Hostname: page-component-8448b6f56d-42gr6 Total loading time: 0 Render date: 2024-04-24T05:27:21.763Z Has data issue: false hasContentIssue false

Descartes: la primauté du libre vouloir sur la raison*

Published online by Cambridge University Press:  13 April 2010

Peter Schouls
Affiliation:
Université d'Alberta

Extract

On suppose généralement que Descartes fait jouer au libre vouloir un rôle secondaire par rapport à celui de la raison. Dans ce texte, j'avan cerai que sur certains points d'importance cruciale, c'est le libre vouloir cartésien qui possède la primauté sur la raison.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 1986

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

1 Toutes les références sont à l'édition des, Adam et TanneryOeuvres de Descartes (Paris: Vrin, 19651975)Google Scholar.

2 Je dis “certains ” parce que tous les actes de volonté qui doivent être classés sous “liberte d'opportunite ” ne sont pas des actes dans lesquels la volonté se détermine entièrement elle-même. Le fait d'avancer des hypothèses dans le développement de la science requiert des actes de liberté d'opportunité plutôt que de liberté de spontanéité. II y a des raisons pour avancer une hypothèse plutôt qu'une autre, mais puisque l'hypo-thèse avancée peut se révéler fausse, le fait de la formuler ne peut être expressif de la liberté de spontanéité. La liberté dont il s'agit, est la liberté d'opportunité. Puisqu'elle opère dans un complexe où des raisons particulières déterminent une issue plutôt qu'une autre, il n'y a pas alors d'entière détermination de soi. Pour mettre ce point en contexte cf. Peter A, Schouls, “Peirce and Descartes: Doubt and the Logic of Discovery ”, dans Summer, L. W., Slater, John G., et Wilson, Fred, eds., Pragmatism and Purpose: Essays in Honour ofT.A. Goudge (Toronto: University of Toronto Press, 1981), 88104, en particulier, 95–103Google Scholar.

3 Comme res cogitans, l'homme êst un être voulant, raisonnant (cf. Principes de la philosophie, I, 32). Puisqu'il y a des actes de volonté distincts et antérieurs aux actes de raison mais qu'il n'y a pas de raisonnement sauf par l'intermédiaire d'actes de volonté, I'on doit admettre que la volonté est plus fondamentale a la nature humaine que la raison. Dans la mesure où cela consiste à assigner le volontarisme à I'homme, ce volontarisme est certes différent de celui que Descartes assigne à Dieu. Cf. les lettres de Descartes à Mersenne des 6 et 27 mai 1630.

4 Dans, «Will and Reason in Descartes» “Theory of Error”» (Journal of Philosophy 72 [1975], 87104), Hiram Caton critique de façon convaincante la thèse de Kenny selon laquelle c'est seulement dans les oeuvres de maturité (à partir des Méditations) que le jugement est identifié à un acte de volonté plutôt que de raison.Google ScholarKenny, Cf. Anthony, «Descartes on the Will», Butler, dans R. J., ed., Cartesian Studies (Oxford: Blackwell, 1972), 131, 1–17; et Caton, «Will and Reason», 88–89, 100–103Google Scholar.

5 La classification par Kenny des actes de volonté à la page 29 de «Descartes on the Will» est incomplète et fournit une representation déformée de la doctrine cartésienne. L'appendice du present texte fournit une image plus exacte.

6 Cf. aussi la lettre de Descartes à Mesland du 2 mai 1644. Après avoir cité le passage de la quatrième Méditation qui nous intéresse, il affirme.jue «voyant très clairement qu'une chose nous est propre, il est très malaisé, et même, comme je crois, impossible, pendant qu'on demeure en cette pensée d'arréter le cours de notre désir» (A.T., IV, 116).

7 L'action de «prêter attention» est cruciale pour le processus de validation de la raison. Cf., par exemple, A. T., VII, 45, 47–48; IX-I, 35–36, 38. Qu'il s'agit d'un acte de volonté est affirmé explicitement dans la lettre à Mesland que nous avons citée à la note précédente.

8 Si, dans la première Méditation, Descartes eût stipulé a priori que l'usage de la méthode mènerait à la vérité, cela aurait implique un argument circulaire. Cf. Schouls, Peter A., The Imposition of Method: A Study of Descartes and Locke (Oxford: Clarendon Press, 1980), chap. 4, sect. 3Google Scholar.

9 Rien de cela ne revient à dire que l'entendement est absent. Pour Descartes, il ne saurait y avoir d'«esperance» sinon dans la conscience d'un bien ou d'un mal, plus particulièrement dans la «considération» qu'il y a quelque «apparence qu'on obtienne ce qu'on désire» (cf. Passions de l'âme, art. 58). Dans le cas présent, la «considération» porte sur le mal perçu de l'asservissement de la raison et sur le bien espere d'une détermination de la raison comme absolument crédible. L'espoir transparaít clairement dans les Méditations dès le départ—si l'on me permet des expressions des Passions, art. 58—sous une forme que l'on pourrait juger «extrême», de sorte qu'on doit parler de «sécurité ou assurance»(d'où l'usage que je fais de la «croyance ou crédibilité). La volonté n'agit pas au hasard. Mais puisque cet espoir est que la raison soit libérée des préjugés et déclarée crédible, et que l'action délibérée vise à établir cette liberté et cette crédibilité, la «considération» en question ne peut elle-même à ce point recevoir aucune valeur de vérité qui dérive de la raison. Comme M. Elmer Kremer l'a indiqué judicieusement dans son commentaire de ce texte au congrès 1985 de l'Association canadienne de Philosophie à Montréal, il «vaut la peine de souligner que tout acte de volonté libre a une raison». Je suis d'accord. Mais il faut souligner aussi que pour Descartes toutes les raisons ne sont pas autorisées par la raison.