Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
La récente édition de l'album municipal de Timgad, par les soins d'André Chastagnol, constitue une mise au point vraisemblablement définitive ; l'établissement du texte, la datation, en 363, l'interprétation de nombreux détails et la signification d'ensemble en sortent renouvelés. Nous nous appuierons donc sur ce beau travail pour nous poser une question bien différente, dont l'album est seulement le prétexte : comment se fait-il qu'il y ait eu tant d’officiales à Timgad ? Comment cette cité pouvait-elle avoir à elle seule donné le jour à soixante-dix fonctionnaires de la province, en un siècle où, quoi qu'on prétende, la bureaucratie n'était pas pléthorique ? Tel est, en effet, le nombre d'officielles que recense l'album, à la suite des listes de curiales et de clerici.
In Fourth-century Rome, official posts were purchased from their holders. For officials, who were the equals of the curials and the “barons” (as the “simple soldiers” ought to be called), were landed rentiers, for whom administration was not a livelihood or a career but an additional dignity, or an occasional source of income or an insurance policy for the future.
These notables absented themselves from their charge at will. Far from being the canker that gnawed away at the State from within, clientelism was the State's normal manner of operation. Corruption was far more than a simple abuse : the 4th-century administration was an original historical formation. The system was nothing short of a racket, exploiting the taxpayer and feeding off itself at every level. Like the kings of France, the Roman emperors, lacking a navy, used pirates and called them corsairs. This racket was not in competition with the State : it was the State, as in certain Central American countries today.
1. Chastagnol, A., L'album municipal de Timgad, Bonn, Habelt Verlag, « Antiquitas », Reihe 3,Band 22, 1978.Google Scholar
2. A. Chastagnol, pp. 40 ss et 86.
3. A savoir que l'idée d'un déclin des villes et d'un déclin des curies au ive siècle est des pluscontestables ; P. A. Février a sans doute été le premier à le dire ; ajoutons que l'idée d'un déclinéconomique et démographique est peut-être non moins gratuite ; cf. Whittaker, C. R., dans Studios in Roman property, Finley, M. I. éd., Cambridge, 1976, p. 164.Google Scholar
4. Le texte de l'album figure au Corpus des inscriptions latines, VIII, 2403 et 1 7903, à compléterpar L. Leschi, « L'album municipal de Timgad », dans Revue des études anciennes, L, 1948, p. 71 (letexte reproduit dans les Études d'épigraphie de L. Leschi, Paris, 1957. p. 246, a malheureusementomis les colonnes 5 et 6 du document, inédites par ailleurs) ; bref, le seul moyen d'avoir un textecomplet, et amélioré, est bien l'édition Chastagnol (n. I ).
5. Cette loi n'est conservée que par fragments (Chastagnol, p. 36, n. 58), qui concernent surtoutles clercs.
6. Sur la convergence, chez Julien, de la restauration du paganisme et du système des notablesmunicipaux, voir Liebeschuetz, J., Antioch… in theLaterRoman Empire, Oxford, 1972, p. 12 Google Scholar. Sur lestransformations des rapports entre cet ordre des curiales et le pouvoir impérial, voir la profondeanalyse de Brown, Peter, The making qf Laie Antiquity, Harvard, 1978 Google Scholar.
7. Sur le sens du motpatroboulos, « homme dont le père déjà était curiale », voir L. Robert, Sur une liste de Courètes à Éphèse, dans Arkhaiologikè Éphemeris, 1967, p. 131 ; cf. Veyne, Pain et Cirque, p. 266 ; L. Leschi, Études, p. 252 ; Chastagnol, p. 36. Au sujet du décurion, qui l'était lepremier de sa famille, on parlait de novitas (Code Théod., XII, 1, 54).
8. Du moins ces dispositions relatives aux laïcs sont-elles celles d'une loi de Constance II en 361 (Code Théod., XII, 1, 49, citée par Chastagnol, p. 36) ; mais Julien n'a pu que les reprendre et sa loivisait les decuriones qui, ut Christiani, récusant munia (XII, 1, 50).
9. La loi de Julien visait aussi les officiales : nous le savons par une allusion qu'y fait une loi deThéodose (XII, 1,96): « Etiam istud adjectum est ut originales qui ad diversa provinciarum officiaconfugerant, ex divi Juliani tempore ad curiales functiones, sublata omni ambiguitate, retrahantur. »
10. Chastagnol, p. 33 ss ; A. Piganiol, Histoire de Rome, p. 627 : « A mon avis, il ne s'agit pastant d'un album municipal que d'une liste de tous ceux que leur origine rattache à la curie, y comprisles bureaucrates et les clerici, placés ainsi sous la menace d'un rappel éventuel. »
11. Code Théod., I, 15, 5(365).
12. Ibid., I, 12. 6 : « Quadringentos, de his dumtaxat quos rei publicae membra non querentursibi esse detractos. »
13. G. Rouillard, L'administration civile de l'Egypte byzantine, p. 42.
14. Sur les surnuméraires, voir Code Théod., VI, 30, 1 5pr. et surtout 17 ; Code Just., II, 7, 11,2 et
13. Voir plus bas, notes 67, 81, et Code Théod., VI, 24, 1 : ultra numerum.
15. En plein XIXe siècle, la vénalité des offices existait encore de facto : quoique nommé par sonministre, le nouveau magistrat n'en payait pas moins le prix de son office à son prédécesseur. Quantaux congés prolongés, j'ai eu sous les yeux les dossiers d'un capitaine sous le Second Empire : cetofficier faisait se succéder quelques années de service et quelques années de congé pour convenancespersonnelles et ces congés lui étaient accordés automatiquement, selon toute apparence.
16. Cf. le discours XVIII de Libanius, 130, 135. 146, cité par Paul Petit, Libanius et la vie municipale à Antioche, p. 335.
17. Voir les références chez Chastagnol, p. 38. Cf. A.H.M. Jones, The Laie Roman Empire, p. 740.
18. Code Théod., XII, 1, 64 et 134.
19. Max Weber compare ces constitutions à des mandements épiscopaux.
20. Code Théod., XII, 1, 1 34 : « Obscuritas praesidalis officii ».
21. Sur la fuite à la campagne, voir Ulpien, Digesle, 50, 5, 1,2: « Qui in fraudem ordinis inhonoribus gerendis, cum inter eos ad primos honores creari possint, qui in civitate numerabantur,evitandorum majorum onerum gratia ad colonos praediorum se transtulerunt ut minoribussubjiciantur, hanc excusationem sibi non paraverunt » ; Dion de Pruse, dès la fin du Ier siècle, en parledans son discours xx, 2. Sur la retraite : « Supposons que le propriétaire d'une grosse fortune quitte lacité pour échapper aux liturgies… » Ou bien ils partaient en voyage (peregrinando, XII, 1, 143).D'autres vendaient leurs biens et allaient vivre ailleurs (Code The'od., III, 1.8). Mais on tiendra compted'une remarque de Paul Petit, Libanius, p. 334 : ces notables aimaient la ville et, quand un bouleutefuit la cité, ce n'est pas vers la campagne, mais vers une autre cité, dont il ne soit pas originalis. Il yavait d'autres moyens encore d'échapper aux liturgies ; par exemple, devenir (réellement oufictivement) colon de la res privata (Code Théod., XII, 1, 33 ; XI, 16, 5 ; Digeste, 50, 6,5,11 ). Pour lafuite des curiales, voir Liebeschuetz, Antioch, p. 174 ss.
22. Un fils de curiale (patroboulos)avait plus de facilité à échapper à la curie, en n'y entrant pas,qu'un décurion, qui y était déjà inscrit et avait à en sortir ; le cas des fils de curiale est donc mis à part,par exemple dans Code The'od., XII, 1, 22, ou chez Julien, lettre xi Hertlein, 54 Bidez-Cumont, citéepar Chastagnol, p. 34. Les fils de curiales, s'ils avaient de la fortune (Code Théod., XII, 1, 57) et mêmes'ils étaient encore sous la puissance paternelle (XII, 1, 7), entraient à la curie à dix-huit ans (XII, 1,19 ; XII, 1,7; mais il est question de seize ans en VII, 22, 11 pr., cf. 4).
23. Paul Petit ne croit guère à la ruine des curiales et au poids écrasant des liturgies ; il penseplutôt à un recul de l'esprit évergétique, l'État, pour les raisons idéologiques et la rage de réglementerdont nous parlons, ayant rendu l'évergétisme obligatoire et, par là, sans gloire (Libanius, pp. 332-333). Le même historien montre que la fuite des curiales, en particulier vers le fonctionnariat (p. 341),est un phénomène complexe « dans lequel le facteur économique n'est nullement prépondérant »(p. 337) et où « l'ambition, le goût du pouvoir, le désir de s'enrichir » comptent beaucoup (p. 339). Ils'agit surtout de curiales de moyenne richesse, qui n'aspirent pas aux postes élevés qui confèrent leclarissimat, mais se contentent de « l'obscurité des bureaux ».
24. Code Théod., VII, 13, I.
25. Sur la culture des fonctionnaires, Petit, Libanius, pp. 363-364 et 368 ; cf. Liebeschuetz, Antioch, p. 246.
26. Sur les enjeux « symboliques » du pouvoir (la modalité de commandement, la relation desconsciences), cf. Veyne, Pain et Cirque, 1976, p. 796, index s. v. « Politique ». Il existe beaucoup delégislations qui légifèrent, non pour indiquer et imposer des conduites ou des procédures, mais pourproclamer à la face du ciel quelle est la bonne conduite, ou un idéal moral. Par exemple, la législationn'asservit pas les colons à la glèbe pour le but « rationnel » de faciliter leur levée comme soldats, maiselle donne son aval à cet asservissement de fait (dû à des causes sociales et économiques) parce qu'il luisemble conforme à l'éthique politique de fixer les individus dans l'exercice des devoirs que leur sortleur a assignés. Le mouvement de pensée est à peu près celui-ci : « Les colons, en fait, sont troppauvres et opprimés sans avoir la possibilité matérielle de quitter leur tenure ; le colon est essentiellementun paysan qui ne quitte pas sa tenure ; un colon ne doit pas quitter sa tenure ; il seraitscandaleux qu'il quitte sa tenure ; proclamons donc qu'il ne doit pas la quitter. » C'est évidemmentune tout autre conception du « droit » que celle qui voit dans le Droit un moyen d'assurer laprévisibilité des conduites ! Or, la législation du Code Théodosien est un mélange de prescriptionsjuridiques, au sens moderne du mot, mais aussi de proclamations disciplinaires de ce genre, etégalement de proclamations éthiques comparables aux bulles pontificales et dont la seule portée est« idéologique » : on voit ainsi les empereurs interdire le favoritisme, le patronage et la cupidité despuissants. Cela ne révèle pas que le pouvoir était impuissant contre certaines forces : cela révèle plutôtque le droit n'était pas toujours ce que les modernes entendent par « droit »… et cela révèle aussi que,moins impuissant qu'il ne semble, le pouvoir utilisait et laissait faire ces forces, tout en faisant desphrases nobles à l'usage des gouvernés. Les empereurs répètent périodiquement ces noblesinterdictions, non parce qu'ils sont impuissants à y mettre fin, mais pour donner d'eux-mêmes uneidée élevée.
27. Code Théod., XII, 1, 149, cf. 161 et 162 ; XIII, 5,19 (etc.). De la même manière, il n'est pasévident que la fixation des colons à la glèbe exige une explication économico-sociale ou soit due audésir qu'avait la bureaucratie de se faciliter la levée de l'impôt et des tirones. La paysannerie pauvreétait aux mains des grands dès la fin de la République : Catilina, à la bataille de Pistoia, était entouré deses affranchis, mais aussi de ses colons ; la condition du colon partiaire, dont le droit civil parlait trèspeu (il ne s'occupe que du fermier et abandonne le métayer à l'arbitraire de son maître) étaitextrêmement dépendante, comme on l'apprend si on daigne relire le vieux Fustel de Coulanges et son Alleu, au lieu de s'imaginer que le dernier mot de la science est dans la dernière publication. Dès lors,la fixation du colon au sol répond, non à une évolution économique et bureaucratique, mais à uneévolution juridique et « idéologique ».
28. Ammien Marcelun, XIV, 20, 6.
29. Code Théod., VIII, 7, 19 ; VIII, 4, 4 ; VII, 22, 6.
30. Sous Dioclétien, les anciens fonctionnaires n'ont pas encore le privilège d'être dispensés decurie et de munera municipaux (Code Justinien, X, 55, 3, commenté par Kuhn, E., Stàdtische und bùrgerliche Verfassung, 1864, vol. I, p. 149 Google Scholar), alors que les vétérans l'avaient dès le Haut-Empire ;mais ils ont ce privilège au ive siècle, comme on verra plus loin. La retraite des anciens bureaucratess'appelle honesta missio, comme celle des vétérans (Code Théod., VIII, 4, 1, etc.) et eux-mêmesportent le nom de veterani (VIII, 5, 46 et XVI, 5, 61).
31. Pour les orateurs de la Seconde Sophistique, et d'abord chez Dion de Pruse, le coupled'opposition est formé par « nous », notables de notre cité, et « les autorités », et ces autorités (archontes) sont toujours les autorités romaines, les gouverneurs de province (il faut se méfier destraductions de Dion, qui prennent archontes pour les magistrats de la cité). Les « autorités » selonsaint Paul sont aussi les gouverneurs de province. Même chose chez Libanius encore (Paul Petit,p. 254). L'opposition de Yordo et du praeses se voit bien au Digeste (ainsi XLIX, 1,12; XLIX, 4, 1, 3).
32. Pour Metternich, l'homme commençait au baron ; pour les Romains, il commençait au decurio, le reste du genre humain étant les plebeii ; voir, par exemple, Digeste, XLVIII, 19,9, 14et 10, 2 ; L, 2, 7, 2 et L, 4, 7 pr. ; cela correspond à la distinction des honestiores et des humiliores, comme chacun sait (XLVIII, 19 passim). Citons la tripartition du Code Théod., XIII, 5, 5 pr. : decuriones, plebeii, potior dignitas.
33. Marcien, Digeste, XLIX, 18, 3 ; cf. Mommsen, Strafrecht, p. 1034.
34. Un homme était fréquentable s'il ne pouvait être bâtonné (Digeste, L, 2, 12 : « licet abaedilibus caedantur »).
35. Digeste, XLIX, 18,3etL,2, 12. La bâtonnade avait été matière à la distinction des honestiores et des plébéiens (CodeJust., IX, 41,11 ). Un cas particulier était celui des curiales qui entraient dans lesservices fiscaux : ils cessaient d'être honestiores et devenaient des plébéiens, pouvant être torturés (condicionales), de par la loi (Code Théod., VIII, 2, 4) ; c'était un principe que tous les employés del'impôt fussent de condition torturable.
36. En fait, par un abus, on voit bâtonner des curiales, sinon des principales (P. Petit, p. 287 ;Liebeschuetz, p. 166, n. 4 et p. 173, n. 7), pour raisons fiscales. Au Code Théod., XII, 1, 153, lesempereurs semblent prêts à faire battre des décurions.
37. Voir par exemple Code Théod., VIII, 1,11.
38. Code Théod., VIII, 4, 1 et 11 ; VIII, 7, 6. Digeste, XLIX, 18, 2 ; L, 6, 7 ; L, 5,7 ; L, 4, 18, 23-24, etc.
39. Sur les honorati, voir les indications de Godefroy aux lois I, 8, I (qui est la loi I, 20, 1 de noséditions) et XIV, 12, 1 du Code Théod., avec les références.
40. Cela ressort du Code Théod., VI, 22, 1.
41. Sur le pastus primipili, voir la note de Godefroy au Code Théod., VIII, 4,6 ; cf. VIII, 4, 10 etIl ; VIII, 7, 13.
42. Code Théod., VIII, 4, 3. Voir aussi X, 7, 1 et XII, 1, 5. Du titre VIII, 4, il ressort que tous lesanciens officiales ne recevaient pas ces distinctions. De même, tous les décurions ne finissaient pas principales ou honorati. Sur un autre titre, le praesidatus (Code Théod., XII, 1, 4), voir Chastagnol,p. 47. C'est encore le praesidatus qu'on reconnaîtra en VI, 22, 3 pr. (praesidum dignitatem).
43. Code Théod., XIV, 12, 1.
44. Code Théod., XII, 12, 13. On voit donc la hiérarchie : simples curiales, sacerdotales ou principales, honorati (qui ont un titre équestre : égrégiat ou perfectissimat) ; c'était déjà la tripartitionde Censorinus, De die natali, 15 : « Tu tamen, officiis municipalibus functus, honore sacerdotii inprincipibus tuae civitatis conspicuus, ordinis etiam equestris dignitate gradum provincialiumsupergressus. » Un siècle plus tard, un grand seigneur comme Sidoine Apollinaire (Lettres, 1,11, 7) semoquera de ces honorati et de tous ces chefs de bureaux (numerarii) qui ne deviennent nobles qu'àleur retraite.
45. Code Théod., VII, 22, 1 ; VII, 13, 4 et 5 ; Ammien Marcelun, XV, 12, 3.
46. Code Théod., VII, 22, 7 ; 8 ; 9 ; 11.
47. Code Théod., VII, 22, I ; 2 ; 5 : XII, I, 32.
48. Ammien déplore la partialité de son héros Julien envers les curies : l'empereur multipliait,contre tout bon droit, le nombre de ceux qui étaient astreints aux liturgies (XXI, 12, 24) ; rien n'yfaisait, ni le nombre d'années de service (cf. Code Théod., XII, 1,13: viginti stipendia ; 31 : necdum impleto quinquennio ; 95 : quindecim) ni les droits d'immunité (Ammien, XXII, 9 et XXV. 4, 21).
49. Les mots d'honor imaginarius se lisent en XII, 1, 27.
50. Code Théod., VI, 22, 1,2; cf. 4.
51. Il suffit de renvoyer, sur tout cela, au paratitlon de Godefroy à VI, 22 ; ces honorati qui ontobtenu leur titre sine administratione, au moyen du patrocinium, du suffragium, par pecunia promissa (VI, 22, 1 pr.) et qui n'ont donc qu'une empta dignitas (XII, 1, 25) doivent être renvoyés àleur curie ; ils garderont leur titre (XII, 1, 42 pr.), mais devront s'acquitter des munera. De cesdistinctions honorifiques, méritées ou achetées, on distinguera autre chose : la transformation decertaines hautes magistratures en liturgies. Zosime (II, 38) accuse Constantin de distribuer desdiplômes de préteurs, à charge pour les bénéficiaires de faire les frais de cette préture qu'ils n'avaientpas exercée ; ce qui veut dire que la préture n'était plus qu'une liturgie, un munus ; on ne choisissaitpas de l'acheter : elle était imposée aux membres de l'aristocratie de Rome, qui devait faire les frais decette fonction (Code Théod., VI, 4, De praetoribus et quaestoribus, passim).
52. Cela ressort de la fin de VI, 22, 2. Le versement d'une pareille somme était usuel pour toutesles fonctions ; les petits fonctionnaires versaient une sportule à leur chef de bureau, les soldats à leurtribun et les hauts fonctionnaires à l'empereur ; c'est une espèce de somme honoraire. Dans unenovelle où il interdit la vente des charges, Justinien n'en publiera pas moins le tarif des sommes àverser aux caisses impériales. Voir aussi Code Théod., VI, 4, 21, 3 ; 24 ; 27.
53. Code Théod., VI, 22, 1, 2.
54. Digeste, XLIX, I, 12 ; 4, 1, 3 ; L, 4, 3, 15.
55. Stein, E., Geschichte des spàtrôm. Reiches, vol. I, p. 171 Google Scholar ; Histoire du Bas-Empire, éditionPalanque, vol. I, p. 112. Cf. Code Théod., XII, 1, 44: intra palatium perfectissimus provectus suffragio.
56. Code Théod., VI, 22, 6.
57. Code Théod., VIII, 7, 7 ; cf. Kuhn, , Stàdtische Verfassung, vol. I, p. 158 Google Scholar, n. 1248.
58. Sur la probatio des agentes in rébus, avec vérification de Yorigo, voir VI, 27, 3 et 4 (outrel'origine curiale, on vérifiait si le candidat n'était pas d'origine servile) ; pour la probatio des palatini, VI, 30, 15-17.
59. VII, 13, De tironibus, 1 : « Nisi prius certus redditus judex rescribat. »
60. VIII, 4, 28 ; XII, 19,3; Arcadius et Honorius supprimeront la prescription en cette matière(XII, I, 164).
61. XII, I, 161.
62. Code Théod., VI, 22, 1. Voir aussi XIII, 5, 19.
63. VI, 30, 15 ; autres chiffres encore chez Kuhn, vol. I, p. 157.
64. VI, 30, 16 et 17.
65. I, 12, 6.
66. Mommsen, , Staatsrecht, vol. II, p. 266 Google Scholar, n. 1, et 851, n. 2 ; Marquardt, , Staatsverwaltung, vol. II, p. 308 Google Scholar, n. 2.
67. Suétone, Claude, XXV, 1, dans un passage où l'expression de « surnuméraire » fait sonapparition : imaginariae militiae genus, quod vocatur « supra numerum ».
68. Digeste, III, 2, 2, 2.
69. Il se pourrait que le plus ancien emploi de militia pour désigner une fonction civile se lise chez Tertuluen, De corona, XII. 5 : « Est et alia militia regiarum familiarum ; nam et castrensesappellantur, munificae et ipsae solemnium Caesarianorum. »
70. Digeste, L, 1,2, 6.
71. Je contamine Code Théod., VII, 12, 2 et 18, 16. Voir aussi VI, 27, 15.
72. Code Théod., VI, 30 pr. et I, 10, 5.
73. XII, I, 40.
74. XII, 1, 43.
75. Code Théod., VII, 12, 3.
76. Prestation, nécessitas ; tel est le sens du mot en XI, I, 25 et 35, et XI, 7, 11.
77. Novellae D. Theodosii, VII, 1, I.
78. En 1884, un conseiller d'État écrivait : « Le personnel actuel (des ministères) suffit à satâche ; peut-être a-t-il de loin en loin quelques instants de répit, mais, après tout, qu'importe ? Il y aune certaine école qui envisage les nommes comme des instruments destinés à une productionincessante, sans leur permettre de reprendre haleine. Mais l'État s'inspire d'autres considérations. Ildemande à ses agents de bien faire, en y mettant le temps nécessaire. On dit qu'il est le meilleur desmaîtres : ajoutons qu'il doit l'être et qu'à ce prix seulement il mérite d'avoir des serviteurs auprès delui. D'ailleurs, après les assauts qu'a subis le principe d'autorité, il importe de relever aux yeux dupublic tout ce qui touche au gouvernement, et ce n'en serait pas un moyen que d'assimiler lesdétenteurs de ces emplois, des hommes, après tout, honorés de sa confiance, à des commis del'industrie privée » (cité par Guy Thuillier, Bureaucratie et bureaucrates en France au XIXe siècle, Genève, Droz, 1980, p. 43).
79. Code Théod., VI, 24, 5 et 6.
80. Ceux qui restaient ainsi aux ordres du prince étaient les praesentales.
81. Code Théod., VI, 24, 1. Sur les surnuméraires, voir notes 14 et 67. On allait jusqu'à distinguerdes surnuméraires de première et de seconde classe (VI, 32, 2).
82. Code Théod., VI, 24, 5, traduit ci-dessus ; « choix » se ditjudicium ; nous étudierons un jourles différents sens techniques de ce mot trompeur (et de ses équivalents, krisis ou krima), qui veutrarement dire « jugement, sentence », mais bien « disposition testamentaire », « décision législative »ou « choix d'un candidat, nomination d'un magistrat ou d'un fonctionnaire », comme ici ; il estamusant de noter qu'en ce sens le mot se retrouve dans… la Chanson de Roland, aux vers 262 ou 751,quand il faut « choisir » (” eslire », 275) un ambassadeur auprès du roi Marsile (c'est Ganelon) ou unchevalier à l'arrière-garde (c'est Roland) ; dans son commentaire de la Chanson, Joseph Bédier acommenté ce sens particulier de jugier. On sait l'influence du vocabulaire administratif du Bas-Empire, tel qu'on le trouve au Code Théodosien, dans toute la chrétienté et, plus encore, dansl'Empire romain-germanique.
83. Novellae D. Valentiniani III, XIII, 1, 8. De même les affranchis (Code Théod., IV, 10, 3, 3). Code Justinien, XI, 48, 18.
84. Code Théod., XII, 1, 133.
85. Voir par exemple Code Théod., VI, 22, 2.
86. Code Théod., XII, 1, 13 ; VI, 30, 17 ; XII, 1, 43 et 86 ; VIII, 4, 28.
87. Code Théod., VII, 2, Quid probare debeant ad quamcumque militiam venientes, 2 -, remarquons que ce titre se réduit à deux lois tardives (383 et 385). Pour les certificats de complaisanceobtenus par ceux qui fuyaient les mimera, voir Ammien Marcellin, XXII, 9, 12.
88. Honestissimi homines, VII, 2, 1 ; honestissimus n'est pas un titre honorifique officiel : cette« haute honorabilité » est donc laissée à l'appréciation des bureaux qui procèdent aux nominations etprobations de fonctionnaires : ils croiront sur parole ceux qu'il leur plaît de croire ; autrement dit, laloi ne fait que sanctionner la pratique effective des bureaux, sensibles à telle recommandation etinsensibles à telle autre, qu'ils déclarent pas assez honorable. De même, la loi Code Théod., XI, 39, De fide teslium, 3 (” ut honestioribus fides testibus potius habeatur »), emploie le mot d'honestiores, nonpas au sens technique où il s'oppose à humiliores, mais comme comparatif désignant des témoins plushonorables que d'autres, cette honorabilité étant laissée à l'appréciation du juge.
89. Ammien Marcellin, XX, 5, 4.
90. Par exemple, dans le cas particulier de la militia armata et de la milice administrative, yavait-il partage ou lutte ? Dans le passage que nous avons cité, le ton d'Ammien Marcellin est plusdédaigneux et indulgent qu'indigné ; si l'on feuillette notre Historien, il s'intéresse beaucoup auxcarrières et les détaille avec précision (le protecteur Antonin, XVIII, 5), a l'occasion de signaler labrillante promotion de personnages de naissance obscure (Maximin, vicaire du diocèse de Rome,XXVIII, I ; Festus, proconsul d'Asie, XXIX, 2 ; Gratien, comte d'Afrique, puis de Bretagne, XXX, 7) ; il signale des promotions exceptionnelles, dont les unes sont des passe-droits et dontd'autres sont la récompense du mérite (Rufin, chef des bureaux du préfet du prétoire d'Illyrie, XV, 3 ;Musonianus, préfet du prétoire d'Orient, XV, 13 ; Agilo, magister peditum, XX, 2 ; Claudius etSallustius, tribuns, XXIX, 3) ; il souligne que Constance ne fit avancer les palatini qu'au mérite (XXI,16). On croirait, à entendre son ton serein, à une administration dont les origines sociales étaientcomposites et dont les diverses tendances avaient conclu un pacte tacite de partage.
91. Voir par exemple Parsons, Talcott, Éléments pour une sociologie de l'action, trad. Bourricaud, Paris, Pion, 1959, pp. 189–191 Google Scholar ; que cette notion d'intérêt « égoïste » soit elle-même relative et qu'ellene soit pas non plus primaire, c'est bien entendu : mais, pour ce que nous avons à faire ici, il ne nousen faut pas plus.
92. Parsons, pp. 245-247, dans son analyse du métier médical : « Il est de l'intérêt de longuepériode du médecin d'agir contre son intérêt immédiat », et cela vient de ce que le médecin est prisdans une corporation.
93. E. Stein, Untersuchungen liber das Officium der Pràtorianerpràfektur, p. 19 ; il est amusantde voir ce positiviste donner de la sportule une explication qui est proprement métaphysique : ondistingue mal par quelles voies concrètes la fonction « salaire » aurait créé la sportule ; tout ce qu'onconstate est que des causes très historiques (le fonctionnaire est considéré comme un maître, etc. ) fontexister la sportule, si bien que l'empereur n'a même pas à verser un salarium pour se procurer desserviteurs.
94. Code Justinien, III, 28, 30, 2 ; Justinien ajoute que le prix de chaque milice était fixé (statutum)ètqui\ dépendait du grade (gradus). Voir aussi VI, 20, 20, 1 ; VIII, 13,27 ;XI,48, 18 ; XII,33, 7. Novellae Valentiniani, XIII. 1, 8.
95. Sur la vénalité des tessères frumentaires et des décuries d'appariteurs, on trouve quelquesindications chez Pernice, , dans Zeitschrift der Savigny-Stiftung, Roman. Abt.. V, 1884, pp. 99–102 Google Scholar et XIX. 1898, p. 1 13 ; Mommsen, étonné de voir des textes du Haut-Empire employer le mot de militia, qui est plus attendu au Théodosien qu'au Digeste, en propose une explication dans son Staatsrecht, vol. III, p. 450. Mais tout a été mis au point, de façon définitive, par Marchi, A., « I testi délie Pandetterelativi alla vendita e al legato délia militia », dans Archivio giuridico Filippo Serafini, LXXVI, 1906,pp. 291–324 Google Scholar. Contentons-nous de signaler la liste des références (Digeste, IV, 4, 3, 7 ; XIX, 1, 52, 2 ;XXXI, 22 ; XXXI, 49, I ; XXXII, 11, 16 ; XXXII, 102, 2 et 3 ; XXXIV, 1, 18, 2).
96. Code Théodosien, VIII, 4, 10 (pour le sens de statio, qui est, je suppose, un terme noble etpompeux, d'inspiration stoïcienne ou pythagoricienne, et non un terme technique, voir la note deGodefroy à VIII, 7, 13). La stipulation : « S'il n'a pas encore rempli de poste de ce grade » s'expliquepar Code Théod., IX, 26, 2 ou VIII, 1,16.
97. Code Théod., VIII, 4 ; 6 ; cf. 9 et 27.
98. VI, 24, 3 ; dès le Haut-Empire, on payait un introitus dans les décuries d'appariteurs ﹛Digeste, XXXII, 102, 2 et 3, où le mot de militia a pris la place de decuria).
99. Code Théod., VII, 4, 28, 1 (avec la longue note de Godefroy) et 29. On voit ici jouer V adaeratio.
100. Cela semble ressortir d'une loi particulièrement obscure : Code Théod., VIII, 9, 2.
101. Voir l'étonnante histoire du comte Romanus chez Ammien Marcelun, XXVIII, 6. Plustard, une loi de Zenon prouve que les gouverneurs, chargés de surveiller les finances des cités de leurprovince, avaient pris la vieille habitude, désormais consacrée, de se faire gratifier du vingt-quatrièmedes sommes qu'ils vérifiaient (Code Justinien, VIII, 13, I ). Sur les extorsions de toute espèce, Max Kaser, Das rômische Zivilprozessrechl, p. 420, n. 13.
102. Cf. l'histoire du comte Romanus, extorquant de l'argent à Lepcis, sous la menace de lalaisser prendre d'assaut par les Barbares, avec la complicité de son état-major ; ou Code Théod., XI,16. 7.
103. Cf. notes précédentes ; le gouverneur et ses officiâtes sont visés par les mêmes menaces : Théod., XI, 16, 7 ; Justinien, VIII, 13, I.
104. Le mot de sportule figure au Code Justinien, III, 2, De sportulis et sumptihus in diversis judiciis faciendis.
105. Kaser. Zivilprozessrechl. p. 448.
106. Le mot figure au Digeste, XXXI, 22, à propos d'une militia justement, et dans I’Ordo salutationis de Timgad (CAL., VIII, 17896), que l'on lira désormais dans la réédition procurée parChastagnol dans son Album de Timgad, p. 75 ss.
107. Code Théod., VIII, 1,4; VIII, 10 et 1 1 ; Code Juslinien, XII, 61.
108. Code Théod., I, 16, 7 (cf. 6 : nisi pretio).
109. Saint Jérôme, lettre LXIX, à Océanus, 5. Voir note 112.
110. Code Théod., II, 29, si certum petatur de suffragiis, 1 et 2. Voir KASER, Max, Das rômische Privatrecht, vol. 2, 2e édition, 1975, p. 400 Google Scholar, et l'article de C. Cou or dans la Revue historique de Droit français et étranger, XLIII, 1965, p. 185 : La pratique de l'institution du « suffragium » au Bas- Empire. Comparer SUÉTONE, Vespasien, XXIII, 2.
111. C'est à cette loi de Julien (Code Théod., II, 29, 1 ) que se rapporte un récit imagé d'Ammienmarcellin, XXII, 6 : au début du nouveau règne, des solliciteurs réclamaient l'argent qu'ils avaientdonné, durant le règne précédent, pour acheter des suffrages ; il est à remarquer qu'AmmienMarcellin se moque de ses solliciteurs et n'a pas un mot de blâme pour la coutume des suffragesvénaux. Sous couleur de haute moralité, la loi de Julien prescrit le délit de trafic d'influence.
112. C'est à des suppliques de ce genre que songe saint Jérôme, cité note 109 ; il s'agit d'unhomme libre qui a eu des enfants d'une de ses esclaves et qui veut épouser sa concubine : cela luicoûtera très cher. J'imagine qu'il devra solliciter de l'empereur une restitutio natalium pour saservante ; certes, on n'avait pas le droit de solliciter de l'empereur n'importe quelle faveur et il était desfaveurs qu'on n'avait même pas le droit de lui demander (Veyne, Pain et Cirque, p. 756, n. 237) ;maisjustement une constitution de Dioclétien et Maximien (Code Juslinien, VI, 8,1) déclare: «Jusingenuitatis… a nobis peti potuit. » La natalium restitutio n'en demeure pas moins une décisiongracieuse et on aura besoin d'un protecteur puissant et coûteux pour être introduit auprès du prince.La loi de Théodose spécifie qu'on ne devra rétribuer le protecteur que si l'on a obtenu de l'empereur ceque l'on désirait. Comme on voit, l'empereur ne demande rien pour lui-même : mais il laisse le racketgagner de l'argent.
113. Nous n'entreprendrons pas d'étudier les différentes formes de vénalité ou de corruptiondurant le premier âge byzantin ; citons seulement les novelles 8, 17 et 35 de Justinien ; Procope, Histoire secrète, XXI, 9 à XXII, 12. Encore sous Justinien, le problème des bureaucratessurnuméraires demeurait (Code Just. XII, 19. 13). Je n'ai pu me procurer à Paris l'ouvrage de Kolias, G., Aemter- und Wùrdenkauf im frùhbyz. Reiche, Athènes, 1939.Google Scholar