Par le présent article, nous voudrions aborder quelques questions concernant l'écriture d'une œuvre bien connue, les Arrêts d'Amour de Martial d'Auvergne. Cette prose a déjà fait l'objet de travaux et d'études visant à cerner la nature du texte par le biais de la linguistique; elle a été passée au crible des critères modernes d'analyse dans le but d'affirmer, entre autres, l'appartenance de l'œuvre à tel ou tel ‘genre’ littéraire. Söderhjelm lui consacrait déjà, en 1910, un chapitre dans son livre sur La Nouvelle française au XVe siècle; Rychner, qui l'a éditée en 1951, a étudié le système des “arrêts,” parvenant à les ranger sous trois rubriques: arrêts plutôt juridiques, arrêts plutôt psychologiques, arrêts plutôt narratifs. Encore récemment, Alexandre Lorian s'est interrogé sur la nature de cette prose, dont il a décrit le système de façon rigoureuse pour conclure que si la thématique en est narrative, le mode d'énonciation qui la caractérise ne l'est pas.
Or, notre but n'est pas de remettre en question des points de vue, mais d'en reprendre certains afin de tenter une lecture respectueuse des ‘intentions scripturaires’ de l'auteur. Le problème n'est peut-être pas celui de classer l'œuvre, mais tout simplement de la lire, en essayant de la comprendre comme Martial d'Auvergne lui-même aurait voulu qu'elle fût comprise. Cela dit, nous ne prétendons pas parvenir à cette fin dans le cadre limité de notre étude; nous nous bornerons à faire quelques réflexions, à émettre des hypothèses susceptibles d'être mieux vérifiées; pour ce, il est bon de rappeler brièvement la structure du dispositif que l'auteur a conçu.