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Un Demi-Siècle de Glissement à Droite1

Published online by Cambridge University Press:  18 December 2008

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Une des formules les plus généralement admises par les interprètes et les exégètes de la politique française a été celle d'un progrès vers la gauche, progrès plus ou moins continu, inscrit dans des pages d'histoire où les fastes de la Grande Révolution ouvraient toute une perspective de révolutions et de réformes amenant le pays à des attitudes et à des institutions toujours plus démocratiques, et où chaque pas en arrière serait recompensé par deux pas en avant…au moins à longue échéance. C'était une version eschatologique de l'histoire (une de plus) qui ne mettait pas en doute la réalisation inéluctable des grands rêves humanitaires et libéraux du dix-neuvième siècle, incarnés dans une gauche sans cesse renouvelée mais consistante dans son réformisme, son progressisme, son radicalisme et sa conscience d'un triomphe éventuel. La gauche devait vaincre selon cette doctrine et elle allait vaincre parce qu'elle était dans la ligne de l'histoire, mais aussi parce qu'elle était le parti du peuple, c'est-à-dire de la majorité, et qu'elle détenait ainsi non seulement la force morale mais aussi la force numérique.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Internationaal Instituut voor Sociale Geschiedenis 1960

References

page 167 note 1 Pour Pierre Gaxotte (préface à Alain Laubreaux, La Terreur rose, Paris 1939, p. 15)Google Scholar «C'est la loi, c'est le souverain mot.» La même impression apparaît dans l'Histoire du Radicalisme de A. Milhaud, Paris 1951Google Scholar; dans d'ouvrage d'un vieil observateur aussi avisé que A. Hamon, Les Maîtres de la France, Paris 19361958, vol. II, p. 313Google Scholar; dans les écrits ou remarques de politiciens de carrière: Fabry, J., De la Place de la Concorce au Cours de l'Intendance, Paris 1942, pp. 7, 9Google Scholar; Doriot, J., La France avec nous, Paris 1937, p. 64Google Scholar; Paul, Ramadier, Barodet, 1928, Paris 1930Google Scholar; Ch., Sancerme, La Voix Nationale, 28 Juillet 1919Google Scholar; dans ceux d'experts politiques: cf. Brogan, D., préface de A. Werth, The Twilight of France, New York, 1942, pp. xxiGoogle Scholar; Priouret, R., La République des partis, Paris 1947, p. 122Google Scholar; Paul, Sérant, Gardez-vous à gauche, Paris 1954Google Scholar, et dans bien d'autres ouvrages et endroits.

page 169 note 1 Buisson, F., La politique radicale-socialiste, dans: Revue hebdomadaire, 1910.Google Scholar

page 169 note 2 La France déchirée, Paris 1957, p. 131.

page 171 note 1 Campbell, P., French Electoral Systems and Elections, New York 1958, p. 98.Google Scholar

page 171 note 2 Seignobos, C., Études de politique et d'histoire, Paris 1934, pp. 337, 342–43.Google Scholar

page 172 note 1 Jadis, E. Herriot, vol. II, Paris 1952, p. 289.Google Scholar

page 172 note 2 Debu-Bridel, J., L'Agonie de la Troisième République, Paris 1948, p. 178 sq.Google Scholar

page 172 note 3 Très utiles à ce sujet sont les volumes d'E. Beau de Loménie, Les responsabilités des dynasties bourgeoises, Paris 1947–1954; Maxence, voir aussi J. P., Histoire de Dix Ans, Paris 1939Google Scholar; Danos, J. et Gibelin, M., Juin 36, Paris 1950, p. 19Google Scholar; Isorni, J., Ainsi passent les Républiques, Paris 1959Google Scholar, sur le trésor du Patronat, rue de Penthièvre; et les divers détails fournis par Hamon, op. cit., sur les affaires et les relations de famille de nombreux chefs radicaux.

page 173 note 1 André, Tardieu, Journal Officiel de la République française, Chambre, Débats, 7 juin 1932.Google Scholar Bel exemple d'une apparente majorité de gauche rafistolée sur un accord idéologique cédant le pas à une majorité de centre-droit basée sur un accord politique. Cf. l'édifiante évolution de ce troisième gouvernement Herriot d'une alliance avec les socialistes en juin à une cassure en juillet 1932 et, une année plus tard, l'emploi très caractéristique par Chautemps de l'issue laïque pour reforger une entente avec des socialistes fondamentalement opposés à sa politique économique.

page 173 note 2 Sur l'orientation de droite de Doumergue, cf. Herriot, op. cit., p. 482; cependant Herriot accepta un poste de lui. L'histoire de 1934 reste encore à faire - de ce 1934 qui fut pour la droite ce que 1936 fut pour la gauche: le moment de victoire apparente précédant une désintégration que l'ennemi n'avait pas osé espérer. Mais, tandis que les alliés de 1936, se jalousant et se soupçonnant réciproquement dès le début de leur collaboration, ne tardèrent pas à se quitter dans un glissement général vers l'abandon de leurs gains, la victoire de la droite en février '34 fut le prélude d'un développement autrement significatif et qui entérinait un succès posé sur des bases moins apparentes peut-être, mais bien plus fermes. Les ligues nationalistes, du moins les plus importantes d'entre elles et surtout les Croix de Feu, entrèrent dans le régime, ou tout au moins dans le système, se transformant en partis politiques. L'auraient-elles fait si elles n'avaient pas senti que le 6 février leur avait ouvert l'accès au pouvoir?

page 174 note 1 Herriot, op. cit., p. 551.

page 174 note 2 Le Monde hebdomadaire, 4–10 avril 1947, décrit ainsi le congrès des radicaux dissidents qui suivirent Queuille et André Morice: «Les radicaux 'dissidents' prennent des positions analogues à celles de la 'droite classique'.»

page 174 note 3 Léon Blum devant la Cour de Riom, Paris 1944, pp. 81–$82. Cf., aussi Jules Véran, Figaro, I août 1919Google Scholar, citant un candidat socialiste de 1914 qui avait recueilli les voix des conservateurs avec cet argument pathétique: «Oui, citoyens, nous supprimerons les armées permanentes, mais nous conserverons ce brave 4e bataillon qui fait la gloire et la prospérité de notre petite ville.»

page 175 note 1 Marcel Ray, cité par Maxence, op. cit., p. 117.

page 175 note 2 Delmas, A., A gauche de la barricade, Paris 1950, p. 85Google Scholar; Maxence, op. cit., pp. 359, 364.

page 177 note 1 PP. 323–24.

page 178 note 1 Frères bourgeois, mourez-vous? Paris 1938, pp. 9091.Google Scholar

page 179 note 1 Cité par Debu-Bridel, op. cit., p. 506.

page 179 note 2 Etienne Fournol cité par Jacques Fourcade, Le Temps, 7 janvier 1934.

page 181 note 1 Il ne s'agit pas de savoir si, après l'établissement d'un parti d'extrême-gauche inféodé à une puissance étrangère, la possibilité d'une vraie union des gauches existait encore. Dans les limites de cette étude, je me borne à constater l'effet de l'existence du P.C. sur l'orientation du pays vers la droite. Il serait facile d'expliquer la crainte et la méfiance des Communistes ressenties par les autres partis et surtout par leur voisins de gauche, immédi-atement menacés par la surenchère communiste, doutant avec raison de leur bonne foi, Il va sans dire que la du P.C. dans le malaise de la gauche a été essentielle et l'east encore, mais ce n'est pas là le sujet de ces pages.

page 182 note 1 2500 Camelots du Roi étaient morts en action ou de ses suites, 5000 avaient été blessés, cités ou décorés.

page 183 note 1 La, Victoire, 24 novembre 1924Google Scholar; Le, Rappel, 24 novembre 1924Google Scholar; L'action française, I décembre 1925.

page 183 note 2 Cf. i'Humanité, 4 décembre 1924; l'Action française, 15 décembre 1924; Paris-Centre, 27 décembre 1924; Ybarnégaray, , Journal Officiel, Chambre, 29 décembre 1924.Google Scholar

page 183 note 3 Eugène, Lautier, L'Homme Libre, 29 Mars 1926.Google Scholar

page 183 note 4 On dit que Doumergue offrit un poste élevé à de la Rocque, qui avait joué un rôle central dans les événements de février 1934. Cf. Chopine, P., Six ans chez les Croix de Feu, Paris 1955, p. 118.Google Scholar On avait confié à Chopine la propagande de la Ligue et l'organisation de ses escouades de choc.

page 183 note 5 J.-M. Hermann, dans sa préface à Chopine, op. cit., p. 22.

page 184 note 1 Nos témoignages sont vagues et peu surs: cf., pourtant, l'Action française du 7 mars et 18 avril, 1934; le, Figaro, 26 mai, 1934Google Scholar; le, Temps, 1921 avril 1935Google Scholar; Commission d'Enquête chargée de rechercher les causes et les origines des événements du 6 février 1934, Paris 1934: déposition Perrier, 6 mars 1934.

page 184 note 2 Ainsi, les forces de droite prirent soin que les menaces de leurs chefs fussent adoucies dans les communiqués de presse. Laval rend ce service au Colonel de la Rocque: cf. Mallet, A., Pierre Laval, Paris 1954, vol. I, p. 116.Google Scholar D'autre part, au débat sur les ligues qui eut lieu à la Chambre le 3 décembre 1935, on cite une conversation au cours de laquelle Paganon, Ministre de l'Intérieur, demanda au Colonel de la Rocque «d'user de son influence sur ses adhérents, très nombreux en Algérie, pour que le bon ordre ne soit pas troublé». (Applaudissements à droite et au centre. Vives exclamations à gauche et à l'extrême gauche.)

page 185 note 1 Debu-Bridel, op.cit., p. 483; cf. aussi, L'appel, 14 novembre 1933Google Scholar, de l'ancien socialiste Compère-Morel. Après Munich l'antisémitisme fit de grands progrès: Juliette Pary, L'amour des camarades, Lille 1948, p. 215, raconte comment dans un foyer de chômeurs où elle travaillait «quinze chômeurs sur vingt font une profession de foi antisémite. Deux seulement connaissent des juifs». C'est qu'on regardait juifs, tchèques et communistes comme responsables de la tension internationale. D'ailleurs pourquoi un socialiste ne serait-il pas antisémite quand il y a des juifs qui le sont? Cf. l'action française, 4 mars 1919, 31 octobre 1919, 10 janvier 1922, et passim. Les socialistes n'avaient pas non plus échappé à l'influence des radicaux anti-communistes: cf. Eugène Frot cité par Manévy, R., Histoire de la Presse, 1914–1939, Paris 1945, p. 310Google Scholar et ibid., pp. 262–63.

page 186 note 1 Frédérix, P., État des forces en France, Paris 1935, p. 181Google Scholar, remarque que Hennessy, «maître du Quotidien», essayait autour de 1933 de monter un parti Social-National, mais avec aussi peu de succès que Coty. Le parti Social -National ne doit pas être confondu avec les Socialistes Nationaux de Gustave Hervé, qui n'avaient pas eu plus de succès à la fin des années 20.

page 188 note 1 Hamon, op.cit., vol. III, p. 14. Patenôtre, lui-même, était loin d'être un homme de gauche: cf. R., Barillon, Le cas Paris-Soir, Paris 1959.Google Scholar

page 189 note 1 L'enquête se fit de septembre à octobre 1935, avec la publication quotidienne de lettres et d'interviews des deux camps. Des journaux de province, en Bretagne, à Lyon, à Nice, dans la Sarthe, y prirent part à leur tour. Les résultats furent les suivants:

page 190 note 1 Je me suis servi des chiffres approximatifs donnés par Campbell, op.cit., pp. 81–101 passim, où nous voyions classés à droite «tous les membres de la Fédération républicaine ou de la Fédération de gauche, tous ceux 'de droite', tous les Conservateurs, Progressistes, Libéraux, Républicains progressistes, Républicains libéraux, Républicains de gauche, Républicains indépendants et Républicains démocrates». Ceci en 1914. Cependant, comme le remarque Goguel, Géographie des Elections françaises de 1870 à 1951, Paris 1951, pp. 42. 44, 46, après la guerre il faut compter ensemble le centre et la droite.

page 191 note 1 Debu-Bridel, op.cit., p. 131.

page 192 note 1 Dupeux, G., Le Front Populaire et les Élections de 1936, Paris 1959, pp. 119–20, n. 31.Google Scholar

page 193 note 1 Bettelheim, op.cit., p. 33. Ces chiffres, évidemment, sont sujettes à caution, ne comprenant surtout pas les ouvrières. Je n'ignore pas, non plus, les importantes variations survenues entre ces dates: significatives pour des études de détail, celles-ci ne me semblent pas affecter une discussion aussi générale que la présente. Pour plus de détails on pourrait se rapporter à, e.g., P., Combe, Niveau de vie et progrès technique en France, 1860–1939, Paris 1955Google Scholar; Gignoux, C.-J., L'Économie française entre les deux guerres, Paris 1942.Google Scholar

page 194 note 1 Op.cit., p. 53.

page 194 note 2 La Vie politique actuellement en France, Paris 1931, pp. 4, 8.Google Scholar

page 195 note 1 Op.cit., p. 31; cf. P., Ariès, Histoire des populations françaises et de leurs attitudes devant la vie depuis le 18e siècle, Paris 1948, p. 452Google Scholar, qui décrit le monde rural en ces termes: «En diminuant quantitativement, en se simplifiant socialement, le monde rural s'est contracté et s'est fixé. Il est devenu l'élément stabilisateur dans la vie politique de la nation…» Les paysans sont «conservateurs, hostiles au changements et aux révolutions». Rien de neuf.

page 195 note 2 Ariès, op.cit., p. 579. Ces phénomènes ne sont pas, bien entendu, particuliers à la France seule. Ce qui semble plus spécifiquement français est la relative lenteur de croissance des «cadres» dans la période avant la deuxième guerre mondiale qui nous concerne principalement. Même ainsi, la progression permanente des classes moyennes salariées, des cadres subalternes, etc., diminuerait le nombre de voix théoriquement, (et sentimentalement) attribuées à la gauche gauchisante. Cf. Leridon, F., Évolution de la Population active en divers pays industriels, dans: Population, XIV, no. 3, juillet 1959, pp. 455484Google Scholar; et aussi Le Rôle social des cadres dans l'évolution des structures économiques, Force Ouvrière, Paris 1960.

page 195 note 3 Bettelheim, op.cit., pp. 176–77; p. 177, n. 3: «Le petit commerce moderne est une des formes du chômage ou plutôt de la surpopulation. Une partie des hommes (et aussi des capitaux) qui ne trouvent plus à s'employer au sein d'une industrie stagnante s'orientent vers le petit commerce».

page 196 note 1 Bettelheim, op.cit., p. 94.

page 197 note 1 Ariès, op.cit., p. 196.

page 197 note 2 Pour, 19361938 le chiffre est de -5. Statistique du mouvement de la population, nouvelle série, tome XIX, Paris 1945, p. 10;Google ScholarAnnuaire, statistique, Paris 1938, p. 247Google Scholar; Bettelheim, op.cit, pp. 3, 4–5.

page 198 note 1 Dupeux, op.cit., p. 129.

page 199 note 1 Siegfried, loc.cit., p. 7. Rappelons pourtant que l'appui des socialistes et des communistes allait rarement de pair. Il y a aussi matière à méditer dans le jugement d'Yves Simon, La grande crise de la République française (Montreal 1941), p. 157, qui trouve «qu'il s'est constitué en France, pendant les dernières années de l'avant-guerre, toute une classe de personnes pour qui la chose souverainement importante n'était ni l'argent, ni l'honneur, ni le plaisir, ni Dieu, mais la haine». - Cf. aussi François Mauriac, Mémoires Intérieures (Paris 1959), p. 130, pour qui «l'histoire intérieure de la France se ramène à un interminable règlement de comptes».

page 200 note 1 On voudrait comprendre, par exemple, cette indigence idéologique de la gauche après 1914 qui a frappé Jacques Fauvet dans son récent livre sur La IV République (Paris 1959) mais que personne n'a encore étudié dans le cadre de l'histoire sociale. Y a-t-il une relation entre cette pauvreté idéologique et le fait que les dépenses de l'Education nationale tenaient à peu près la même proportion du budget français en 1883 (4.65%) et en 1938 (4.66%)… et serait-ce cause ou effet? Il y aurait aussi, il me semble, des possibilités d'analyse psychologique, dans le domaine de la sémantique par exemple, pour étudier la reflection des attitudes de droite et de gauche dans les expressions qui trouvent le plus de faveur auprès des différents partis. Ainsi, la popularité du mot «défense» - défense laïque, défense républicaine - ne me semble pas dépourvue de toute signification. Ce qui serait encore plus intéressant et très à propos, serait l'étude de l'évolution d'une mentalité réformatrice «de droite», la possibilité de tracer les liens passagers ou nécessaires entre la fonction de l'opposant, le travail du réformateur, les principes de l'humaniste, de l'individualiste ou du nationaliste, et quelque «gauche» ou «droite» avec laquelle ces personnages sont assez souvent identifiés.