Ceux qui ont suivi de près les recherches de l’Institut des Sciences Economiques depuis presque quatre ans auront sans doute été étonnés de la place très modeste que tenait le commerce extérieur dans ses préoccupations. Les raisons de ce manque d’intérêt sont multiples. D’abord, en essayant de déterminer les éléments d’un diagnostic de la situation générale, les instituts de conjoncture n’ont trouvé, dans l’analyse du commerce extérieur, que des indications peu significatives et incertaines; les grands mouvements n’avaient pas de place très précise dans le cycle économique et ils se trouvaient, au surplus, rendus confus par l’allure très saccadée des courbes.

En second lieu, il est évident qu’en matière de balance commerciale on ne peut établir des relations valables pour tous pays, étant donné que les importations de l’un sont les exportations de l’autre. De plus, le rôle du commerce extérieur est très différent de pays à pays : chez l’un, le trafic de complément l’emporte, chez l’autre, il s’agit surtout des débouchés essentiels des grandes industries. Nous avons éprouvé nous-mêmes la difficulté très grande d’appliquer les relations déterminées en d’autres pays. L’Institut für Konjunkturforschung de Berlin a établi un baromètre intitulé « les ciseaux du commerce extérieur », dans lequel les exportations de produits finis ont un mouvement opposé à celui des importations de matières premières; les premières dominent en temps de crise, les secondes en temps de prospérité. Malgré la grande similitude de structure entre les deux pays, rien de semblable n’a pu être constaté chez nous : les deux courbes sont parallèles dans leur évolution générale.

La Belgique, où l’industrie occupe aujourd’hui une place prépondérante, a vécu pendant une période assez longue de son indépendance, sous le signe de l’économie agricole.

Constituant, dans les années qui suivent 1830, l’élément régulateur de sa vie économique, le facteur agricole s’est atténué progressivement pour céder la place à l’élément industriel.

Il nous a paru intéressant de rechercher l’époque à laquelle s’est opéré ce changement de structure dans l’économie de notre pays, de déterminer le moment où la Belgique s’est industrialisée.

L’étude des fluctuations du taux de la nuptialité, conduite en comparaison avec les mouvements d’indices nettement représentatifs de chacune des deux économies — agricole et industrielle — nous a paru être à même de nous livrer la clef du problème.

Le nombre de mariages est, en effet, un des éléments de la vie d’un pays qui dépendent le plus directement de la prospérité nationale, du degré de bien-être dont jouissent ses habitants. La vie est-elle large et facile, le taux de nuptialité est élevé; une crise surgit-elle qui vient réduire les ressources de chacun, il fléchit : aussi les fluctuations de ce coefficient reflètent-elles, d’assez près, la vie économique du pays et leur amplitude est comparable à l’importance des oscillations que subit la prospérité individuelle aussi bien que la richesse nationale.

L’étude de la conjoncture des différentes industries intéresse aujourd’hui ceux qui s’occupent du diagnostic de l’état général des affaires. Diagnostic et pronostic sont basés sur la connaissance de l’évolution telle qu’elle a eu lieu dans le passé.

L’aspect du problème que pose la conjoncture économique d’une industrie déterminée est double; il doit être étudié sous le rapport quantitatif aussi bien que sous le rapport des prix; mais l’objet d’une telle étude est de situer une industrie déterminée dans le mouvement général des affaires.

Rappelons que la structure actuelle de l’industrie du cuir en Belgique a déjà été étudiée dans ce Bulletin (i) et que l’objet de cette étude-ci est spécialement l’étude des influences cyclique et saisonnière telles qu’elles se sont manifestées dans le passé; on trouvera in fine une étude du marché à terme des peaux brutes expliquant la politique de conjoncture qui, rationnellement, s’impose à l’industriel transformateur de peaux brutes en cuir tanné.

Au cours du trimestre écoulé, la conjoncture économique mondiale a de nouveau ressenti le contrecoup de ces ruptures graves qui maintiennent et aggravent la crise actuelle. Le fléchissement du dollar est le dernier en date de ces accidents dont la longue suite est la conséquence directe d’une baisse trop accentuée des prix. Dès le mois de mai de l’an dernier nous avions attiré l’attention sur ce danger en ces ternies : « La Belgique offre, comme les autres pays de l’Europe occidentale, une résistance plus grande aux conséquences sociales d’un état de crise que les pays neufs d’outremer et que l’Europe centrale et orientale. Ce sort relativement privilégié ne doit pas lui faire perdre de vue que dans d’autres pays la crise a atteint un point où les perturbations politiques succèdent aux accidents financiers. Le monde n’est à l’abri ni des uns ni des autres et nous devons en subir les répercussions, si un ensemble de politiques étroitement nationales continue à maintenir l’activité économique dans l’ornière où elle a glissé ». En août, nous avons précisé comme suit : « Les événements des derniers quinze mois ont mis en lumière que de nombreux pays étaient à bout dans le domaine financier et l’on a pu constater les effets des ruptures enregistrées. Dans l’ensemble, la position de la Belgique paraît privilégiée à cet égard et plus solide que celle de pays qui résistent encore, notamment à raison d’un capital-obligations relativement réduit et à l’absence d’avances à l’étranger à court terme. Mais dans ce domaine l’on ne peut jurer de rien, car tant que la crise s’accentue, des accidents financiers sont à redouter dans le monde ». Nous estimons pouvoir maintenir intégralement ces jugements, sinon même les renforcer, pour apprécier la situation qui règne en mai 1933.

Si nous envisageons maintenant les répercussions directes du dernier accident financier, à savoir le chute du dollar, nous devons constater qu’il a eu d’autres conséquences que la baisse de la livre sterling. Dans les idées, le désarroi est sans doute plus grand, parce que le dollar est tombé devant des difficultés internes, mal comprises au dehors, et parce qu’aucune défense sérieuse n’a été esquissée sur le marché des changes, où la situation est restée bonne jusque dans les tout derniers temps. La livre, au contraire, était tombée après qu’une longue résistance s’était avérée inutile devant un drainage régulier de l’encaisse et le rôle de prix intérieurs trop élevés paraissait évident dans la genèse de cette situation.

La mise de l’embargo sur les exportations d’or le 20 avril, qui commence un nouveau chapitre de l’histoire de la grande dépression, a été due en partie au fait qu’un courant irrésistible en faveur de l’inflation s’est fait jour au Congrès, rendant pratiquement inévitable le vote d’une législation autorisant (si pas exigeant) des mesures d’inflation, tandis que dans toutes les classes du peuple une forte opinion était favorable à toute action pour enrayer la déflation.

Les indices du diagramme montrent ce qu’on peut en attendre dans un pays qui est sur le point d’essayer de mettre fin à la dépression par une inflation délibérée, contrôlée ou non contrôlée.

La baisse de l’argent après la réouverture des banques a été suivie en avril par une hausse des prix des titres, comme il en doit naturellement résulter de pareille baisse et de prévisions sérieuses d’inflation monétaire.

La courbe de la spéculation est montée jusqu’au niveau le plus élevé qui ait été atteint depuis la reprise de l’été dernier.