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Le “nettoyage ethnique” en droit international

Published online by Cambridge University Press:  11 August 2017

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Abstract

Ethnic cleansing is now a reality rooted in international relations. Confronted with this phenomenon in recent years, the international community has attempted to capture it in positive law. However, various efforts to prohibit and punish the practice under international law have taken shortcuts, further confusing an already complex topic. The aim of this critical reflection is to contribute to a legal understanding of ethnic cleansing by adopting a comprehensible and teleological approach that addresses the true objects and purposes of the practice. The goal of such an approach is to encourage international legal scholars to open a new chapter in the study of international crimes, one in which the autonomous status of ethnic cleansing is firmly established in positive international law.

Résumé

Le nettoyage ethnique est désormais une réalité ancrée dans les relations internationales. Confrontée à cette évidence ces dernières années, la communauté internationale tente de le cerner en droit positif. Les multiples efforts visant à affirmer la prohibition de cette pratique et à la sanctionner en droit international conduisent toutefois à emprunter un raccourci qui ajoute à la confusion et sa complexité déjà évidente. Cette contribution critique vise à appréhender la notion en droit en envisageant une approche compréhensible et téléologique qui restitue le véritable objet et le but ultime du nettoyage ethnique. La finalité d’un tel exercice consiste à inciter les internationalistes à ouvrir un autre chapitre de la réflexion sur les crimes internationaux, en œuvrant à donner une véritable connotation juridique autonome à ce phénomène répréhensible que constitue le nettoyage ethnique, pour asseoir fermement sa positivité.

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Articles
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References

1 Syméon Karagiannis, “Des traités d’échanges de populations au nettoyage ethnique” (2004) 1:2 Miskolc J Intl Law 198 aux pp 230–31; Christa Meindersma, “Population Exchanges: International Law and State Practice—Part 1” (1997) 9:3 Intl J Refugee L 335 à la p 336; William Walters, “Deportation, Expulsion, and the International Police of Aliens” (2002) 6:3 Citizenship Studies 265 aux pp 273, 279; Christopher Goebel, “A Unified Concept of Population Transfer” (1992) 21:1 Denv J Intl L & Pol’y 29 à la p 33; André Mandelstam, “La Société des Nations et les puissances devant le problème arménien” (1924) 31 RGDIP 425 à la p 475; Georges Ténékidès, “Le Statut des minorités et l’échange obligatoire des populations gréco-turques” (1924) 31 RGDIP 72 à la p 82; Chaim Kaufmann, “Possible and Impossible Solutions to Ethnic Civil Wars” (1996) 20:4 Intl Security 136 aux pp 170–72 [Kaufmann, “Possible and Impossible Solutions”]; Chaim Kaufmann, “When All Else Fails: Ethnic Population Transfers and Partitions in the Twentieth Century” (1998) 23:2 Intl Security 120 [Kaufmann, “When All Else Fails”]; Michael Barutciski, “Transferts de populations quatre-vingts ans après la Convention de Lausanne” (2003) 41 CYIL 271 aux pp 271–76.

2 Convention concernant l’échange des populations grecques et turques et Protocole, Grèce et Turquie, 30 janvier 1923, 32 RTSN 75 [Convention de Lausanne].

3 Voir Alfred M de Zayas qui reprend les paroles qu’auraient prononcées Lord Curzon, Alfred M de Zayas, Nemesis at Postdam: The Anglo-Americans and the Expulsion of the Germans: Background, Execution, Consequences (Londres: Routledge & Kegan Paul, 1979) aux pp 11–12.

4 Antonio Cassese, “L’incidence du droit international sur le droit interne” dans Antonio Cassese & Mireille Delmas Marty, dir, Juridictions nationales et crimes internationaux (Paris: Presses universitaires de France, 2002) 533 à la p 566.

5 David M Kresock, “Ethnic Cleansing in the Balkans: The Legal Foundations of Foreign Intervention” (1994) 27:1 Cornell Intl LJ 203.

6 Dans son rapport de 2005, la Commission internationale d’enquête sur le Darfour a estimé que les forces gouvernementales et les milices se sont livrées à de nombreuses violations du droit international humanitaire (DIH) et du droit international des droits de l’homme (DIDH) pouvant être qualifiées de nettoyage ethnique contre les tribus dites “africaines” du Darfour, notamment les tribus Four, Zaghawa, Massalit, Djebel et Aranga. Rapport de la Commission internationale d’enquête sur le Darfour au Secrétaire général, Doc Off CS NU, 2005, Doc NU S/2005/60 (2005) aux pp 3–4, 65, 133, 146, 185 [Rapport sur le Darfour]. Sur les allégations de nettoyage ethnique, voir aussi Samantha Power, “Dying in Darfur: Can the Ethnic Cleansing in Sudan be Stopped?” The New Yorker (39 août 2004), en ligne: <http://www.newyorker.com/magazine/2004/08/30/dying-in-darfur>.

7 En Irak, les persécutions systématiques et généralisées commises par l’organisation de l’État islamique (EI) ont été dénoncées par le Haut-Commissariat des Nations unies en ces termes: “Ils visent systématiquement des hommes, des femmes et des enfants en fonction de leur appartenance ethnique ou religieuse et procèdent de manière impitoyable à un nettoyage ethnique et religieux dans les zones sous leur contrôle. De telles persécutions constitueraient des crimes contre l’humanité.” “Iraq: la chef des droits de l’homme de l’ONU tire la sonnette d’alarme,” Centre d’actualité de l’ONU (25 août 2014), en ligne: <http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=33167#.WPy0F-_TcdV>; Voir aussi Émile Ouédraogo, “Irak, Vers la réalisation d’un nettoyage ethnique ou un génocide,” L’actualité (11 septembre 2014), en ligne: <http://lactualite.com/politique/2014/09/11/irak-vers-la-realisation-dun-nettoyage-ethnique-ou-un-risque-de-genocide/>.

8 En république centrafricaine, la Commission d’enquête internationale demandée par le Conseil de sécurité a conclu que “[t]he anti-balaka deliberately killed members of the Muslim population and on many occasions told the Muslims to go away and not come back. Their houses, as well as their mosques, were burned or destroyed. Muslims who tried to flee were frequently killed, whether in the towns, the bush, or in convoys that were taking them to refuge outside the country.” Selon la Commission, bien que les faits n’amènent pas à la conclusion d’un génocide, “ethnic cleansing of the Muslim population by the anti-balaka constitutes a crime against humanity.” Rapport final, Doc Off CS NU, 2014, Doc NU S/2014/928 (2014) aux para 49–50 à la p 19 [souligné par nous] [Rapport final sur la Centrafrique]. Voir aussi Émile Ouédraogo, “L’ONU confirme l’existence d’un nettoyage ethnique en République centrafricaine,” L’actualité (13 janvier 2015), en ligne: <http://lactualite.com/politique/2015/01/13/lonu-confirme-lexistence-dun-nettoyage-ethnique-en-republique-centrafricaine/>.

9 Sur l’allégation de nettoyage ethnique pendant le conflit en ex-Yougoslavie, voir Tadeusz Mazowiecki, Sixième rapport périodique sur la situation des droits de l’homme dans le territoire de l’ex-Yougoslavie, Doc off Commission des droits de l’homme NU, 1994, Doc NU E/CN.4/1994/110 (1994) à la p 56 au para 283 [Mazowiecki, Sixième rapport]; Drazen Petrovic, “Ethnic Cleansing: An Attempt at Methodology” (1994) 5:1 EJIL 342 aux pp 343–59.

10 William A Schabas, “Problems of International Codification: Were the Atrocities in Cambodia and Kosovo Genocide?” (2000) 35:2 New Eng L Rev 287 à la p 295 [Schabas, “Problems of International Codification”]; Jennifer Jackson Preece, “Ethnic Cleansing as an Instrument of Nation-State Creation: Changing State Practices and Evolving Legal Norms” (1998) 20:4 Hum Rts Q 817 aux pp 817–18.

11 Karagiannis, supra note 1 aux pp 214 et s; William A Schabas, “‘Ethnic Cleansing and Genocide’: Similarities and Distinctions” (2004) 4 Eur YB Minority Issues 109 à la p 112; Klejda Mulaj, “Forced Displacement in Darfur, Sudan: Dilemmas of Classifying the Crimes” (2008) 46:2 Intl Migration 27 à la p 32; Petrovic, supra note 9 aux pp 343–59; Micol Sirkin, “Expanding the Crime of Genocide to Include Ethnic Cleansing: A Return to Established Principles in Light of Contemporary Interpretations” (2009) 33:2 Seattle UL Rev 489.

12 Tadeusz Mazowiecki, Rapport sur la situation des droits humains dans les territoires de l’ex-Yougoslavie, Doc Off AG NU, 1992, Doc NU A/47/666 (17 novembre 1992) à la p 6 au para 9 [Mazowiecki, Troisième rapport].

13 Mazowiecki, Sixième rapport, supra note 9 à la p 56 au para 283.

14 Dans la mesure où il utilise des critères ethniques pour identifier les deux entités à savoir le groupe auteur et le groupe victime du nettoyage ethnique.

15 Le dictionnaire Larousse en ligne définit cette expression comme “[a]ction de supprimer quelqu’un, quelque chose d’un ensemble.” Larousse, sub verbo “élimination.”

16 Le dictionnaire Larousse en ligne définit également cette expression comme “[é]limination radicale dans un groupe des éléments jugés indésirables.” Larousse, sub verbo “purge.”

17 On notera à toutes fins utiles que l’idée de contraindre au départ n’apparaît pas dans le premier rapport.

18 Rapport intérimaire de la Commission d’enquête constituée conformément à la résolution 780 (1992) du Conseil de sécurité, Doc Off CS NU, 1993, Doc NU S/25274 (1993) à la p 16 au para 55 [Rapport intérimaire de la Commission d’enquête].

19 Ibid.

20 En plus de ce qui vient d’être dit ci-dessus qui marque la différence, il suffit de passer simplement en revue la différence de syntaxe et l’aspect verbeux du second.

21 Ici, la Commission détermine clairement non seulement les groupes auteurs et victimes potentiels du nettoyage ethnique, mais elle s’évertue aussi à mettre en lumière les modalités par lesquelles cette politique de nettoyage ethnique se réalise.

22 Nous nous sommes posé la question de savoir si la dernière définition donnée constituait une définition générale applicable à tous les cas de nettoyage ethnique, dans la mesure où la Commission a pris le soin de préciser que la première définition ne valait que pour le conflit de l’ex-Yougoslavie. Encore que dans la première définition, la Commission insiste explicitement sur l’homogénéité ethnique comme étant la finalité du nettoyage ethnique, ce qui ne ressort pas clairement dans la seconde définition.

23 Eagle Glassheim, “National Mythologies and Ethnic Cleansing: The Expulsion of Czechoslovak Germans in 1945” (2000) 33:4 Central European History 463 à la p 465.

24 Ibid.

25 Salmon, Jean, dir, Dictionnaire de droit international public (Bruxelles: Bruylant, 2001),Google Scholar sub verbo “nettoyage ethnique.”

26 Sur cette confusion, voir note 29 au dessous.

27 Karagiannis, supra note 1 à la p 215.

28 Notamment en ce qui concerne les groupes visés par le génocide et la notion de “destruction.” Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 9 décembre 1948, 78 RTNU 278 [Convention sur le génocide].

29 En effet, la deuxième tranche de la définition (“déplacements forcés visant … à contraindre au départ”) est répétitive dans la mesure où le déplacement forcé lui-même constitue déjà l’action forcée visant à contraindre au départ. Un auteur l’a d’ailleurs relevé dans un ton presque ironique. Karagiannis, supra note 1 à la p 215 (note de bas de p 62).

30 Rapport intérimaire de la Commission d’enquête, supra note 18; Glassheim, supra note 23.

31 Le Procureur c Karadžić, IT-95-5/18-PT, Troisième Acte d’accusation modifié (8 octobre 2009) au para 39 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie) [Karadžić acte d’accusation].

32 Le Procureur c Nomir Nicolić, IT-02-56-I, Acte d’accusation (26 mars 2002) au para 34 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie) [Nicolić, Acte d’accusation].

33 Ibid.

34 Le Procureur c Radislav Krstić, IT-98-3, Jugement (2 août 2001) au para 562 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Chambre de première instance) [Krstić, Jugement].

35 Voir notamment Le Procureur c Brđanin, IT-99-36, Jugement (1er septembre 2004) au para 976 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Chambre de première instance) [Brđanin, Jugement].

36 Prosecutor c Omar Hassan Amhad Al Bashir, ICC-02/05-01/09, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre d’Omar Hassan Ahmad Al Bashir (4 March 2009) au para 143 (Cour pénale internationale, Chambre préliminaire I) [Al Bashir].

37 Rapport intérimaire de la Commission d’enquête, supra note 18.

38 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c Serbie-et-Monténégro), Requête introductive d’instance de la Bosnie-Herzégovine, [1993] CIJ Recueil au para 3 [Bosnie-Herzégovine, requête introductive].

39 Krstić, Jugement, supra note 34 au para 562.

40 Affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c Serbie), [2007] CIJ Recueil 43 à la p 71 au para 190 [Affaire génocide].

41 Ibid.

42 Ibid [souligné par nous].

43 Ibid [souligné par nous].

44 Ibid.

45 Voir notamment Paola Gaeta, “Génocide d’État et responsabilité pénale individuelle” (2007) RDGIP 273; Antonio Cassese, “A Judicial Massacre,” The Guardian (27 février 2007), en ligne: <www.theguardian.com>; Philippe Weckel, “L’arrêt sur le génocide: le souffle de l’avis de 1951 n’a pas transporté la Cour” (2007) RDGIP 305; Pierre Marie Dupuy, “Crime sans châtiment ou mission accomplie?” (2007) RDGIP 243.

46 Mazowiecki, Troisième rapport, supra note 12 à la p 6 au para 9; Rapport intérimaire de la Commission d’enquête, supra note 18 à la p 16 au para 55.

47 Mazowiecki, Troisième rapport, supra note 12 à la p 6 au para 9; Rapport intérimaire de la Commission d’enquête, supra note 18 à la p 16 au para 55; Salmon, supra note 25, sub verbo “nettoyage ethnique.”

48 Mazowiecki, Troisième rapport, supra note 12 à la p 6 au para 9; Rapport intérimaire de la Commission d’enquête, supra note 18 à la p 16 au para 55; Salmon, supra note 25, sub verbo “nettoyage ethnique”; Al Bashir, supra note 36 au para 143; Affaire génocide, supra note 40 au para 190; Rapport sur le Darfour, supra note 6 à la p 133 au para 45; Michael Leir, “Canadian Practice in International Law at the Department of Foreign Affairs in 1998–99” (2000) 37 CYIL 317 à la p 328.

49 Rapport final sur la Centrafrique, supra note 8 aux para 451, 458; Al Bashir, supra note 36 au para 143.

50 Voir notes 6, 7, 8, 9 ci-dessus.

51 Voir, par exemple, Le Procureur c Blagoje Smić et Consorts, IT-95-9-T, Jugement (17 octobre 2003) au para 133 (Tribunal pénal international pour l’ex Yougoslavie, Chambre de première instance) [Smić et Consorts]; voir aussi Jackson Preece, supra note 10 à la p 819.

52 Voir, par exemple, John Quigley, “Repairing the Consequences of Ethnic Cleansing” (2001) 29:1 Pepp L Rev 33 aux pp 33–42; Nathan Lerner, “Ethnic Cleansing” dans Yoram Dinstein & Mala Tabory, dir, War Crimes in International Law (La Haye: Martinus Nijhoff Publishers, 1996) aux pp 1566–67; Sirkin, supra note 11 aux pp 521–26; Jennifer Trahan, “Why the Killing in Darfur Is Genocide” (2007) 31 Fordham Intl LJ 990 à la p 1020–21.

53 Il est important de préciser qu’en dehors du droit des conflits armés, le nettoyage ethnique viole plusieurs règles qu’on rencontre dans divers domaines du droit international, notamment le DIDH et le droit des minorités. Toutefois, nous avons décidé délibérément de nous pencher essentiellement sur les violations qui touchent le DIH, étant donné que c’est généralement en temps de conflits armés qu’a lieu ce phénomène. Voir dans ce sens note 75 ci-dessous.

54 Parfois, on emploiera délibérément la notion “déplacements forcés” sans autre précision, pour désigner tous les types de déplacements. Mais il faudra garder à l’esprit — comme nous le verrons — que le droit international opère bien une catégorisation précise entre les personnes déplacées qui demeurent à l’intérieur des frontières et celles qui ont réussi à franchir les dites frontières.

55 Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949, 75 RTNU 288, art 49 [IVème Convention de Genève].

56 Sur les forces et les limites de la prohibition des déportations et des transferts telles que codifiées à l’article 49 de la IVème Convention de Genève, voir Vincent Chetail, “The Transfer and Deportation of Civilians” dans Andrew Clapham, Paola Gaeta & Marco Sassòli, dir, The Geneva Conventions: A Commentary (Oxford: Oxford University Press, 2014) 1185 aux pp 1187–93, 1195–96 [Chetail, “Transfer and Deportation”].

57 Krstić, Jugement, supra note 34 au para 522.

58 David J Cantor, “Forced Displacement, the Law of International Armed Conflict and State Authority” dans Satvinder S Juss, dir, The Ashgate Research Companion to Migration Law, Theory and Policy (Aldershot: Ashgate, 2013) 363 à la p 375.

59 Comme il a été écrit, il faut bien distinguer la notion d’évacuation avec les termes de déportation ou de transferts forcés. Voir note 67 ci-dessous.

60 Jean S Pictet, dir, La Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre: commentaire (Genève: Comité international de la Croix Rouge (CICR), 1956) à la p 300. Sur ce qu’il faut entendre par “déplacement forcé,” notons que le TPIY se fonde généralement sur l’exercice ou non d’un choix véritable pour conclure au caractère forcé des déplacements, car selon le Tribunal, “c’est l’absence de choix véritable qui conditionne le caractère illicite du déplacement.” Le Procureur c Milorad Krnojelac, IT-97-25-A, arrêt (17 septembre 2003), au para 218 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Chambre d’appel) [Krnojelac, arrêt] [souligné par nous].

61 Pictet, supra note 60.

62 La frontière entre ce qui est un déplacement forcé et ce qui ne l’est pas est souvent très tenue. Voir dans ce sens note 67 ci-dessous.

63 Pictet, supra note 60.

64 Ibid; Arai-Takahashi, Yutaka, The Law of Occupation: Continuity and Change of International Humanitarian Law, and Its Interaction with International Human Rights Law (Leiden: Martinus Nijhoff Publishers, 2009) aux pp 343–44.CrossRefGoogle Scholar

65 James W Nickel, “What’s Wrong with Ethnic Cleansing” (1995) 25:1 J Social Philosophy 5 aux pp 12–14.

66 IVe Convention de Genève, supra note 55, art 49(II).

67 Stricto sensu, on doit considérer que l’article 49 est assorti de deux conditions qui doivent être lues séparément. D’abord, une première lecture de l’article 49 amène à souligner que la dérogation prévue à l’alinéa 1 ne vaut que pour les transferts forcés, c’est-à-dire que l’évacuation n’est autorisée exceptionnellement que pour des “raisons de sécurité de la population ou d’impérieuses raisons militaires,” que si elle doit avoir lieu à l’intérieur du territoire occupé. Ainsi, les raisons liées aux conditions sécuritaires et militaires ne peuvent être invoquées qu’aux seules fins d’évacuation à l’intérieur du territoire et non à l’extérieur et pour une période limitée. Voir dans ce sens aussi Cantor, supra note 58 aux pp 377–78; Georg Schwarzenberger, International Law: As Applied by International Courts and Tribunals, vol 2 (Londres: Stevens, 1989) à la p 232. C’est ensuite — et c’est le deuxième point — en l’absence de possibilités matérielles à l’intérieur du territoire occupé que l’évacuation pourra avoir lieu à l’extérieur. Ici donc, ce n’est pas tant les conditions sécuritaires et militaires qui autorisent l’évacuation en dehors du territoire occupé que l’impossibilité matérielle de trouver un lieu de refuge sûr sur l’ensemble du territoire occupé. Schwarzenberger, ibid; Alfred M de Zayas, “International Law and Mass Population Transfers” (1975) 16:2 Harv Intl LJ 210 [de Zayas, “International Law”].

68 L’évacuation temporaire des civils n’est pas considérée au strict sens du DIH comme étant un transfert ou une déportation. Les deux régimes sont distincts. Pictet, supra note 60 à la p 301. Alors que l’évacuation est l’exception au principe de ne pas déplacer les populations protégées en période d’occupation, l’interdiction des déportations et des transferts est une règle à laquelle aucune possibilité de dérogation n’est permise. Yoram Dinstein, “The Israel Supreme Court and the Law of Belligerent Occupation: Deportation” (1993) 23 Israel YB Human Rights 1 à la p 19; Arai-Takahashi, supra note 64 aux pp 343–44; Jean M Henckaerts, “Deportation and Transfer of Civilians in Time of War” (1993) 26:3 Vand J Transnatl L 469 à la p 473. Malgré cette distinction claire, les auteurs des règles coutumières du CICR ont semblé assimilé les trois notions créant ainsi une confusion inutile. Jean M Henckaerts & Louis Doswald-Beck, Droit international humanitaire coutumier, vol 1 (Bruxelles: Bruylant, 2006) à la p 602, Règle 129. Cette confusion a été critiquée en doctrine. Ryszard Piotrowicz, “Displacement and Displaced Persons” dans Elizabeth Wilmshurst & Susan Breau, dir, Perspectives on the ICRC Study on Customary International Humanitarian Law (Cambridge: Cambridge University Press, 2007) 337 à la p 342.

69 Bassiouni, Cherif M & Manekas, Peter, The Law of the International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia (Irvington-on-Hudson: Transnational Publishers, 1996) à la p 620;Google Scholar Dawson, Grant & Farber, Sonia, Forcible Displacement throughout the Ages towards an International Convention for the Prevention and Punishment of the Crime of Forcible Displacement (Lieden: Martinus Nijhoff Publishers, 2012) à la p 51.Google Scholar

70 Il faut noter à ce stade que la question de la prohibition coutumière de la déportation et des transferts forcés a fait l’objet d’un vif débat dans la doctrine. Il n’est pas pertinent dans ces lignes de s’attarder sur ce débat. Nous renvoyons le lecteur à l’article de Vincent Chetail qui fait le point sur les divergences à travers la position des uns et des autres. Chetail, “Transfer and Deportation,” supra note 56 aux pp 1195–96.

71 On peut même, avant l’article 35, faire référence à l’article 27(I) de la IVème Convention de Genève. De manière substantielle, cette dernière disposition dispose que “[l]es personnes protégées ont droit, en toutes circonstances, au respect de leur personne, de leur honneur, de leurs droits familiaux, de leurs convictions et pratiques religieuses, de leurs habitudes et de leurs coutumes. Elles seront traitées, en tout temps, avec humanité et protégées notamment contre tout acte de violence ou d’intimidation, contre les insultes et la curiosité publique.” Cette disposition ne se réfère pas explicitement à la question des déplacements de populations. Le commentaire des Conventions de Genève ne fait pas non plus référence à ces deux notions. Toutefois, certains auteurs ont vu dans certains de ces éléments une source potentielle et additionnelle pour protéger les civils contre les expulsions et les transferts forcés. Voir notamment Bonaventure Rutinwa, “Refugee Claims Based on Violation on International Humanitarian Law: The ‘Victim’s’ Perspective” (2001) 15:3 Geo Immigr LJ 497 à la p 499; Dawson & Farber, supra note 69 à la p 52.

72 Selon cette disposition, “[t]oute personne protégée qui désirerait quitter le territoire au début ou au cours d’un conflit, aura le droit de le faire, à moins que son départ ne soit contraire aux intérêts nationaux de l’État.”

73 Il est important de souligner que les personnes protégées par cette disposition sont les étrangers se trouvant en territoires ennemis lorsqu’un conflit de caractère international éclate en deux ou plusieurs États. Ces étrangers sont couverts par la section II de la IVème Convention de Genève. A ce titre, ils diffèrent des étrangers qui se trouvent sur un territoire occupé et qui sont aussi protégés par la section III de la IVème Convention de Genève. Piotrowicz, supra note 68 aux pp 345–46.

74 Sur la pertinence, par exemple, du contenu de l’article 35 de la IVe Convention de Genève, il suffit de noter, comme le rappelle les auteurs, que le génocide du peuple juif est entré dans sa phase décisive quand “the Germans prohibited the emigration of Jews from their sphere of influence and demanded that their allies […] enforce this prohibition.” Corry Guttstadt, Turkey, the Jews, and the Holocaust (Cambridge: Cambridge University Press, 2009) à la p 122. Voir aussi William A Schabas, Genocide in International Law: The Crime of Crimes (Cambridge: Cambridge University Press, 2000) à la p 233 [Schabas, Genocide in International Law]; District Court, Jérusalem, 12 décembre 1961, Attorney-General of the Government of Israel v Adolph Eichmann, (1968) 36 ILR au para 80 (Israël).

75 A titre illustratif, les situations au Darfour, en République centrafricaine et au Kossovo où il est fait état d’actes constitutifs de nettoyage ethnique ont été qualifiées de CANI. Voir Rapport sur le Darfour, supra note 6 aux pp 30–31 aux para 74–76; Rapport final sur la Centrafrique, supra note 8 au para 39; Prosecutor c Milan Milutinović et al, IT-05-87-T, Jugement (26 février 2009) aux para 6, 227, 847, 113, 221(Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Chambre de première instance) [Milutinović et al]; Voir dans ce sens aussi Mélanie Jacques, Armed Conflict and Displacement the Protection of Refugees and Displaced Persons under International Humanitarian Law (Cambridge: Cambridge University Press, 2012) aux pp 49–50.

76 De Zayas, “International Law,” supra note 67 à la p 221; Voir dans ce sens aussi Yves Sandoz et al, dir, Commentaire des protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949 (Genève: CICR, 1987) à la p 1472 (note de bas de p 1); Jacques, supra note 75 aux pp 46–47 (note de bas de p 13). Toutefois, le Commentaire du Protocole additionnel II constatait que “l’article 3 commun est muet sur ce point et le problème se pose de façon particulièrement aiguë dans les situations de conflit armé non international, dans lesquelles on a pu constater, par exemple, des cas de déplacements forcés de groupes ethniques et nationaux opposés au gouvernement central.” Sandoz et al, ibid; Rapport analytique soumis par le Secrétaire général en application de la résolution 1997/21 de la Commission des droits de l’homme, Doc Off Commission des droits de l’homme NU, 1998, Doc NU E/CN.4/1998/87 (1998) au para 74.

77 De Zayas, “International Law,” supra note 67.

78 Pictet, supra note 60 à la p 31.

79 Toutefois, le Protocole additionnel II contient des limites du fait qu’il n’est pas universellement ratifié. À ce jour, 167 États sont parties au Protocole additionnel II. Voir la base de donnée du CICR, “Traités et États parties à ces Traités,” CICR, en ligne: <http://www.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/vwTreatiesByTopics.xsp>.

80 Ibid. Aux côtés du protocole II, on oublie le plus souvent de citer les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur pays, qui, bien que constituant pour l’instant de la soft law, peut s’imposer également comme un rempart efficace contre le déplacent forcé pour raison de nettoyage ethnique. Son contenu édicte expressément que “[l]’interdiction des déplacements arbitraires s’applique aux déplacements … qui interviennent dans des situations de conflit armé.” Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur pays, Doc off HCR NU, 1998, E/CN.4/1998/53/Add.2 (1998) [Principes directeurs 1988]. Pour un commentaire de ces principes, voir Walter Kälin, “Le rôle des Principes directeurs relatifs aux personnes déplacées de l’intérieur” (2005) Hors-série R migrations forcées 8 aux pp 8–9.

81 Principes directeurs 1988, supra note 80; Kälin, supra note 80 aux pp 8–9.

82 Sandoz et al, supra note 76 à la p 1474; Karen Hulme, “Armed Conflict and the Displaced” (2005) 17 Intl J Refugee L 91 à la p 103; Jacques, supra note 75 aux pp 63–4.

83 Elle est d’autant bienvenue, car contrairement à ce qu’on a pu penser, la question de savoir si les nationaux d’un État sont absolument protégés contre l’expulsion en masse en droit international général fait toujours débat. En ce qui concerne cette divergence, voir les auteurs suivants qui admettent l’existence d’une norme coutumière en matière d’interdiction d’expulsion collective des nationaux. Sohn, Louis B & Buergenthal, Thomas, The Movement of Persons across Borders (Washington, DC: American Society of International Law, 1992) à la p 85;Google Scholar Haenchaerts, Jean M, Mass Expulsions in Modern International Law and Practice (La Haye: Martinus Nijhoff Publishers, 1995) à la p 78;Google Scholar José F Rezek, “Le droit international de la nationalité” (2008) 198 Recueil Cours Académie Dr Intl Haye 333 à la p 356. Contra, Dinstein, supra note 68 aux pp 8–9. L’auteur, tout en niant l’existence d’un tel droit coutumier, admet néanmoins que “the implementation of the right of the State of nationality to expel a person (in circumstances which are non-arbitrary) is contingent on some cooperation on the part of a foreign country willing to admit him. Expulsion does not take place in a vacuum; for it not be arbitrary, the exiled person must, inter alia, be given sojourn abroad.” Voir dans ce sens aussi Karl Doehring, “Aliens, Expulsion and Deportation” dans Rudolph Bernhardt, dir, Encyclopedia of Public International Law (Amsterdam: North-Holland, 1992) à la p 14. Ce dernier auteur est catégorique quand il affirme que “general customary international law forbidding the expulsion of nationals does not exist.”

84 Sandoz et al, supra note 76 à la p 1496. Le Protocole insiste sur le fait que “[l]es raisons militaires impératives ne peuvent naturellement pas se justifier par des motifs politiques. Il serait, par exemple, interdit de déplacer une population aux fins d’exercer un contrôle plus effectif sur un groupe ethnique dissident.” Ibid. Cette dernière spécification est très importante en relation avec la prévention contre le nettoyage ethnique. Toutefois, il faut aussi remarquer la nuance que font les commentateurs de cette disposition, qui n’excluent pas que l’État soit, dans certains cas, dans son droit de provoquer le départ d’un ou de plusieurs de ses nationaux à l’extérieur des frontières nationales. Ibid.

85 Pour un commentaire sur cette question, voir aussi Chetail “Transfer and Deportation,” supra note 56 à la p 1192.

86 Le Protocole additionnel II contient des limites du fait qu’il n’est pas universellement ratifié. A ce jour, 167 États sont parties au Protocole additionnel II. Voir la base de donnée du CICR, “Traités et États parties à ces Traités,” en ligne: <http://www.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/vwTreatiesByTopics.xsp>.

87 Pour rappel, l’article 1 du Protocole additionnel II traite du champ d’application matérielle. Selon cette disposition, “[l]e présent protocole … s’applique à tous les conflits armés … qui se déroulent sur le territoire d’une Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d’un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu’il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d’appliquer le présent Protocole.”

88 En analysant les critères d’applicabilité du Protocole additionnel II, le Secrétaire général des Nations unies pouvait, à juste titre, faire le constat suivant: “[c]e double critère semblerait limiter l’application du Protocole II aux situations de guerre civile ou de quasi-guerre civile et il est certain que peu de gouvernements sont disposés à admettre que le Protocole s’applique dans des situations moins graves. Étant donné que ni le Protocole ni un autre accord n’autorise un organe extérieur impartial à déterminer si les critères sont remplis pour justifier l’application du Protocole, celle-ci dépend en grande partie de la bonne volonté du gouvernement concerné. Cette bonne volonté fait souvent défaut, car l’application du Protocole est souvent considérée comme conférant une légitimité internationale aux forces d’opposition (bien qu’une autre disposition du Protocole exclue spécifiquement une telle interprétation), et/ou comme la reconnaissance implicite par le gouvernement de son impuissance à contrôler le pays.” Règles humanitaires minimales: Rapport analytique soumis par le Secrétaire général en application de la résolution 1997/21 de la Commission des droits de l’homme, Doc off NU E/CN.4/1998/87 (5 janvier 1998) au para 79.

89 Henckaerts & Doswald-Beck, supra note 68 à la p 602, Règle 129. Voir dans le même sens Jacques, supra note 75 aux pp 69–71.

90 Certains dans la doctrine ont pu douter de l’existence d’une coutume. Voir Christopher Greenwood, “Customary Law Status of the 1997 Geneva Protocols” dans Astrid JM Delissen & Gerard J Tanja, dir, Humanitarian Law of Armed Conflict: Challenges Ahead: Essays in Honour of Frits Kalshoven (Dordrecht: Martinus Nijhoff Publishers, 1991) 93 à la p 113; Rapport présenté par le Secrétaire général en application du paragraphe 5 de la Résolution 955(1994) du Conseil de sécurité, Doc off CS NU, Doc NU S/1995/134 (1995) au para 12; Carlyn M Carey, “Internal Displacement: Is Prevention through Accountability Possible: A Kosovo Case Study” (2000) 49:1 Am U L Rev 243 aux pp 282–83. Malgré tout, en Afrique, avec l’adoption d’une série de textes sur cette question, il est peut-être possible de parler désormais de la naissance d’une coutume régionale dans le domaine de la protection contre les déplacements forcés. Chaloka Beyani, “Recent Developments: The Elaboration of a Legal Framework for the Protection of Internally Displaced Persons in Africa” (2006) 50:2 J Afr L 187 à la p 195; Sandrine Ambrosi, “Chronique des faits internationaux: Entrée en vigueur de la Convention de Kampala: 6 décembre 2012” (2013) RGDIP 122 à la p 140.

91 Karagiannis, supra note 1 aux pp 220–21. Voir aussi Le procureur c Mitar Vasiljević, IT-98-32-T, Jugement (29 novembre 2002), au para 191 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Chambre de première instance) [Vasiljević]; Smić et Consorts, supra note 51.

92 Il faut encore souligner que selon la jurisprudence du TPIY, le nettoyage ethnique se réalise nécessairement “par transferts forcés et déportations des habitants” qui ne font pas parties du groupe ethnique dont est issu les auteurs de sa mise en œuvre. Vasiljević, supra note 91. Par ailleurs, dans son Mémoire en clôture relatif à l’Affaire Prlić qui traitait du nettoyage ethnique, l’accusation a classé l’“expulsion et transfert forcé (chefs 1 et 6 à 9)” en tant que “Crimes ‘principaux’ ou prévus à l’origine dans le cadre de l’entreprise criminelle commune.” Elle a ensuite précisé que “[l]es accusés voulaient asseoir le pouvoir croate en Herceg-Bosna au moyen de l’expulsion et du transfert forcé. Procureur c Jadranko Prlić et Consorts, IT-04-74-T, Version publique expurgée du Mémoire en clôture présenté par l’Accusation (05 août 2011) aux para 7, 11 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie).

93 Dans ce sens, voir note 68 ci-dessus et note 96 ci-dessous. On peut penser également aux réfugiés environnementaux. Voir Essam El-Hinnawi, Environmental Refugees, Doc off PNUE (1985) à la p 41, tel que cité dans Christel Cournil, “A la recherche d’une protection pour les ‘réfugiés environnementaux’: actions, obstacles, enjeux et protections,” en ligne: <http://barthes.enssib.fr/TERRA/article843.html#nb3>; voir aussi MAS Al Khasawneh & R Hatano, Les transferts de population, y compris l’implantation de colons et de colonies, considérés sous l’angle des droits de l’homme, Doc Off Commission des droits de l’homme NU, 1993, Doc NU E/CN.4/Sub.2/1993/17 (1993) à la p 10 au para 27 [Al Khasawneh, Rapporteur spécial].

94 Voir nos développements à l’introduction, ci-dessus. Voir aussi Stéphane Rosière, “La communauté internationale face au nettoyage ethnique: Dayton dans une perspective historique” dans Amaël Cattaruzza, Emmanuelle Chaveneau-Le Brun & André-Louis Sanguin, dir, L’ex-Yougoslavie dix ans après Dayton de nouveaux déchirements communautaires et intégration européenne (Paris: L’Harmattan, 2005) 28. Voir aussi les résolutions du conseil de sécurité, notes 135 et 136 ci-dessous. Sur les modes d’acquisition de territoire en droit international, l’auteur renvoie le lecteur aux articles suivants, voir Ernest Nys, “L’acquisition du territoire et le droit international” (1904) 6 R Dr Intl & de législation comparée 365 aux pp 365–406; Krishina VK Menon, “The Acquisition of Territory in International Law: A Traditional Perspective” (1994) 22 Korean J Intl & Comp L 125 aux pp 125–81; Korman, Sharon, The Right of Conquest: The Acquisition of Territory by Force in International Law and Practice (Oxford: Clarendon Press, 1996).Google Scholar

95 Dans ce sens, Al Khasawneh, Rapporteur spécial, supra note 93 au para 27 à la p 10.

96 Lesquelles finalités, insistons-nous, visent essentiellement la quête du territoire par l’homogénéisation ethnique qui passe nécessairement et d’abord par la déportation et ou le transfert, puis se consolide ou s’achève par l’installation d’un groupe tiers, proche ou acquis aux auteurs du nettoyage ethnique.

97 Voir, par exemple, Convention de Lausanne, supra note 2; Convention entre la Grèce et la Bulgarie relative à l’émigration réciproque, 27 novembre 1919, 1 RTSN 67. Voir aussi Karagiannis, supra note 1 aux pp 199–205.

98 Stelio Séfériadès, “L’échange de population” (1928) 24 RCADIH 311 à la p 350.

99 Ibid aux pp 332 et s, 350 et s.

100 Ibid aux pp 336, 438.

101 Ibid aux pp 338–39.

102 Convention de Lausanne, supra note 2, peut être citée en exemple. Karagiannis, supra note 1 aux pp 199–205.

103 La Convention entre la Grèce et la Bulgarie relative à l’émigration réciproque, supra note 97, peut être citée en exemple. Karagiannis, supra note 1 aux pp 205–07.

104 Ibid.

105 Ces accords ne seraient pas obligatoires, parce qu’ils contenaient des clauses optionnelles qui offraient la liberté aux concernés de demeurer dans les lieux où ils se trouvent ou de partir. Séfériadès, supra note 98 aux pp 351–52; Joseph B Schechtmann, “The Option Clause in the Reich’s Treaties on the Transfer of Population” (1944) 38:3 AJIL 356 aux pp 358–59.

106 Ibid.

107 Pictet, supra note 60.

108 Chetail, “Transfer and Deportation,” supra note 56 à la p 1192.

109 Cité par Olivier Corten, “A Propos d’un désormais ‘classique’: le droit à l’auto-détermination en dehors des situations de décolonisation, de Théodore Christakis” (1999) Rev b dr Intern 329 à la p 334.

110 Voir notes 67–68 ci-dessus.

111 Karagiannis, supra note 1 à la p 227.

112 Ibid à la p 230. Voir aussi Meindersma, supra note 1 à la p 351; Giorgio Balladore Pallieri, “Transferts internationaux de populations” (1952) 44 Ann inst dr int 138 aux pp 140–41. Pour ce dernier auteur, “[l]e transfert international des populations n’est jamais un moyen de protection des droits de l’homme; tout au contraire, il est un moyen de satisfaction de certains droits que les États invoquent et qu’ils s’accordent à se reconnaître ... il ne faut jamais perdre de vue que les États, dans des conventions de ce genre, poursuivent leurs propres intérêts, et non ceux de leurs sujets.”

113 Meindersma, supra note 1 à la p 336: “Population exchanges cannot be considered separately from population transfers.” Voir aussi Karagiannis, supra note 1 aux pp 209–13, 230–31; Kaufmann, “Possible and Impossible Solutions,” supra note 1 aux pp 170–72; Kaufmann, “When All Else Fails,” supra note 1 aux pp 120–56; Barutciski, supra note 1 aux pp 271–76; Walters, supra note 1 aux pp 273, 279; Goebel, supra note 1 à la p 33; Mandelstam, supra note 1 à la p 475. Ténékidès, supra note 1 à la p 82.

114 Voir la partie ci-dessus.

115 Dans la mesure où il est acquis que les échanges de population sont également assimilables au déplacement de population. Voir note 113 ci-dessus.

116 Voir note 113 ci-dessus.

117 Le Procureur c Jadranko Prlić et Consorts, IT-04-74-T, Jugement (29 mai 2013) aux para 661–62 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Chambre de première instance) [Prlić jugement]; Le Procureur c Mladen Naletilić, IT-98-34-PT, Jugement (31 mars 2003), aux para 523–24 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Chambre de première instance) [Naletilić].

118 Voir Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, 2187 RTNU 3, 37 ILM 1002 art 8(2); Statut actualisé du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Doc off Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie NU, septembre 2009, art 2(g), en ligne: <http://www.icty.org/sid/135>. Dans un effort de résumé, on peut définir les crimes de guerre “comme étant les violations des règles du ius in bello qui entraînent, selon le droit international, la responsabilité des individus qui les commettent.” Georges Abi-Saab & Rosemary Abi-Saab, “Crimes de guerre” dans Hervé Ascensio, Emmanuel Decaux & Alain Pellet, Droit international pénal, 2e éd rév (Paris: Pedone, 2012) 269. Pour appréhender les crimes de guerre, on recourt, d’une part, à l’expression “infractions graves aux Conventions de Genève de 1949” pour désigner les incriminations d’actes particuliers qui sont directement inscrits dans les Conventions de Genève, et qui ne s’appliqueraient en principe qu’aux CAI, et d’autre part, “les violations graves des lois et coutumes” de la guerre applicables, soit aux CAI, soit aux CANI. Ibid à la p 282; Robert Kolb, Jus in bello le droit international des conflits armés (Bruxelles: Bruylant, 2009) à la p 490. Pour une étude approfondie sur les crimes de guerre, Michael Bothe, “War Crimes” dans Antonio Cassese, Paola Gaeta & John JRW Jones, dir, The Rome Statute of the International Criminal Court: A Commentary, vol 1 (Oxford: Oxford University Press, 2002) 379; Antonio Cassese, International Criminal Law (Oxford: Oxford University Press, 2008) aux pp 84–97; William A Schabas, An Introduction to the International Criminal Court (Cambridge: Cambridge University Press, 2007) aux pp 112–33 [Schabas, International Criminal Court].

119 Plusieurs auteurs n’ont pas hésité à les qualifier eux aussi de purification ethnique. Michael Cottier Knut Dörmann, Roberta Arnold & Andreas Zimmermann, “War Crimes” dans Otto Triffterer, dir, Commentary on the Rome Statute of International Criminal Court: Observers’ Notes, Article by Article (München: CH Beck, 2008) aux pp 370–71: “[t]he deportation or transfer of the population of an occupied territory outside or within that territory often causes severe grievances for the uprooted population, including the abandoning of their homes, loss of property and Displacement to another location. History shows that populations frequently have been deported or transferred by the occupying Power to strengthen its rule over the occupied territory and/or to deracinate the population and weaken its societal fabrics and culture, sometimes as a part of a policy ofethnic cleansing’.”

120 Dans ce sens, Sandoz et al, supra note 76 à la p 1492.

121 Ibid.

122 Dans ce sens aussi, Jacques, supra note 75 à la p 129.

123 Bassiouni & Manekas, supra note 69 à la p 13; Prégorier, Clotilde, Ethnic Cleansing a Legal Qualification (Routledge: New York, 2013) à la p 21.Google Scholar

124 Mazowiecki, Sixième rapport, supra note 9 à la p 63 au para 323–31; Theodor Meron, “War Crimes in Yugoslavia and the Development of International Law” (1994) 88:1 AJIL 78; Payam Akhavan, “Punishing War Crimes in the Former Yugoslavia: A Critical Juncture for the New World Order” (1993) 15:2 Hum Rts Q 262.

125 En ce qui concerne les CAI, la Chambre de première instance constatait, sans doute sous forme de regret, que “[l]e Tribunal n’a pas encore été appelé à statuer sur une accusation de transfert illégal de civils — une infraction grave aux Conventions de Genève de 1949 — portée en application de l’article 2(g) du Statut. Les jugements Blaskić, Krnojelac et Krstić traitaient du transfert forcé et/ou de l’expulsion, un crime contre l’humanité sanctionné par l’article 5 du Statut.” Naletilić, supra note 117 au para 513. La décision Naletilić est donc la première véritable décision du Tribunal dans ce sens. Cependant, l’acte d’Accusation de Smić et Consorts mentionne en son chef 3 les expulsions ou transferts illégaux en tant qu’“infractions graves” aux Conventions de Genève sanctionnée par l’article 2(g) du Statut du TPIY. Voir Le Procureur c Smić, IT-95-9 (9 janvier 2002) au para 23 [Smić, Acte d’accusation]. Toutefois, il ressort du jugement que les juges ont rejeté ce chef sous prétexte que “the prosecution had failed to plead in the fifth Amended Indictment the existence of an International armed conflict in the area during the relevant period (paras. 104–20).” Jacques, supra note 75 à la p 129. Le procureur du TPIY a aussi inculpé sous le chef 16 de son Acte d’accusation Milosević pour “Expulsion ou transfert illégal, une infraction grave aux Conventions de Genève de 1949, sanctionnée par les articles 2(g), 7(1) et 7(3) du Statut du Tribunal.” Le Procureur c Slobodan Milosevi ć , IT-01-50, Acte d’accusation initial (27 septembre 2001) au para 70 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie). Il faut rappeler que Milosević est décédé avant la fin de son procès, Jacques, supra note 75 à la p 129. Il faut enfin ajouter qu’un autre acte d’accusation du procureur de 2011 contient un chef fondé sur “expulsion illégale d’un civil” et “transfert illégal d’un civil,” des infractions graves aux Conventions de Genève, punissables aux termes de l’article 2(g). Le Procureur c Prilić, IT-04-74-I, Acte d’Accusation (2 mars 2004) au para 229 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie) [Prilić, acte d’accusation]. Les chefs retenus ont été confirmés lors du rendu du Jugement le 29 mai dernier. Prilić 2013, vol 3 de 6 aux para 813, 896. Cependant, il se peut bien qu’il existe d’autres condamnations sous le chef d’expulsion ou de transfert à raison d’“infractions graves aux Conventions de Genève” dont nous n’avons pas connaissance, car nous n’avons pas la prétention d’affirmer avoir parcouru toutes les décisions du TPIY. Toutefois, ce qui est certain, de l’année de la création du Tribunal à son aveu en 2003, la carence en jugements sous ces deux chefs, en ce qui concerne les crimes de guerre, suffit pour confirmer l’affirmation selon laquelle le TPIY s’est peu intéressé — contrairement à ce qu’il a fait pour les crimes contre l’humanité — aux déportations/transferts, sous le fondement des “infractions graves aux Conventions de Genève” en tant que crime de guerre.

126 Analysant l’article 8(2)(e)(viii) relatif aux déplacements forcés applicables au CANI, un commentateur des Éléments des crimes de la CPI a fait remarquer en 2003, qu’au niveau des deux TPI, “[i]t appears that there are no judgments from the ICTY or the ICTR concerning this offence to date. From one decision of the ICTY under Rule 61, one may conclude that the Tribunal considers “ethnic cleansing” as an example of unlawful displacement. However, in this decision the Tribunal did not specifically point the elements of this crime.” Knut Dörmann, Elements of War Crimes under the Rome Statute of the International Criminal Court Sources and Commentary (Cambridge: Cambridge University Press, 2003) à la p 473 (note de bas de page omise). On notera que notre commentaire à la note précédente s’applique mutadis mutandis ici aussi. C’est sans doute cette carence de la jurisprudence en matière de répression dans les CANI des déplacements forcés qui a amené un autre auteur à se poser la question de savoir, “[c]an population transfers constitute war crimes in internal armed conflict.” Et l’auteur de constater que bien que “[f]orced displacement of civilians is one of the main features of civil wars … their criminalization is rather more uncertain.” Jacques, supra note 75 à la p 145.

127 Voir note 131 ci-dessous.

128 Dans ce sens, voir Leir, supra note 48 à la p 329.

129 Voir dans ce sens, Dawson & Farber, supra note 69 à la p 109.

130 La sanction des crimes contre l’humanité est codifiée par plusieurs textes internationaux. Voir, par exemple, Art. 5 du Statut du TPIY; Art. 7 du Statut de la CPI. Ce dernier instrument le définit comme “l’un quelconque des actes énumérés aux alinéas a à k du paragraphe 1 lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque.” Pour une idée approfondie du crime contre l’humanité, voir Yann Jurovics, Réflexion sur la spécificité du crime contre l’humanité (Paris: Librairie Générale Droit et Jurisprudence, 2002); Chérif Bassiouni, Crimes against Humanity Historical Evolution Contemporary Application (Cambridge: Cambridge University Press, 2011).

131 Bassiouni & Manekas, supra note 69 à la p 609; Roger S Clark “Crimes against Humanity and the Rome Statute of the International Criminal Court” dans Mauro Politi & Giuseppe Nesi, dir, The Rome Statute of the International Criminal Court: A Challenge to Impunity (Aldershot: Ashgate, 2001) à la p 84; Schabas, International Criminal Court, supra note 118 à la p 105; Dawson & Farber, supra note 69 aux pp 71–97; Jurovics, supra note 130 aux pp 59, 213; Rapport de la Commission de droit international (CDI) sur les travaux de sa quarante et unième session, Doc off NU, Ann Commission Dr Intl (1989) vol II, 2e partie au para 175 (à note de bas de page 128) [Rapport de la Commission de droit international].

132 Clark, supra note 131; Smić et Consorts, supra note 51; Rapport préliminaire de la Commission d’enquête internationale sur la République centrafricaine, établi en application de la résolution 2127 (2013) du Conseil de sécurité, Doc Off CS NU, 2014, Doc NU S/2014/373 (2014) aux pp 23–25 au para 105 [Rapport préliminaire sur la Centrafrique].

133 Voir nos développements ci-dessus.

134 Krnojelac, arrêt, supra note 60 au para 221 [souligné par nous].

135 Rés CS 780 (1992), Doc off CS NU, 1992, 3119e séance, Doc NU S/RES/780 (1992).

136 Rés CS 819 (1993), Doc off CS NU, 1993, 3119e séance, Doc NU S/RES/819 (1993); Rés CS 820 (1993), Doc off CS NU, 1993, 3200e séance, Doc NU S/RES/820 (1993).

137 Voir Brđjanin, Jugement, supra note 35 aux para 955–58; Prilić, Acte d’accusation, supra note 125 au para 15; Le Procureur c Mladen Naletilić, IT-98-34-PT, Deuxième Acte d’accusation modifié (28 septembre 2001) au para 11 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie).

138 Smić et Consorts, supra note 51.

139 Ibid. Cette prise de position est révélatrice, car il faut noter a contrario que les juges n’ont jamais dit que d’autres crimes sont aussi “étroitement” liés au nettoyage ethnique.

140 Karagiannis, supra note 1 aux pp 198–99, 214–17.

141 James C O’Brien, “The International Tribunal for Violations of International Humanitarian Law in the Former Yugoslavia” (1993) 87:4 AJIL 639 à la p 640.

142 Ibid.

143 Ibid; Smić, Acte d’accusation, supra note 125, au para 24.

144 Contexte qui révèle l’ultime finalité du nettoyage ethnique, à savoir l’acquisition du territoire en vue de l’homogénéisation ethnique. Mais cela se réalise en chassant ses occupants d’origine.

145 L’insistance sur la finalité en matière de nettoyage ethnique est d’une importance capitale. C’est à juste titre d’ailleurs qu’en 1989, la CDI s’était montrée insatisfaite pour n’être pas arrivée à préciser “le but de l’expulsion ou du transfert” qui selon elle “devrait être un élément important de la qualification de l’infraction” au titre des crimes contre l’humanité. Ce faisant, elle reconnaissait fort implicitement “un certain manque de rigueur” et un goût d’inachevée dans la définition qu’elle a proposée. Rapport de la Commission de droit international, supra note 131 au para 179 à la p 68.

146 Voir, par exemple, les décisions suivantes: Le Procureur c Milomir Stakić, IT-97-24-T, Jugement (31 juillet 2003) (Tribunal pénal international, Chambre de première instance) [Stakić]; Le Procureur c Zoran Kupreškić et al, IT-95-16, Jugement (14 janvier 2000) (Tribunal pénal international, Chambre de première instance); Le Procureur c Milorad Krnojelac, IT-97-25-T, Jugement (15 mars 2002) (Tribunal pénal international, Chambre de première instance).

147 Les différentes sources du droit international sont données à l’article 38 du Statut de la Cour Internationale de Justice (dans Charte des Nations Unies, 26 juin 1945, RT Can 1945 n° 7, annexe, en ligne: <http://www.icj-cij.org/documents/index.php?p1=4&p2=2&p3=0&lang=fr>).

148 La définition juridique officielle du génocide est donnée par la Convention sur le génocide. Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 9 décembre 1948, 78 RTNU 277, RT Can 1949 n° 27 art 2 [Convention sur le génocide]. Ainsi, “le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel que: a) Meurtre de membres du groupe; b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe; c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique ou partielle; d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.”

149 La situation en Bosnie-Herzégovine, Rés AG 47/121, Doc NU A/RES/47/121 (1992).

150 Notamment, La République d’Iran, l’Indonésie et la Turquie, Doc off AG NU, 47e sess, 87e séance, Doc NU A/47PV.87 (1993), aux pp 12–1456; la Bosnie Herzégovine, Doc off AG NU, 47e sess, 91e séance, Doc NU A/47/PV.91 (1993) à la p 77.

151 Krstić, Jugement, supra note 34 au para 562.

152 Rappelons que selon la décision Smić, “l’expulsion et le transfert forcé sont tous deux étroitement liés à la notion de ‘nettoyage ethnique’.” Smić et Consorts, supra note 51. Voir aussi United Nations, Forced Evictions and Human Rights: Fact Sheets, Doc 25 (1996), tel que cité par Maria Stravropulo, “Displacement and Human Rights: Reflections on UN Practice” (1998) 20:3 H Rts Q 515 à la p 517.

153 Dans l’arrêt Krstić, la Chambre d’appel a estimé que “[l]e transfert forcé pouvait être un autre moyen de parvenir à la destruction physique de la communauté des Musulmans à Srebrenica. Le transfert complétait l’évacuation de tous les Musulmans de Srebrenica, écartant même pour la communauté musulmane de la région la possibilité qui lui restait de se reconstituer.” Le Procureur c Radislav Krstić, IT-98-33-A, Arrêt (19 avril 2004) au para 31 (Tribunal pénal international, Chambre d’appel) [Krstić, Arrêt]. Cette jurisprudence a été reprise par quelques affaires. Voir Le Procureur c Vidoje Blagojević, IT-02-60-T, Jugement (17 janvier 2005) au para 666 (Tribunal pénal international, Chambre de première instance) [Blagojević]; Le Procureur c Momčilo Krajišnik, IT-00-39-T, Jugement (27 septembre 2006) au para 854 (Tribunal pénal international, Chambre de première instance).

154 Blagojević, supra note 153 aux para 659 et s. Voir aussi, opinion partiellement dissidente du Juge Shahabudden dans Krstić, Arrêt, supra note 153 aux para 45–58.

155 Convention sur le génocide, supra note 148.

156 Opinion dissidente du juge Shahabudden dans Krstić, Arrêt, supra note 153 au para 48; Blagojević, supra note 153 au para 659–66.

157 Ibid. Sur les autres arguments avancés pour fonder cette ressemblance, voir aussi notes 149–50 ci-dessus.

158 Application de la Convention pour la répression et la prévention du crime de génocide (Bosnie Herzégovine c Serbie-et-Monténégro), Ordonnance, [1993] CIJ Recueil 3 au para 69 (Nouvelles demandes en indication de mesures conservatoires. Opinion individuelle du Juge ad hoc de Elihu Lauterpacht).

159 Courageuse, car cette conclusion ne relevait pas de soi, vu les réflexions qui ont précédé la sortie du rapport et ayant conclu précipitamment à l’existence d’un génocide au Darfour. Voir notamment Emmanuel Decaux, “La crise du Darfour chronique d’un génocide annoncé” (2004) 50:1 AFDI 731.

160 Rapport sur le Darfour, supra note 6. Sur cette façon de raisonner, voir aussi la décision de la CIJ, Affaire génocide, supra note 40.

161 L’importance et la place des travaux préparatoires dans l’interprétation de la règle de droit ne sont plus à démontrer. Voir Convention de vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, 1155 RTNU 331, art 32.

162 Jackson Preece, supra note 10 aux pp 820–21.

163 Une proposition de la Syrie visant à amender l’article 2 de la Convention sur le génocide pour y inclure des “mesures tendant à mettre les populations civiles dans l’obligation d’abandonner leurs foyers afin d’échapper à la menace de mauvais traitements” avait en effet été faite. Voir Sixième commission, Projet de Convention (E/794) et Rapport du Conseil économique et social, Doc off AG NU, 3e session, Doc NU A/C.6/234 (1948).

164 Par 25 voix contre 6, avec 4 abstentions et 13 délégations absentes. Ibid. Voir aussi Krstić, Jugement, supra note 34 au para 576.

165 Ibid. “Par le refus d’inscrire de tels actes dans l’infraction du génocide, on les a renvoyés au régime de protection des minorités, au droit naissant des droits de l’homme et le cas échéant au crime contre l’humanité.” Robert Kolb, Droit international pénal (Bâle: Helbing Lichtenhahn, 2012) à la p 82.

166 Le Procureur c Jean Kambanda, ICTR-97-23-S, Jugement (4 septembre 1998) au para 16 (Tribunal pénal international pour le Rwanda, Chambre de première instance).

167 William A Schabas, “The ‘Odious Scourge’: Evolving Interpretations of the Crime of Genocide” (2006) 1:2 Genocide Studies & Prevention 93 à la p 97.

168 Opinion dissidente du juge Shahabudden dans Krstić, Arrêt, supra note 153 au para 52. Cette proposition du juge Shahabuddeen est d’autant plus incohérente et incompréhensible que c’est justement le défaut de consensus dû à la complexité de la Convention sur le génocide qui pousse la doctrine à se référer aux travaux préparatoires pour en dégager le sens, la lucidité et la compréhension. Vincent Chetail, “La banalité du mal de Dachau au Darfour: réflexion sur l’évolution du concept de génocide depuis 1945” (2007) 131 Relations Intl 49 aux pp 51–58, 69–70 [Chetail, “La banalité du mal”]. Qui plus est, le problème avec le point de vue du juge, c’est qu’il cite Schabas en note de bas de page pour conforter sa position (Krstić, Arrêt, supra note 153 au para 52, n 515). Or, l’auteur référé lui-même semble ailleurs et au contraire s’opposer à toute idée de déduire une intention génocidaire à partir des actes relevant du nettoyage ethnique. William A Schabas, “Genocide Law in a Time of Transition: Recent Developments in the Law of Genocide” (2008) 61:1 Rutgers L Rev 161 aux pp 172–73, 178 [Schabas, “Genocide Law in a Time of Transition”]. Voir encore Schabas, “Problems of International Codification,” supra note 10 aux pp 293–96.

169 Voir William A Schabas, “Génocide” dans Ascensio, Decaux & Pellet, supra note 118 à la p 320.

170 Affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (Belgique c Espagne), [1970] CIJ Recueil 3 à la p 32; Schabas, “Problems of International Codification,” supra note 10 à la p 294 (note de bas de p 28).

171 Rosière, supra note 94.

172 Ibid; Le Procureur c Jadranko Prlić et Consorts, IT-04-74-T, Deuxième Acte d’Accusation modifié (26 mai 2011) au para 15 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Chambre de première instance). Cette approche du nettoyage ethnique a été confirmée par les juges. Prlić, Jugement, supra note 117 aux para 44, 1232. Voir aussi, Rapport présenté par le Secrétaire général en application de la résolution 53/35 de l’Assemblée générale, La Chute de Srebrenica, Doc Off AG NU, 1999, Doc NU A/54/549 (1999) au para 19.

173 Il est important de bien comprendre que le déplacement forcé de population est l’un des principaux sinon le principal élément du nettoyage ethnique et non le seul. Comme l’indique la définition donnée dans l’introduction, il peut exister plusieurs faits illicites en droit international dans le cadre de la commission d’un nettoyage ethnique. Mais il n’en demeure pas moins que l’acte de déplacement forcé sera toujours substantiel car il est inhérent au phénomène du nettoyage ethnique. Voir dans le même sens, Rapport sur le Darfour, supra note 6 au para 459 aux pp 133, 147–151 aux para 507–22. Voir aussi Rapport préliminaire sur la Centrafrique, supra note 132.

174 Dans ce sens aussi, Claus Kreß, Münchner Kommentar zum StGB, Rn 57 (Munich: VStGB, 2003) au para 6, tel que cité par Stakić, supra note 146 au para 519.

175 Rapport final sur la Centrafrique, supra note 8 au para 452.

176 Leir, supra note 48 à la p 328 [souligné par nous].

177 Voir Hugues Parent, La culpabilité, Traité de droit criminel, 2e éd (Montréal: Les Éditions Thémis, 2014) à la p 216;Google Scholar Pradel, Jean, Droit pénal comparé, 2e éd (Paris: Dalloz, 2002) à la p 293.Google Scholar

178 Car une fois encore, “ce qui caractérise le génocide, c’est l’intention spéciale de détruire un groupe, sans laquelle, quelles que soient l’atrocité d’un acte et son analogie avec les actes décrits dans la convention, il ne peut être qualifié de génocide.” Procureur c Jean-Paul Akayesu, ICTR-96-04-T, Jugement (2 septembre 1998) au para 519 (Tribunal pénal international pour le Rwanda, Chambre de première instance) (à la note de bas de page 99).

179 Voir notes 150, 151 ci-dessus.

180 Stakić, supra note 146 au para 519.

181 Mémoire en clôture de l’Accusation à la note de bas de page 1027 (confidentiel), cité par Brđanin, Jugement, supra note 35 au para 977 (à la note de bas de page 2455) [Mémoire en clôture de l’Accusation]; Krstić, Arrêt, supra note 154. Voir dans ce sens aussi Chetail, “Banalité du mal,” supra note 168 à la p 59. Or, d’un point de vue strictement juridique, il est quasiment impossible d’envisager la coexistence des deux intentions dans la mesure où ils ne peuvent poursuivent les mêmes finalités. Schabas, Genocide in International Law, supra note 74 à la p 200.

182 Mémoire en clôture de l’Accusation, supra note 181.

183 Dans la mesure où le même argument peut-être aussi tenu dans le cadre des crimes contre l’humanité, par exemple. Schabas, “Genocide Law in a Time of Transition,” supra note 168 à la p 178.

184 Dans ce sens aussi, ibid.

185 Dans ce sens, Leir, supra note 48 aux pp 328–29.

186 Schabas, “Genocide Law in a Time of Transition,” supra note 168 à la p 178.

187 Rafaëlle Maison, “Le Crime de génocide dans la jurisprudence internationale: débats et hypothèses. Des opinions sur le génocide” dans C Tomuchat et al, dir, The Right to Life (Leiden: Martinus Nijhoff Publishers, 2010) à la p 98.

188 Ibid.

189 Karagiannis, supra note 1 à la p 221.

190 Voir dans ce sens, La responsabilité de protéger: Rapport de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États, Document final du Sommet mondial de 2005, Doc off AG NU, Doc NU A/60/L.1 (2005) au para 138; Rapport sur le Darfour, supra note 6 à la p 133 au para 458; Warner Giacca, “La Responsabilité de protéger” dans Vincent Chetail, dir, Lexique de la Consolidation de la paix (Bruxelles: Bruylant, 2009) 457.