L'année 1958 a pleinement justifié les inquiétudes exprimées dans ce bulletin il y a un an. Le fléchissement de l'activité économique a eu sur la situation financière du pays et plus particulièrement sur les finances publiques, les répercussions prévues. Depuis plusieurs années, les recettes fiscales augmentaient régulièrement et les dépenses de l'Etat s'y sont ajustées, bien qu'en haute conjoncture il eût été opportun de plafonner, sinon de réduire, les dépenses publiques. Loin de constituer une période d'aisance pour le Trésor public comme il eût été normal, les dernières années ont été marquées par des crises de trésorerie qui révélaient, outre des vices du mode de financement du Trésor, la fragilité de la situation financière de l'Etat.

Une analyse rationnelle de la situation économique et financière de notre pays ne peut se faire qu'à la lumière de l'évolution mondiale et en particulier de celle de nos principaux partenaires du Marché Commun.

Au milieu de l'année 1957 l'économie était marquée par un état très net de tension. Le monde avait atteint un sommet : quasi plein emploi, prix et taux d'intérêts élevés. Mais les signes précurseurs de la récession étaient présents : la baisse violente des matières premières et les réactions du baromètre boursier jouèrent, pour ceux qui voulurent le comprendre, le rôle de sonnette d'alarme. Le rythme de l'activité industrielle se ralentit d'abord aux Etats-Unis qui subirent, à partir du 4e trimestre, une importante récession dont on craignit l'extension progressive. De nombreux pays exportateurs, comme le nôtre, la Suisse, les Pays-Bas, furent également atteints dès 1957; au Royaume-Uni la production restait stationnaire. L'Allemagne, l'Italie, la France voyaient leur rythme d'expansion atténué. C'est aux Etats-Unis que le recul de la production fut le plus sensible : le même phénomène s'était déjà constaté lors de la récession de 1953.

L'évolution économique moins favorable qui a prévalu tout au long de l'année 1958 n'a pas manqué d'avoir de sensibles répercussions sur la situation sociale.

La nature des rapports paritaires, les préoccupations sociales générales, l'orientation de la législation sociale se sont ressenties de la régression de l'emploi, de la stabilisation, voire de la diminution du niveau des rémunérations et de l'accroissement du chômage dans la plupart des branches d'activité. Comme les données à ce sujet constituent un préalable à l'explication de toute évolution sociale, nous nous efforcerons en premier lieu de rappeler leur signification exacte au cours de l'année écoulée.

L'année 1958 aura été l'une des plus sombres qu'ait connue l'industrie charbonnière belge dans toute son histoire.

Le chômage a dû être instauré dans la plupart des mines du pays. Il en est résulté une baisse sensible de la production. Malgré cela, les stocks ont augmenté dans des proportions considérables. La concurrence sur les marchés extérieurs est devenue de plus en plus vive; nos exportations en ont subi les funestes conséquences. Dans le même temps, les importations se sont accrues; elles ont ainsi contribué à la détérioration du marché national. L'addition de ces divers éléments traduit l'importante diminution de la consommation apparente de charbons belges en 1958. Si l'on tient compte, en outre, des baisses de prix intervenues, dans le courant de l'année, au détriment de la rentabilité des entreprises, et de l'accroissement des charges financières résultant du chômage et des mises en stock, on saisira combien est inquiétante la situation de notre industrie charbonnière.

Au cours de la dernière phase de la période de haute conjoncture, la demande de produits métallurgiques avait surtout porté sur des biens d'investissement. C'est dès lors d'autant plus sensiblement que la récession a touché la métallurgie.

L'année 1958 marque un temps d'arrêt dans le développement de la métallurgie. Le groupement des Hauts-Fourneaux et Aciéries Belges évalue à 9 % la réduction de l'activité des usines belges en 1958 par rapport à 1957. Cette baisse qui est l'une des plus marquantes de la C.E.C.A. résulte pour une part importante de la faiblesse de notre marché intérieur.

Au cours de l'année 1958, l'industrie textile belge a continué à ressentir profondément les effets de la récession conjoncturelle qui avait débuté au second semestre de 1957. Elle a eu d'autant plus de difficulté à y faire face et à en supporter les inévitables conséquences qu'elle n'avait bénéficié que modérément des avan-tages de la haute conjoncture.

Au contraire de ce qui s'était produit antérieurement, la grande variété de fibres utilisées, la multiplicité des fabrications et la diversité d'usages auxquelles elles sont destinées, n'a pas eu comme effet de provoquer des évolutions divergentes de secteur à secteur. La crise de 1958 fut générale et affecta pratiquement toutes les branches et tous les stades de la production, entraînant une réduction d'activité de 17 % en moyenne par rapport à l'année 1957.

Depuis 1951, l'activité de l'industrie de la construction s'est développée à un rythme assez régulier, le progrès de l'ensemble du secteur dérivant de l'alternance de périodes de grande activité et de ralentissement dans les domaines de l'habitation et des travaux publics.

La construction d'habitation a décliné durant la période de prospérité traversée par l'économie belge à partir de 1954, sous l'effet des mesures prises par l'Etat dans le cadre de sa politique anticyclique (telles que la fixation de nouvelles conditions à l'octroi de primes, son intervention auprès des organismes parastataux pour qu'ils réduisent le volume de leurs crédits et élèvent les taux du financement).

Les indices d'activité montrent que la baisse de 1957 a été presque entièrement résorbée. La récession n'avait d'ailleurs entamé que légérement la brillante progression de l'industrie du verre depuis 1953. Le lecteur connaît, en effet, les difficultés de cette industrie et particulièrement de son secteur le plus important, celui du verre plat, dans l'après-guerre.

Les raisons de ces difficultés furent très bien explicitées par le Directeur général de l'Union des Verreries Mécaniques en 1950 : « Dès ce moment (1948), apparurent les signes d'une crise qui devait être très grave. Les causes résident dans la fermeture plus ou moins complète de nombreux débouchés traditionnels pour des raisons absolument extra-commerciales et tout à fait étrangères à la qualité, au caractère compétitif de nos produits ainsi qu'à notre organisation commerciale.

Il est sans aucun doute intéressant de suivre d'année en année le résultat financier de l'agriculture qui reste un secteur non négligeable de notre vie économique, bien que son importance ait tendance à se réduire comparativement aux autres secteurs. Le volume de la production, les prix de vente et l'évolution des frais de production nous renseignent sur le sujet. Ces données, aussi intéressantes soient-elles, ne peuvent nous faire perdre de vue l'évolution structurelle qui se manifeste de plus en plus au sein de l'agriculture. L'évolution du nombre des exploitations agricoles et des personnes actives en agriculture de même que le développement du parc à matériel constituent les éléments essentiels de cette évolution structurelle.

Une fois de plus, le mouvement général des prix n'a apporté aucune surprise durant l'année 1958. Il a traduit d'une part la récession économique mondiale avec la baisse du prix des matières premières, et d'autre part, certaines particularités propres à l'économie belge. L'événement a confirmé en tout cas que l'Exposition de Bruxelles, dont on avait dit qu'elle provoquerait une explosion de hausses, surtout dans les produits de consommation, a été absolument sans influence sur le niveau des prix intérieurs.

Cependant, l'affluence des étrangers semble avoir été celle qui était prévue, et le commerce intérieur en a été largement stimulé. Seule l'hôtellerie a éprouvé quelques déceptions, les étrangers ayant de préférence multiplié des visites de courte durée, facilitées par les communications extrêmement rapides qu'offre l'ouest du Continent. Quant aux prix pratiqués à cette occasion, ils ont été dans l'ensemble modérés, avec cependant des exceptions regrettables, qui ont constitué pour certains observateurs étrangers une occasion de dénigrement que ne justifiait certainement pas la situation dans son ensemble.

L'année 1958 a été caractérisée par une légère récession qui a suivi la grande expansion que de nombreux pays ont connue jusqu'en 1957. Ce ralentissement de l'activité économique a d'ailleurs été pour une bonne partie le contre-coup des mesures adoptées dans divers pays pour contrôler un excès de prospérité qui menaçait de dégénérer en boom, et il s'est, de ce fait, traduit, dans la plupart des cas, par un arrêt de l'expansion plutôt que par un recul d'acti-vité nettement marqué. Pour des raisons en grande partie structurelles, le mouvement de régression a cependant été un peu plus important en Belgique. L'indice de la production industrielle y est tombé de 6,5 % depuis le début de 1957, alors qu'il a haussé de 3 % pour l'ensemble des pays de l'O.E.C.E. (1) et qu'il n'a baissé que de 3 % aux Etats-Unis.