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Faut-il parler d’une “guerre” contre le terrorisme?

Published online by Cambridge University Press:  09 March 2016

C. Emanuelli*
Affiliation:
Université d’Ottawa
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Sommaire

Huit ans après les évènements du 11 septembre 2001, la “guerre” contre le terrorisme perdure dans différentes parties du monde. Toutefois, en soi l’expression “guerre contre le terrorisme” perd du souffle. Les raisons en sont essentiellement politiques, mais l’évolution relance le débat sur la qualification juridique de la lutte contre le terrorisme. Après un examen des arguments pour et contre la “guerre” contre le terrorisme, la présente étude envisage la position du droit international. Elle conclut que les mêmes principes fondamentaux s’appliquent quels que soient les termes employés et le système juridique applicable à la lutte contre le terrorisme.

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Notes and Comments / Notes et commentaires
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Copyright © The Canadian Council on International Law / Conseil Canadien de Droit International, representing the Board of Editors, Canadian Yearbook of International Law / Comité de Rédaction, Annuaire Canadien de Droit International 2009

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References

1 Disponible en ligne à: ˂http://www.historyplace.com/speeches/gw-bush-9-11.htm˃. L’existence d’une guerre contre le terrorisme international a été également soulignée dans le rapport de la Commission nationale d’enquête sur les attentats du 11 septembre: The 9-II Commission Report. Final Report of the National Commission on Terrorist Attacks upon the United States, à la p. 363, disponible en ligne à: ˂http://www.gpoaccess.gov/911/index.html˃.

2 Amnesty International Annual Report 2008, disponible en ligne à: ˂http://www.amnesty.ca/resource_centre/annual_report/˃.

3 Voir ˂http:BBCNews.newsbbc.co.uk˃; voir aussi “UK Ends Use of Phrase War on Terror,” 16 avril 2007, disponible en ligne à: ˂http://www.msnbc.msn.com/id/ 18133506˃.

4 Wilson, Scott et Kamen, Al, “Global War on Terror is Given New Name,” Washington Post, 25 mars 2009, à la p. A04.Google Scholar

5 Voir par exemple, “The War on Terrorism: European Measures for its Extermination,” New York Times, 2 avril 1881, à la p. 1, disponible en ligne à: ˂http://query.nytimes.com/mem/archive-free/pdf?res=g400EFDE133CEE3ABC4A53DFB266838A699FDE˃.

6 Friedlander, Robert A., Terrorism, Documents of International and Local Control, New York, Oceana, 1979, aux pp. 2122.Google Scholar

7 Wills, David C., The First War on Terrorism: Counter Terrorism during the Reagan Administration, Lanham, Rowman and Littlefield, 2003.Google Scholar

8 “There is no War on Terror in the UK, says DPP,” The Times, 24janvier 2007, à la p. 12.

9 Cette position est conforme à la réserve britannique relative aux articles 1 (4) et g6 (3) du Protocole additionnel I (1977), disponible en ligne à : ˂http://www.icrc.org/ihl.nsf/NORM/OA9E03FOF2EE757CC125˃. Pourtant, Tony Blair évoquait l’existence d’une guerre contre le terrorisme. Mégret, Voir F., infra note 10, aux pp. 363–64.Google Scholar

10 Mégret, F., “‘War’? Legal Semantics and the Move to Violence,” European Journal of International Law 13 (2002), à la p. 361.CrossRefGoogle Scholar Voir aussi O’Connell, M.E., “When Is War Not a War: The Myth of the Global War on Terror,” ILSA Journal of International and Comparative Law, vol. 12 (2005), aux pp. 535, 537.Google Scholar

11 “Le droit international humanitaire et les défis posés par les conflits armés contemporains, Extrait du Rapport préparé par le Comité International de la Croix-Rouge pour la 28e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge,” Revue internationale de la Croix Rouge, vol. 853 (décembre 2004), aux pp. 245, 265–66.

12 Selon l’administration du président Bush, une seule attaque armée peut correspondre à un conflit armé. Voir l’article 5 de la Military Commission Instruction No. 2, Crimes and Elements for Trials by Military Commission (30 avril 2003), disponible en ligne à, ˂http://www.dtic.mil/whs/directives/corres/mco/mci2.pdf˃.

13 La Résolution 1368 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 12 septembre 2001 considère aussi que les attaques terroristes du 11 septembre constituaient, comme tout acte de terrorisme international, une menace pour la paix et la sécurité internationales. Dans le même sens, voir la résolution 1373 du 28 septembre 2001. La conséquence est énoncée en termes de jus ad bellum: ces attaques activent le droit de légitime défense.

14 En octobre 2001, le Congrès des états-Unis a adopté la Authorization for Use of Military Force against Terrorists Act (Pub. L. 107–40, 115 Stat. 224). Celle-ci autorise le président à utiliser toute la force nécessaire et appropriée contre les auteurs des attaques du 11 septembre 2001. Les autorités américaines ont fait appel à ce texte pour entreprendre des mesures de surveillance électronique sans mandat. Elles l’ont également invoqué sans succès pour fonder la légalité des commissions militaires établies par un acte exécutif pour juger les ennemis combattants transférés à Guantanamo. Dans Hamdan c. Rumsfeld, la Cour suprême des états-Unis a jugé que ces commissions militaires étaient ni conformes au Uniform Code of Military Justice ni conformes au droit de la guerre. De plus, selon la Cour, la Authorization for Use of Military Force against Terrorists Act n’autorisait pas la mise en place des commissions militaires telles que constituées (548 U.S. 557 (2006)). En réponse, l’administration du président Bush a fait adopter la Military Commissions Act (Pub.L. 109–366, 120 Stat. 2600 (2006)). Cette loi permet l’établissement de commissions militaires sur le modèle de celles mises en place en 2001. Elle interdit aux tribunaux américains de connaître d’une action portée devant eux par voie d’habeas corpus dont l’auteur est un ennemi combattant. Elle limite également la compétence des tribunaux américains de connaître d’autres recours concernant la détention, le traitement, le procès, etc., d’ennemis combattants aux mains des autorités américaines. Ces dispositions permettent de détenir ces ennemis indéfiniment sans les poursuivre devant les tribunaux sous un chef d’accusation précis. Elles ont été jugées inconstitutionnelles par la Cour suprême des états-Unis dans Boumediene c. Bush/Al Odah c. United States, 128 S. Ct. 2229 (2008). Depuis, la nouvelle administration américaine a abandonné la qualification “d’ennemi combattant”: Balmond, voir Louis et col, ., “Chronique des faits internationaux,” Revue générale de droit international public, vol. 113, no 2 (2009), à la page 399.Google Scholar

15 Pour N. Berman, la lutte contre le terrorisme correspond à la définition du conflit armé donnée par le TPIY dans l’affaire Tadic. Voir “Privileging Combat? Contemporary Conflict and the Legal Construction of Law,” Columbia Journal of Transnational Law, vol. 43, no 1 (2004), aux pp. 32–33.

16 Hoffman, Voir Michael, “Rescuing the Law of War: A Way Forward in an Era of Global Terrorism,” Parameters, vol. 34, no 2 (2005), à la p. 18.Google Scholar

17 Plaw, Avery, Targeting Terrorists. A Licence to Kill?, Aldershot, Ashgate, 2008, aux pp. 190 et suiv.Google Scholar

18 “Le droit international humanitaire,” supra note 11 aux pp. 232 et suiv.

19 Friedlander, supra note 6 à la p. 6.

20 Ibid. aux pp. 7–8.

21 Au Canada, voir Code criminel, L.R.C. 1g85, c. C-46, Partie II. 1 ; en France, voir Code pénal, Livre IV, Titre II.

22 Voir notamment Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs (Tokyo, 1963), Rec. traités Canada (R.T.C.) 1970/ 5; Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile (Montréal, 1971), R.T.C. 1973/6.

23 Voir Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (Rome, 1988), R.T.C. 1993/10.

24 Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (New York, 1g73), R.T.C. 1977/43.

25 Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé (New York, 1994), R.T.C. 2002/7.

26 Voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt (1986), C.I.J. Rec. 14.

27 Voir le cas Arar, de Maher. Mayer, Jane, “Outsourcing Torture,” New Yorker, 14 février 2005,Google Scholar disponible en ligne à: ˂http://www.newyorker.com/archive/2005/ 02/14/ 050214fa_fact6˃.

28 Selon certains, la “guerre” contre le terrorisme aurait des effets contre-productifs. Antony Best, Hanhimaki, Jussi M., Schutze, Kirsten E. et Maiolo, Joseph A., International History of the Twentieth Century and Beyond, 2e éd., New York, Routledge, 2008, aux pp. 527 et suiv.Google Scholar; Tran, Mark, “US ‘War on Terror’ Backfiring says Thinktank,” guardian.co.uk, 23 avril 2008,Google Scholar disponible en ligne à: ˂http://www.guardian.co.uk/world/2008/apr/23/usa.somalia˃; Agence France Presse, “US-British War on Terror Backfires: Think Tank,” 11 avril 2007, disponible en ligne à: ˂http://www.commondreams.org/archive/2007/04/11/466˃

29 Voir le préambule du Protocole I additionnel aux Conventions de Genève; United States v. Wilhelm List et al., United States Military Tribunal, Nuremberg, Annual Digest, vol. 15 (1948), à la p. 632; Meyrowitz, H., Le principe de l’égalité des belligérants devant le droit de la guerre, Paris, Pédone, 1970;Google Scholar “Le droit international humanitaire,” supra note 11, aux pp. 234–35.

30 Sassoli, M., “Terrorism and War,” Journal of International Criminal Justice, vol. 4 (2006), aux pp. 959, 971.CrossRefGoogle Scholar

31 “Le droit international humanitaire,” supra note 11 , aux pp. 233–34. Voir aussi Sassoli, M., supra note 30, aux pp. 964, 967 et suiv.Google Scholar

32 Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne (Convention I), 75 R.T.N.U. 31; Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer (Convention II), 75 R.T.N.U. 85; Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre (Convention III), 75 R.T.N.U. 135; Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (Convention IV), 75 R.T.N.U. 287.

33 Protocole additionnel relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), 1125 R.T.N.U. 3; Protocole additionnel relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II), 1125 R.T.N.U. 609.

34 Schindler, Dietrich, “The Different Types of Armed Conflicts According to the Geneva Conventions and Protocols,” R.C.A.D.I., vol. 163 (1979), à la p. 125;Google Scholar Greenwood, Christopher, “War, Terrorism, and International Law,” Current Legal Problems, vol. 56 (2003), aux pp. 505, 512, 527.CrossRefGoogle Scholar

35 344 F. Supp. 2d 152 (DC 2004).

36 415 F. 3d 33 (2005).

37 126 S. Ct. 2749 (2006).

38 En revanche, voir Sassoli, supra note 30 aux pp. 964–65 et 971.

39 Schindler, supra note 34 aux pp. 133 et suiv.

40 Voir notamment l’article 51 (2) du Protocole I.

41 Voir l’article 37 du Protocole I. Voir aussi Sassoli, supra note 30 à la p. 969.

42 Entre autres, les états-Unis, Israël, l’Iran, l’Irak, le Pakistan, l’Inde, Sri Lanka, la Thailande.

43 Pictet, Jean, Les principes du Droit international humanitaire, Genève, C.I.C.R., 1966, à la p. 10.Google Scholar

44 Schindler, Dietrich et Toman, Jiri, Droit des conflits armés, Recueil des conventions, résolutions et autres documents, Genève, C.I.C.R./Institut Henry Dunant, 1996, à la p. 101.Google Scholar

45 Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, dans Schindler et Toman, ibid., à la p. 65 [ci-après Déclaration de Saint-Pétersbourg].

46 Voir par exemple l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève.

47 Voir notamment la Déclaration de Saint-Pétersbourg, supra note 45.

48 Miyazaki, Shigeki, “The Martens Clause and International Humanitarian Law,” Swinarski, dans Christophe, dir., Études et essais sur le droit international et sur les principes de la Croix-Rouge, Genève/La Haye, C.I.C.R./Martinus Nijhoff, 1984, à la p. 433.Google Scholar

49 Voir notamment Le Procureur c. Kupreskic et consorts, IT-95-16-T, jugement du 14 janvier 2000, T.P.I.Y. (C.P.I. II), para. 527.

50 Voir l’Affaire du détroit de Corfou (R.-U. c. Albanie), arrêt, (1949) C.I.J. Rec. 4, 22.

51 Kalshoven, Frits, Restrictions à la conduite de la guerre, Genève, C.I.C.R., 1991, à la p. 15.Google Scholar

52 Voir Le Procureur c. Furundzija, IT-95-17/ 1-T, jugement du 10 décembre 1998, T.P.I.Y. (Ch. P. II), para. 153. Voir aussi, Le Procureur c. Kunarac et consorts, IT-96-23-T & IT-96-23/I-T, jugement du 22 février 2001, T.P.I.Y. (Ch P. II), para. 466; Al-Adsani c. Royaume Uni, arrêt, 21 novembre 2001, Cour Eur. D.H. (Grde. Ch.), para. 61 ; Regina v. Bartle and the Commissioner of Police for the Metropolis and others — ex parte Pinochet, (1999) 38 I.L.M. 581 (H.L.); Bouzari c. Iran (2004), 71 O.R. (3d) 675, para. 65.

53 Elles violent le droit d’un individu de ne pas être arbitrairement privé de sa vie. Ce droit fait partie intégrante du droit à la vie qui est reconnu par tous les grands textes internationaux destinés à protéger les droits de la personne. Voir l’article 6 du Pacte international sur les droits civils et politiques (999 R.T.N.U. 171); l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme (1950) (S.T.E. n? 005); l’article 4 de la Convention américaine des droits de l’Homme (1969) (O.E.A., Recueil des traités, no 36); l’article 4 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (1981), (1982), 21 I.L.M. 58. Le droit à la vie ne peut être suspendu en cas de crise menaçant la sécurité de l’état: infra note 56.

54 “Les belligérants n’ont pas un droit illimité quant au choix des moyens de nuire à l’ennemi,” article 22 du Règlement annexé à la Convention sur les lois et les coutumes de la guerre sur terre, supra note 46.

55 Voir l’article 4 du Pacte international sur les droits civils et politiques, supra note 53; l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’Homme, ibid.; l’article 27 de la Convention américaine, ibid. Aucune suspension des droits prévus n’est reconnue par la Charte africaine.

56 Ibid.

57 Voir Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires pas un état, avis consultatif (1996), C.I.J. Rec. 226, para. 25.

58 Ibid. Voir aussi Schindler, Dietrich, “Human Rights and Humanitarian Law,” American University Law Review (1982), à la p. 935.Google Scholar

59 Dans le cadre de la Convention européenne des droits de l’Homme, voir les articles 2,3,5 et 6. Dans la Convention américaine, voir les articles 4, 5, 7, 8 et 6. Dans la Charte africaine, voir les articles 4–7. Dans le Pacte international sur les droits civils et politique, voir les articles 6,7,9, 10,14 et 15.

60 Selon cet article 1 er que l’on retrouve dans le Protocole I de 1977, les états parties aux conventions (et au protocole) s’engagent à les respecter et à les faire respecter en toutes circonstances. En conséquence, l’obligation de respecter ces textes ne dépend pas du principe de la réciprocité.

61 Voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, supra note 26, para. 220. Ainsi, son application dépasse le cadre strict des conventions et de leur protocole I.

62 Supra note 27.

63 Des individus soupçonnés de terrorisme ont été jugés et parfois condamnés par les tribunaux pénaux de nombreux pays. Au Canada, voir R.c. Khawaja, [2008] O.J. No. 42444. Voir aussi “Khawaja Handed 10 1/2 Years,” Ottawa Citizen, 13 mars 2009, à la p. A1. En rapport avec cette affaire, voir également Omar Khyam, Salahuddin Amin, Jawed Akbar, Anthony Garcia and Waheed Mahmood [2008], E.W.C.A. Crim 1612 (C.A.).