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Guinamard Isabelle , Jouin-Chardon Émilie , Rispail Marielle , Traverso Véronique et Thai Trinh Duc (dir.), Langues parlées, interactions sociales: une variété d'usages pour l'apprentissage du français. (Collection Espaces discursifs.) Paris: L'Harmattan, 2015, 201 pp. 978 2 343 04990 8 (broché)

Published online by Cambridge University Press:  07 July 2016

Henry Tyne*
Affiliation:
Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université de Perpignan Via Domitia, 52 avenue Paul Alduy, 66000 Perpignan, Francehenry.tyne@univ-perp.fr
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Abstract

Type
Book Review
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 2016 

Ce livre, qui réunit des articles d'un groupe d'auteurs d'horizons différents, est issu d'une journée d’étude. C'est par l'intérêt commun pour l’étude de la langue parlée en interaction que l'on arrive à en faire un tout cohérent. L'ouvrage comporte dix chapitres précédés d'une introduction de six pages qui contextualise le titre et résume les différentes contributions. Celles-ci sont organisées en quatre parties intitulées ‘Des formes langagières spécifiques comme chemin vers l'apprentissage de l'oral’, ‘Variété des usages du français oral chez les jeunes dans des pays de tradition francophone’, ‘Pratiques interactionnelles, différences culturelles et enseignement’ et ‘Corpus, analyses d'interactions, bases de données et enseignement’.

Si la question de la variété d'usages évoquée dans le titre est évidente tout au long du livre, ne serait-ce que par les différents contextes et terrains décrits (Algérie, Chine, Corée du Sud, France, Sénégal, Vietnam), celle de l'apprentissage du français l'est moins, avec finalement assez peu de contributions s'interrogeant directement sur ce thème. L'aspect didactique est le plus souvent abordé de façon partielle, sous forme de réflexions ou de ‘considérations’. Seuls les articles d'Aïssa Messaoudi et de Kim Mina, regroupés dans la première partie, offrent une entrée dans la problématique par le biais de réflexions didactiques. Messaoudi traite de la langue orale dans l'enseignement en Asie du Sud-Est face à la ‘culture de l’écrit’. Mina passe en revue différentes représentations littéraires de dialogues présentes dans les manuels de FLE. Dans le dernier article de l'ouvrage, Isabelle Guinamard et Chang Zhang reviennent sur le contexte universitaire chinois, s'interrogeant sur les possibilités d'exploitation de corpus de données orales.

Les données constituent — sans surprise — un thème central du livre. L'introduction rappelle que la langue parlée, les interactions sont étudiées à partir de données concrètes et insiste sur l'importance d'analyses des données pouvant éclairer la didactique (ce qu'illustrent en particulier les deux premiers articles de la dernière partie, rédigés respectivement par le groupe ICOR et Isabelle Guinamard, et par Chinh Nguyen Minh). Si le mot corpus est souvent employé pour désigner les données (ce qui est normal), on relèvera néanmoins l'hétérogénéité de l'emploi de ce mot par les différents auteurs (cf. Boulton et al., Reference Boulton, Canut, Guérin, Parisse and Tyne2015): on voit ainsi le corpus comme échantillon d'exemples (Messaoudi), comme ensemble d'observations, ‘dépouillement des données’ et questionnaire (Laila Bendref), comme ensemble d'utilisations d'une langue comparée à une autre (Abdoulaye Ndiaye), et comme ensemble d'interactions enregistrées (notamment Trinh Duc Thai). D'autres termes auxquels les auteurs ont recours incluent base de corpus (Guinamard et Zhang) et base de données (Groupe ICOR). Si la définition particulière du mot corpus se dégage assez facilement dans la plupart des cas, toujours est-il que cette profusion d'acceptions recouvre des différences méthodologiques (et analytiques) considérables. Ainsi, le lecteur ne peut pas ne pas s'interroger sur la démarche qu'utilise Messaoudi pour l'identification et l'extraction, à partir d'une base de données, des locutions formant son ‘corpus’; et s'il a l'habitude de travailler en linguistique de corpus, il s'interrogera d'autant plus sur le classement adopté pour les différents exemples, sur leur prise en compte comme collocations (ou éventuellement comme locutions figées) et sur le rôle que jouent les séquences dites ‘préfabriquées’ dans l'acquisition (Forsberg, Reference Forsberg2008) et en didactique (Wokusch, Reference Wokusch2005). Par ailleurs, et en fonction de l'orientation de chacune des contributions, on aura d'autres questionnements, d'autres remarques, toujours en rapport avec le mot corpus. On regrettera peut-être que certaines grandes problématiques du travail de description sur corpus mais aussi certaines applications des corpus en didactique des langues (largement décrites par ailleurs; cf. Boulton et Tyne, Reference Boulton and Tyne2014) ne soient pas abordées ou discutées directement. Ce qui est dommage, car la variété des usages annoncée dans le titre aurait pu s'inscrire dans un contexte plus large et enrichir ainsi une réflexion déjà existante.

De façon générale (comme c'est souvent le cas des ouvrages collectifs), la qualité scientifique des contributions est inégale; certaines études paraissent plus fouillées, plus abouties que d'autres. Pour le lecteur qui s'intéresse aux différents terrains et aux types d'analyses annoncés dans l'introduction et dans les intitulés des quatre parties, ou qui est en quête d'exemples de description de la langue orale en interaction (véritable point fort de l'apport des chercheurs du groupe ICOR), cet ouvrage sera une mine d'informations suggérant des pistes pour la prise en compte de la langue orale dans l'enseignement. En revanche, le lecteur habitué des travaux sur corpus (descriptifs ou appliqués) risque d’être frustré par le traitement parfois superficiel de certains aspects clés de la démarche sur corpus (sans parler de la polysémie du mot corpus) et par le traitement assez inégal de l'objet même de la langue parlée, où des appellations comme le vrai oral, utilisées à plusieurs reprises, peuvent agacer. De même, le lecteur avide de recherche en didactique ou cherchant à s'informer sur les techniques concrètes d'apprentissage risque de rester sur sa faim, du fait de l'absence de réflexion sur le fond en didactique (comment utiliser les données: quelles techniques, quelles expériences, quels résultats, quels raisonnements théoriques en termes d'acquisition, etc.?). Enfin, s'il est de coutume de nos jours de fournir un abstract en anglais dans le cas d'articles de revues scientifiques, on se demande à quoi sert cette pratique dans un ouvrage comme celui-ci, d'autant plus que l'anglais utilisé comporte des erreurs.

En conclusion, on saluera cet ouvrage pour sa contribution originale à la réflexion sur le recours aux données orales (a fortiori authentiques) pour l'apprentissage de la langue (surtout dans des contextes où traditions et cultures font que la langue orale dans toute sa complexité ne bénéficie pas nécessairement d'un accueil favorable dans l'enseignement), et pour la découverte qu'il offre de différents contextes d'utilisation de la langue orale et de son apprentissage. On attend toutefois avec impatience un ouvrage qui viendrait compléter celui-ci en offrant des comptes rendus d’études en didactique portant sur l'application concrète des analyses et des idées mises en avant dans les différentes contributions retenues ici.

References

RÉFÉRENCES

Boulton, A., Canut, E., Guérin, E., Parisse, C. et Tyne, H. (2015 [2013]). Corpus et appropriation de L1 et L2. LINX, 68–69: 932.Google Scholar
Boulton, A. et Tyne, H. (2014). Des documents authentiques aux corpus: démarches pour l'apprentissage des langues. Paris: Didier.Google Scholar
Forsberg, F. (2008). Le langage préfabriqué: formes, fonctions et fréquences en français parlé L2 et L1. Berne: Peter Lang.Google Scholar
Wokusch, S. (2005). Langage préfabriqué et apprentissage d'une L2. Babylonia, 2005.03: 2429.Google Scholar