres notes, Benítez, Miguel, La face cachée des Lumières. Recherches sur les manuscrits philosophiques clandestins de l’âge classique, Paris/Oxford, Universitas/The Voltaire Foundation, 1996 Google Scholar; Artigas-Menant, Geneviève, Du secret des clandestins à la propagande voltairienne, Paris, H. Champion, 2001 Google Scholar; Kors, Alan C., Atheism in France, 1650-1729, t.1, The orthodox sources of disbelief , Princeton, Princeton University Press, 1990 CrossRefGoogle Scholar; Paganini, Gianni, Benítez, Miguel et Dybikowski, James (dir.), Scepticisme, clandestinité et libre-pensée, Paris, H. Champion, 2002 Google Scholar. Pour une bibliographie complète et commentée, voir Cavaille, Jean-Pierre, «Libertinage, irréligion, incroyance, athéisme dans l’Europe de la première modernité (XVIe-XVIIe siècles). Une approche critique des tendances actuelles de la recherche (1998-2002)», http://dossiers grihl.revues.org/document279.html.Google Scholar

28 - Gianni Paganini, «Avant la promenade du sceptique: Pyrrhonisme et clandestinité de Bayle à Diderot», in G. Paganini, M. Benítez et J. Dybikowski (dir.), Scepticisme, clandestinité..., op. cit., p. 17-46.

29 - Voir par exemple Dagron, Tristan, «Néo-spinozisme ou antispinozisme: le cas Toland», in Secretan, C., Dagron, T. et Bove, L. (dir.), Qu’est-ce que les Lumières « radicales », op. cit., p. 325341 Google Scholar.

30 - Thomson, Ann, Bodies of thought: Science, religion, and the soul in the early Enlightenment, Oxford, Oxford University Press, 2008 CrossRefGoogle Scholar.

31 - Mulsow, Martin, Moderne aus dem Untergrund. Radikale Frühaufklärung in Deutschland, 1680-1720, Hambourg, Felix Meiner Verlag, 2002 Google Scholar; W. Schröder, Spinoza in der deutschen Frühaufklärung, op. cit.

32 - Voir notamment Berti, Sylvia, Charles-Daubert, Françoise et Popkin, Richard (dir.), Heterodoxy, Spinozism and free thought in early-eighteenth-century Europe: Studies on the Traité des trois imposteurs, Dordrecht/Boston, Kluwer Academic Publishers, 1996 CrossRefGoogle Scholar; Charles-Daubert, Françoise (éd.), Le Traité des trois imposteurs et L’Esprit de Spinosa: philosophie clandestine entre 1678 et 1768 , Oxford, Voltaire Foundation, 1999 Google Scholar.

33 - On doit à M. Jacob la découverte de ces Chevaliers de la jubilation (The radical Enlightenment..., op. cit.). La nature et la fonction de leurs réunions restent un sujet de discussion: pour une opinion contraire, voir Berkvens-Stevelinck, Christiane, «Les Chevaliers de la Jubilation: maçonnerie ou libertinage? A propos de quelques publications de Margaret C. Jacob», Quaerendo, 13-1, 1983, p. 5073 et 13-2, 1983, p. 124-148CrossRefGoogle Scholar.

34 - On retrouve le même type de syncrétisme philosophique dans un autre texte important de cette tradition, le Symbolum sapientae, dont la diffusion fut importante dans les milieux clandestins allemands du début du XVIIIe siècle, et que Paganini, Gianni, Les philosophies clandestines à l’âge classique, Paris, PUF, 2005, p. 7994 Google Scholar, caractérise comme un alliage de pensée libertine et de spinozisme revu par les cabalistes, mais tirant dans un sens résolument sceptique.

35 - M. Jacob, The Radical Enlightenment..., op. cit.

36 - De même, le traitement réservé au célèbre «Mémoire des pensées et sentiments » du curé Jean Meslier, qui a tant marqué la pensée antireligieuse des Lumières, est assez curieux. Alors qu’il figure en quatrième position dans le tableau des manuscrits philosophiques clandestins les plus diffusés (LR, p. 762), J. Israel ne lui consacre alors pas le moindre commentaire. Il est vrai que Meslier n’avait pas lu Spinoza qu’il ne connaissait que parlaréfutationdupère Tournemine. Dansle deuxième volume, cependant, Meslier est promu « the most coherently and systematically radical thinker of the French early Enlightenment» (EC, p. 716 et 724-728) sur la base de son athéisme, mais son rapport à Spinoza n’est guère élucidé. Par ailleurs, on sait que c’est Voltaire qui, le premier, publia le texte de Meslier, dans une version certes expurgée. Les généalogies intellectuelles et éditoriales sont donc infiniment plus complexes que ne le suggère l’auteur.

37 - Martin Mulsow, «Freethinking in early 18th-century Germany», in S. Berti, F. Charles-Daubert et R. Popkin (dir.), Heterodoxy, Spinozism and free thought..., op. cit., p. 193-237. On notera au passage que P. F. Arpe faisait un grand éloge du colloquium de Bodin, dont il possédait un exemplaire...

38 - M. Mulsow, Moderne aus dem Untergrund..., op. cit, chap. IV.

39 - C’est un point sur lequel insiste M. MULSOW dans un texte inédit « The Radical Enlightenment: Problems and perspectives » que je le remercie de m’avoir communiqué.

40 - Van den Enden participa en effet en 1674 à la conspiration de Rohan contre Louis XIV, ce qui le conduisit droit à la potence. Peut-on vraiment écrire que Van den Enden «avait comploté pour renverser la monarchie au moyen de la philosophie» (LR, p. 221) alors qu’il participait (dans un contexte qui était celui de la guerre entre la France et la Hollande) à un complot aristocratique qui se situait plutôt dans la mémoire de la Fronde? Voir Smedley-Weill, Anette, «Un conspirateur au temps de Louis XIV: le chevalier de Rohan», in Mechoulan, H. et Cornette, J. (dir.), L’État classique. Regards sur la pensée politique de la France dans le second XVIIe siècle, Paris, J. Vrin, 1996, p. 373385 Google Scholar.

41 - Moreau, Pierre-François, «Spinoza était-il spinoziste?», in Secretan, C., Dagron, T. et Bove, L. (dir.), Qu’est-ce que les Lumières « radicales »..., op. cit., p. 289297 Google Scholar.

42 - L’étude du « cercle de Spinoza » remonte au livre classique Meinsma, de Koenraad O., Spinoza et son cercle. Étude critique historique sur les hétérodoxes hollandais, Paris, J. Vrin, [1896] 1983 Google Scholar, qui a rompu avec la légende du Spinoza reclus et solitaire pour montrer son insertion dans un milieu intellectuel.

43 - van Bunge, Wiep, From Stevin to Spinoza: An essay on philosophy in the seventeenth-century Dutch Republic, Leyde/Boston, Brill, 2001 CrossRefGoogle Scholar.

44 - Cette réinvention de Spinoza à la fin du XVIIIe siècle a été l’enjeu de la querelle du Panthéisme. Mendelssohn, défendant Lessing que Jacobi accusait d’avoir été spinoziste, proposait un spinozisme épuré, compatible avec la religion naturelle. Voir Tavoillot, Pierre-Henri, Le crépuscule des Lumières. Les documents « de la querelle » du Panthéisme (1780-1789), Paris, Éd. du Cerf, 1995 Google Scholar. J. Israel dit quelques mots de la querelle du Pantheis-mustreit dans « The early Dutch enlightenment as a factor in the wider European Enlightenment», in W. van Bunge (dir.), The early Enlightenment..., op. cit., p. 215-230. Mais curieusement, il y voit la légitimation de Spinoza et du spinozisme par les grands penseurs allemands de la fin du XVIIIe siècle (Lessing, Mendelssohn, Goethe...) et donc la confirmation de son analyse sur l’influence des Lumières radicales, alors que l’essentiel est plutôt dans l’invention d’un spinozisme très différent de celui du début du siècle.

45 - Macherey, Pierre, Avec Spinoza. Études sur la doctrine et l’histoire du spinozisme, Paris, PUF, 1992, p. 7 Google Scholar.

46 - Entre autres, LR, p. 199. Ce recours récurrent au témoignage des anti-Lumières n’est pas surprenant: l’héroïsation d’une tradition radicale, parée de toutes les vertus de la critique de l’ordre établi, et la dénonciation d’une subversion blasphématoire ne sont que les deux faces de la même opération intellectuelle.

47 - Pour une mise au point sur les enjeux de l’analyse de controverses appliquée à l’histoire intellectuelle, voir notamment Fabiani, Jean-Louis, «Controverses scientifiques, controverses philosophiques. Figures, positions, trajets», Enquête, 5, 1997, p. 1134 Google Scholar; Prochasson, Christophe et Rasmussen, Anne (dir.), «Comment on se dispute. Les formes de la controverse», Mil neuf cent, revue d’histoire intellectuelle, 25, 2007 Google Scholar.

48 - J. Israel insiste sur « the Enlightenment’s essential duality, that is the internal struggle between the opposing tendancies which from beginning to end always funda-mantally divided it into irreconcilably opposed intellectual blocs » (EC, p. X).

49 - Pour un bel exemple récent montrant comment une controverse à la fois religieuse, sociale et politique reconfigure la catégorie « libertin », voir van Damme, Stéphane, L’épreuve libertine. Morale, soupçon et pouvoirs dans la France baroque, Paris, Éd. du CNRS, 2008 Google Scholar. Une approche plus transversale, mais très attentive aux effets intellectuels des controverses et à la façon dont les catégories sont construites, est dûe à McMahon, Darrin M., Enemies of the Enlightenment: The French counter-Enlightenment and the making of modernity, New York/Oxford, Oxford University Press, 2001.Google Scholar

50 - Ainsi, la réfutation rédigée par le père Tournemine, et publiée comme préface à la Démonstration de l’existence de Dieu de Fénelon en 1713, ou l’Anti-Spinoza de Christopher Wittich, publié à Amsterdam en 1690.

51 - En effet, la présence de Spinoza et de son œuvre dessine une configuration très spécifique, dans laquelle il n’y a pas véritablement de controverses au sens strict, puisque personne ne défend explicitement et publiquement un point de vue spinoziste. Il s’agit donc de controverses par défaut, où la capillarité des thèmes spinozistes s’effectue sans porte-parole revendiqués et sans engrenages polémiques, ou alors en se greffant sur d’autres controverses.

52 - P. Verniere, Spinoza et la pensée française..., op. cit., p. 528-611. Sur Diderot lui-même, P. Vernière est d’ailleurs plus nuancé que J. Israel et note justement qu’il est chimérique de vouloir établir une interprétation définitive de ce « rhéteur apte à faire miroiter toutes les thèses » (p. 555).

53 - C’est la formule qu’emploie l’article « spinoziste » de l’Encyclopédie, qui distingue justement les « spinozistes modernes » et les anciens.

54 - Citton, Yves, L’envers de la liberté. L’invention d’un imaginaire spinoziste dans la France des Lumières, Paris, Éd. Amsterdam, 2006, citation p. 27 Google Scholar.

55 - J. Israel, dans le détail de ses analyses, le reconnaît à plusieurs reprises mais n’en tire aucune conséquence sur le plan de sa démonstration générale. Ainsi, il présente La Mettrie comme « le Voltaire de la tradition radicale », dont il avait extrait « la quintessence », tout en reconnaissant que « aussi étrange que cela puisse paraître, La Mettrie ne connaissait apparemment pas directement Spinoza, de sorte que le spectre de Spinoza qu’il conjure n’est pas le véritable Spinoza ». (LR, p. 781-783). La suite consiste à montrer qu’en réalité, et sans le savoir, La Mettrie était sur beaucoup de points proche du « véritable Spinoza ».

56 - Selon une formule du père Tournemine, citée par Y. Citton, L’envers de la liberté..., op. cit., p. 46.

57 - Colerus, Johannes, La Vie de B. Spinoza, tirée des écrits de ce fameux Philosophe et du témoignage de plusieurs personnes qui l’ont connu particulièrement, La Haye, T. Johnson, 1706 Google Scholar; LR, p. 345-348. Sur l’importance de l’écriture biographique dans l’histoire de la philosophie à l’époque des Lumières, voir Ribard, Dinah, Raconter, vivre, penser. His-toire(s) de philosophies, 1650-1766, Paris, Vrin/Éd. de l’ehess, 2002 Google Scholar, en particulier p. 127-132 sur les anecdotes relatives à Spinoza.

58 - P. Macherey, Avec Spinoza..., op. cit., p. 19.

59 - Ici encore je renvoie aux remarques suggestives de P.-F. MOREAU, « Spinoza était-il spinoziste? », art. cit. Plus généralement, la question de la pensée de Spinoza est extrêmement complexe, tant le Traité théologico-politique et le Traité politique (qui ne contient pas de chapitre sur la démocratie) peuvent être interprétés de façon divergente. Il est ainsi parfaitement possible, à rebours des analyses de Spinoza comme prophète subversif des multitudes et de la démocratie radicale, d’insister plutôt sur les apories de sa théorie de la démocratie, travaillée par la « crainte des masses » et par les tensions de l’institutionnalisation démocratique. Voir Balibar, Étienne, Spinoza et la politique, Paris, PUF, 1985 Google Scholar et Id., La crainte des masses. Politique et philosophie avant et après Marx, Paris, Galilée, 1997. Une présentation synthétique des enjeux contemporains de ces débats dans C. Spector, « Le spinozisme politique aujourd’hui... », art. cit.

60 - Furet, François, «Deux légitimations historiques de la société française au XVIIIe siècle: Mably et Boulainvilliers», Annales ESC, 34-3, 1979, p. 438450 Google Scholar repris in L’atelier de l’histoire, Paris, Flammarion, 1982, p. 165-183; Venturino, Diego, Le ragioni della tradizione: nobiltà e mondo moderno in Boulainvilliers, 1658-1722, Florence, Le Lettere, 1993 Google Scholar; Foucault, Michel, Il faut défendre la société: cours au Collège de France, 1975-1976, éd. par Bertiani, M. et Fontana, A., sous la direction de Ewald, F. et Fontana, A., Paris, Gallimard/Éd. du Seuil, 1997, p. 101167 Google Scholar.

61 - Lorsque la traduction politique de ce radicalisme philosophique est explicitée, c’est en général de façon à la fois ferme et floue. Ainsi, après un développement sur l’égalité naturelle dans la pensée de Spinoza, puis sa reprise chez Lahontan, Radicati et Rousseau, J. Israel conclut abruptement: « Quand dans les tréfonds de la Révolution française, les clubs jacobins, partout en France, se référaient constamment à Rousseau pour exiger des réformes radicales, notamment celles, comme la redistribution de la terre, visant à faire de l’égalité une réalité, ils invoquaient en même temps, bien qu’en grande partie inconsciemment, une tradition radicale qui remontait à la fin du XVIIe siècle » (LR, p. 319). Presque tous les termes, ici, posent problème, de l’existence d’une « tradition radicale », issue de Spinoza, à son influence « inconsciente » sur le militantisme jacobin et sur les mouvements paysans (d’ailleurs confondus).

62 - Pour une mise au point récente sur ces débats, Burgess, Glenn et Festenstein, Matthew (dir.), English radicalism, 1550-1850, Cambridge, Cambridge University Press, 2007 CrossRefGoogle Scholar.

63 - Pim den Boer, « Le dictionnaire libertin d’Aadrien Koerbagh», in C. Secretan, T. Dagron et L. Bove (dir.), Qu’est-ce que les Lumières « radicales »..., op. cit., p. 104-130.

64 - J.-P. Cavaille, « Libertinage ou Lumières radicales », in Ibid., p. 61-74.

65 - Il s’agit là d’une question difficile. Le mélange de prudence et d’élitisme conduit Spinoza à un usage réservé de ses écrits et à l’utilisation, parfois, d’un double langage que certains auteurs ont rattaché à la tradition marrane: Yovel, Yirmiyahu, Spinoza et autres hérétiques, Paris, Éd. du Seuil, [1989] 1991 Google Scholar. Mais, on ne peut négliger le fait que Spinoza n’a pas hésité à assumer publiquement sa rupture avec la loi mosaïque, ce qui lui valut l’exclusion en 1656 de la communauté juive d’Amsterdam, qu’il a publié le Traité théologico-politique, qui est d’ailleurs un manifeste pour la liberté d’expression, et qu’il a fait, dans un premier temps, quelques démarches en vue de la publication de L’Éthique.

66 - Pas toujours implicitement: J. Israel écrit ainsi que les auteurs radicaux se rebellent « so to speak from the left » (p. 43).

67 - « By the mid 1740’, the radical faction, despite the opposing efforts of Voltaire had largely captured the main bloc of the French intellectual avant-garde which it continue to dominate down to the time of Napoleon» (EC, p. 12).

68 - Foucault, Michel, Le gouvernement de soi et des autres. Cours au collège de France, 1982-1983, éd. par Gros, F., sous la dir. de Ewald, F. et Fontana, A., Paris, Gallimard/Le Seuil, 2008.Google Scholar

69 - On notera au demeurant que J. Israel est particulièrement sévère avec Voltaire, qu’il présente sous les traits d’un déiste providentialiste modéré, voire conservateur. Que Voltaire, sur bien des plans, par exemple social ou politique, ne soit pas un révolutionnaire, on peut en convenir. Mais sur le plan religieux, sa critique des miracles ou de l’écriture sainte en fait un auteur difficilement acceptable pour les autorités ecclésiastiques. D’ailleurs, comme M. Jacob l’avait remarqué, le newtonianisme vulgarisé en France, et même en Europe, est largement déchristianisé, au regard de sa variante anglaise. Plus généralement, la catégorie de « Lumières modérées » n’est guère plus consistante que celle de Lumières radicales: elle confond de la même manière ce qui relèverait d’une modération philosophique et ce qui correspond à une modération politique, sans même parler d’une théorie de la modération, que l’on trouve par exemple chez Montesquieu et qui, loin de n’être qu’une simple réaction à l’audace radicale, repose sur une théorie de l’histoire et du pouvoir.

70 - Garrard, Graeme, Rousseau’s counter-Enlightenment: A republican critique of the Philosophes, Albany, State University of New York Press, 2003 Google Scholar.

71 - Sur le lien entre cette ambiguïté et les usages de Rousseau pendant la Révolution française, voir Swenson, James, On Jean-Jacques Rousseau, considered as one of the first authors of the Revolution, Stanford, Stanford University Press, 2000 Google Scholar.

72 - Cavaille, Jean-Pierre, Dis-simulations: Jules-César Vanini, François La Mothe Le Vayer, Gabriel Naudé, Louis Machon et Torquato Accetto. Religion, morale et politique au XVIIe siècle, Paris, H. Champion, 2002 Google Scholar; Gouverneur, Sophie, Prudence et subversion libertines: la critique de la raison d’État chez François de La Mothe Le Vayer, Gabriel Naudé et Samuel Sorbière, Paris, H. Champion, 2005 Google Scholar; La lettre clandestine: bulletin d’information sur la littérature philosophique clandestine de l’âge classique, 8, 1999.

73 - Sandrier, Alain, Le style philosophique du baron d’Holbach: conditions et contraintes du prosélytisme athée en France dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Paris, H. Champion, 2004 Google Scholar.

74 - Kelly, Christopher, Rousseau as author: Consecrating one’s life to the truth, Chicago, University of Chicago Press, 2003 Google Scholar.

75 - Rousseau, Jean-Jacques, «Lettres écrites de la Montagne», Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1964, t. III, p. 791-792Google Scholar.

76 - Lilti, Antoine, «The writing of paranoïa: Jean-Jacques Rousseau and the paradoxes of celebrity», Representations, 103, 2008, p. 5383 CrossRefGoogle Scholar.

77 - Lorsque Rousseau veut dénoncer la persécution dont il s’estime victime en raison de ses publications, il l’oppose à la considération dont avait joui durant sa vie... « l’athée Spinoza [qui] enseignait paisiblement sa doctrine » et « vécut et mourut tranquille, et même considéré »: « Lettre à M. de Beaumont », Œuvres complètes, op. cit., p. 14.

78 - Porter, Roy, The Englightenment: Britain and the creation of the modern world, Londres, Penguin, 2000 Google Scholar; Pocock, J. G. A., Barbarism and religion, t. 1. The Enlightenments of Edward Gibbon , Cambridge, Cambridge University Press, 1999 CrossRefGoogle Scholar.

79 - Withers, Charles W. J., Placing the Enlightenment: Thinking geographically about the Âge of reason, Chicago, University of Chicago Press, 2007 CrossRefGoogle Scholar.

80 - Saada, Anne, Inventer Diderot: les constructions d’un auteur dans l’Allemagne des Lumières, Paris, Éd. du CNRS, 2003 Google Scholar.

81 - Voir les remarques de Wiep van Bunge, « Introduction», in W. van bunge (dir.), The early Enlightenment..., op. cit., p. 1-16.

82 - Denis Diderot, Voyage de Hollande, cité in Wijnand Mijnhardt, «The construction of silence: Religious and political radicalism in Dutch History», in W. van bunge (dir.), The early Enlightenment. .., op. cit., p. 231-262, ici p. 233.

83 - W. Mijnhardt, «The construction of silence... », art. cit. Voir aussi Jacob, Margaret C. et Mijnhardt, Wijnand (dir.), The Dutch Republic in the eighteenth century: Decline, Enlightenment and revolution, Ithaca, Cornell University Press, 1992 Google Scholar.

84 - Comme, par exemple, la diffusion très rapide dans le monde hispano-américain des thèses juridiques et constitutionnelles du juriste napolitain Gaetano Filangieri, théoricien des droits de l’homme et du droit naturel: Trampus, Antonio (dir.), Diritti e costituzione. L’opera di Gaetano Filangieri e la sua fortuna europea, Bologne, Il Mulino, 2005 Google Scholar.

85 - Voir par exemple Cañizares-Esguerra, Jorge, How to write the history of the New World: Histories, epistemologies and identities in the eighteenth-century Atlantic world, Stanford, Stanford University Press, 2001 Google Scholar, qui a mis en lumière l’existence d’une dynamique proprement créole de réflexion critique sur les sources du passé amérindien, une « épis-témologie patriotique », qui est de nature à renouveler notre compréhension de la géographie des Lumières et des controverses intellectuelles européennes.

86 - Alors que la pensée « voilée » de Bayle sur la question coloniale est interprétée dans un sens anti-impérialiste, la pensée de Montesquieu sur l’esclavage est jugée à l’aune de l’usage paradoxal qu’ont pu en faire certains colons à Saint-Domingue pour justifier l’esclavage (EC, p. 606-606). Pour une approche plus nuancée de la position complexe de Montesquieu, voir Ehrard, Jean, «Audace théorique, prudence pratique: Montesquieu et l’esclavage colonial», in Petre-Grenouilleau, O. (dir.), Abolir l’esclavage. Un réformisme à l’épreuve (France, Portugal, Suisse, XVIIIe-XIXe siècles), Rennes, PUR, 2008, p. 2739 CrossRefGoogle Scholar.

87 - Muthu, Sankar, Enlightenment against Empire, Princeton, Princeton University Press, 2003 Google Scholar.

88 - Wolff, Larry et Cipolloni, Marco (dir.), The anthropology of the Enlightenment, Stanford, Stanford University Press, 2007 Google Scholar.

89 - J. Robertson, The case for the Enlightenment..., op. cit.

90 - Perrot, Jean-Claude, Une histoire intellectuelle de l’économie politique, XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Éd. de L’ehess, 1992 Google Scholar. A l’inverse, on remarquera que J. Israel ne consacre pas le moindre développement à l’économie politique.

91 - Pocock, J. G. A., Barbarism and religion, Cambridge, Cambridge University Press, 4 vol., 1999-2005 CrossRefGoogle Scholar; Id, « Historiography and Enlightenment: A view of their history», Modern Intellectual History, 5-1, 2008, p. 83-96.

92 - Bien d’autres chantiers d’histoire intellectuelle ont été ouverts, ces dernières années, qui montrent la complexité des liens que les Lumières entretiennent avec la modernité, quelle que soit la définition qu’on donne de celle-ci, et cherchent à interpréter dans leur diversité et leur historicité des « Lumières polysémiques » ( Porret, Michel, «Introduction», in Porret, M. (dir.), Sens des Lumières, Chêne-Bourg, Georg, p. 15)Google Scholar. L’histoire des sciences, notamment, a rompu avec le grand récit du progrès inexorable de la rationalité scientifique pour mettre en valeur les contradictions et les enjeux contemporains. Voir notamment le panorama proposé par Clark, William, Golinski, Jan et Schaffer, Simon (dir.), The sciences in enlightened Europe, Chicago, The University of Chicago Press, 1999 Google Scholar.

93 - Foucault, Michel, «What is Enlightenment?» in Rabinow, P. (dir.), The Foucault reader, New York, Pantheon Books, 1984, p. 3250 Google Scholar et Id., Le gouvernement de soi..., op. cit., p. 14-15. Voir aussi le dossier « Foucault et les Lumières», Lumières, 8, 2006.