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Investissement

Published online by Cambridge University Press:  23 October 2023

Charles-Emmanuel Côté*
Affiliation:
Professeur titulaire, Faculté de droit et École supérieure d’études internationales, Université Laval; avocat, Québec, Canada

Extract

L’année 2022 est marquée par l’accélération de l’apurement du contentieux d’investissement visant le Canada sur le fondement de l’Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis et le gouvernement du Mexique (ALÉNA).1 Pas moins de quatre affaires connaissent leur dénouement avec des sentences arbitrales qui rejettent toutes les réclamations des investisseurs américains, dont une sentence très attendue dans l’affaire Lone Pine Resources c Canada,2 concernant l’interdiction par le Québec du gaz de schiste. Avec la fin en 2023 du régime transitoire de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) entre le Canada et les États-Unis, prévu par l’Accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ACÉUM),3 ce contentieux devrait se tarir de manière durable puisque le RDIE cessera alors de s’appliquer entre les deux pays. La pratique conventionnelle du Canada en matière d’investissement continue de stagner et aucun nouvel accord n’est à signaler. Sur le plan interne toutefois, le gouvernement fédéral dépose le projet de loi C-34 qui propose la plus importante réforme de la Loi sur Investissement Canada4 depuis l’ajout d’un mécanisme d’examen des investissements étrangers relatif à la sécurité nationale en 2009.5 Le projet de loi C-34 et l’affaire Lone Pine Resources font l’objet d’une analyse détaillée dans la chronique cette année. Un tour d’horizon des principaux autres faits marquants de 2022 est d’abord effectué.

Type
Chronique de droit international économique en 2022 / Digest of International Economic Law in 2022
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Copyright
© The Canadian Yearbook of International Law/Annuaire canadien de droit international 2023

1. Le Canada et le droit international de l’investissement en 2022

L’année 2022 est marquée par l’accélération de l’apurement du contentieux d’investissement visant le Canada sur le fondement de l’Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis et le gouvernement du Mexique (ALÉNA).Footnote 1 Pas moins de quatre affaires connaissent leur dénouement avec des sentences arbitrales qui rejettent toutes les réclamations des investisseurs américains, dont une sentence très attendue dans l’affaire Lone Pine Resources c Canada,Footnote 2 concernant l’interdiction par le Québec du gaz de schiste. Avec la fin en 2023 du régime transitoire de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) entre le Canada et les États-Unis, prévu par l’Accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ACÉUM),Footnote 3 ce contentieux devrait se tarir de manière durable puisque le RDIE cessera alors de s’appliquer entre les deux pays. La pratique conventionnelle du Canada en matière d’investissement continue de stagner et aucun nouvel accord n’est à signaler. Sur le plan interne toutefois, le gouvernement fédéral dépose le projet de loi C-34 qui propose la plus importante réforme de la Loi sur Investissement Canada Footnote 4 depuis l’ajout d’un mécanisme d’examen des investissements étrangers relatif à la sécurité nationale en 2009.Footnote 5 Le projet de loi C-34 et l’affaire Lone Pine Resources font l’objet d’une analyse détaillée dans la chronique cette année. Un tour d’horizon des principaux autres faits marquants de 2022 est d’abord effectué.

A. Pratique conventionnelle du Canada

Si le Canada n’a conclu aucun nouvel accord en matière d’investissement en 2022, certains développements doivent être signalés tant dans sa pratique conventionnelle multilatérale que bilatérale.

i. Pratique conventionnelle multilatérale

Les négociations en matière d’investissement se sont poursuivies en 2022 dans différentes enceintes multilatérales où le Canada est présent. Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) a procédé à une importante réforme de ses règlements. En plus de mettre à jour ses règlements d’arbitrage, du mécanisme supplémentaire et de conciliation, le CIRDI adopte de nouveaux règlements sur la médiation et sur la constatation des faits.Footnote 6 Un régime d’arbitrage accéléré est désormais ouvert aux parties, qui peuvent y consentir à tout moment sans autre condition. La transparence de l’arbitrage est accrue, notamment par la présomption voulant que les parties consentent à la publication des sentences arbitrales. L’accès au mécanisme supplémentaire du CIRDI est élargi aux organisations internationales d’intégration économique régionale, comme l’Union européenne, de même qu’en n’exigeant plus qu’au moins une des parties soit membre (ou son État de nationalité en ce qui concerne l’investisseur) du CIRDI. Le financement par les tiers des réclamations doit maintenant être divulgué pendant toute la durée des procédures. Enfin, les nouvelles procédures de médiation et de constatation des faits favorisent la conclusion d’un règlement amiable entre les parties.

À l’Organisation mondiale du commerce (OMC), un projet d’accord sur la facilitation de l’investissement pour le développement a été distribué à la fin 2022.Footnote 7 Ce texte rend compte des progrès substantiels accomplis par les 110 membres de l’OMC participant aux négociations, dont le Canada. Le projet d’accord comprend un texte de convergence pour les sept sections du futur accord, qui doit être conclu en 2023, concernant entre autres la transparence des mesures concernant les investissements, la simplification et l’accélération des procédures administratives, les points de coordination, la cohérence de la réglementation intérieure et la coopération transfrontière. Un Guide d’autoévaluation est en préparation afin d’aider les pays en développement à identifier leurs besoins en matière de facilitation de l’investissement, tablant sur l’expérience acquise par l’OMC avec la facilitation des échanges. Le projet d’accord comporte aussi des “dispositions pare-feu” visant à l’isoler des accords d’investissement existants, alors qu’il ne comporte aucune disposition sur la protection des investissements ou le RDIE.

Les travaux du groupe de travail III de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) sur la réforme du RDIE sont toujours présidés par le Canada.Footnote 8 Ils ont porté plus spécialement sur la sélection et la nomination des membres des tribunaux dans un mécanisme multilatéral permanent de RDIE, sur le projet de code de conduite pour les personnes appelées à trancher un différend relatif à l’investissement, ainsi que sur un centre consultatif multilatéral pour appuyer les pays en développement faisant face à une réclamation. Deux projets de code de conduite distincts pour les arbitres et les juges ont finalement été adoptés par le groupe de travail puis par la CNUDCI.Footnote 9 Le code de conduite pour les arbitres restreint notamment la pratique de la double casquette, suivant laquelle un individu agit comme arbitre et avocat dans deux arbitrages distincts, si ces derniers concernent la même mesure, une même partie ou encore les dispositions du même traité.Footnote 10

Bien que le Canada ne soit pas une partie au Traité sur la Charte de l’énergie (TCE),Footnote 11 il faut mentionner qu’un accord de principe sur sa modernisation est intervenu en juin 2022.Footnote 12 Il vise à renforcer le droit de légiférer de l’État dans l’intérêt public, en rééquilibrant ses dispositions sur l’investissement et le RDIE d’une manière analogue à la pratique conventionnelle récente en la matière. Les parties pourront aussi exclure entièrement les investissements dans le secteur des énergies fossiles de la protection du traité. Par ailleurs, une nouvelle disposition précisera que le RDIE ne s’applique pas entre les États membres d’une organisation d’intégration économique régionale, répondant ainsi à la controverse sur l’application du TCE aux relations intra-Union européenne (UE). Quelques jours auparavant, la Cour de justice de l’UE a jugé irrecevable la demande d’avis présentée par la Belgique sur la compatibilité du mécanisme de RDIE du TCE modernisé avec le droit de l’UE, justement au motif qu’elle était prématurée puisque le texte du traité modernisé n’est pas encore disponible.Footnote 13 Toujours en 2022, la Commission européenne a proposé la conclusion d’un accord entre les États membres de l’UE et l’UE sur l’interprétation du TCE, visant à confirmer qu’il ne s’est jamais appliqué et ne s’applique pas aux relations intra-UE.Footnote 14 Tout ceci n’a pas empêché la décision de plusieurs États membres, dont l’Allemagne, la France et la Pologne, après l’Italie en 2016, de se retirer purement et simplement du TCE. Footnote 15

ii. Pratique conventionnelle bilatérale

Ces retraits du TCE et le rejet du RDIE qui peut les motiver risquent d’avoir une influence néfaste sur la finalisation de la conclusion de l’Accord économique et commercial global entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre part (AECG)Footnote 16 et la mise en application complète de son chapitre sur l’investissement et de son système juridictionnel de RDIE. Seuls les Pays-Bas ont ajouté en 2022 leur ratification à celle des quinze autres État membre de l’UE sur vingt-sept.Footnote 17 Par ailleurs, la Cour suprême d’Irlande a jugé à la majorité dans son arrêt Costello v Government of Ireland Footnote 18 du 11 novembre 2022 que la ratification de l’AECG est incompatible avec la Constitution du pays et la protection qu’elle garantit aux tribunaux nationaux. Une modification de la législation sur l’arbitrage pourrait cependant rendre la ratification possible.

Deux nouvelles ratifications, par la Malaisie et le Pérou, portent à dix les parties à l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP).Footnote 19 En outre, le Royaume-Uni a présenté une demande formelle d’accession au traité en 2021; les négociations entre le groupe de travail sur l’adhésion et le Royaume-Uni sont maintenant conclues pour l’essentiel et un protocole d’adhésion est en préparation.Footnote 20 Le Royaume-Uni opte pour ne pas appliquer le RDIE avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, “in light of the investment relationship” qu’il entretient avec ces pays.Footnote 21 Il apparaît que le RDIE du PTPGP s’appliquera toutefois entre le Canada et le Royaume-Uni. Paradoxalement, le nouvel accord de libre-échange (ALÉ) entre le Canada et le Royaume-Uni, dont la négociation a débuté en 2022, contiendra certes un chapitre sur l’investissement, mais apparemment sans RDIE.Footnote 22 L’approche du Canada se caractérise toujours par l’incohérence en matière de RDIE, ce qui surprend encore plus avec un pays développé comme le Royaume-Uni.

La négociation d’un autre ALÉ a débuté en 2022, avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), alors que celle d’un ALÉ avec l’Indonésie était aussi censée démarrer au cours de l’année.Footnote 23 Les deux nouveaux accords doivent comporter un chapitre sur l’investissement incluant cette fois le RDIE. Aucun nouvel ALÉ n’a été conclu en 2022, leur nombre s’élevant toujours à quinze, dont un est suspendu et huit comportent un chapitre sur l’investissement incluant le RDIE.Footnote 24 Pour la troisième année consécutive, aucun nouvel accord de promotion et de protection des investissements étrangers (APIE) n’a été conclu par le Canada en 2022, leur nombre demeurant à trente-neuf, dont deux sont suspendus.Footnote 25 Le nouvel APIE-type du Canada de 2021 n’a donc pas encore été mis en application dans une négociation bilatérale.

B. Pratique contentieuse du Canada et des investisseurs canadiens

Plusieurs sentences arbitrales sont rendues en 2022 dans le contentieux relatif à l’investissement concernant le Canada et les investisseurs canadiens à l’étranger, alors que seules quelques nouvelles réclamations sont soumises.

i. Différends relatifs aux investissements avec le Canada

Pas moins de quatre sentences finales sont rendues en 2022 dans des différends avec le Canada, se soldant toutes par le rejet de la réclamation de l’investisseur. L’affaire Lone Pine Resources fait l’objet d’une analyse détaillée ci-dessous. Dans l’affaire Westmoreland c Canada (II),Footnote 26 une société de portefeuille américaine détenant des mines de charbon en Alberta réclamait 470 millions de dollars canadiens en dommage, au motif qu’elle n’a pas reçu de compensation au titre du plan provincial de sortie de la filière des centrales thermiques au charbon. Cette mesure aurait violé la clause du traitement national et du traitement juste et équitable (TJE), mais le tribunal arbitral ne se penche pas sur le fond puisqu’il décline compétence. La mesure albertaine contestée a été prise alors que les mines en question appartenaient à une autre société américaine, Westmoreland Coal Company, qui a retiré sa propre réclamation contre le Canada suite au transfert de ses actifs à la société de portefeuille Westmoreland Mining Holding dans le cadre d’un plan de restructuration approuvé par les tribunaux américains.Footnote 27 Le tribunal arbitral interprète les articles 1116 et 1117 de l’ALÉNA comme exigeant que l’investisseur plaignant ait lui-même subi le préjudice pour pouvoir faire une réclamation.Footnote 28 Or seule l’entité juridique succédant à celle qui a subi le préjudice peut hériter de la réclamation, pas l’entité juridique distincte ayant acquis la réclamation après l’adoption de la mesure contestée.Footnote 29 En l’espèce, le tribunal arbitral conclut que la société de portefeuille n’est pas le successeur du propriétaire original et qu’elle n’a donc pas l’intérêt juridique pour présenter la réclamation, qui est entièrement rejetée.Footnote 30

L’affaire Resolute Forest Products c Canada Footnote 31 vise les mesures d’aide offertes par la Nouvelle-Écosse pour relancer une usine à papier dans la province. Ces mesures ont permis à l’usine d’opérer à faible coût au détriment des usines concurrentes d’un investisseur américain situées au Québec. Cet investisseur américain réclamait 121,4 millions de dollars américains au Canada au motif que les mesures contreviennent à la clause du traitement national et du TJE de l’ALÉNA. Une des difficultés de cette affaire est qu’il s’agit de mesures d’une province qui ne visent pas directement l’investisseur étranger établi dans une autre province. Dans une première sentence rendue en 2018, le tribunal arbitral a rejeté l’essentiel des objections du Canada à sa compétence.Footnote 32 L’attribution au Canada du tarif avantageux offert par le fournisseur d’électricité privé de la province est contestée. Le tribunal arbitral décide que l’approbation du tarif par l’autorité provinciale de régulation est attribuable au Canada, mais pas, pour la majorité du tribunal, le contrat de vente d’électricité et le tarif lui-même.Footnote 33 Plusieurs mesures d’aide sont soustraites à l’application de la clause du traitement national selon la majorité du tribunal, en raison de l’exclusion des marchés publics et des subventions ou contributions de l’article 1108(7).Footnote 34 La majorité du tribunal arbitral juge qu’aucune des mesures d’aide non soustraites viole la clause du traitement national, parce que l’investisseur n’a pas fait la preuve prima facie de l’existence d’un traitement moins favorable basé sur la nationalité, dans des circonstances similaires, au regard du critère du lien rationnel avec des politiques d’intérêt public.Footnote 35 Enfin, le tribunal arbitral conclut à l’unanimité que la clause du TJE n’est pas violée, car la Nouvelle-Écosse poursuivait des objectifs rationnels et légitimes avec ses mesures prises dans l’exercice de sa prérogative de puissance publique.Footnote 36 Le simple fait que la province savait que ses mesures pouvaient heurter les usines à papier du Québec n’est pas suffisant pour violer le TJE, pas plus que le fait que les mesures ont permis la production de papier à faible coût, ou encore que la province a accordé un traitement favorable à l’usine.Footnote 37

L’affaire Tennant Energy c Canada Footnote 38 constitue le troisième arbitrage concernant le fameux programme ontarien de tarif de rachat garanti d’électricité ou feed-in tariff (FIT). Ce programme garantissait aux producteurs privés d’électricité un tarif préférentiel à long terme pour l’achat par l’Ontario de l’électricité produite dans les filières solaires et éoliennes, à condition de s’approvisionner auprès de fournisseurs ontariens pour leur équipement de production. La réclamation d’investisseurs américains concernant ce programme a été accueillie dans l’affaire Windstream Energy c Canada (I), mais rejetée dans l’affaire Mesa Power c Canada. Footnote 39 La société américaine Tennant Energy détenait une part, minoritaire en 2015, puis majoritaire en 2016, de l’entreprise ontarienne Skyway 127. Cette dernière s’est vue refuser en 2011 sa demande de contrat de tarif de rachat garanti d’électricité. L’investisseur américain réclamait 116 millions de dollars canadiens en raison de la violation de la clause du TJE de l’ALÉNA. Le tribunal arbitral ne se penche cependant pas sur le fond de l’affaire, puisqu’il décline compétence. Il rejette l’allégation voulant que le propriétaire antérieur des parts minoritaires de l’entreprise ontarienne les détenait depuis 2011 en fidéicommis pour le compte de Tennant Energy.Footnote 40 Par ailleurs, puisque l’investisseur a acquis une part majoritaire de l’entreprise ontarienne seulement en 2016, il ne la contrôlait ni directement ni indirectement avant cette date.Footnote 41 Ainsi Tennant Energy n’était pas un investisseur au sens de l’article 1116 au moment des faits litigieux, avant 2015.Footnote 42 Le tribunal arbitral note que l’investisseur demeure très flou sur la date à laquelle la violation de l’ALÉNA aurait eu lieu, mais conclut que les mesures contestées ont été prises entre 2008 et 2013.Footnote 43 Il rejette l’argument voulant qu’il faille retenir la date à laquelle l’investisseur a eu connaissance de la violation, soit 2015 selon Tennant Energy, afin d’établir sa qualité d’investisseur.Footnote 44 Aux termes de l’article 1116(2), la date de connaissance de la violation est seulement pertinente pour le calcul du délai de prescription de trois ans pour présenter la réclamation; la qualité d’investisseur doit être établie au moment de la violation de l’ALÉNA. Le tribunal se penche enfin sur la possibilité de transmettre une réclamation et examine attentivement l’affaire Westmoreland (II) à ce sujet. Il applique les principes dégagés dans cette affaire pour conclure que Tennant Energy n’est pas le successeur du propriétaire antérieur des parts minoritaires de l’entreprise ontarienne.Footnote 45

Bien que le régime transitoire de RDIE prévu par l’ACÉUM pour les investissements réalisés sous le régime de l’ALÉNA expire le 30 juin 2023, le Canada ne fait pas l’objet d’une avalanche de nouvelles réclamations. Une seule est à signaler dans l’affaire Ruby River Capital c Canada. Footnote 46 Cette affaire porte sur le refus d’autoriser un projet de complexe industriel de liquéfaction de gaz naturel dans le port de Saguenay, au Québec, pour des motifs environnementaux. L’investisseur américain réclame des dommages astronomiques de 20 milliards de dollars américain en réparation, une somme record dans le RDIE en Amérique du Nord. Il s’agit de la première réclamation concernant un investissement antérieur à l’ACÉUM contre le Canada et portant sur un différend qui serait né après l’extinction de l’ALÉNA. La question centrale que cela soulève est celle de savoir si le régime transitoire de RDIE de l’ACÉUM concerne uniquement les différends nés sous le régime de l’ALÉNA ou s’il vise aussi ceux nés sous celui de l’ACÉUM. Dans l’affaire TC Energy et TransCanada c États-Unis II,Footnote 47 Washington conteste vigoureusement l’application du régime transitoire aux différends nés après l’extinction de l’ALÉNA.

Seules quatre affaires demeurent pendantes contre le Canada avec, en plus de l’affaire Ruby River Capital, les affaires Einarsson c Canada,Footnote 48 Windstream Energy c Canada (II),Footnote 49 et Koch c Canada. Footnote 50 Ces deux dernières affaires sont également soumises en vertu du régime transitoire de RDIE de l’ACÉUM, mais contrairement à l’affaire Ruby River Capital, elles concernent un différend né avant l’extinction de l’ALÉNA. L’affaire Windstream Energy (II) n’est pas nouvelle, mais elle a été rendue publique tardivement. Elle fait suite à l’affaire Windstream Energy (I), dans laquelle le Canada a dû verser vingt-cinq millions de dollars canadiens en dommages à l’investisseur américain, qui détenait un contrat de tarif de rachat garanti d’électricité, pour avoir violé la clause du TJE en raison d’un moratoire imposé par l’Ontario à la filière éolienne extracôtière. De nouvelles mesures provinciales prises avant l’extinction de l’ALÉNA sont à l’origine de cette seconde affaire, dont la résiliation définitive du contrat, pour lesquelles Windstream Energy réclame 333 millions de dollars américains en dommage causé par la violation de la clause d’expropriation et de la clause du TJE.

Avec trente-deux réclamations, le Canada recule ainsi encore un peu dans le palmarès des pays les plus poursuivis au titre du RDIE, glissant au neuvième rang, derrière l’Argentine (62 réclamations), le Venezuela (59), l’Espagne (56), l’Égypte (46), la République tchèque (42), le Mexique (41), la Pologne (36) et le Pérou (33).Footnote 51

ii. Différends relatifs aux investissements canadiens à l’étranger

Deux sentences ont été rendues en 2022 dans des différends impliquant des investisseurs canadiens à l’étranger, rejetant la réclamation dans les deux cas. L’affaire Sastre c Mexique Footnote 52 comporte plusieurs aspects originaux. Six individus faisaient une réclamation consolidée de 80 millions de dollars américains contre le Mexique en raison de la saisie de leurs immeubles en front de mer, dont des hôtels, détenus en vertu d’un régime spécial de propriété communautaire. Le Mexique n’acceptait pas la consolidation des réclamations, présentées qui plus est sur le fondement de quatre traités différents, soit l’ALÉNA et les traités bilatéraux d’investissement (TBI) du Mexique avec l’Argentine, la France et le Portugal. Trois des individus avaient renoncé à leur nationalité d’origine lors de leur naturalisation mexicaine, alors que deux autres individus détenaient une double nationalité. Le tribunal arbitral ne se prononce ni sur le fond de l’affaire, ni sur la contestation de la consolidation de ces réclamations faites en vertu de traités distincts, puisqu’il décline compétence pour des raisons propres à chaque individu.Footnote 53 La réclamation d’un premier individu est rejetée au motif qu’il était domicilié au Mexique lors de la violation alléguée du TBI avec l’Argentine, alors que ce dernier exclut l’accès au RDIE pour les investisseurs étrangers établis au Mexique.Footnote 54 Le tribunal arbitral refuse l’utilisation de la clause du traitement de la nation la plus favorisée (NPF) afin d’attraire les conditions d’accès au RDIE plus favorable du TBI avec la France, puisque cela concerne la compétence.Footnote 55 Au surplus, le même individu ainsi que deux autres ont renoncé à leur nationalité d’origine, argentine ou portugaise, lors de leur naturalisation mexicaine. Le tribunal arbitral conclut que ce changement de nationalité est conforme à la législation mexicaine et que l’ancienne nationalité des trois individus est inopposable au Mexique, bien qu’ils aient pu la conserver au regard de la législation de leur pays d’origine.Footnote 56 Un quatrième individu de nationalité française échoue quant à lui à convaincre le tribunal arbitral de sa qualité d’investisseur, puisque son investissement allégué n’a pas été fait en conformité avec la législation mexicaine.Footnote 57 Enfin, les deux derniers individus détenaient la double nationalité mexicaine et canadienne et fondaient leur réclamation sur l’ALÉNA. Dans un cas, l’individu détenait exclusivement la nationalité mexicaine lors de la réalisation de l’investissement, alors que la législation mexicaine interdisait aux étrangers de faire une telle opération.Footnote 58 Si l’individu était exclusivement mexicain lors des faits litigieux, il ne peut pas bénéficier du RDIE contre le Mexique. De plus, la législation mexicaine n’aurait pas permis à un étranger de réaliser l’investissement en question, ce qui signifie qu’il n’y aurait pas d’investissement si l’individu était canadien. Dans l’autre cas, l’individu n’a réalisé aucun investissement lui-même, aussi ne réussit-il pas à se qualifier comme investisseur au regard de l’ALÉNA. Footnote 59

La sentence n’a pas été publiée dans la seconde affaire, Korsgaard c Croatie,Footnote 60 dans laquelle le tribunal arbitral déclinerait compétence. Cette affaire peu publicisée concernait le refus de la Croatie de reconnaître les titres de propriété acquis de sociétés serbes sur plusieurs immeubles sur la côte adriatique dans le contexte de la dissolution de l’ex-Yougoslavie. L’investisseur réclamait 230 millions d’euros en réparation de son expropriation alléguée, mais le tribunal arbitral aurait rejeté la réclamation au motif que les titres de propriété ne pouvaient pas avoir été acquis légalement dans le contexte de la succession d’États qui existait alors et qu’il n’y aurait donc pas eu d’investissement. Cette affaire illustre le fait que les investisseurs canadiens utilisent le RDIE contre des États membres de l’UE, ce qui doit être souligné dans le contexte de la ratification de l’AECG et de son système juridictionnel de RDIE. Si ce système devait ne jamais être mis en application, les investisseurs canadiens pourront toujours compter sur les APIE qui lient le Canada avec sept États membres d’Europe centrale et orientale. L’affaire montre aussi le problème de transparence du RDIE lorsque ce sont des investisseurs canadiens qui l’utilisent sur le fondement de traités conclus par le Canada.

Deux nouvelles affaires ont été initiées en 2022 par des investisseurs canadiens. L’affaire Coropi c Serbie Footnote 61 concernerait un investissement dans un projet immobilier et serait fondée à la fois sur l’APIE Canada-Serbie et le TBI Chypre-Serbie. Elle mettrait en cause la résiliation unilatérale par les autorités serbes de contrats de privatisation et impliquerait les mêmes parties que l’affaire pendante Rand Investments c Serbie. Footnote 62 Une banque canadienne ferait par ailleurs une réclamation sur la base de l’ALÉ Canada-Pérou, dans l’affaire Bank of Nova Scotia c Pérou,Footnote 63 en raison du rejet du recours judiciaire de sa filiale péruvienne contre des mesures fiscales. Enfin, il faut souligner que l’Alberta n’a toujours pas donné suite à sa notification d’intention de faire une réclamation contre les États-Unis concernant le projet d’oléoduc Keystone XL,Footnote 64 en plus de la réclamation de l’investisseur privé dans l’affaire TC Energy et TransCanada c États-Unis (II). Footnote 65

Au terme de l’année 2022, dix-neuf affaires initiées par des investisseurs canadiens restent pendantes contre des pays des Amériques, d’Europe et d’Afrique. En Amérique du Nord, deux réclamations visent les États-Unis et deux le Mexique sur la base de l’ALÉNA ou du régime transitoire de RDIE de l’ACÉUM. Footnote 66 Huit affaires visent des pays d’Amérique centrale ou du Sud,Footnote 67 alors que cinq affaires visent des pays européens,Footnote 68 dont deux des États membres de l’UE situés en Europe centrale et orientale. Enfin, deux affaires visent un pays d’Afrique concernant des différends miniers.Footnote 69 Les investisseurs canadiens se classent toujours au sixième rang des plus grands utilisateurs du RDIE, avec 65 réclamations, derrière les investisseurs américains (214), néerlandais (130), britanniques (101), allemands (80) et espagnols (68), suivis de près par les investisseurs français (64).Footnote 70

2. Le projet de loi C-34 sur la modification de la Loi sur Investissement Canada

Le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie propose avec le projet de loi C-34 une série de modifications au mécanisme d’examen des investissements étrangers relatif à la sécurité nationale prévu par la Loi sur Investissement Canada. Footnote 71 Cette réforme s’inscrit dans le contexte général de la détérioration des relations internationales, qui soulève de nombreuses préoccupations stratégiques et géopolitiques face aux investissements en provenance de certaines puissances étrangères comme la Chine ou la Russie.Footnote 72 Ce phénomène de resserrement de l’examen des investissements étrangers relatif à la sécurité nationale s’observe d’ailleurs partout dans le monde et s’est accéléré depuis la pandémie de la COVID-19, bien qu’il ait débuté avant.Footnote 73

A. Les deux mécanismes d’examen des investissements étrangers

La Loi sur Investissement Canada prévoit deux mécanismes d’examen des investissements étrangers. Le premier, de nature économique, est le mécanisme original et vise à bloquer les investissements d’envergure qui ne sont pas à l’avantage net du Canada. Des seuils monétaires déterminent l’assujettissement au mécanisme et seule l’acquisition du contrôle d’une entreprise canadienne est visée, par opposition à l’établissement d’une nouvelle entreprise.Footnote 74 Une demande d’examen doit être présentée au Directeur des investissements du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique pour les projets d’investissements soumis au mécanisme.Footnote 75 L’investissement ne peut être réalisé que s’il est autorisé par le Ministre et l’investisseur peut devoir prendre des engagements écrits pour le convaincre que l’investissement est à l’avantage net du Canada.Footnote 76 En cas de refus d’autorisation, le ministre est obligé d’en fournir les motifs depuis 2009.Footnote 77 Les projets d’investissement non soumis au mécanisme doivent simplement faire l’objet d’un avis au directeur.Footnote 78 Le Ministre a refusé seulement deux projets d’investissement étranger au titre de ce mécanisme depuis sa création.Footnote 79

Le second mécanisme, ajouté en 2009, concerne la sécurité nationale et obéit à des règles complètement différentes. La portée de ce mécanisme est beaucoup plus large que celle du mécanisme d’examen de l’avantage net, puisqu’il vise toutes les opérations d’investissement étranger, peu importe leur valeur, soit tant la constitution d’une nouvelle entreprise que l’acquisition du contrôle d’une entreprise, ou encore la constitution ou l’acquisition d’une unité possédant un établissement, des actifs ou employant au moins une personne.Footnote 80 Au surplus, le mécanisme ne s’applique pas seulement avant la réalisation de l’investissement, mais peut aussi être mis en action après celle-ci, pouvant mener à la cession obligatoire de l’investissement. Le ministre peut aviser l’investisseur de la possibilité qu’il fasse l’objet d’un examen de sécurité nationale dans les quarante-cinq jours suivant l’avis d’investissement ou la demande d’examen de l’avantage net, ou encore dans les cinq ans suivant la constitution ou l’acquisition d’une unité non soumise à ces exigences.Footnote 81 Compte tenu des enjeux, c’est le cabinet lui-même qui prend par décret la décision de soumettre l’investissement à un examen de sécurité nationale par le ministre, en consultation avec le ministre de la Sécurité Publique et de la Protection civile.Footnote 82 Le ministre peut soit décider qu’aucune mesure supplémentaire n’est requise, soit renvoyer le dossier au cabinet pour qu’il prenne un décret bloquant l’investissement, l’autorisant à condition que des engagements écrits soient pris, ou encore ordonnant sa cession.Footnote 83 Comme un examen de sécurité nationale peut être déclenché rétroactivement jusqu’à cinq ans après la réalisation de l’investissement, en ce qui concerne la constitution ou l’acquisition d’une unité, le ministre a introduit une procédure de dépôt d’un avis volontaire afin de permettre aux investissements potentiellement sensibles de régulariser leur situation du point de vue de l’examen de sécurité nationale, en obtenant une décision à ce sujet.Footnote 84 Contrairement au mécanisme d’examen de l’avantage net, celui relatif à la sécurité nationale conduit beaucoup plus souvent au blocage ou à la cession obligatoire d’investissements étrangers. Entre 2017 et 2022, soixante-dix investissements ont fait l’objet d’un avis de la possibilité qu’ils fassent l’objet d’un examen de sécurité, dont trente-neuf ont fait l’objet d’un tel examen, au terme duquel quinze n’ont fait l’objet d’aucune mesure supplémentaire, quatorze ont été retirés volontairement par l’investisseur, sept investissements ont été cédés obligatoirement et deux bloqués, alors qu’un dernier examen était toujours en cours.Footnote 85

B. Les modifications proposées relatives à l’examen de sécurité nationale

Le projet de loi C-34 ne porte que sur le mécanisme d’examen des investissements étrangers relatif à la sécurité nationale. Il vise à faciliter et renforcer l’application du mécanisme, dans le contexte actuel des risques stratégiques et géopolitiques accrus posés par l’investissement étranger au Canada. Plus tôt en 2022, le ministre a publié un énoncé de politique indiquant que tout investissement ayant des liens directs ou indirects avec l’État russe l’amènera à conclure qu’il doit aviser l’investisseur de la possibilité qu’il soit soumis à un examen de sécurité.Footnote 86 À cela s’ajoute une nouvelle politique concernant les investissements par des entreprises d’État étrangères dans les minéraux critiques, cruciaux pour les secteurs de la défense et des hautes technologies, qui amèneront le ministre à la même conclusion.Footnote 87 Sept modifications distinctes de la Loi sur Investissement Canada sont proposées par le projet de loi C-34.

Le déclenchement du mécanisme d’examen relatif à la sécurité nationale sera facilité par une nouvelle exigence de dépôt d’un avis d’investissement préalable à sa réalisation dans des secteurs sensibles désignés par règlement.Footnote 88 Cela vise à permettre au gouvernement fédéral de faire une veille sur ces investissements et à prévenir l’accès à des actifs stratégiques intangibles, comme de la propriété intellectuelle ou des secrets commerciaux, immédiatement après la réalisation de l’investissement.

La conduite de l’examen de sécurité nationale est facilitée par une série de modifications. La prolongation de l’examen n’exigera plus l’adoption d’un décret, mais pourra être faite par une simple décision du ministre, un processus moins lourd, qui donnera plus de temps aux experts pour analyser les dossiers.Footnote 89 Le ministre pourra maintenant imposer des mesures provisoires à l’égard d’un investissement faisant l’objet d’un examen, afin de réduire les risques d’atteintes à la sécurité nationale pendant l’examen, comme le transfert d’actifs intangibles sensibles.Footnote 90 À la fin de l’examen, les mesures provisoires pourraient être converties en engagement permanent ou être supprimées. Enfin, l’imposition d’engagements écrits sera facilitée puisqu’ils pourront aussi être imposés, modifiés ou supprimés par le ministre plutôt que par décret gouvernemental.Footnote 91 Ces engagements peuvent par exemple exiger le consentement du gouvernement à l’emplacement géographique des activités de l’investissement, pour éviter qu’il se trouve trop près d’actifs canadiens stratégiques, ou encore créer des protocoles de sécurité pour protéger l’information ou l’accès à un lieu particulier, ou encore permettre des inspections.

Le caractère contraignant du mécanisme d’examen est renforcé par l’augmentation de la pénalité de 10 000$ à 25 000$ par jour par infraction, ainsi que par l’ajout d’une nouvelle pénalité d’au moins 500 000$ en cas de défaut de déposer le nouvel avis préalable introduit par le projet de loi.Footnote 92 Un mécanisme d’indexation des pénalités est aussi prévu. Le renforcement de la pénalité vise aussi le mécanisme d’examen de l’avantage net. De nouvelles dispositions protégeront les informations sensibles recueillies pendant l’examen de sécurité nationale, afin qu’elles n’aient pas à être divulguées devant les tribunaux lors du contrôle judiciaire des décisions prises dans le cadre du mécanisme.Footnote 93 Finalement, la coopération internationale en matière de sécurité sera facilitée par de nouvelles dispositions qui permettront au gouvernement de communiquer à d’autres pays les renseignements sensibles recueillis concernant un investisseur pendant un examen de sécurité nationale.Footnote 94 Cette coopération est particulièrement développée entre le Canada et les autres pays membres du Groupe des cinq (le “Five Eyes”), soit les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

C. Éléments de réforme non prévus par le projet de loi C-34

Les partis d’opposition aux Communes ont indiqué qu’ils présenteraient plusieurs amendements au projet de loi C-34, afin d’ajouter des éléments de réforme à la Loi sur Investissement Canada. Footnote 95 Le fait que le projet de loi se limite au mécanisme d’examen relatif à la sécurité nationale est l’une des critiques qui lui est faite, alors qu’un rapport du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie adopté en 2021 comporte des recommandations couvrant un spectre plus large.Footnote 96 Bien qu’il soit rarissime que le mécanisme d’examen de l’avantage net conduise au blocage d’un projet d’investissement, il faut souligner que son abolition au profit du renforcement du mécanisme d’examen relatif à la sécurité nationale n’est pas du tout envisagée.

Un resserrement du contrôle des investissements par les entreprises d’État étrangères est recommandé, afin de rendre automatique leur soumission aux deux mécanismes d’examen.Footnote 97 La définition d’entreprise d’État pourrait aussi devoir être élargie afin de s’assurer qu’elle couvre les entreprises contrôlées en réalité par un État étranger, sans qu’il en soit propriétaire majoritaire.Footnote 98 Le Comité recommande aussi de rendre possible l’examen de la prise de contrôle ultérieure par une entreprise d’État étrangère d’une entreprise canadienne dont l’acquisition par un investisseur étranger privé a été autorisée.Footnote 99 En ce qui concerne le mécanisme d’examen relatif à la sécurité nationale, le Comité recommande son élargissement à toute transaction visant le transfert de biens de nature sensible à un investisseur étranger, ainsi que la consultation obligatoire au cours de l’examen du Service canadien du renseignement de sécurité, de la Gendarmerie royale du Canada, ainsi que du Centre de la sécurité des télécommunications.Footnote 100 Des recommandations visent spécialement le mécanisme d’examen de l’avantage net, afin de prévoir la révision annuelle des seuils d’assujettissement monétaires, ainsi que l’obligation pour le ministre de motiver ses décisions autorisant un investissement aux termes de l’examen et de publier les engagements écrits pris par l’investisseur.Footnote 101 Le problème général du traitement des biens incorporels, ou actifs stratégiques intangibles, dans les domaines de l’innovation, de la propriété intellectuelle ou des données, est aussi épinglé par le comité, tout comme celui de la protection d’autres secteurs sensibles comme la santé, l’industrie pharmaceutique, l’agroalimentaire, l’industrie manufacturière, ou les ressources naturelles.Footnote 102 Il recommande aussi de décourager les entreprises canadiennes de vendre leurs actifs stratégiques intangibles développés grâce à des fonds fédéraux, en exigeant leur remboursement si nécessaire.Footnote 103 Des préoccupations relatives au secteur de la pêche sont également exprimées par les partis d’opposition.Footnote 104

3. Lone Pine Resources: l’interdiction québécoise du gaz de schiste face à l’ALÉNA

L’affaire Lone Pine Resources met en cause l’interdiction par le Québec de la filière énergétique hautement controversée du gaz de schiste. Elle montre à nouveau que les craintes que font peser le RDIE sur le droit de légiférer de l’État pour protéger l’environnement sont peut-être exagérées, puisque l’investisseur essuie un échec cuisant. La société américaine Lone Pine Resources détient une filiale canadienne, la société Lone Pine Resources Canada depuis 2011. La filiale canadienne mène des activités d’exploration et d’exploitation gazière et pétrolière dans l’Ouest canadien et au Québec. Après avoir fait sa réclamation contre le Canada, l’investisseur américain connaîtra des difficultés financières importantes sans lien avec la présente affaire. En 2016, l’investisseur américain fusionne avec une société canadienne pour former la nouvelle société canadienne Prairie Provident Resources.Footnote 105 Au moment des faits litigieux, Lone Pine Resources est toujours un investisseur américain.

La filiale canadienne de l’investisseur américain n’a jamais été titulaire de permis d’exploration au Québec. Elle s’est plutôt associée à la société québécoise Junex, qui a acquis quatre permis terrestres et un permis fluvial attenant à la zone couverte par les permis terrestres. La filiale canadienne s’est associée à Junex au moyen d’un contrat d’affermage, par lequel elle devait procéder à l’exploration du potentiel gazier des zones visées par les permis, ainsi que par des contrats de cession des intérêts économiques directs découlant des permis terrestres et du permis fluvial. Des activités d’exploration ont été conduites dans les zones couvertes par les permis terrestres. La révocation sans compensation du permis fluvial par l’adoption en 2011 du projet de loi 18Footnote 106 a conduit l’investisseur américain à réclamer 103,6 millions de dollars américains en dommage au nom de sa filiale canadienne, sur la base de l’article 1117 de l’ALÉNA.

Dans sa notification d’arbitrage soumise en 2013 suivant le règlement d’arbitrage de la CNUDCI, l’investisseur allègue que la mesure québécoise constitue une expropriation indirecte et qu’elle viole aussi la clause du TJE. L’attribution au Canada des agissements du Québec ne fait pas débat dans cette affaire, où le principe d’unité de l’État est appliqué automatiquement.Footnote 107 Les procédures arbitrales s’étendent sur une dizaine d’années, ce long délai s’expliquant notamment par un débat sur la production de documents et par le décès du président initial du tribunal. Pour la première fois, le Canada demande que l’arbitrage se déroule à la fois en anglais et en français, ce à quoi le tribunal agréé malgré l’opposition de l’investisseur américain.Footnote 108 Compte tenu des enjeux environnementaux soulevés par l’affaire, deux demandes d’autorisation de soumettre un mémoire d’amicus curiae sont déposées auprès du tribunal, dont seule celle du Centre québécois de droit de l’environnement est autorisée.Footnote 109 Le tribunal, composé du président Albert Jan van den Berg, et des coarbitres David R Haigh et Brigitte Stern, rend une sentence unique le 21 novembre 2022, dans laquelle il se reconnaît certes compétent, mais rejette la réclamation sur le fond.

A. La fermeture graduelle de la filière du gaz de schiste au Québec

L’évolution récente des technologies permet l’exploitation du gaz de schiste, au moyen du forage horizontal et de la fracturation hydraulique, qui permet de le libérer des formations rocheuses dans lesquelles il est emprisonné.Footnote 110 La fracturation hydraulique s’effectue par l’injection de quantités importantes d’eau mélangée avec des additifs chimiques. L’engouement pour ce gaz naturel non classique est tel que l’on parle de “révolution du gaz de schiste,”Footnote 111 en raison de la transformation profonde des filières d’approvisionnement en hydrocarbures qu’il induirait. Les plus importants producteurs au monde sont les États-Unis et le Canada, où il est extrait dans les provinces de l’Ouest. De nombreux risques sont toutefois associés à cette technologie, comme l’émission de gaz toxique lors du nettoyage du gaz avec une torchère, ou encore la contamination des nappes phréatiques avec les eaux usées utilisées pour la fracturation. Plusieurs pays ou entités fédérées en sont venus à interdire cette industrie en attendant d’avoir suffisamment de connaissances scientifiques sur ses impacts sanitaires et environnementaux, comme l’Australie, la France, ou encore l’État de New York ou la province du Nouveau-Brunswick.Footnote 112

Le massif d’Utica, situé dans les basses-terres du Saint-Laurent entre Montréal et Québec, contient d’importantes réserves de gaz de schiste. Après avoir soutenu de manière enthousiaste cette nouvelle filière énergétique, en 2009, en accordant des permis d’exploration dans cette région agricole et densément habitée, le gouvernement du Québec a graduellement restreint ces activités, jusqu’à les interdire complètement en 2022. La contestation sans précédent de cette industrie par la société civile a joué un rôle capital dans ce changement de cap. Tout en refusant d’imposer un moratoire sur l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste, le gouvernement a d’abord donné en 2010 au Bureau des audiences publiques sur l’environnement (BAPE) le mandat de proposer un cadre de réglementation pour cette industrie. La multiplication d’incidents et les pratiques discutables de l’industrie l’ont conduit en 2011 à suivre la recommandation du BAPE de resserrer les règles en attendant une évaluation écologique stratégique complète par un comité spécial.Footnote 113 Aucune nouvelle fracturation ne serait permise en attendant les résultats de cette évaluation. L’adoption en 2011 du projet de loi 18 a interdit toute activité pétrolière ou gazière sous le fleuve Saint-Laurent, tout en révoquant les permis fluviaux existants et ce sans compensation, y compris celui de Junex dans lequel l’investisseur américain détenait des droits.

Bien que les développements ultérieurs n’intéressent pas la réclamation de Lone Pine Resources, ils permettent néanmoins de la situer dans son contexte et montrent les recours internes que peuvent aussi exercer les entreprises qui n’ont pas accès au RDIE. Le nouveau gouvernement élu en 2012 a pris une position plus ferme contre la filière du gaz de schiste. Il a confié au BAPE le soin de poursuivre les travaux du comité spécial, tout en présentant 2013 un projet de loi qui aurait imposé un moratoire complet de cinq ans sur l’industrie dans les basses-terres du Saint-Laurent en attendant qu’un nouveau régime législatif soit adopté.Footnote 114 Ce projet de loi est mort au feuilleton avec l’élection d’un nouveau gouvernement en 2014, lequel a pris acte du rapport du BAPE voulant que la filière du gaz de schiste soulevait des risques importants et ne jouissait pas d’une acceptation sociale suffisante, alors que le contexte économique rendait l’industrie moins attrayante.Footnote 115 À la veille des élections de 2018, le gouvernement du Québec a adopté une série de règlements en vertu de la nouvelle loi sur les hydrocarbures afin d’interdire la fracturation hydraulique dans le massif d’Utica, ce qui a mis un terme à la filière du gaz de schiste dans les basses-terres du Saint-Laurent, sans prévoir d’indemnisation pour les détenteurs de permis.Footnote 116 Une société albertaine détentrice de permis, Questerre Energy, a demandé l’annulation de ces mesures à la Cour supérieure du Québec.Footnote 117 Enfin, le nouveau gouvernement élu en 2018 ferme définitivement la filière pétrolière et gazière au Québec avec l’adoption du projet de loi 21 en 2022.Footnote 118 Tous les permis d’exploration délivrés sont révoqués et une compensation globale de 100 millions de dollars est prévue, y compris pour contribuer aux frais de fermeture et de restauration des puits. Cette loi fait maintenant l’objet d’une contestation judiciaire par dix-huit entreprises qui attaquent sa constitutionnalité et allèguent avoir subi une expropriation déguisée leur ayant fait subir des préjudices qui pourraient atteindre de trois à cinq milliards de dollars canadiens.Footnote 119

B. L’échec des objections du Canada à la compétence du tribunal arbitral

Le tribunal arbitral rejette à l’unanimité les deux objections du Canada à sa compétence, concernant l’inexistence d’un investissement par Lone Pine Resources, de même que l’absence de connexion juridique substantielle entre cette dernière et le projet de loi 18.

i. L’acquisition d’intérêts dans les permis constitue un investissement

Le Canada soutient que l’acquisition par la filiale canadienne d’intérêts économiques directs dans le permis fluvial révoqué ne constitue pas un investissement aux termes de l’article 1139(g) et (h) de l’ALÉNA. Le paragraphe 1139(g) vise les biens immobiliers ou autres biens corporels et incorporels acquis dans le but de réaliser un bénéfice économique, alors que le paragraphe 1139(h) vise les intérêts découlant de l’engagement de capitaux ou d’autres ressources pour une activité économique, par exemple en raison de contrats supposant la présence de biens. Le tribunal arbitral considère que les intérêts acquis par Lone Pine Resources dans le permis fluvial révoqué constituent un investissement au sens du paragraphe 1139(h). Des capitaux ont bien été engagés par l’investisseur aux termes du contrat d’affermage et visait aussi à couvrir l’acquisition des intérêts économiques directs dans les permis terrestres et le permis fluvial.Footnote 120 De manière importante, le tribunal souligne qu’il n’est pas nécessaire que le contrat ait été passé entre l’État hôte et l’investisseur pour satisfaire à la définition d’investissement.Footnote 121 Ainsi est-il inutile d’examiner si l’acquisition des intérêts sur le permis fluvial est aussi un investissement au sens du paragraphe 1139(g).

ii. L’existence d’une connexion juridique substantielle entre Lone Pine Resources et la loi

La seconde objection du Canada à la compétence du tribunal arbitral consiste à dire que le projet de loi 18 ne concerne pas la filiale canadienne de l’investisseur américain. Le Canada s’appuie sur le test développé dans l’affaire Methanex c États-Unis Footnote 122 concernant l’article 1101(1) de l’ALÉNA, qui exige qu’une connexion juridique substantielle existe entre la mesure contestée et l’investisseur ou son investissement. Ce test vise à exclure les réclamations d’investisseurs qui sont touchés de manière trop indirecte par une mesure, comme le fournisseur d’un intrant qui entrerait dans la fabrication d’un produit interdit. Pour le Canada, la filiale canadienne est simplement touchée par la mesure, puisque c’est Junex qui détenait le permis.

Le tribunal arbitral convient que le test de Methanex s’applique et exige une connexion juridique substantielle entre le projet de loi 18 et la filiale canadienne, ce qui implique davantage que de simples effets sur celle-ci.Footnote 123 Il résume les facteurs à considérer pour déterminer si une telle connexion existe: (1) l’existence d’un effet direct immédiat de la mesure sur l’investisseur ou l’investissement; (2) la constitution d’un obstacle juridique aux activités de l’investisseur; et (3) l’appartenance de l’investisseur à une catégorie déterminée d’investisseurs.Footnote 124 Le tribunal précise en outre qu’il n’est pas nécessaire d’établir l’existence d’une intention de pénaliser l’investisseur ou son investissement pour établir la connexion requise par l’article 1101(1).Footnote 125 Pour le tribunal arbitral, la filiale canadienne appartient à une catégorie déterminée d’investisseurs détenant des droits d’exploration dans la zone couverte par le permis fluvial.Footnote 126 Tant le permis fluvial que les droits que la filiale détenait dans celui-ci sont directement touchés par le projet de loi 18, puisque les deux étaient ciblés et ont été anéantis.Footnote 127 La filiale canadienne n’a pas à détenir le permis elle-même pour appartenir à une catégorie d’investisseur directement visée par la mesure: il n’est pas nécessaire que la filiale canadienne ait une relation juridique directe avec l’État pour établir une connexion juridique substantielle.Footnote 128

C. La licéité du comportement du Canada à l’égard de Lone Pine Resources

Bien qu’il rejette à l’unanimité les objections du Canada à sa compétence, le tribunal arbitral rejette toutefois la réclamation de Lone Pine Resources sur le fond, refusant de voir dans les agissements du Québec une expropriation indirecte ou, à la majorité cette fois, un traitement injuste ou inique contraire à la coutume internationale.

i. La conformité avec la clause sur l’expropriation

Le cœur de la réclamation de Lone Pine Resources réside dans l’argument voulant que la révocation sans compensation du permis fluvial par le Québec constitue une expropriation indirecte des droits de sa filiale canadienne dans le permis. Le tribunal arbitral décide de se prononcer d’abord sur la nature expropriatoire des agissements du Québec. Il précise la définition de la notion d’expropriation directe ou indirecte prévue par l’article 1110(1), en rappelant qu’elle doit être déterminée en conformité avec la définition du terme en droit international coutumier.Footnote 129 Cette définition est claire et exige dans le cas de l’expropriation directe une “prise directe” ou un “transfert ou une saisie pure et simple” de la propriété de l’investisseur ou, dans celui de l’expropriation indirecte, une “privation substantielle,” c’est-à-dire “totale ou quasi-totale,” de cette propriété sans transfert formel du titre ou saisie pure et simple.Footnote 130

De manière cruciale pour les fins de l’affaire, le tribunal arbitral considère qu’il faut faire la distinction entre la qualification d’un investissement au sens du champ d’application matériel de l’ALÉNA et celle d’un investissement susceptible d’être exproprié au sens de l’article 1110(1): un investissement peut être protégé par l’ALÉNA, mais ne pas être susceptible d’expropriation.Footnote 131 Si différentes parties d’un investissement global peuvent être considérées comme des investissements distincts pour les fins de l’établissement de la compétence matérielle du tribunal arbitral, c’est bien l’investissement global qui doit servir de référence pour établir l’existence ou non d’une expropriation.Footnote 132 Or l’investissement global de Lone Pine Resources en l’espèce se compose de ses droits dans le permis fluvial ainsi que dans les quatre permis terrestres.Footnote 133 L’ensemble du dossier démontre que le projet d’exploration et d’exploitation du gaz de schiste de l’investisseur dans les zones couvertes par les permis était un seul et même projet intégré. Le tribunal arbitral s’appuie sur l’admission de l’investisseur lui-même pour conclure qu’il n’y a aucune expropriation en l’espèce. Lors des audiences sur le fond, Lone Pine Resources a admis que si le tribunal devait considérer son investissement global dans les permis terrestres et le permis fluvial, elle abandonnerait sa demande relative à l’expropriation!Footnote 134 Néanmoins, il poursuit son analyse pour conclure que les droits dans le permis fluvial ne constituent pas le cœur du projet d’investissement de Lone Pine Resources, ce qui signifie que la révocation de ce permis ne constitue pas une privation substantielle de la totalité ou de la quasi-totalité de son investissement global.Footnote 135 Au surplus, Lone Pine Resources pouvait poursuivre ses activités dans la zone couverte par les permis terrestres au moment de sa réclamation.Footnote 136 Le tribunal arbitral conclut donc que les agissements du Québec ne sont pas de nature expropriatoire.

L’affaire Lone Pine Resources peut décevoir à cet égard, puisque le tribunal arbitral ne se penche pas du tout sur le droit de légiférer de l’État pour protéger l’environnement ou sur la doctrine des pouvoirs de police. Il prend pourtant aussi la peine d’exposer en détails les arguments avancés par le Centre québécois de droit de l’environnement concernant le principe de précaution et le droit de légiférer de l’État pour protéger l’environnement, sans les utiliser dans son raisonnement.Footnote 137 Puisque la réclamation pour expropriation indirecte peut être écartée en raison des faits précis de l’espèce, il est difficile d’en tirer des enseignements généraux pour les cas où l’investissement global serait touché par la mesure contestée. Les faits subséquents survenus au Québec concernant la filière du gaz de schiste soulèvent aussi des questions. La réclamation de Lone Pine Resources était-elle prématurée? Une réclamation sous le régime transitoire de l’ACÉUM après la révocation de l’ensemble des permis au Québec en 2022, malgré la compensation prévue, aurait-elle eu plus de chance de succès?

ii. La conformité avec la clause du TJE

Le second argument de fond de Lone Pine Resources est que les agissements du Québec à son endroit sont contraires à la clause du TJE de l’article 1105(1) de l’ALÉNA. Les parties s’entendent pour dire que cette clause doit s’interpréter conformément aux Notes d’interprétation de certaines dispositions du chapitre 11 Footnote 138 adoptées en 2001 par la Commission du libre-échange de l’ALÉNA: sa portée se limite à la protection offerte par la norme minimale de traitement (NMT) de la personne et des biens étrangers prévue par la coutume internationale. Toutefois les parties ne s’entendent pas sur la manière de déterminer le contenu de la coutume internationale: le cœur du débat concerne l’utilisation qui peut être faite ou non de la pratique arbitrale, en lieu et place de l’examen fastidieux de la pratique étatique et de l’opinio juris comme éléments constitutifs de la coutume internationale. Le tribunal arbitral note la pratique courante dans le RDIE de se référer “aux décisions arbitrales antérieures pour illustrer la coutume.”Footnote 139 Il conclut que ces dernières sont un moyen auxiliaire légitime de détermination du contenu de la coutume. Bien que les sentences arbitrales ne constituent pas elles-mêmes les deux éléments constitutifs de la coutume, elles peuvent néanmoins servir d’illustration de la coutume, “en particulier celles contenant un examen attentif du droit international coutumier.”Footnote 140 Un poids particulier peut être accordé à la détermination du contenu de la coutume internationale par une sentence antérieure qui est systématiquement suivie dans les sentences ultérieures ou qui est invoquée par les États dans d’autres procédures. Les parties ne s’entendent également pas sur le bassin de sentences arbitrales antérieures concernant la clause du TJE dans lequel le tribunal arbitral peut puiser, selon qu’il s’agit d’une clause autonome de la coutume internationale ou d’une clause limitée à cette dernière comme dans l’ALÉNA. Le tribunal arbitral décide de se limiter aux sentences antérieures qui portent sur une clause limitée à la coutume, n’étant pas convaincu que le TJE coutumier a évolué au point d’être assimilable au TJE autonome.Footnote 141 Au surplus, les sentences portant sur le TJE autonome ne procèdent à aucune analyse de la coutume internationale.

Les parties conviennent que le contenu de la NMT n’est pas statique et qu’il a évolué depuis la définition arrêtée en 1926 dans l’affaire Neer c Mexique,Footnote 142 même si le seuil de violation demeure élevé.Footnote 143 Le tribunal arbitral s’engage dans une analyse méthodique des sentences antérieures concernant la clause du TJE de l’ALÉNA pour conclure que la formulation de la NMT faite dans l’affaire Waste Management c Mexique (II) Footnote 144 fait toujours autorité et en proposer une reformulation: “[L]e Tribunal considère qu’une conduite qui est manifestement ou visiblement arbitraire, extrêmement injuste, intrinsèquement inéquitable ou idiosyncrasique, ne respecte pas la norme minimale acceptable de traitement pour un TJE protégée par l’article 1105 de l’ALÉNA.Footnote 145 Comme le tribunal arbitral conclut qu’aucune attente légitime n’a pu naître chez l’investisseur du fait des représentations des autorités québécoises, il refuse de se prononcer sur la pertinence de telles attentes dans l’établissement d’une violation de la NMT.Footnote 146 La méthode rigoureuse du tribunal arbitral en l’espèce doit être mise en contraste avec celle beaucoup moins convaincante adoptée dans l’affaire Eco Oro c Colombie,Footnote 147 où le tribunal arbitral semble sortir de son chapeau une nouvelle définition large de la NMT. Cette méthode bancale est d’autant plus préoccupante que la violation de cette NMT élargie est la seule base sur laquelle le tribunal tient l’État responsable dans cette affaire.

En appliquant cette définition de la NMT aux faits de l’espèce, le tribunal arbitral conclut que les agissements du Québec ne violent pas la clause du TJE.Footnote 148 Il note d’abord que le projet de loi 18 a été adopté conformément aux procédures démocratiques appropriées et qu’il poursuit l’objectif déclaré de protéger l’environnement sous le fleuve Saint-Laurent.Footnote 149 De manière remarquable pour la protection du droit de légiférer, le tribunal arbitral souligne qu’il doit faire preuve d’une grande déférence face aux choix démocratiques exercés par l’État dans l’intérêt public.Footnote 150 Ainsi refuse-t-il de réexaminer les liens entre le projet de loi 18 et le processus d’évaluation des risques environnementaux par le comité spécial et le BAPE, puisque cela reviendrait à se substituer au législateur.Footnote 151 Comme la preuve d’une “déconnexion complète” entre le projet de loi 18 et l’objectif de protéger l’environnement sous le fleuve Saint-Laurent n’est pas faite, le seuil élevé de violation de la NMT n’est pas franchi et la révocation du permis fluvial sans compensation n’apparaît pas “manifestement ou visiblement arbitraire,” “extrêmement injuste,” “intrinsèquement inéquitable ou idiosyncrasique.”Footnote 152 La transposition des études d’impact de la filière du gaz de schiste d’une région du Québec à une autre n’est pas arbitraire ou illogique aux yeux du tribunal, pas plus que le fait de choisir l’option de la révocation du permis fluvial plutôt qu’une autre mesure.Footnote 153 Bien que les allégations de Lone Pine Resources ne soient pas claires sur la question, le tribunal conclut – à la majorité cette fois – que le non-paiement d’une indemnité pour la révocation du permis fluvial ne constitue pas davantage une violation de la NMT.Footnote 154 Les motivations politiques derrière le refus d’offrir une compensation sont contrebalancées par une série de faits comme l’absence de travaux réalisés par l’investisseur dans la zone visée par le permis annulé, l’intention d’encourager le développement durable, le remboursement des droits annuels payés par les titulaires de permis, ainsi que l’adoption du projet de loi 18 à l’unanimité et dans le respect des procédures démocratiques applicables.

Certains de ces derniers arguments concernant le refus d’offrir une compensation sont moins convaincants, notamment l’idée que l’adoption à l’unanimité de la mesure serait un facteur à considérer dans l’évaluation de sa conformité avec la NMT. L’arbitre David R. Haigh diverge d’opinion avec la majorité du tribunal arbitral à cet égard et considère que ce refus est “intrinsèquement injuste” et viole la NMT.Footnote 155 Pour lui, une telle conduite abusive ne saurait être tolérée et il aurait tenu le Canada responsable en raison de la violation de la clause du TJE.

References

1 17 décembre 1992, RT Can 1994 n° 2 (entrée en vigueur: 1er janvier 1994) [ALÉNA].

2 Sentence finale, Aff CIRDI UNCT/15/2 (ALÉNA, 21 novembre 2012) [Lone Pine Resources].

3 30 novembre 2018, Annexe 14-C, en annexe du Protocole visant à remplacer l’Accord de libre-échange nord-américain par l’Accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, 30 novembre 2018, RT Can 2020 n° 5, modifié par le Protocole d’amendement de l’Accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, 10 décembre 2019, RT Can 2020 n° 6 (entrée en vigueur: 1er juillet 2020) [ACÉUM].

4 LRC 1985, c 28 (1er supp). Voir généralement Brian A Facey et Joshua A Krane, Investment Canada Act: Commentary and Annotation, Toronto, LexisNexis, 2022; Charles-Emmanuel Côté, “Le Canada et l’investissement étranger: entre ouverture et inquiétude” dans Mathieu Arès et Éric Boulanger, dir, L’investissement et la nouvelle économie mondiale: trajectoires nationales, réseaux mondiaux et normes internationales, Bruxelles, Bruylant, 2012, 241 aux pp 246–68.

5 Projet de loi (PL) C-34, Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada, 1ère sess, 44e lég, 2022 (première lecture le 7 décembre 2022; deuxième lecture et renvoi en comité le 17 avril 2023) [Loi sur Investissement Canada].

6 Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), Convention et règlements, Doc CIRDI n° CIRDI/15/Rév 3 (juillet 2022); CIRDI, Règlements du mécanisme supplémentaire, Doc CIRDI n° CIRDI/11/Rév 3 (juillet 2022); CIRDI, Règlements de médiation, Doc CIRDI n° CIRDI/18 (juillet 2022); CIRDI, Règlements de constatation des faits, Doc CIRDI n° CIRDI/19 (juillet 2022).

7 Organisation mondiale du commerce, Discussion structurée de l’OMC sur la facilitation de l’investissement pour le développement. Déclaration des co-coordonnateurs, Doc OMC n° INF/IFD/W/46 (16 décembre 2022). Les négociateurs se sont entendus sur le texte du projet d’accord le 6 juillet 2023, projet qui sera soumis pour adoption finale à la prochaine conférence ministérielle prévue en février 2024 à Abou Dhabi. Organisation mondiale du commerce, Discussion structurée de l’OMC sur la facilitation de l’investissement pour le développement. Déclaration des co-ordonnateurs, Doc OMC n° INF/IFD/W/51 (6 juillet 2023).

8 Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), Groupe de travail III: Réforme du règlement des différends entre investisseurs et États, en ligne: <uncitral.un.org/fr/working_groups/3/investor-state>.

9 CNUDCI, Projet de code de conduite destiné aux arbitres dans des procédures de règlement de différends relatifs à des investissements internationaux et commentaire, Doc NU n° A/CN.9/1148 (28 avril 2023); CNUDCI, Projet de code de conduite destiné aux juges dans des procédures de règlement de différends relatifs à des investissements internationaux et commentaire, Doc NU n° A/CN.9/1149 (28 avril 2023). La CNUCDI a adopté les deux projets de code de conduite à sa 56e session en juillet 2023.

10 Pour une étude de la position du Canada à ce sujet, voir Céline Lévesque, “Canada’s Pro-Ban Stance on Double-Hatting: Playing the Long Game in ISDS Reform?” (2020) 58 ACDI 382.

11 17 décembre 1994, 2080 RTNU 95 (entrée en vigueur: 16 avril 1998) [TCE].

12 Secrétariat de la Charte de l’Énergie, Décision de la Conférence de la Charte de l’énergie, Public Communication Explaining the Main Changes Contained in the Agreement in Principle, Doc n° CCDEC 2022 10 GEN (24 juin 2022).

13 Avis rendu en vertu de l’article 218, paragraphe 11, TFUE (Traité sur la Charte de l’énergie modernisé), Avis 1/20 (16 juin 2022), ECLI:EU:C:2022:485.

14 Union européenne (UE), Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, ainsi qu’aux États membres, concernant un accord entre les États membres, l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique sur l’interprétation du traité sur la Charte de l’énergie, Doc COM(2022) 523 final (5 octobre 2022).

15 Secrétariat de la Charte de l’énergie, Written Notifications of Withdrawal from the Energy Charter Treaty, communiqué (22 mars 2023). La Belgique, l’Espagne, Luxembourg, les Pays-Bas et la Slovénie auraient aussi annoncé en 2022 leur intention de se retirer du TCE. Johannes Tropper, “Withdrawing from the Energy Charter Treaty: The End Is (Not) Near,” Kluwer Arbitration Blog (4 novembre 2022), en ligne: <arbitrationblog.kluwerarbitration.com/2022/11/04/withdrawing-from-the-energy-charter-treaty-the-end-is-not-near>.

16 30 octobre 2016 (application provisoire: 21 septembre 2017), en ligne: <www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/ceta-aecg/text-texte/toc-tdm.aspx?lang=fra> [AECG].

17 UE, Conseil européen et Conseil de l’Union européenne, Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) between Canada, on the One Part, and the European Union and Its Member States, on the Other Part, en ligne: <www.consilium.europa.eu/fr/documents-publications/treaties-agreements/agreement/?id=2016017>. Ni l’UE, ni le Canada n’ont encore ratifié l’AECG.

18 [2022] IESC 44. Voir Éamonn Conlon, “Supreme Court Blocks Ireland Ratifying CETA,” Kluwer Arbitration Blog (30 janvier 2023), en ligne: <arbitrationblog.kluwerarbitration.com/2023/01/30/supreme-court-blocks-ireland-ratifying-ceta>.

19 8 mars 2018 (entrée en vigueur pour le Canada, l’Australie, le Japon, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, et Singapour: 30 décembre 2018; entrée en vigueur pour le Vietnam: 14 janvier 2019), art 1.1, en ligne: <www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/cptpp-ptpgp/text-texte/cptpp-ptpgp.aspx?lang=fra> [PTPGP]. La Malaisie a ratifié le PTPGP le 29 novembre 2012 et le Pérou le 19 septembre 2021. Parmi les signataires, seul le Brunéi Darussalam n’a pas encore ratifié le traité à la fin de 2022.

20 Déclaration ministérielle commune sur le processus d’adhésion du Royaume-Uni au PTPGP (30 mars 2023), en ligne: <www.international.gc.ca/news-nouvelles/2023/2023-03-30-joint-statement-cptpp-declaration-conjointe-ptpgp.aspx?lang=fra>.

21 Royaume-Uni, Conclusion of Negotiations on the Accession of the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland to the Comprehensive and Progressive Trans-Pacific Partnership, policy paper (31 mars 2023), en ligne: <www.gov.uk/government/publications/comprehensive-and-progressive-agreement-for-trans-pacific-partnershipcptpp-conclusion-of-negotiations/conclusion-of-negotiations-on-the-accession-of-the-united-kingdom-of-great-britain-and-northern-ireland-to-the-comprehensive-and-progressive-trans-pac>.

22 Canada, Objectifs du Canada pour les négociations d’un accord de libre-échange avec le Royaume-Uni (15 février 2022), en ligne: <www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/cuktca-acccru/objectives-negotiations-objectifs-negociations.aspx?lang=fra>.

23 Canada, Accord de libre-échange entre le Canada et l’ANASE (6 janvier 2023), en ligne: <www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/asean-anase/fta-ale/negotiations-negociations.aspx?lang=fra>; Canada, Accord de partenariat économique global (APEG) entre le Canada et l’Indonésie (19 août 2022), en ligne: <www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/indonesia-indonesie/cepa-apeg/index.aspx?lang=fra>.

24 Voir Canada, Accords sur le commerce et l’investissement, en ligne: <www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/index.aspx?lang=fra>. Il s’agit de l’AECG, du PTPGP et des ALÉ avec le Chili, la Colombie, la Corée, le Honduras, le Panama et le Pérou.

25 Voir Canada, Accords sur le commerce et l’investissement, en ligne: <www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/index.aspx?lang=fra>.

26 Sentence finale, Aff CIRDI n° UNCT/20/3 (ALÉNA, 31 janvier 2022) [Westmoreland (II)].

27 Voir Westmoreland c Canada (I), Notification d’arbitrage, CNUDCI (ALÉNA, 19 novembre 2018).

28 Westmoreland (II), supra note 26 aux paras 200, 212.

29 Ibid aux paras 218–20.

30 Ibid au para 230.

31 Sentence finale, Aff CPA n° 2016-13 (ALÉNA, 25 juillet 2022) [Resolute Forest Products, Sentence finale].

32 Resolute Forest Products c Canada, Sentence sur la compétence et la recevabilité, Aff CPA n° 2016-13 (ALÉNA, 25 juillet 2022).

33 Resolute Forest Products, Sentence finale, supra note 31 aux paras 302–03; Resolute Forest Products c Canada, Déclaration séparée de Ronald A Cass, Aff CPA n° 2016-13 (ALÉNA, 25 juillet 2022) au para 12.

34 Resolute Forest Products, Sentence finale, supra note 31 aux paras 397, 406, 410–11, 428, 432; Resolute Forest Products, Déclaration séparée, supra note 33 aux paras 239, 308 (une seule mesure est exclue selon l’arbitre dissident, en tant que marché public, alors que les représentations contraires du Canada dans d’autres enceintes internationales lui interdisent d’invoquer l’exclusion en tant que subvention).

35 Resolute Forest Products, Sentence finale, supra note 31 aux paras 575, 586, 591, 595, 599; Resolute Forest Products, Déclaration séparée, supra note 33 aux paras 196–99 (l’arbitre dissident considère que les mesures d’aides violent la clause du traitement national).

36 Resolute Forest Products, Sentence finale, supra note 31 au para 746.

37 Ibid aux paras 748, 750, 756.

38 Sentence finale, Aff CPA n° 2018-54 (ALÉNA, 25 octobre 2022) [Tennant Energy].

39 Windstream Energy c Canada (I), Sentence, Aff CPA n° 2013-22 (ALÉNA, 27 septembre 2016); Mesa Power c Canada, Sentence, Aff CPA n° 2012-07 (ALÉNA, 24 mars 2016). Voir cette chronique dans l’Annuaire de 2016 aux pp 478–87.

40 Tennant Energy, supra note 38 au para 380.

41 Ibid au para 399

42 Ibid au para 402

43 Ibid aux paras 406–07, 410.

44 Ibid au para 405.

45 Ibid au para 432.

46 Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/23/5 (ACÉUM, 17 février 2023).

47 Requête en bifurcation des États-Unis, Aff CIRDI n° ARB/21/63 (ACÉUM, 11 janvier 2023).

48 Notification d’arbitrage, CNUDCI (ALÉNA, 18 avril 2019).

49 Notification d’arbitrage, Aff CPA n° 2021-26, CNUDCI (ACÉUM, 22 décembre 2020).

50 Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/20/52 (ACÉUM, 7 décembre 2020).

51 Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), “Investment Dispute Settlement Navigator,” en ligne: Investment Policy Hub <investmentpolicy.unctad.org/investment-dispute-settlement>.

52 Sentence sur la compétence, Aff CIRDI n° UNCT/20/2 (ALÉNA, TBI Argentine-Mexique, TBI France-Mexique, TBI Portugal-Mexique, 21 novembre 2022).

53 Ibid au para 163.

54 Ibid aux paras 199–201.

55 Ibid aux paras 204–07.

56 Ibid aux paras 248–49, 267, 269.

57 Ibid au para 307.

58 Ibid aux paras 337–38.

59 Ibid au para 361.

60 Sentence sur la compétence, CNUDCI (APIE Canada-Croatie, 7 novembre 2022) [non publiée]. Voir Vladislav Djanic, “Croatia Claims Victory in Under-the-Radar Treaty Arbitration,” Investment Arbitration Reporter (10 novembre 2022), en ligne: <www-iareporter-com.acces.bibl.ulaval.ca/articles/croatia-claims-victory-in-under-the-radar-treaty-arbitration>.

61 Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/22/14 (APIE Canada-Serbie, TBI Chypre-Serbie, 27 mai 2022) [non publiée]. Voir Lisa Bohmer, “As One ICSID Claim under Serbia’s BITs with Canada and Cyprus Seems to Be Drawing to a Close, Another One Is Filed,” Investment Arbitration Reporter (31 mai 2022), en ligne: <www-iareporter-com.acces.bibl.ulaval.ca/articles/as-one-icsid-claim-under-serbias-bits-with-canada-and-cyprus-seems-to-be-drawing-to-a-close-another-one-is-filed>.

62 Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/18/8 (APIE Canada-Serbie, TBI Chypre-Serbie, 9 février 2018).

63 Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/22/30 (ALÉ Canada-Pérou, 15 novembre 2022) [non publiée]. Voir “Canadian Bank Lodges ICSID Claim against Peru,” Investment Arbitration Reporter (17 novembre 2022), en ligne: <www-iareporter-com.acces.bibl.ulaval.ca/articles/canadian-bank-lodges-icsid-claim-against-peru>.

64 Voir Alberta Petroleum Marketing Commission c États-Unis, Notification d’intention de soumettre une réclamation à l’arbitrage (ACÉUM/ALÉNA, 9 février 2022), en ligne: Italaw <www.italaw.com/sites/default/files/case-documents/italaw170036.pdf>.

65 Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/21/63 (ACÉUM/ALÉNA, 22 décembre 2021) [non publiée] [TC Energy et TransCanada]. TC Énergie, TC Energy Commences NAFTA Claim Following Revocation of Keystone XL Presidential Permit, communiqué (2 juillet 2021), en ligne: <www.tcenergy.com/announcements/2021/2021-07-02-tc-energy-commences-nafta-claim-following-revocation-of-keystone-xl-presidential-permit>.

66 Voir TC Energy et TransCanada, supra note 65; North Americain Investors c États-Unis, Notification d’arbitrage, CNUDCI (ALÉNA, 29 mars 2013); First Majestic c Mexique, Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/2/14 (ALÉNA/ACÉUM, 31 mars 2021); ES Holdings c Mexique, Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/20/13 (ALÉNA, 1er mai 2020).

67 Voir Eco Oro c Colombie, Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/16/41 (ALÉ Canada-Colombie, 8 décembre 2016); Galway Gold c Colombie, Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/18/13 (ALÉ Canada-Colombie, 21 mars 2018); Red Eagle c Colombie, Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/18/12 (ALÉ Canada-Colombie, 21 mars 2018); Aris Mining (Anciennement Gran Colombia) c Colombie, Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/18/23 (ALÉ Canada-Colombie, 25 mai 2018); Aecon c Équateur, Notification d’arbitrage, Aff CPA n° 2020-19 (APIE Canada-Équateur, 17 janvier 2019) [non publiée]; Zamora Gold c Équateur, Notification d’arbitrage, CNUDCI (APIE Canada-Équateur, date inconnue) [non publiée]; Lupaka c Pérou, Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/20/46 (ALÉ Canada-Pérou, 30 octobre 2020) [non publiée]; Bank of Nova Scotia c Pérou, Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/22/30 (ALÉ Canada-Pérou, 15 novembre 2022) [non publiée].

68 Voir Sanitek et al c Arménie, Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/21/17 (APIE Canada-Arménie/TBI Arménie-Liban, 6 avril 2021) [non publiée]; Sukyas c Roumanie, Notification d’arbitrage, Aff CPA n° 2020-54 (APIE Canada-Roumanie, date inconnue) [non publiée]; Gabriel Resource c Roumanie, Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/15/31 (APIE Canada-Roumanie/TBI Roumanie-Royaume-Uni, 21 juillet 2015); Rand Investment c Serbie, Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/18/8 (APIE Canada-Serbie/TBI Chypre-Serbie, 9 février 2018); Coropi c Serbie, Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/22/14 (APIE Canada-Serbie/TBI Chypre-Serbie, 27 mai 2022) [non publiée].

69 Voir Montero Mining c Tanzanie, Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/21/6 (APIE Canada-Tanzanie, 9 février 2021) [non publiée]; Winshear c Tanzanie, Requête d’arbitrage, Aff CIRDI n° ARB/20/25 (APIE Canada-Tanzanie, 27 juin 2020) [non publiée].

70 .CNUCED, “Investment Dispute Settlement Navigator,” en ligne: Investment Policy Hub <investmentpolicy.unctad.org/investment-dispute-settlement>.

71 Loi sur Investissement Canada, supra note 5.

72 “Loi sur la modernisation de l’examen des investissements relativement à la sécurité nationale,” 2e lecture, Débats de la Chambre des communes, 44-1, n° 153 (3 février 2023) à la p 11217 (Hon François-Philippe Champagne) [Débats de la Chambre des communes].

73 Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Investment Screening in Times of COVID: And Beyond, Paris, OCDE, 2020, en ligne: <www.oecd.org/coronavirus/policy-responses/investment-screening-in-times-of-covid-19-and-beyond-aa60af47>; CNUCED, “Investment Policy Responses to the COVID-19 Pandemic,” Investment Policy Monitor, Special Issue no 4 (2020) aux pp 7–8, en ligne: <unctad.org/system/files/official-document/diaepcbinf2020d3_en.pdf>.

74 Loi sur Investissement Canada, supra note 5, art 14.

75 Ibid, art 17.

76 Ibid, arts 16, 21, 23.

77 Ibid, art 23.1

78 Ibid, art 11.

79 Il s’agit du blocage de la proposition d’acquisition de Potash Corporation de Saskatchewan par la société australienne BHP Billiton (le 3 novembre 2010), ainsi que de celle de la division des systèmes d’information de MacDonald, Dettwiler and Associates Ltd par la société américaine Alliant Techsystems Inc (le 9 mai 2008). Directeur des investissements, La Loi sur Investissement Canada. Rapports annuels 2010–2011, 2011–2012, 2012–2013, Ottawa, Industrie Canada, 2013; Directeur des investissements, La Loi sur Investissement Canada. Rapport annuel 2009–2010, Ottawa, Industrie Canada, 2019, à la p 7.

80 Loi sur Investissement Canada, supra note 5, art 25.1.

81 Ibid, art 25.2; Règlement sur les investissements susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale (examen), Doc DORS/2009-271, art 2.

82 Loi sur Investissement Canada, supra note 5, art 25.3.

83 Ibid, art 24.4.

84 Ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, Lignes directrices sur l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements (dernière modification: 2 août 2022) au para 10, en ligne: <ised-isde.canada.ca/site/loi-investissement-canada/fr/loi-sur-investissement-canada/lignes-directrices/lignes-directrices-sur-lexamen-relatif-la-securite-nationale-des-investissements>.

85 Directeur des Investissements, Rapport annuel. Loi sur Investissement Canada 2021–2022, Ottawa, Ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, 2022 à la p 28.

86 Ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, Énoncé de politique sur l’examen des investissements étrangers et la crise en Ukraine (8 mars 2022), en ligne: <ised-isde.canada.ca/site/loi-investissement-canada/fr/loi-sur-investissement-canada/enonce-de-politique-sur-lexamen-des-investissements-etrangers-et-la-crise-en-ukraine>.

87 Ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, Politique concernant les investissements étrangers par des entreprises d’État dans les minéraux critiques dans le cadre de la Loi sur Investissement Canada (dernière modification: 5 mai 2023), en ligne: <ised-isde.canada.ca/site/loi-investissement-canada/fr/politique-concernant-les-investissements-etrangers-par-des-entreprises-detat-dans-les-mineraux>.

88 Débats de la Chambre des communes, supra note 72 à la p 11219 (Hon François-Philippe Champagne); Ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada. Document d’information (7 décembre 2022), en ligne: <www.canada.ca/fr/innovation-sciences-developpement-economique/nouvelles/2022/12/loi-modifiant-la-loi-sur-investissement-canada.html> [Document d’information].

89 Débats de la Chambre des communes, supra note 72; Document d’information, supra note 88.

90 Débats de la Chambre des communes, supra note 72 à la p 11220 (Hon François-Philippe Champagne); Document d’information, supra note 88.

91 Débats de la Chambre des communes, supra note 72 à la p 11220 (Hon François-Philippe Champagne); Document d’information, supra note 88.

92 Débats de la Chambre des communes, supra note 72 à la p 11219–20 (Hon François-Philippe Champagne); Document d’information, supra note 88.

93 Débats de la Chambre des communes, supra note 72 à la p 11220 (Hon François-Philippe Champagne); Document d’information, supra note 88.

94 Débats de la Chambre des communes, supra note 72 à la p 11220 (Hon François-Philippe Champagne); Document d’information, supra note 88.

95 Débats de la Chambre des communes, supra note 72 à la p 11224 (Rick Perkins).

96 Chambre des communes, Loi sur Investissement Canada: Réagir à la pandémie de COVID-19 et faciliter la relance au Canada. Rapport du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie (mars 2021) (présidente: Sherry Romanado) [Rapport du Comité permanent].

97 Rapport du Comité permanent, supra note 96, recommandation 1, p 46. Voir Débats de la Chambre des communes, supra note 72 à la p 11223 (Rick Perkins).

98 Débats de la Chambre des communes, supra note 72 à la p 11224 (Rick Perkins).

99 Rapport du Comité permanent, supra note 96, recommandation 8 à la p 49.

100 Ibid, recommandation 7 à la p 49; recommandation 9 à la p 49.

101 Ibid, recommandation 2 à la p 46; recommandation 5 à la p 47.

102 Ibid, recommandation 3 à la p 47; recommandation 4 à la p 47. Débats de la Chambre des communes, supra note 72, à la p 11224 (Rick Perkins).

103 Rapport du Comité permanent, supra note 96, recommandation 6 à la p 48.

104 Débats de la Chambre des communes, supra note 72 à la p 11225 (Lisa Marie Barron et Rick Perkins).

105 Prairie Provident Resources, Lone Pine Resources and Arsenal Energy Combine to Form Prairie Provident Resources, communiqué (13 septembre 2016), en ligne: <www.ppr.ca/lone-pine-resources-and-arsenal-energy-combine-to-form-prairie-provident-resources>.

106 Projet de loi 18, Loi limitant les activités pétrolières et gazières, 2e sess, 39e lég, Québec, 2011 (sanctionné le 13 juin 2011), LQ 2011, c 13.

107 Voir ALÉNA, supra note 1, art 105; Commission du droit international (CDI), “Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite,” art 4, dans Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol 2, 2e partie, New York, Nations Unies (NU), 2007 à la p 26.

108 Lone Pine Resources, supra note 2 au para 21.

109 Ibid au para 82.

110 Jed Chong et Milana Simikian, “Le gaz de schiste au Canada: Potentiel, production et incidences économiques,” En bref n° 2014-08-F, Ottawa, Bibliothèque du Parlement, 2014 aux pp 1–5.

111 Voir généralement Daniel J Soeder et Scyller J Borglum, The Fossil Fuel Revolution: Shale Gas and Tight Oil, Amsterdam, Elsevier, 2019; Mousseau, Normand, La révolution des gaz de schiste, Québec, MultiMondes, 2010 Google Scholar.

112 Zittoun, Voir Philippe et Chailleux, Sébastien, L’État sous pression. Enquête sur l’interdiction française du gaz de schiste, Paris, Presses de Sciences Po, 2021 Google Scholar; Whitton, John et al, dir, Governing Shale Gas: Development, Citizen Participation and Decision Making in the US, Canada, Australia and Europe, Londres, Routledge, 2018 CrossRefGoogle Scholar.

113 Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), Développement durable de l’industrie du gaz de schiste: rapport d’enquête et d’audience publique, Doc n° 273, Québec, BAPE, 2011.

114 Voir PL 37, Loi interdisant certaines activités destinées à rechercher ou à exploiter du gaz naturel dans le schiste, 1ère sess, 40e lég, Québec, 2013 (mort au feuilleton).

115 BAPE, Les enjeux liés à l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste dans le shale d’Utica des basses-terres du Saint-Laurent: rapport d’enquête et d’audience publique, Doc n° 307, Québec, BAPE, 2014.

116 Voir Règlement sur les activités d’exploration, de production et de stockage d’hydrocarbures en milieu hydrique, RLRQ c H-4.2, r 1 (maintenant RLRQ c S-34.1, r 1); Règlement sur les activités d’exploration, de production et de stockage d’hydrocarbures en milieu terrestre, RLRQ c H-4.2, r 2 (maintenant RLRQ c S-34.1, r 2); Règlement sur les licences d’exploration, de production et de stockage d’hydrocarbures et sur l’autorisation de construction ou d’utilisation d’un pipeline, RLRQ c H-4.2, r 3 (maintenant RLRQ c S-34.1, r 3).

117 Alexandre Shields, “Gaz de schiste: une gazière poursuit Québec,” Le Devoir (12 novembre 2018).

118 PL 21, Loi visant principalement à mettre fin à la recherche et à la production d’hydrocarbures ainsi qu’au financement public de ces activités, 2e sess, 42e lég, Québec, 2022 (sanctionné le 13 avril 2022), LQ 2022, c 10.

119 Alexandre Shields et François Carabin, “Les pétrolières et gazières n’ont toujours pas réclamé leurs indemnités à Québec,” Le Devoir (22 février 2023).

120 Lone Pine Resources, supra note 2 aux paras 365, 368.

121 Ibid au para 375.

122 Methanex c États-Unis, Sentence partielle, CNUDCI (ALÉNA, 7 août 2002) au para 147. Voir généralement Charles-Emmanuel Côté, “Looking for Legitimate Claims: Scope of NAFTA Chapter 11 and Limitation of Responsibility of Host State” (2011) 12 J World Investment & Trade 321 aux pp 331–49.

123 Lone Pine Resources, supra note 2 aux paras 401–02.

124 Ibid au para 403.

125 Ibid au para 404.

126 Ibid au para 414.

127 Ibid au para 415.

128 Ibid aux paras 416–17.

129 Ibid au para 494.

130 Ibid au para 495.

131 Ibid au para 503.

132 Ibid au para 508.

133 Ibid aux paras 509–17.

134 Ibid au para 522.

135 Ibid aux paras 523–25.

136 Ibid au para 526.

137 Ibid aux paras 471–89.

138 Commission du libre-échange de l’ALÉNA, Notes d’interprétation de certaines dispositions du chapitre 11 (31 juillet 2001), en ligne: <www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/topics-domaines/disp-diff/NAFTA-Interpr.aspx?lang=fra>.

139 Lone Pine Resources, supra note 2 au para 597.

140 Ibid au para 600.

141 Ibid au para 601.

142 (1926), 4 RSA 60 (Commission générale des réclamations Mexique/États-Unis).

143 Lone Pine Resources, supra note 2 au para 602.

144 Sentence, Aff CIRDI n° ARB(AF)/00/3 (ALÉNA, 30 avril 2004) au para 98.

145 Lone Pine Resources, supra note 2 au para 611.

146 Ibid aux paras 614, 632.

147 Décision sur la compétence, la responsabilité et les directives sur l’évaluation des dommages, Aff CIRDI n° ARB/16/41 (ALÉ Canada-Colombie, 9 septembre 2021) aux paras 745, 762, 804–05. Voir cette chronique dans l’Annuaire de 2021 aux pp 488–90.

148 Lone Pine Resources, supra note 2 au para 619.

149 Ibid aux paras 620, 622.

150 Ibid aux paras 623–24.

151 Ibid au para 625.

152 Ibid au para 626.

153 Ibid aux paras 627–28.

154 Ibid aux paras 630–31.

155 Lone Pine Resource c Canada, Opinion dissidente partielle de l’arbitre David R. Haigh, Aff CIRDI n° UNCT/15/2 (ALÉNA, 21 novembre 2022).