Par notre 40e circulaire, datée du 6 octobre dernier, nous avons eu la satisfaction de pouvoir vous annoncer la formation d'une Société grecque de la Croix rouge; notre Bulletin, de son còté, vous en a fait connaître les statuts (T. VIII, p. 195) et les premiers travaux (T. IX, p. 66). Vous savez aussi que, quoique l'horizon politique de la Grèce fût très-sombre et les ressources de la Société hellénique fort restreintes, celle-ci n'a pas hésité à remplir ses devoirs internationaux, en envoyant, vers la fin de l'année dernière, des secours à notre Agence de Trieste (Bulletin T. IX, p. 36). Mais, depuis la publication de ces nouvelles, les événements ont marché; l'armée grecque a pénétré sur le territoire turc, et le Comité d'Athènes a dû se mettre en mesure de lui prêter son assistance.

Le dernier rapport de l'Agence internationale de Trieste résume les opérations des mois de janvier et de février 1878.

La situation politique a changé, mais l'œuvre de la bienfaisance n'est point devenue superflue. S'il n'y a pas de récentes blessures à soigner, il en reste encore d'anciennes à guérir.

L'absence de faits d'armes importants, entre le milieu de décembre et le milieu de janvier, semblait avoir refroidi l'intérêt des personnes charitables; les dons diminuaient de plus en plus. Cependant la guerre étant entrée dans une phase nouvelle, les corps d'armée russes continuant d'avancer, la position devenait embarrassante pour le Comité du Croissant rouge à Constantinople, et la perspective de calamités nouvelles a fait renaître presque instantanément l'action des secours.

Depuis le 31 janvier dernier les hostilités ont pris fin en Orient, et les amis de la Croix rouge, dans tous les pays, auront sans doute été heureux de la conclusion d'un armistice, qui a fait cesser les horreurs dont le bruit retentissait si péniblement à leurs oreilles. Pendant cette terrible lutte, la Convention de Genève a été mise à une rude épreuve. Espérons que de longtemps elle n'en subira pas une pareille!

Dans nos précédents bulletins nous avons reproduit ou analysé tous les témoignages dignes de foi, parvenus à notre connaissance, sur les faits relatifs à la susdite Convention. Nous compléterons aujourd'hui cette relation, par quelques documents qui se rapportent à la dernière période de la guerre.

Geschichte des österreichischen patriotischen Hilfsvereines für verwundete Krieger, Militär-Wittwen und Waisen, für Feier des I. Decenniums seit seiner Constituirung als permanenter Verein 1867–1870, verfasst von Dr F.-S. Pichler. Wien 1878, in-8, 164 pages.

Badischer Landes-Hilfsverein. Vierter Rechenschafts-Bericht für das jahr 1875. — Karlsruhe 1876, in-8, 14 pages.

Le Comité central des Sociétés allemandes de la Croix rouge, à l'occasion du renouvellement de l'année, avait adressé des félicitations à ses Augustes protecteurs l'Empereur et l'Impératrice d'Allemagne. Il a, en retour, été honoré des lettres suivantes:

Par l'Empereur:

«Je remercie très-vivement le Comité central des vœux qu'il m'offre à l'occasion de la nouvelle année. Je saisis avec plaisir cette même occasion pour exprimer ma reconnaissance à l'égard des Sociétés allemandes qu'il représente, pour les services qu'elles rendent encore aujourd'hui dans le conflit sanglant où se trouvent engagés deux états de l'Europe orientale.

M. le docteur Pichler, membre du Comité de l'Association patriotique autrichienne de secours aux militaires blessés et malades, vient de publier, en un volume de 164 pages, l'histoire de cette Association, fondée sous le patronage de S. A. I. le feld-marécbal Albert.

En 1859 déjà, une « Société patriotique » était instituée eu Autriche, mais seulement pour la durée de la guerre d'Italie. Le prince Joseph Colloredo-Mannsfeld et le chevalier Léopold de Neuwall, auxquels se joignit bientôt le bourgmestre-chevalier de Seiller, en prirent l'initiative. Cette société qui reçut l'approbation impériale le 28 avril, avait pour but de donner les secours nécessaires aux militaires blessés et malades, aux anciens soldats devenus incapables de gagner leur vie, et aux veuves et orphelins des soldats. Elle reçut l'adhésion de l'autorité et le concours le plus chaleureux dans tous les rangs de la société; puis, quand la paix fut venue, avant de se dissoudre, elle se procura la liste complète des officiers mutilés et sans fortune, des sous-officiers et soldats restés incapables de gagner leur vie, des veuves et des orphelins absolnment dépourvus de ressources et, d'après les renseignements obtenus, elle ordonna entre tous ces malheureux une répartition équitable des fonds qui lui restaient. Le 16 octobre 1859, S. M. l'empereur daigna la remercier de ses importants services.

Nous avons publié, dans notre 33me Bulletin (page 108), un document émané du Comité central du Croissant rouge, et visant un manifeste antérieur de l'Institut de droit international1, relatif aux mesures prises par les belligérants pour instruire leurs troupes des exigences du droit moderne et spécialement de la Convention de Genève. Ceux de nos lecteurs qui seraient désireux de lire la réponse qui y a été faite, — non par l'Institut lui-même qui, ne siégeant qu'une fois par an, n'a pu s'en occuper, mais par son secrétaire-général, M. Rolin-Jaequemyns, — la trouveront dans la Revue de droit international, publiée à Gand. Nous ne reproduirons ici que la dernière page de cette réfutation, la seule qui puisse avoir pour nos lecteurs une portée pratique.

Le Comité international a reçu le rapport suivant du Comité central de Copenhague:

«Aux six envois déjà mentionnés dans notre dernier rapport (voir le Bulletin international no 33, p.4) nous sommes parvenus à ajouter un septième, expédié d'ici à Trieste au mois de janvier et comprenant en tout 8 colis. Il se composait de quantité de linge, de charpie, de bandes et de bandages de diverses sortes, de jute goudronnée, d'ouate salicylée, d'acide phénique cristallisé, etc., etc. Selon le vœu exprimé par les donateurs ces 8 colis ont été destinés aux blessés russes; ils ont été dirigés, par l'intermédiaire de l'Agence internationale, àia délégation de la Croix rouge russe à Bucharest.

Nous continuons le résumé des lettres et rapports des représentants de la Société nationale britannique, sur leur activité auprès des belligérants dans la guerre d'Orient.

M. Young, parti de Trébizonde, raconte d'Erzeroum, en date du 25 septembre, les péripéties de son pénible voyage vers les parties centrales de l'Asie Mineure. A travers bien des difficultés causées par la température et résultant de l'état des routes dans les montagnes, M. Young et le convoi, qu'il n'a pu toujours accompagner, sont entin arrivés au consulat anglais. Le consul, M. Zohrab, a bien voulu se cbarger de la responsabilité des distributions. Des arrangements ont été pris pour la remise de provisions fort opportunes aux chirurgiens de Lord Blantyre, à Kars, ainsi qu'aux principaux quartiers de Ahmed-Mouktar pacha. Les hôpitaux militaires confiés aux soins des chirurgiens de Lord Blantyre, MM. Featherstonhaugh et Gupy, étaient très-confortablement établis. Celui de Lord Blantyre méritait une mention spéciale, comme témoignage de la bienveillance anglaise pour les Turcs. Il y avait là de la place pour 200 malades; 300 en étaient déjà sortis guéris, il en restait 165.

Le 6 février dernier un meeting a été tenu à Londres, au «Pall Mall restaurant,» sous la présidence de Sir Edmond -A.-H. Lechmere, baronnet, M. P., secrétaire et trésorier de l'Ordre de St-Jean en Angleterre.

L'objet de ce meeting était d'intéresser le public au système d'instruction institué par l'Ambulance de St-Jean, pour le traitement préliminaire des malades et blessés. L'Association de l'ambulance de l'Ordre de St-Jean offre à toute personne de bonne volonté, quel que soit son rang dans la société, de la mettre à même de pouvoir porter un secours immédiat aux victimes d'accidents quelconques, en tout temps et en tout lieu, aussi bien dans la vie commune que sur les champs de bataille, en attendant le médecin. Cette institution est déjà installée dans trois centres à Londres et près de Londres: Sevenoaks, Woolwich et Chelsea. Le centre de Woolwich est le plus nombreux: on y compte plus de deux cents personnes, parmi lesquelles sont des clergymen, des militaires, des policemen, des portefaix. Tous sont assidus aux leçons de l'instruction médicale, et attendent avec impalience les certificats que l'Ordre se propose de donner à ceux qui passent un examen satisfaisant. L'assemblée des dames est aussi très-suivie. M. Harford Parson dirige le centre de Chelsea; celui de Sevenoaks est entre les mains de M. Furley. Comme l'instruction des médecins est donnée sans paiement, l'Ordre l'offre aussi gratuitement, mais à condition que ceux qui auront obtenu un certificat de capacité devront donner leur nom et leur adresse, afin qu'on puisse les appeler en cas de besoin.

En attendant une communication plus complète, que nous fait espérer le Comité central d'Athènes, nous reproduisons ici un article qui a paru dans le L'Ephéméris du 4 mars dernier, et qui contient un compte rendu succint mais exact de son activité. Voici cet article:

«On comprend facilement combien est difficile, en Turquie, l'organisation des secours médicaux pour les insurgés chrétiens; n'agissant pas en masse, comme une armée régulière, il ne peuvent garder derrière eux des positions, pour y concentrer les munitions de guerre et y organiser le service sanitaire.

Le Comité central luxembourgeois de la Croix rouge est du nombre de ceux qui ont pris en considération le désir des belligérants, de recevoir l'aide des neutres pour l'assistance de leurs blessés. Par lettre du 19 mars 1878, ce Comité nous a informés qu'il avait pu concourir à l'œuvre commune des sociétés de secours, par une allocation de fr. 1,408 56, partagée également entre la Croix rouge des russes et le Croissant rouge des Turcs.

Le Comité international a reçu, du Comité supérieur de La Haye, l'extrait suivant du rapport annuel publié par le Comité central des Indes néerlandaises pour l'Union néerlandaise de secours aux soldats malades et blessés (exercice de 1876).

Nous commençons ce 6me rapport par de chaleureux remercîments, pour le puissant soutien accordé de toute part à notre Union, pendant le courant de l'année 1876, soit aux Indes néerlandaises même, soit dans la mère-patrie. Mais il y aura encore beaucoup à faire si, malgré la valeur et la persévérance déployées par notre armée et notre marine, l'état de guerre devait continuer.

10 Le nombre des malades et blessés, soignés dans les ambulances organisées par la Société de la Croix rouge roumaine sur les champs de bataille, a été de 2716, dont 2,147 Roumains, 553 Turcs et 16 Russes.

Le nombre exact des journées de malades a été de 7,139.

Les ambulances roumaines ont, en outre, donné 494 consultations gratuites et fait 742 pansements, aux malades et blessés qui ont préféré être soignés hors des ambulances.

Parmi les documents parvenus à la connaissance du Comité international, sur l'activité déployée par la Société russe de la Croix rouge pendant la dernière guerre, nous devons mentionner en première ligne l'Aperçu qu'a présenté, dans l'assemblée générale du 13 décembre 1877, M. A.-Th. Petrouschevsky, membre du Comité central.

Les lois de la guerre, en prenant sous leur protection spéciale les blessés et les malades militaires, étendent cette protection aux institutions qui ont pour but les soins à donner aux soldats malades et blessés en temps de guerre, ainsi qu'au personnel qui y est affecté.

Les règles à observer ont été établies par la Convention de Genève du 22 août 1864, à laquelle ont adhéré presque toutes les nations civilisées. Je crois donc devoir faire connaître à toute l'armée les principes de la Convention de Genève, et j'enjoins à tous les officiers, sous-officiers et soldats, de se conformer strictement aux règles suivantes, en ce qui concerne les blessés et les malades des ambulances, lazarets et hôpitaux militaires, aussi bien que ceux des hôpitaux créés pour la durée de la guerre par des sociétés ou personnes privées, et en ce qui concerne la position des blessés et des malades après leur guérison.

Article 1er. — Du but et de l'œuvre de la Société serbe de la Croix rouge. La Société fondée sous le nom de Société serbe de la Croix rouge a pour but:

10 En temps de guerre: de concourir, à côté de l'administration sanitaire militaire de la principauté de Serbie et conformément aux ordres des autorités militaires, au soin des blessés et des malades de la guerre, et de les soutenir de toutes les manières possibles.

20 En temps de paix: de réaliser et réunir tout ce qui est nécessaire à ce concours en temps de guerre. L'œuvre de la Société serbe de la Croix rouge consiste par conséquent:

a) A préparer des établissements et à se procurer le matériel et le personnel nécessaires pour venir en aide aux blessés et malades en cas de guerre, et cela par ses propres soins et ressources;

b) A soutenir également de toutes ses forces et de tous ses moyens les institutions et les établissements sanitaires de l'armée en temps de guerre.

La Société serbe de la Croix rouge a pour base de son œuvre la Convenvention de Genève, du 22 août 1864. L'emblème de la Société est la Croix rouge sur fond blanc.

Depuis la réunion générale de l'année dernière, la lutte qui avait lieu dans la presqu'île des Balkans, entre la Turquie et quelques Etats placés sous sa suzeraineté, a pris de gigantesques proportions, ensuite de la déclaration de guerre faite par la Russie à la Porte, et de l'intervention de la Roumanie. De grandes masses armées ont été mises en présence, il a été livré des batailles sanglantes, et des milliers de blessés et de malades ont réclamé des secours.

Plusieurs des articles qui précèdent ont déjà pu renseigner nos lecteurs, sur la situation dans laquelle se trouvait le Comité du Croissant rouge vers la fin de janvier. Non-seulemeutil avait alors à maintenir son activité partout où il l'avait portée, tant en Europe qu'en Asie, mais l'obligation allait lui être imposée de pourvoir aux besoins de milliers de malheureux, dépourvus de toutes ressources, blessés, malades, affamés, de tout sexe et de tout âge, fuyant affolés à l'approche de l'ennemi. Nous ne pensons pas avoir à revenir longuement sur ces faits; nous nous bornerons à extraire les points saillants des comptes rendus des séances du comité, en suivant l'ordre chronologique.