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Les structures de la vérité chez Descartes

Published online by Cambridge University Press:  13 April 2010

Georges J. D. Moyal
Affiliation:
Collège Glendon, Université York

Extract

L'absence d'une analyse quelconque du concept de vérité a de quoi surprendre dans un discours qui se propose de dire à quelles conditions s'obtient cette vérité. C'est pourtant bien de cette carence que souffrent les Méditations. A l'exception d'une brève allusion, dans la Cinquième Méditation, attribuable d'ailleurs à Clerselier, et dans une traduction remaniée par lui mais non approuvée par Descartes (puisqu'elle date de 1661), le mot « vérité » n'y est défini nulle part.

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Articles
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Copyright © Canadian Philosophical Association 1987

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References

1 « … il est très évident que tout ce qui est vrai est quelque chose, “la vérité étant une même chose avec l'être” … » (Cinquième Méditation. L'édition de 1661 est celle que reproduisent les Classique Larousse [1973]. Le texte que nous citons y parait page 74). Pourles citations des textes cartésiens, dans ce qui va suivre, nous nous sommes servis de l'édition Alquié des Oeuvres Philosophiques de Descartes (Paris: Garnier, 1963–73), plus maniable que celle d'Adam et Tannery. Nous donnons cependant les pages correspondantes de cette édition, pour les textes en français en premier lieu, puis celles de leur original en latin.

2 Alquié, t. 2, 144; AT, 2, 596–597.

3 Ils ne sont définis que dans les Principes: « J'appelle claire [l'idée] qui est présente et manifeste à un esprit attentif;… et distancte, celle qui est tellement précise et différente de toutes les autres, qu'elle ne comprend en soi que ce qui paraít manifestement àcelui qui la considère comme il faut » (Alquié, t. 3, 117–118; AT, 9–2, 44; 8–1, 22). Nous tenterons, plus bas, d'élucider les termes clés de ces définitions et, en particulier, celui de précision d'une idée.

II est cependant à remarquer qu'il ne peut y avoir connaissance qu'à moins que ce qui est distinctement perçu ne le soit aüssi manifestement, donc clairement. Les définitions des deux termes contiennent bien le mot « manifeste », ce qui explique en quoi la distinction, parce qu'elle englobe la clarté, ne saurait se présenter seule et ainsi suffire pour atteindre la vérité. Car il faut que ce que je distingue dans un théorème soit une chose à laquelle je sois attentif, qui occupe mon esprit.

4 Je me sers des expressions « vérité matérielle » et « vérité formelle » au sens que leur donnent les lexiques philosophiques ordinaires (tel le Dictionnaire de la langue philosophique de P. Foulquié [Paris: P.U.F., 1982], art. « vérité »). Par ailleurs, je me sers aussi d'une nomenclature empruntéeàl'anglais (et utilisée dans latraduction française des Probèmes de philosophie de Bertrand Russell), à savoir celle des concepts de cohérence, de correspondance et de leurs dérivés. Dans l'ensemble, ces deux termes correspondent respectivement aux sens usuels de vérité formelle et de vérité ma-térielle. Mais ni la notion de vérité formelle, ni celle de cohérence ne suffisent à rendre exactement la liaison étroite qu'exige Descartes entre les idées constituant une proposition d'une part, et entre propositions d'autre part. Ce n'est que dans ce dernier cas qu'il est question de vérité formelle (ou de cohérence), d'ordinaire; pas dans le premier. C'est pourquoij'aijugé utile d'avoir recours au mot de cohérence, redéfini pour les besoins de la cause, de telle manière qu'il recouvre les deux sortes de liaison, et de réserver le mot de correspondance pour les rapports idée-objet. Soit dit en passant, le mot de cohérence se retrouve bien dans les lexiques français; pas celui de correspondance.

On aura remarqué, enfin, la présence d'autres termes à résonance non cartésienne, tels que ceux de catégorie ou de concept (plus commodes que ceux de notions générale ou commune, dont il est question dans les Principes), de proposition (pour lequel il n'y a pas d'équivalent exact chez Descartes), etc. Je ne prétends nullement en attribuer l'emploi à Descartes, bien entendu, et ne m'en sers que par commodité et seulement si cet emploi n'est pas susceptible de déformer sa pensée.

5 C'est bien entendu parce que les Principes se veulent un exposé de son système, aux fins d'enseignement, que nous pensons pouvoir nous en servir ici pour élucider le texte des Méditations.

6 Alquié, t. 2, 499–501; AT, 9–1, 69–70; 7, 86–88.

7 Sixième Méditation: « Je remarque aussi que l'esprit ne reçoit pas immédiatement l'impression de toutes les parties du corps, mais seulement du cerveau, ou peut-être même d'une de ses plus petites parties … laquelle, toutes les fois qu'elle est disposée de la même façon, fait sentir la même chose à l'esprit, quoique cependant les autres parties du corps puissentêtre diversementdisposées …» (Alquié, t. 2,499–500; AT, 9–1, 69; 7, 86). Ce texte montre clairement que ce qui préoccupe Descartes est bien le télescopage des causes possibles de nos sensations, source de leur confusion essentielle et dont nous allons parler plus loin.

8 Alquié, t. 2, 501; AT, 9–1, 69; 7, 87.

9 Cette unicité s'oppose au rapport entre un pilote et son navire, lorsqu'il prend conscience d'une avarie subie par ce navire. Descartes se sert de cette analogie pour illustrer, entre autres choses, le contraste entre la perception sensorielle (du sens interne) et l'appréhension intellectuelle. Mais rien ne nous empêche de modifier quelque peu cette analogie et de supposer que le pilote soit en fait si intimement uni à son navire qu'il puisse ressentir cette avarie par une douleur (ou quelque autre sensation). II aurait alors à sa disposition au moins deux sensations: cette douleur ainsi que le sensation visuelle par laquelle il observerait, en se penchant par-dessus bord, une voie d'eau ouverte dans la coque, par exemple. II serait alors mieux placé pour juger, par recoupement, la nature de ce que lui représentent ses sensations. Ce recoupement, cependant, ne se fait que par l'entendement.

10 Alquié, t. 3, 118; AT, 9–2, 44; 8–1, 22. Nos italiques. II y a cependant une conjecture à émettre à ce sujet: c'est qu'il est possible que la raison pour laquelle nous nous trouvons dans cette incapacité ait trait au fait qu'une idée—objet essentiellement psychique, donc non spatial—ne peut représenter adéquatement ce qui est essentiellement spatial; car même dans les cas où nos sensations semblent se présenter en deux dimensions (dans le cas des perceptions de forme et de couleur), elles n'en ont aucune elles-mémes (en effet, quel peut être le rayon du disque par lequel je me représente le soleil?) et ne peuvent, àplus forte raison, révéler, àelles seules, la profondeur ou la distance qui nous sépare de leur objet. C'est ce que confirme en partie pattribution, par Descartes, de la confusion des sensations à l'incommensurabilité entre le cors et l'esprit et à leur union: « Car en effet tous ces sentiments de faim, de soif, de douleur, etc., ne sont autres choses que de certaines façons confuses de penser, qui proviennent et dépendent de l'union et comme du mélange de l'esprit avec le corps » (Sixième Méditation: Alquié, t. 2, 492; AT, 9–1, 64; 7, 81).

Si nous avons raison de voir dans l'admixture du mental et du matériel la source de la confusion de idées de la sensation, et par conséquent l'impossibilité qu'elles re-présentent clairement les modes de l'espace, il pourtrait nous être objecté que de même il faudrait éliminer du contenu d'une idée ses références au temporel (puisque le temps est une forme de l'extension) pour qu'elle soit distincte. A ceci, il convient de répondre: (1) qu'au contraire, il y a de fortes raisons de croire qu'une idée peut être distincte en dépit de ses références temporelles, selon Descartes; car les vérités éternelles qui découlent de ces idées (ou qui les constituent) sont éternelles dans le sens temporel du mot. (C'estlàlathèsequenous défendonsdans un autre travail que nousespérons voir paraître dans un avenir prochain.) En ceci, Descartes diffère de Locke, pour qui il faut dénuer une idée de ses références spatiales et temporelles pour qu'elle devienne susceptible d'engendrer des vérités universelles. (2) II n'y a pas de raison de soupçon-ner laperception du temporel d'ètre source de confusion, puisque l'âme, ou du moins la pensée, est elle-même esseníiellement temporeJle. De sorte que, si ces deux considérations sont effectivement imputables à Descartes, nous ne pouvons qu'en déduire que la connaissance, selon lui, est affaire de percept?on du mème par le même.

11 Principes, 1, 71: Alquié, t. 3, 140–141; AT, 9–2, 59; 8–1, 36.

12 Sixième Méditation: « Car j'ai observé plusieurs fois que des tours, qui de loin m'avaient semblé rondes, me paraissaient de près être carrées, et que des colosses, élevés sur les plus hauts sommets de ces tours, me paraissaient de petites statues à les regarder d'en bas … » (Alquié, t. 2, 486; AT, 9–1, 61; 7, 76).

13 Voir, par exemple, les diverses manières que propose Descartes de rectifier des perceptions trompeuses, dans l'Homme (Alquié, t. 1, 432 sqq.; AT, 11, 162 sqq.).

14 « Elle [savoir, l'âme] apercevait aussi des grandeurs, des figures et des mouvements qu'elle ne prenait pas pour des sentiments, mais pour des choses ou des propríétés de certaines choses qui lui semblaient exister ou du moins pouvoir exister hors de soi, bien qu'elle n'y remarquât pas encore cette différence. Mais lorsque nous avons été quelque peuplusavancésenâge … l'‘acirc;me … ne leur a pas attribué seulement les grandeurs, les figures, les mouvements et les autres propriétés qui appartiennent véritablement au corps … mais encore les couleurs, les odeurs, et toutes les autres idées de ce genre qu'elle apercevait aussiàleur occasion … »(Principes, 1,71: Alquié, t. 3,139–140; AT, 9–2, 58–59; 8–1, 35). A l'inverse de Berkeley qui, en assimilant les unes aux autres, y voyait une source de vérité, Descartes, par la même assimilation, y voit une source d'erreur.

15 La clartétient donc à la simple présence à l'esprit d'un contenu d'idée dont (1) il a pleine conscience (et en cela l'idée claire s'oppose à l'idée perçue du coin de l'oeil, pour ainsi dire: telle l'idée de la blancheur de cette page, il y a un instant, avant que je n'y attire l'attention du lecteur) et dont (2) il n'est pas nécessaire qu'il soit rapporté à une autre idée, qu'il en soit affirmé quelque chose. La clarté d'une idée, en outre, est une condition nécessaire, mais non pas suffisante de la connaissance de son contenu. Inversement, une idée ne peut être distincte que si elle est claire aussi (Principes, 1,46) et la distinction const?tue donc la condition suffisante d'une telle connaissance.

16 Descartes en donne un exemple dans la Deuxième Méditation: « …je voudrais presque conclure, que l'on connaît la cire par la vision des yeux, et non par la seule inspection de l'esprit, si par hasardje ne regardais d'une fenêtre des hommes qui passent dans la rue, à la vue desquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes, tout de même que je dis que je vois de la cire; et cependant que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts? Mais je juge que ce sont de vrais hommes, et ainsi je comprends, par la seule puissance de juger qui réside en mon esprit, ce queje croyals voir de mes yeux »(Alquié, t. 2, 426–427; AT, 9–1, 25; 7, 32. Nos italiques). Ce passage met en relief, non seulement I'ambiguïté intrinsèque à toute expérience purement sensorielle (du fait que ce qu'il voit de safenêtre est susceptible de deux interprétations ou même plus), mais aussi le fait que le jugement implique l'insertion de cette perception dans un complexe conceptuel: soit des hommes-machines, soit des hommes véritables; le jugement sert donc à subsumer. Nous reviendrons sur ces deux sujets plus loin.

17 Alquié, t. 3, 118; AT, 9–2, 44; 8–1, 22. Nos italiques dans les deux cas.

18 AJquié, t. 3, 118–119; AT, 9–2, 45; 8–1, 22.

19 Alquié, t. 3, 119; AT, 9–2, 45; 8–1, 22–23.

20 Alquié, t. 3, 123–124; AT, 9–2, 48; 8–1, 25.

21 Alquié, t. 3, 131–132; AT, 9–2, 53; 8–1, 30. Nos italiques.

22 Alquié, t. 3, 133; AT, 9–2, 54; 8–1, 31.

23 Quatrièmes Réponses:« … quoiqu'un entendement créé ait peut-être en effet les connaissances entières et parfaites de plusieurs choses, néanmoinsjamais il ne peut savoir qu'il les a, si Dieu même ne lui [sic] révèle particulièrement. Car, pour faire qu'il ait une connaissance pleine et entière de quelque chose, il est seulement requis que la puissance de connaitre qui est en lui égale cette chose, ce qui se peut faire aisément; mais pour faire qu'il sache qu'il a une telle connaissance, ou bien que Dieu n'a rien mis de plus dans cette chose que ce qu'il en connait, il faut que par sa puissance de conna‘ître, il égale la puissance infinie de Dieu, ce qui est entièrement impossible » (Alquié, t. 2, 659–660; AT, 9–1, 171; 7, 220). Cependant, quoiqu'une idée puisse ne pas nous être donnée entièrement, elle peut nous être donnée complètement: « Ainsi, quand j'ai dit qu'il fallait concevoir pleinement une chose, ce n'était pas mon intention de dire que notre conception devait être entière et parfaite, mais seulement, qu'elle devait être assez distincte, pour savoir que cette chose était complète » (Alquié, t. 2, 661; AT, 9–1, 172; 7, 221). Ce par quoi Descartes semble vouloir dire qu'il nous est possible d'avoir une conception claire et distincte du triangle rectangle, par exemple, sans que nous ayons pour autant jamais soupçonné la vérité du théorème de Pythagore; mais sa distinction doit être telle que ce théorème ainsi que tous les autres en soient déductibles.

24 Pour abréger et éviter une recension qui se serait avérée d'autant plus longue qu'elle déborde notre propos, nous avons passé sous silence les règles à appliquer aux idées des substances mentales et à celles du sens interne (sentiments, émotions et appétits) et dont Descartes énumère aussi les particularités.

25 Notons ici que la nécessité des propositions claires et distinctes ne se traduit que par leur éternelle vérité, au sens temporel et non pas transcendantal (c'est-à-dire atemporel) du mot éternelle. Leur nécessité n'est que perpétuité, thèse que nous défendons dans une autre étude: « Veritas aeterna, Deo volente », que nous espérons voir paraître bientôt.

26 Alquié, t. 2, 463; AT, 9–1, 47; 7, 58–59. Nos italiques.

27 On pourrait objecter à ceci le cas d'indétermination apparente que propose Descartes lui-même, Cinquième Méditation, concernant le parallélogramme qui peut être ou ne pas être inscrit dans un cercle, ou celui du triangle dans un demi-cercle. Mais dans les deux cas, cette inscription requiert une détermination précise du rhombe ou du triangle, à savoir qu'ils soient tous deux rectangles, sans quoi il est tout aussi clair que cette inscription ne peut se faire.

28 Cf. Principes, 1, 71: « Et nous avons été par ce moyen si fort prévenus de mille autres préjugés que lors même que nous étions capables de bien user de notre raison, nous les avons reçus en notre créance; et au lieu de penser que nous avions fait ces jugements en un temps que nous n'étions pas capables de bien juger, et par conséquent qu'ils pouvaient être plutôt faux que vrais, nous les avons reçus pour aussi certains que si nous en avions eu une connaissance distincte par l'entremise de nos sens, et n'en avons non plus douté que s'ils eussent été des notions communes »(Alquié, t. 3, 141;AT, 9–2, 59; 8–1, 36).

29 Principes, 1, 48. Alquié, t. 3, 119; AT, 9–2, 45; 8–1, 22.

30 Aiquié, t. 2, 437; AT, 9–1, 31; 7, 39.

31 Tel l'exemple qu'il donne, à la Sixième Méditation (semblable à celui que nous citons n. 9 ci-dessus) concernant la perception de la grosseur d'une étoile (Alquié, t. 2, 495; AT, 9–1, 66; 7, 83).

32 Sixième Méditation: Alquié, t. 2, 491; AT 9–1, 64; 7, 80.

33 Cf. n. 30 supra.

34 Cf. n. 32 supra.

35 Cf. Alquié, t. 2, 433; AT,9–1, 29; 7, 37.

36 Cf. Alquié, t. 2, 426–427; AT, 9–1, 25; 7, 32. Cf. n. 46, infra.

37 Principes, 1,68: « Mais afin que nous puissions distinguer ici ce qu'il y a de clair en nos sentiments d'avec ce qui est obscur, nous remarquerons en premier lieu que nous connaissons clairement et distinctement la douleur, la couleur et les autres sentiments, lorsque nous les considérons simplement comme des pensées … » (Alquié, t. 3, 136; AT, 9–2, 56; 8–1, 33).

38 Principes, 1, 66: « II ne reste plus que les sentiments, les affections et les appétits, desquels nous pouvons avoir aussi une connaissance claire et distincte, pourvu que nous prenions garde à ne comprendre dans les jugements que nous en ferons que ce que nous connaîtrons précisément par le moyen de notre entendement et dont nous serons assurés par la raison » (Alquié, t. 3, 135; AT, 9–2, 55; 8–1, 32).

39 II n'est pas hors de propos de rappeler ici l'exemple des paradoxes de la perception sensorielle (concernant la taille relative des trois derniers doigts de la main) dans la République de Platon (523c-524b), et de noter les parallèles entre eux et ce que suggère Descartes du besoin d'avoir recours à l'intellect pour ordonner des sensations qui nous paraîtraient incompatibles autrement.

40 Cf. Principes, 1, 71 et 72: Alquié, t. 3, 139–142; AT, 9–2, 58–60; 8–1, 35–37.

41 Alquié, t. 2, 504; AT, 9–1, 71–72; 7, 90. Nos italiques.

42 Alquié, t. 2, 504; AT, 9–1, 71; 7, 89–90. Noter la confüsion possible entre fant‘ocirc;me et vrai homme qui confirme l'analogie dont nous nous sommes servis pour expliquer la confusion inhérente aux perceptions sensorielles (cf. page 469, ci-dessus).

43 Alquié, t. 2, 503–504; AT, 9–1, 71; 7, 89.

44 Voir, à ce sujet, le très intéressant article du Professeur André Gombay: « Descartes and Madness », dans Moyal, G. J. D. et Tweyman, S., eds., Early Modern Philosophy … Essays in Honour of R. F. McRae (Delmar, NY: Caravan Books, 1986), 2133; en particulier 30–31Google Scholar.

45 Alquié, t. 2, 504–505; AT, 9–1, 71–72; 7, 90.

46 Sixième Méditation: « … je conclus fort bien qu'il y a dans les corps, d'où procèdent ces diverses perceptions des sens, quelques variétés qui leur répondent, quoique peut-être ces variétés ne leur soient point en effet semblables » (Alquié, t. 2, 493; AT, 9–1, 64; 7, 81). Voir aussi les Principes, 1, 71: « [L'âme] avait des sentiments tels que sont ceux qu'on nomme goût, odeur, son, chaleur, froid, lumière, couleur, et autres semblables, qui véritablement ne nous représentent rien qui existe hors de notre pensée, mais qui sont divers selon les diversités qui se rencontrent dans les mouvements qui passent de tous les endroits de notre corps jusques à l'endroit du cerveau auquel elle est étroitementjointe et unie » (Alquié, t. 3, 139; AT, 9–2, 58; 8–1, 35). Voir aussi Le Monde, chap. 1.

47 On pourrait s'attendre à ce que cette conception de la science soit obligée de reconnaître un domaine de l'inconnaissable: il dépendrait de ce qui, parmi nos idées, n'est pas susceptible de subsomption, ou d'insertion dans le réseau de vérités. John Locke, parce qu'il faisait des sens la source fondamentale de nos connaissances, voyait dans les limites de la sensation ces limites de la connaissance. De même Kant qui se voit obligé de postuler des dingen-an-sich. Ce n'est pas le cas de Descartes, me semble-t-il. Car, en principe, et même si l'on tient compte des limites de la sensation (impossibilité de percevoir le très éloigné ou le très petit) tout est susceptible de faire partie de nos connaissances (cf. Discours, Deuxième Pärtie: « … il n'y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne, ni de si cachées qu'on ne découvre ») à la faveur des solutions que nous apporterions aux paradoxes de l'expéríence. C'est donc dans le fait même que la sensation n'est fiable que si elle est catégorisée par l'entendement que nous pouvons la dépasser et atteindre, à travers elle, ce qui lui sert de structure. Et s'il en est ainsi, il ne reste rien dont le sceptique puisse dire qu'une connaissance en est impossible.

48 L'analyse de la cohérence de l'expérience vécue, telle que nous l'attribuons ici à Descartes a donc au moins le mérite de rendre compte descriptivement de ce sentiment, que même le sceptique partage avec le common des mortels, de pouvoir distinguer la veille du rêve, dans l'ensemble. Contrairement à ce qu'il peut en paraître, ce n'est pas un résultat prescriptif, car Descartes ne prétend rien changer à la façon dont nous reconnaissons l'év«il; il ne prétend nullement nous mettre en mesure de reconnaître infailliblement le rêve au moment même où nous rêvons.