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Trans Justice and the Law : From Then to Now, From There to Here, Une conversation entre Viviane Namaste, Ph. D., et Dalia Tourki

Conférence publique On the Margins of Legal Change – Discours principal

Published online by Cambridge University Press:  04 December 2020

Viviane Namaste
Affiliation:
Faculté de droit, Université McGill Le 2 mai 2019
Dalia Tourki
Affiliation:
Faculté de droit, Université McGill Le 2 mai 2019
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Abstract

Le texte qui suit est une transcription révisée du discours principal présenté au colloque On the Margins of Trans Legal Change (En marge des changements juridiques à l’égard des droits des personnes trans) financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH). Cette conférence publique a été organisée par la faculté de droit et l’Institut Genre, sexualité et féminisme de l’Université McGill, en partenariat avec la faculté de droit de l’université Thompson Rivers. La prestation principale était une conversation entre Viviane Namaste, Ph. D., et Dalia Tourki où les deux intervenantes se questionnaient mutuellement.

Type
Keynote Address/Conférence d’ouverture
Copyright
© Canadian Journal of Law and Society / Revue Canadienne Droit et Société, 2020

Introduction

VN: Nous sommes très heureuses d’être ici ce soir. Initialement, deux autres femmes devaient participer à cette prestation, mais elles n’ont pas été en mesure de le faire.

L’une d’elles est Jamie Lee Hamilton, et l’autre est Nora Butler Burke. Bien qu’elles n’aient pas pu se joindre à nous, nous traiterons tout de même du travail important qu’elles ont accompli et qu’elles poursuivent actuellement. Nous espérons parvenir à susciter certaines réflexions sur la contribution de Jamie Lee et de Nora et sur les connaissances qu’elles apportent à notre débat.

Nous souhaitons profiter de cette occasion pour approfondir notre réflexion et peut-être même pour poser certaines questions difficiles. Il a été très édifiant d’entendre les différentes critiques et interrogations soulevées à propos de la réforme juridique portant sur les droits des personnes trans dans le cadre de cette conférence.

L’approche que nous utiliserons dans notre échange ne sera pas nécessairement axée sur des thèmes ou sujets précis. Nous aurons probablement des désaccords, et je pense que ce sera très bien ainsi. Nous voulons profiter de cette occasion pour réfléchir à certains des défis actuels concernant le cadre juridique entourant les personnes trans et à ce que nous pouvons apprendre de l’histoire du mouvement de défense des droits des personnes trans.

Allons-y.

DT Je souhaite ajouter que les opinions que je vais exprimer sont les miennes et qu’elles ne reflètent pas le point de vue de l’organisme où je travaille, le Centre de lutte contre l’oppression des genres.

L’héritage du militantisme trans

DT: Comme le disait Viviane, la militante Jamie Lee Hamilton, de Vancouver, devait participer à cette présentation. Malheureusement, elle n’a pas été en mesure de le faire. Hamilton est une militante de longue date, à Vancouver, en matière d’enjeux liés aux droits des Autochtones, à la décriminalisation du travail du sexe, au logement, à l’accès des personnes trans à divers services, et à la responsabilité démocratique.Footnote 1 Nous avons pensé qu’il serait constructif et important de traiter de l’héritage que nous a laissé son militantisme. Quel est, selon vous, l’héritage que nous a laissé Jamie Lee Hamilton? Que pouvons-nous en retenir, et en quoi est-il important?

VN: Il y a deux choses que je souhaite faire valoir pour celles et ceux d’entre vous qui ne sont pas au fait du travail de Jamie Lee Hamilton. La première est qu’en 1998, elle a structuré sa démarche autour de la question de la violence contre les travailleuses du sexe en général. Jamie Lee a un long parcours de vie et de travail dans le quartier de Downtown Eastside de Vancouver et elle a remarqué, comme d’autres femmes de sa communauté, que les femmes qui travaillaient dans la rue disparaissaient. Non pas une ou deux femmes, mais de nombreuses femmes.

Jamie Lee souhaitait obtenir une certaine mobilisation des forces de l’ordre et du bureau du maire, mais ses appels ont été refusés. J’ai rencontré Jamie Lee pour la première fois en 1994, et, lors de notre première rencontre, elle a évoqué la possibilité qu’il y ait un tueur en série qui s’attaquait aux femmes de Downtown Eastside. Elle ne parvenait pas à obtenir une rencontre avec le maire.

C’est peut-être une des choses les plus contrariantes, pour des militantes, que de ne même pas pouvoir être reçues pour avoir une conversation sur une réforme institutionnelle ou un engagement. C’est ainsi que Jamie Lee a organisé un coup d’éclat, en 1998, dans le cadre duquel elle a déposé soixante-sept paires de chaussures à talons aiguilles sur les marches de la mairie, à Vancouver, pour attirer l’attention sur la cause des femmes autochtones disparues et assassinées. Je pense qu’il est essentiel de commencer par ce coup d’éclat car, aujourd’hui, en 2018, nous assistons à la tenue de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Cette enquête fait aujourd’hui la une, mais tel n’était pas le cas en 1998.

Il y a deux leçons importantes à tirer de cela. La première est qu’il faut réfléchir avec soin aux tactiques à utiliser pour susciter ces rencontres d’une importance critique. Il faut agir sciemment dans l’approche des médias, non seulement pour faire valoir son point de vue, mais également pour faire valoir ses visées en matière de politiques. Dans le cas de Jamie Lee, elle souhaitait obtenir une rencontre avec le maire et s’est résolue à faire un coup d’éclat pour susciter son embarras et l’inciter à accepter que la rencontre ait lieu.

Militantismes avec un « s »

VN: La deuxième leçon à tirer du travail de Jamie Lee Hamilton est fondamentalement celle des réalités que vivent les travailleuses trans de Downtown Eastside. Son coup d’éclat n’était pas mené sous la bannière de la cause des personnes trans, ni sous la bannière de l’identité sexuelle, mais demeure un legs important dans l’histoire du militantisme trans et de l’organisation de la cause des personnes trans.

Un autre exemple du travail de Jamie Lee directement axé sur les réalités que vivent les travailleuses trans à Downtown Eastside est l’ouverture, à la fin des années 1990, de ce qu’elle a appelé « Grandma’s House ». Il s’agissait d’un lieu sûr où les travailleuses du sexe pouvaient se retrouver pendant le jour, mais où elles pouvaient également accueillir leurs clients.

Jamie Lee a été poursuivie par la Couronne pour exploitation d’une maison de débauche. Lorsque la Couronne a pris conscience de la façon dont pourrait être perçu ce cas dans les médias et dans la société, elle a retiré les accusations. Si on lit la décision Bedford Footnote 2 portant sur à la décriminalisation du travail du sexe, elle fait allusion à « Grandma’s House » et la cite comme un modèle d’organisation communautaire. Là encore, Jamie Lee a fondamentalement contribué à départager les questions entourant la violence et celles entourant le travail, et elle a su créer un lieu pour permettre aux femmes trans de survivre économiquement.

DT: Il serait plus juste, lorsqu’il est question du militantisme de Jamie Lee, de parler de militantismes au pluriel. Elle a également défendu les droits des locataires, soit le droit d’être en désaccord avec les augmentations de loyer et, pour les résident.e.s pauvres, celui de conserver leur logement et de ne pas en être expulsé.e.s. Ajoutons à cela les droits des travailleuses.eurs. À un certain moment, Jamie Lee a même été propriétaire d’un magasin de vêtements qui était également une banque alimentaire. Ce magasin de vêtements/banque alimentaire était, en outre, un lieu de passage où les travailleuses trans pouvaient se rencontrer et même recevoir leurs clients.

Notons également que, le 4 avril 2018, elle a présenté un témoignage, dans le cadre de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, où elle a fait valoir son expérience et l’expérience de la violence vécue par d’autres travailleuses du sexe. Dans son témoignage, elle a insisté pour souligner que le système de justice, particulièrement les forces de l’ordre de Vancouver, avait non seulement failli à sa tâche dans le dossier du commerce du sexe, mais également été complice et même auteur de cette violence. Elle a insisté sur le fait que les travailleuses du sexe, qu’il s’agisse de femmes, qu’elles soient trans ou cis, de personnes bispirituelles, ou même de travailleurs du sexe, étaient considéré.e.s comme « ordurier.ière.s » et « bon.ne.s-à-rien » et que les représentant.e.s du système de justice même continuaient de cibler les plus vulnérables, particulièrement les femmes et les filles autochtones qui exercent le commerce du sexe. Son témoignage et le travail qu’elle a accompli illustrent combien son militantisme va au-delà de la simple défense de femmes trans sous la bannière de l’identité ou de l’inclusion. Son militantisme est principalement, à mes yeux du moins, l’illustration même de la façon dont la solidarité entre les communautés peut prendre forme, et il démontre à quel point le militantisme et la défense des droits peuvent avoir une portée étendue et intersectionnelle.

VN: J’ai mentionné plus tôt qu’un des aspects sur lequel nous souhaitions nous arrêter était celui de l’histoire, en tentant de voir comment elle pouvait alimenter notre réflexion dans le contexte actuel. Avec cela en tête, Dalia, j’aimerais vous demander quels seraient les événements historiques particuliers, campagnes ou enjeux clés, qui pourraient nourrir notre réflexion sur ce qui se passe à l’heure actuelle à l’égard du cadre juridique entourant les personnes trans.

DT: Le premier exemple qui me vient à l’esprit est relativement similaire au geste de Jamie Lee Hamilton qui déposait ces soixante-sept chaussures à talon aiguille à la mairie de Vancouver. En 2015, Jennicet Gutierrez interrompait Barack Obama à la Maison Blanche en criant « mettez fin à la déportation des femmes trans et libérez les migrant.e.s LGBTQ des centres de détention. »Footnote 3 Cela se passait au cours d’une rencontre qui devait être une célébration : beaucoup de gens de la communauté LGBTQ s’étaient réunis à la Maison Blanche pour célébrer la légalisation du mariage gai. Le fait d’interrompre le président des États-Unis dans le cadre d’une rencontre de cette nature constituait un geste radical, un véritable « geste osé », dans l’esprit de Jamie Lee. Le geste a suscité beaucoup d’attention auprès des médias, tout comme l’avait fait celui de Jamie-Lee lorsqu’elle a déposé les chaussures à talon aiguille.

Ces types d’interventions ont le pouvoir de nous forcer à réfléchir à la cause de ces communautés qui demeurent marginalisées et qui peuvent être ignorées dans le cadre des débats sur les avancées de la loi. Pour Gutierrez, c’était spécifiquement le cas des migrantes trans laissées pour compte dans le cadre des avancées de la loi pour les lesbiennes et les gais. Nous reviendrons certainement sur cette question plus tard.

Il y a d’autres exemples d’événements historiques clés qu’il faut connaître pour procéder à une réflexion sur ce qui se passe actuellement au chapitre de la loi et des personnes trans. L’ASTTeQ (Action Santé Travesti(e)s et Transsexuel(le)s du Québec) a été cofondée par une femme dont l’amie trans s’est fait refuser l’accès à trois programmes de désintoxication, et est décédée plus tard pour cette raison. Cette femme a décidé de créer un organisme de défense et de soutien de la santé des personnes trans afin que s’accomplisse le travail qui s’impose. Une fois encore, cela nous force à penser à ceux qui échappent à la portée des changements juridiques ou se retrouvent en marge de ceux-ci.

Pendant que nous y sommes, je pense qu’il est primordial de ne pas oublier le Mouvement pour la défense des droits civiques et son influence sur l’état actuel des droits des minorités et sur leur acquisition. Le Mouvement pour la défense des droits civiques a vraiment été un point de départ grâce auquel de nombreuses personnes marginalisées ont fait entendre leur voix et fait valoir la nécessité d’une protection juridique et de l’égalité des droits juridiques. Nous devons beaucoup au Mouvement pour la défense des droits civiques, tout comme aux femmes trans racisées et travailleuses du sexe qui ont lancé ce qu’on appelle aujourd’hui « le mouvement de libération gai ». Ce ne sont que quelques exemples, l’un remontant aux années 50 et deux plus récents. À mes yeux, tous ont joué un rôle déterminant lorsqu’on pense au climat juridique actuel, mais aussi à ceux et à celles qui sont laissé.e.s pour compte dans un certain nombre de discussions militantes.

VN: J’aimerais apporter quelques précisions historiques à propos de l’ASTTeQ. Je ne suis pas la seule fondatrice de l’ASTTeQ. Beaucoup de gens pensent que je l’ai fondée seule, mais tel n’est pas le cas. Elle a été cofondée. La femme avec qui j’ai collaboré pour créer l’ASTTeQ était si bouleversée par ce qui était arrivé à son amie qu’elle est venue vers moi et m’a signifié qu’il nous fallait agir. Je lui ai dit que je savais comment rédiger des demandes de subvention, et c’est ainsi que nous nous sommes mises au travail.

Le droit d’être aimé.e – par soi-même et par les autres (et les principes fondamentaux de l’organisation)

VN: J’aimerais enchaîner ici, Dalia, car vous faites référence aux mouvements de la communauté gaie. Souvent, en parlant des personnes trans et de la loi, il y a lieu d’établir certaines comparaisons entre les mouvements de la communauté lesbienne et gaie et le mouvement des personnes trans. Certain.e.s affirment parfois que la cause des personnes trans accuse un retard de vingt-cinq ans par rapport à celle du mouvement des communautés lesbienne et gaie. L’homosexualité a cessé d’être reconnue comme une pathologie en 1973, mais les dysphorie de genre sont encore considérés comme pathologiques dans une certaine mesure. À cet égard, je me demandais ce que vous pensiez de ces comparaisons et analogies.

DT: Lorsqu’on compare le mouvement trans aux mouvements des causes gaie et lesbienne, il y a un élément très important qui demeure presque toujours occulté : les personnes trans ont une relation particulière avec les médecins et le secteur médical. Cette relation est vitale pour la grande majorité de la communauté trans. Contrairement au reste de la communauté LGBTQ, les personnes trans ont besoin de l’aide ou de la collaboration ou, disons, de la solidarité que les médecins instillent dans l’équation. C’est là une des différences importantes entre la vie d’une personne trans et celle des personnes lesbiennes, gaies et bisexuelles.

Une autre différence à garder à l’esprit est qu’au cœur du mouvement de libération gai se trouvait la lutte pour le droit d’aimer librement. Toutefois, lorsque nous parlons de personnes trans, nous parlons principalement du droit d’être aimé.e, par soi-même et par son entourage. Ce sont là des différences importantes qui sous-tendent des besoins et trajectoires différents : la relation avec le milieu médical, et le besoin de savoir si la mobilisation est axée davantage sur le droit d’aimer les autres, ou de s’aimer et de s’accepter soi-même et d’être tout simplement aimé.e.

VN: Je souhaite ajouter que, lorsqu’on examine l’histoire des mouvements des communautés lesbienne et gaie avant les années 1980, on voit que, dans les écrits, dans l’organisation, les gens parlaient de libération lesbienne et gaie. C’était incontestablement un mouvement de gauche, de contre-culture. Si c’est de cette communauté que nous devons apprendre des leçons en matière de solidarité, c’est excellent, et je suis d’accord.

Mais, dans les années 1990, les communautés lesbienne et gaie et l’orientation de leur organisation et des réformes juridiques visaient une reconnaissance de l’État pour faciliter le transfert légal de la propriété. Par là, j’entends le mariage gai, les pensions et autres considérations du même ordre. Tout cela est important. L’égalité devant la loi, c’est absolument essentiel. Mais Dalia a fait référence au fait que l’ASTTeQ a été fondée pour les femmes qui ne pouvaient avoir accès aux services de désintoxication liés à la consommation de drogue. Eh bien, je n’entends pas parler d’organisme national de défense des lesbiennes qui réclame l’égalité d’accès pour les toxicomanes de leur communauté. Je vais prendre le risque de dire que les communautés lesbienne et gaie n’ont pas de leçons à donner aux communautés trans à cet égard. Notre propre structuration de la cause trans a toujours découlé des questions liées à la pauvreté. Certaines lesbiennes et certains hommes gais ont un long historique de militantisme portant sur la pauvreté, mais je ne pense pas que la question de la pauvreté soit au centre des revendications du mouvement pour les droits des personnes gaies et lesbiennes.

DT: Cela me ramène à l’héritage laissé par Jamie Lee Hamilton et me rappelle l’importance du fait que les premières personnes avec qui et pour qui elle a travaillé étaient les pauvres. Son travail s’est fondé sur les réalités bien concrètes liées à la pauvreté dans les communautés marginalisées.

Tirer des leçons du passé : au-delà de la reconnaissance de l’État

DT: La question suivante est liée à une contestation de plusieurs dispositions du Code civil du Québec Footnote 4 que le Centre de lutte contre l’oppression des genres et des codemandeurs.euses ont déposée contre le gouvernement du Québec. À l’heure actuelle, le Code civil du Québec fait preuve de discrimination à l’égard des migrant.e.s trans et non binaires en refusant de reconnaître légalement le changement de nom et de genre jusqu’à ce qu’une personne ait obtenu la citoyenneté canadienne et soit domiciliée au Québec depuis au moins un an. Le Code civil exige également que les parents cochent la case « mère » ou « père » sur les certificats de naissance et n’autorise aucun changement si un parent effectue une transition ou est non binaire.

Dans cette perspective, les discussions à propos des personnes trans et de la loi traitent souvent des problèmes ou obstacles particuliers liés à la pleine égalité, ainsi que des stratégies, juridiques et autres, qui sont susceptibles d’améliorer la situation. Mais l’analyse de ces enjeux ne se penche pas sur les retombées potentiellement positives d’une situation où la reconnaissance ou l’égalité juridique n’est pas possible. Selon vous, est-il vraiment possible de cerner des retombées positives ou productives susceptibles de découler de l’absence de reconnaissance juridique? Si nous pensons à la non-reconnaissance juridique, y a-t-il lieu de cerner une incidence ou un résultat positif connexe découlant du fait de ne pas avoir droit à la reconnaissance juridique?

VN: Cette question évoque chez moi mes expériences de travail de première ligne, dans les années 1990, où je fournissais aux personnes trans l’accès à de l’information et à des services. Pour vous situer un peu historiquement, dans les années 1990, au Québec, une personne trans ne pouvait pas légalement changer de nom ou de sexe avant d’avoir subi « la » chirurgie. Mais elle était tenue de démontrer son intégration sociale, c’est-à-dire avoir un emploi ou faire des études, pour avoir accès à la chirurgie. Ces personnes se retrouvaient donc piégées dans une situation où elles n’avaient pas de papiers d’identité, mais avaient besoin d’un travail.

Bien sûr, les choses ont aujourd’hui changé, et il est excellent qu’il en soit ainsi. N’interprétez pas mal ce que je dis. Ce qui était vraiment fantastique, c’est que cela m’a permis, comme travailleuse de première ligne, de comprendre très clairement les enjeux. À cette époque, travailler avec les personnes trans visait à les aider à cerner comment elles pouvaient vivre leur réalité. Si vous étiez née de sexe masculin et souhaitiez vivre et fonctionner socialement comme une femme sans vouloir subir de chirurgie génitale, il vous était impossible d’obtenir des papiers d’identité. Dans ce contexte, je pouvais dire à ces personnes que leur sentiment de validation et d’affirmation de soi devait venir d’elles-mêmes. Pas de l’État. Pas de la banque. Pas en allant au club vidéo. D’elles-mêmes. Si elles ne pouvaient pas le faire, c’était compréhensible. Cela ne signifiait pas qu’elles n’étaient pas trans; cela signifiait qu’elles vivaient dans un contexte social où elles avaient pris la décision de ne pas faire la transition. Nous prenons toutes et tous des décisions quant à la façon d’éviter que la violence s’inscrive dans nos vies.

Cette situation a contribué à façonner des personnes trans douées d’une grande force. Elle a façonné des personnes trans qui ont su apprendre très rapidement que la reconnaissance des autres n’était pas essentielle. J’éprouve parfois de la nostalgie à l’égard de cette époque, parce qu’actuellement, tout est centré dans les médias et les médias sociaux sur la question des salles de toilette et celle des pronoms à utiliser. Cela s’arrête au besoin de reconnaissance au moment présent. Ce qui était constructif à l’époque où il n’y avait pas de reconnaissance de l’État, c’était de pouvoir dire à certaines personnes qu’elles ne seraient jamais reconnues. Que le fait de l’accepter se traduisait souvent par une profonde marginalisation. Je pouvais leur dire qu’elles seraient fort probablement vouées à vivre dans la pauvreté. Mais celles qui acceptaient d’adopter ce parcours étaient incroyablement fortes.

Cela signifiait, pour elles, de comprendre que leur entourage pouvait s’adresser à elles au masculin, qu’elles n’obtiendraient jamais la bonne documentation. Mais elles ont su faire preuve de débrouillardise. Ainsi, cela ne les a pas empêchées de prendre l’avion, de s’inscrire à des programmes d’études, d’obtenir un emploi.

Il ne faut pas faire marche arrière et retourner à l’époque où les personnes trans ne pouvaient pas changer leurs papiers. Mais il y a quelque chose d’instructif dans le fait qu’à cause du contexte social de l’époque, ces personnes ont su puiser en elles assez de force pour vivre sans attendre d’obtenir une reconnaissance immédiate. Beaucoup de personnes trans que je croise aujourd’hui nourrissent cette attente de reconnaissance immédiate. Elles veulent obtenir cette reconnaissance maintenant. C’est correct. Nous vivons simplement une autre époque.

DT: C’est bien, et cela rappelle à mon souvenir une femme trans que j’ai rencontrée il y a quelques mois et qui m’a confié qu’elle ne souhaitait pas changer ses papiers d’identité. Comme vous le savez, les migrantes qui n’ont pas encore la citoyenneté canadienne ne peuvent pas changer leur identité au Québec. Elle m’a confié que, même si la loi changeait, elle ne demanderait pas que son identité légale soit changée. Chaque fois qu’elle présente ses papiers d’identité à un comptoir de services, le préposé l’observe d’abord et lui demande ensuite si c’est bien d’elle qu’il s’agit sur la photo. Cela la rend euphorique. Elle sait s’amuser de la situation, et affirmer avec assurance « oui, c’est bien moi ». Elle n’entend pas se priver de ces moments.

Je connais également une autre femme qui continue de refuser de changer ses papiers d’identité parce qu’elle ne veut pas perdre l’identité légale qui lui est reconnue dans son pays d’origine. Elle se rend encore à l’occasion dans son pays d’origine – son père est fortuné – et elle souhaite demeurer héritière légale de son père et avoir droit à son héritage. Si elle change ses papiers d’identité, elle pourrait ne pas avoir accès à cet héritage.

Il y a de nombreuses situations où une personne peut choisir de ne pas changer son identité. Pour certaines, il y a des aspects positifs au fait de ne pas se prévaloir de cette reconnaissance légale. Mais oui, comme vous l’avez dit, la reconnaissance légale demeure importante pour une majorité de personnes trans, et c’est également pourquoi nous avons entrepris une poursuite contre le gouvernement du Québec. Gardez toutefois à l’esprit que, dans les exemples que je viens de donner, il s’agit d’exceptions à la règle.

« Il y a des salles de toilette pour les gens comme vous… »

DT: Question suivante. Comme vous le savez tous, certaines personnes, peut-être plus particulièrement celles qui ne sont pas affiliées à des communautés militantes, ont des réserves à propos des politiques et lois qui ne sont pas fondées sur une approche binaire des genres.

En bref, certaines personnes transsexuelles font valoir qu’elles ont travaillé fort pour obtenir la reconnaissance dans le cadre de la vision binaire. À leurs yeux, certaines stratégies qui préconisent une vision non binaire pourraient constituer un précédent dangereux pour les personnes trans où la création des lois et des politiques serait fondée sur une vision en vertu de laquelle toutes les personnes trans, y compris les personnes transsexuelles, s’inscriraient dans une troisième catégorie, la catégorie « autre ». Avez-vous, Viviane, des réflexions à ce propos? Que recommanderiez-vous de garder à l’esprit lorsqu’il est question de ces enjeux dans les discussions entourant les dispositions juridiques et les politiques sociales?

VN: Voici ma courte réponse : c’est complexe. Ma longue réponse est en fait un cri du cœur que j’adresse aux organisatrices.eurs de cette conférence, car je pense que c’est précisément le type d’événement dont nous avons besoin, où nous pouvons nous réunir entre personnes trans et avoir des échanges, parfois difficiles, afin de cerner les stratégies juridiques qui seraient appropriées. Je viens d’une communauté de femmes transsexuelles où toutes ne souhaitent pas ou n’ont pas souhaité nécessairement avoir une chirurgie génitale, mais qui se voient comme des femmes et qui ne souhaitent pas qu’on leur demande quels pronoms on doit utiliser lorsqu’on leur adresse la parole. Elles souhaitent que les gens fassent comme ils l’entendent, et trouvent violent de se faire demander quel pronom utiliser pour leur parler. Ce sont des femmes transsexuelles, qui n’ont aucune affiliation avec la réalité queer, et qui se jetaient littéralement sous une voiture lorsqu’elles voyaient un policier s’approcher d’elles dans la rue. Elles ont travaillé très fort pour adopter une position genrée, dans le contexte d’une vision binaire des sexes. Pour moi, cela fait partie d’un héritage et d’une histoire auxquels je ne peux renoncer, et auxquels je ne souhaite pas renoncer.

Il a été intéressant de mener le travail entourant la poursuite contre le gouvernement du QuébecFootnote 5. En travaillant avec les avocats, je leur ai dit que je souhaitais que nous ayons une longue conversation à propos de l’utilisation de mon expertise. Nous avons discuté de l’utilisation du terme « parent » comme option pour désigner les personnes non binaires. Je leur ai dit que, si le choix était encadré comme une option et que le juge le comprenait, alors, très bien, j’étais d’accord. Par ailleurs, l’inquiétude formulée par de nombreuses femmes transsexuelles avec qui je suis en contact tient à ce que certaines stratégies politiques préconisent une reconnaissance du concept de « trans » comme étant un concept distinct, ce qui pourrait exclure la reconnaissance des personnes trans comme des hommes ou des femmes. Les gens avec qui je travaille s’inquiètent qu’avec de telles stratégies, on leur dise : « Eh bien, il y a des salles de toilettes pour les gens comme vous ». Ou : « Il y a maintenant un “X” pour désigner les gens comme vous. Alors, placez ce “X” sur votre passeport. »

C’est pourquoi je pense que l’organisation de cet événement est si importante, et pourquoi j’ai voulu y participer. C’est l’occasion de tenir ces conversations difficiles et de nous demander comment nous pouvons concilier tout cela. Comment travaillerons-nous auprès des communautés dont plusieurs personnes, si vous avez écouté attentivement ce qui s’est dit au cours de la dernière journée, parlent d’une d’une conjonction de la transitude et du concept LGBTQ?

Si vous entrez dans l’univers trans, vous ne faites pas partie de l’univers gai. Il en est ainsi, historiquement, au Québec. Et cela soulève des questions conceptuelles, mais également pragmatiques, sur la façon d’organiser la réforme juridique et la politique.

Je pense que nous pouvons trouver des solutions qui sauront convenir à chacun.e. Mais je pense aussi que nous devons tenir ces conversations difficiles, parce que nous pourrions nous retrouver dans une situation où culturellement, socialement et même politiquement, les personnes trans qui sont profondément investies dans le paradigme binaire seront en quelque sorte inscrites comme non binaires.

Cela transparaît dans le choix des mots. Les gens diront : « Nous accueillons les hommes, les femmes et les personnes trans », comme si les personnes trans n’étaient pas des hommes et des femmes. Si vous êtes une femme transsexuelle, vous vous sentirez aliénée devant ce choix de mots. C’est ainsi que réagiraient de nombreuses femmes transsexuelles que je connais qui ne sont pas ici aujourd’hui.

DT: Les personnes non binaires existent depuis des siècles. Au Québec, et chez les Premières nations plus particulièrement, il y a des exemples concrets et documentés d’existence de personnes qui sont considérées être d’un troisième genre ou ne pas s’inscrire dans le paradigme binaire, ou être fluides dans leur appartenance à un genre. Toutefois, à l’heure où nous entendons reconnaître légalement ces identités, il pourrait être utile, dans nos discussions, de cerner à quel moment de notre époque l’identité non binaire a commencé à exister sur le plan théorique, et dans quelle mesure elle est reliée à la théorie queer. Il peut également être utile d’examiner dans quelle mesure cette identité prend parfois – je ne dis pas « toujours » – racine dans une volonté d’adopter un énoncé de position sur le « genre ».

Beaucoup de femmes transsexuelles et d’hommes transsexuels qui s’identifient dans une perspective binaire ne souhaitent pas formuler d’énoncé politique sur le « genre ». Et vous savez quoi? Il est légitime de souhaiter pouvoir aller au bureau de poste, y prendre un colis et être vue, interpellée et reconnue en tant que femme, et de revenir à la maison en n’éprouvant aucun besoin d’entreprendre une redéfinition de soi, une remise en question du genre et d’adopter un genre autre que celui de femme dans sa définition la plus traditionnelle. Plusieurs d’entre nous nous sommes battu.e.s pour notre droit d’être reconnu.e.s comme hommes ou femmes, et nous n’avons pas à éprouver un sentiment d’aliénation du seul fait que nous ne souhaitons pas contester la vision binaire du genre.

À la rescousse de l’enfant trans : se rallier au-delà de la seule cause de la jeunesse trans

VN: Au cours des dernières années, nous avons assisté à une manifestation démesurée d’intérêt pour les jeunes trans – perceptible dans la culture populaire, les politiques institutionnelles et la recherche. Dalia, je me demandais si vous aviez des réflexions particulières à partager à l’égard de cet intérêt pour les jeunes trans en particulier.

DT: Malheureusement, ce n’est que lorsque des jeunes trans sont en cause que les gens tendent à s’investir dans un débat ou une conversation à propos des personnes trans. Dans ce débat, d’une part, il y a des personnes trans et des allié.e.s qui défendent vigoureusement une volonté de « sauver l’enfant » en appuyant et en revendiquant le droit des jeunes trans à leur identité et à leurs parcours de transition. D’autre part, vous avez des tenant.e.s anti-trans qui souhaitent également « sauver les enfants », mais en entendant par là les sauver de l’emprise des personnes trans et de ce qu’elles ont convenu d’appeler « l’agenda trans ». Dans les deux cas, on s’accorde sur le principe selon lequel l’enfant doit être sauvé.e.

Je pose la question : où étaient tous ces partisan.e.s et allié.e.s lorsque l’enfant n’était pas en cause dans le paradigme? Où les alliances et la solidarité étaient-elles avant que la jeunesse trans devienne la figure emblématique du mouvement trans? L’histoire de la question trans en témoigne : l’existence de la réalité trans a eu – et continue d’avoir – d’autres cas de figure. Pendant longtemps, les travailleuses du sexe trans ont été la figure emblématique du mouvement. En d’autres temps, bien que de manière stéréotypée et dans un effort de ridiculisation des femmes trans de la part des médias, les femmes trans qui étaient visiblement trans ont été la figure emblématique de l’existence trans. Toutefois, me semble-t-il – à moins d’erreur de ma part – l’alliance et la solidarité des personnes cisgenres pour la cause trans ne se sont concrétisées que lorsque les jeunes trans ont été placé.e.s au centre des préoccupations.

Autre question qui se pose : « Qui est cet enfant? » La plupart des jeunes trans que nous rencontrons, que nous voyons dans les médias, ou à propos desquels nous lisons des études et des rapports de recherche sont des jeunes qui proviennent de milieux privilégiés. Dans plusieurs projets de recherche traitant du vécu de la jeunesse trans au Canada, dont un que j’ai coordonné, les données démographiques illustrent que plusieurs de ces jeunes ont bénéficié du soutien de leurs parents et se portent plutôt bien aujourd’hui. Certains d’entre eux et elles provenaient même du milieu universitaire, où elles et ils ont pu approfondir leurs connaissances sur la question du genre et de la sexualité. Plusieurs d’entre elles et eux étaient des enfants de parents bien nantis. Ne devrions-nous pas peut-être nous demander où se trouvent les autres jeunes? Les jeunes de couleur? Les jeunes autochtones? Les jeunes immigrant.e.s? Les jeunes en situation de pauvreté? Pourquoi ne les voyons-nous pas et n’en entendons-nous pas parler? Malheureusement, les résultats de nombreux travaux de recherche seront biaisés par le fait que ces jeunes dont on parle, et avec qui nous nous allions, sont des jeunes relativement – parfois très – privilégié.e.s.

VN: Dans mon optique de chercheuse, je pense que l’intérêt porté à la jeunesse trans est vraiment une occasion exceptionnelle de réfléchir à l’apport que peut offrir un champ d’études. Quelle est la genèse de l’apparition d’un champ d’études? Comment ce champ d’études prend-il forme et pourquoi? Pour ceux d’entre vous qui poursuivent des études de doctorat ou qui souhaitent en entreprendre, le but poursuivi est l’apport de nouvelles connaissances. S’il y a beaucoup de travail qui se fait actuellement dans le domaine de la réalité trans, que pouvez-vous apporter de nouveau? On ne saurait en douter, il y a des jeunes trans qui souffrent; vous pouvez mener des recherches dans le but d’atténuer cette souffrance; je n’y vois aucune objection. Mais n’est-ce pas aussi l’occasion de faire un zoom arrière et de se demander à quoi pourrait ressembler un travail qui porterait, comme objet d’étude, sur d’autres enjeux de la réalité trans que celui-là? Qu’est-ce qui pourrait en résulter?

Nous allons changer de sujet et parler un peu des défis potentiels, voire des difficultés auxquelles sont confrontés les organismes principalement centrés sur les lesbiennes et les gais, mais qui cherchent du financement pour traiter des enjeux de la réalité trans. Je pense ici particulièrement à la question de l’inclusion des femmes trans dans les espaces destinés aux femmes et au travail du Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQ CALACS). Je me demandais si vous pourriez nous faire part de vos réflexions à ce sujet.

DT: Actuellement, beaucoup de projets obtiennent un financement. Généralement, ce sont les organismes LGBTQ qui obtiennent un financement pour traiter des enjeux ayant une incidence sur les personnes trans. Force est de constater que ces organismes ne font pas appel à la participation des communautés trans, que ce soit au moment où ils préparent une demande de subvention ou au moment d’entreprendre le projet. Ils ne consultent pas les communautés trans. Le projet qui en découle finit par avoir des répercussions négatives sur les communautés trans et par aller, tout compte fait, à l’encontre du but poursuivi, qui est d’améliorer la qualité de vie des personnes trans.

Il est clair qu’un des grands problèmes, actuellement, c’est l’absence de consultation des spécialistes de la question trans dans le cadre de ces projets. Par contre, les personnes trans ne sont pas toutes des spécialistes pour traiter de certaines réalités, particulièrement des réalités dont nous discutons ici. Pour celles et ceux qui ne savent pas ce que l’acronyme CALACS désigne, il s’agit d’organismes qui sont largement financés par le gouvernement et qui œuvrent auprès des personnes ayant survécu à la violence sexuelle; ils travaillent avec des femmes cisgenres et examinent actuellement la question de leur accessibilité et du contenu de leurs programmes en vue d’inclure également les femmes trans dans leur démarche. Toutefois, ces CALACS sont réputés pour leurs positions abolitionnistes, pour leur travail extrêmement anti-travail du sexe, et ils sont également connus pour leurs positions contre les femmes trans.Footnote 6

Je souhaite également ajouter, avant que nous passions à la question suivante, qu’au chapitre de la quête de financement par les organismes LGBTQ pour des projets portant sur une cause trans, j’estime que nous sommes très embourbé.e.s dans un paradigme capitaliste axé sur la productivité. Ce qui semble importer aux yeux de ces organismes, c’est d’obtenir le financement et d’exécuter le projet, sans nécessairement se préoccuper des résultats et de la qualité du projet en question. Je vois et j’entends parler de tant d’organismes qui ont présenté des demandes de subventions et ont mené à bien leur projet, maintenant terminé. Mais j’entends rarement parler de résultats positifs découlant du projet. Actuellement, ces organismes se centrent sur la façon d’obtenir l’argent et de mener le projet à exécution, sans se préoccuper de la bonne façon de le faire et du véritable résultat poursuivi. Tout est centré sur la productivité et l’obtention de financement, plutôt que sur le produit de la démarche et les véritables changements et avantages qui en découlent.

Accès privé aux chirurgies de changement de sexe :

Le travail d’établissement des politiques et des lois se déroule souvent à la croisée du droit et de la médecine. Nous avons souvent l’impression que, lorsque des personnes trans peuvent avoir accès aux services de santé, la raison en est qu’il n’y a pas d’obstacles ou que les obstacles ont été abolis. Mais la question de l’accès aux services de santé, pour les personnes trans comme pour les autres, s’inscrit sur la toile de fond plus large des relations entre les diverses politiques en matière de santé. Auriez-vous un exemple pour l’illustrer, et pourquoi devons-nous tenir compte de cet aspect? Je pense plus particulièrement à l’accès aux partenariats privés, au Québec, lorsqu’il s’agit de chirurgies de changement de sexe.

VN: La Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) est l’organisme qui régit l’assurance-maladie dans cette province. Historiquement, à la fin des années 1970, lorsque la loi a été instaurée, elle stipulait que la chirurgie de changement de sexe était reconnue et financée. Les politiques spécifiaient que la chirurgie devait être recommandée et exécutée par une des deux institutions reconnues – soit l’Hôpital général de Montréal ou l’Hôtel-Dieu de Montréal. Au début des années 1980, l’accès n’était pas facile, mais cela s’est amélioré quelque peu à la fin des années 1980. Dans les années 1990, cet accès a presque complètement disparu. Il a disparu non parce que la loi avait changé, car la loi prévoyait l’accès. Il a disparu parce que la politique stipulait que les personnes devaient être opérées dans une de ces deux institutions. L’Hôtel-Dieu n’avait pas de chirurgien qui lui était associé pour ce type d’intervention et était donc hors circuit. L’Hôpital général de Montréal avait une Clinique d’identité sexuelle qui évaluait les cas et les recommandait pour une chirurgie, mais n’avait pas de chirurgien qui pouvait s’acquitter de cette intervention, en partie parce que les chirurgien.ne.s affirmaient que le montant qui leur était fourni par la RAMQ était insuffisant, ou qu’il n’était pas possible d’avoir accès aux blocs opératoires.

Dans les années 1990, l’accès était très intermittent jusqu’à ce que des personnes trans s’organisent formellement et tiennent des rencontres pour rappeler qu’elles avaient droit à cette chirurgie. Mais concrètement, rien ne se passait. Pendant une certaine période, des personnes trans ont été envoyées en République tchèque pour y subir leur opération.

Il existe aujourd’hui une sorte de guichet administratif central établi afin que les personnes puissent obtenir la documentation médicale appropriée, réunir les lettres d’un psychologue et d’un sexologue et les présenter à ce guichet, puis avoir accès à la chirurgie par l’intermédiaire d’une clinique montréalaise. C’est plutôt bien, car, à nouveau, les personnes trans peuvent avoir accès à la chirurgie; je ne laisse donc pas entendre que je m’oppose totalement à cet état de fait.

Mais ce qui ouvre réellement la voie à la possibilité d’obtenir une chirurgie, c’est la privatisation des soins de santé qui élargit le cadre de la loi afin que les cliniques privées puissent collaborer avec le système public. Par ailleurs, je pense que nous vivons une situation complexe, collectivement, et qu’il y a lieu de célébrer une amélioration de l’accès aux soins de santé au Québec. Mais nous devons également reconnaître que cela tient aux partenariats public-privé. Vous devez donc payer, selon la même logique en vertu de laquelle vous devez payer pour vos propres pansements, votre transport ambulancier, ou ce qui est considéré comme des frais auxiliaires. Je ne suis pas certaine que cela servira bien la cause des personnes trans à long terme. Je pense qu’il est important, lorsqu’il est question d’accès, de loi et de politiques, de tenir compte de ce type de problème dans notre réflexion. C’est un homme d’affaires qui travaille auprès de la communauté, et je pense qu’il fait un bon travail et qu’il a le cœur à la bonne place; mais il demeure un homme d’affaires. Cette situation ne relève pas, alors, de nos revendications auprès de l’État. Sommes-nous d’accord avec cet état de fait? Est-ce, stratégiquement, ce qui doit être fait? Je ne crois pas que nous ayons tenu cette conversation, collectivement, comme communauté.

Les migrantes trans et le travail de défense des droits en marge

VN: Dans votre travail, vous avez beaucoup traité des questions entourant la migration, et je me demande si vous pourriez nous éclairer sur l’incidence de ce travail sur les droits des personnes trans ou sur le cadre juridique entourant la question des personnes trans.

DT: Lorsque je pense à l’origine de mon engagement à la défense des personnes trans, ma démarche a été initialement axée sur la défense des droits de la communauté dont je faisais partie et dont je fais toujours partie : celle des migrantes trans. Cela ne signifie pas, bien sûr, que je ne fais pas partie d’autres communautés. Ce qu’il faut retenir ici, c’est que, lorsque nous avons entrepris de défendre les droits des personnes migrantes trans ici au Québec, nous étions une très petite communauté de personnes directement touchées et d’allié.e.s.

J’étais consternée de voir combien il aura fallu d’années pour qu’on nous porte attention, tout d’abord l’attention des gens qui prétendent être nos allié.e.s au sein de la communauté LGBTQ, puis celle de ceux qui sont en position de pouvoir et de décision. C’était là une des barrières importantes et c’est un des problèmes qui forcent encore beaucoup de gens à se tenir en marge des percées juridiques et du progrès juridique en matière de droits des personnes trans.

Dans votre travail portant sur les transsexuelles et les travestis qui travaillaient dans des cabarets, Viviane, il est fait référence à au moins une femme trans migrante qui œuvrait dans ce milieu. Il aura fallu une si longue période pour qu’il soit tenu compte des personnes migrantes trans et pour qu’elles soient incluses dans la démarche de défense des droits des personnes trans. Même aujourd’hui, à l’heure des avancées juridiques, on observe une marginalisation continue des personnes migrantes trans. Nous devons tenir compte de cet état de fait dans la réflexion qui porte sur d’autres communautés trans qui, elles non plus, ne sont pas au centre du travail actuel de défense des droits des personnes trans. Cela dit, un rare exemple de travail plaçant les femmes migrantes trans au cœur de l’analyse est la recherche de Nora Butler Burke qui explore comment les femmes migrantes trans qui se livrent au commerce du sexe se trouvent bâillonnées par les lois sur l’immigration et le code criminel.

Un autre exemple de la marginalisation des personnes migrantes trans est le fait que, pendant le procès de la poursuite que nous menons contre le gouvernement du Québec, j’ai remarqué que la communauté LGBTQ avait tendance à parler principalement des jeunes et des personnes non binaires, alors qu’initialement, une des principales revendications pour lesquelles nous avions engagé cette poursuite visait à enfin obtenir, pour les migrant.e.s non citoyen.ne.s, la reconnaissance légale dont elles avaient besoin pour être pleinement intégrées à la société. Pour une raison ou une autre, il y a eu une appropriation de la poursuite pour centrer la démarche sur les jeunes et les personnes non binaires, en occultant les migrant.e.s trans et les parents trans. Donc, là encore, nous voyons que certaines communautés sont marginalisées, et ce, même dans le cadre de projets qui sont destinés à traiter de leur réalité.

Féminisme, hommes trans dans le monde universitaire, et le déséquilibre des sexes

DT: La question suivante sera controversée.

VN: Peut-être!

DT: En observant le travail qui a été mené à propos des enjeux de la cause trans au cours des dernières années, que ce soit par les productrices.eurs culturel.le.s, les responsables des politiques ou les universitaires, nous remarquerons peut-être que, dans de nombreux cas, une grande partie de ce travail est mené par des hommes trans. Bien sûr, ce n’est pas une règle absolue et on pourra certainement relever des cas de femmes (trans) universitaires qui se sont démarquées de manière impressionnante dans certains programmes d’études traitant de la réalité des personnes trans. Mais y a-t-il un déséquilibre des sexes dans les effectifs qui œuvrent à la production des connaissances sur les enjeux de la communauté trans actuellement dans les milieux universitaires, politiques et juridiques? Le cas échéant, quelles seraient les interventions nécessaires par rapport à ce déséquilibre?

VN: Merci de me permettre de partager certaines réflexions à ce sujet. Je pense que nous vivons un moment très fascinant. Je suis historienne, et les historiennes se demandent parfois ce qui se dira à propos d’un sujet particulier dans quarante ans. Quelles seront alors, rétroactivement, nos observations? Mes réflexions et commentaires nous portent, en partie, à nous poser la question suivante : que dirons-nous, plus tard dans le temps, à propos du moment que nous vivons aujourd’hui?

Je me limiterai à évoquer ici un cadre particulier, celui du milieu universitaire, du soutien aux études et, j’ose le dire, de l’enthousiasme qui entoure la recherche et le travail qui s’accomplissent à propos des personnes trans et des enjeux de la cause trans. Une grande partie de ces recherches et travaux se déroulent dans le cadre de programmes d’études féministes, et de programmes d’études portant sur les femmes/la sexualité. Sans cibler qui que ce soit en particulier, je me réjouis beaucoup que des hommes trans aient pu trouver une façon de survivre dans notre système universitaire capitaliste. Je connais bien les défis liés à la difficulté de gagner sa vie à l’université, où il est très difficile d’obtenir des conditions de travail décentes pour un.e travailleuse.eur à temps plein. Cela étant dit, je pense que, rétrospectivement, on pourra constater que les programmes d’études féministes et d’études sur les femmes, gender studies, et sur la sexualité auront fourni la possibilité de faire de l’enseignement et de la recherche sur les enjeux trans. On constatera aussi que cet enseignement aura été principalement fait, et continue de l’être, par des hommes.

Comme féministe, je dois interroger les conditions qui ont rendu ceci possible. Tout a découlé, dans ces programmes, du féminisme et du concept du « plafond de verre ». Dans quarante ans, en jetant un regard rétrospectif, serons-nous heureuses d’avoir accompli beaucoup de travail sur la question trans, et d’avoir facilité l’établissement d’un milieu universitaire professionnel pour les personnes trans, mais de l’avoir fait grâce à des hommes? Et de l’avoir fait sous la bannière du féminisme? Nous avons dit que nous poserions certaines questions difficiles, et cela en est une qu’il est nécessaire de poser.

Mais là encore, le propos n’est pas de cibler des personnes, mais plutôt de cerner s’il y a des leçons à tirer du féminisme à ce propos. J’ose dire que, compte tenu de l’histoire des études féministes et de l’importance des études féministes ancrées dans la vie des femmes, le fait d’avoir des personnes trans, dont une grande partie d’hommes trans, traitant d’enjeux trans dans les études féministes, n’est pas, selon moi, une réussite. Le déséquilibre des sexes et l’inégalité dans ce secteur se maintiennent. Je le répète, je suis heureuse pour ces hommes trans qui ont trouvé du travail; je suis super heureuse pour vous; je vous écrirai des lettres, même si nous ne sommes pas amis. Envoyez-moi votre dossier de permanence. Je l’examinerai avec plaisir. Je vous accorderai le soutien nécessaire qu’on attend d’une alliée; mais retenons que nous avons des leçons à apprendre des féministes. Les féministes cisgenres, transphobes. Elles ont des choses à nous apprendre.

Au-delà des droits de la personne

DT: Cette question nous ramène à aujourd’hui, et la question suivante nous ramène à l’endroit où nous nous nous trouvons actuellement, c’est-à-dire au Québec. Nous travaillons dans une certaine mesure au Québec, et les discussions en anglais portant sur les enjeux trans ne tiennent souvent pas compte de la spécificité du Québec, qui a ses propres traditions juridiques et une protection unique en matière de droits de la personne pour les personnes trans depuis le début des années 1980. Quels sont les enjeux auxquels nous devons réfléchir en matière de cadre juridique entourant les personnes trans au Québec, et pourquoi les gens de l’extérieur du Québec doivent-ils se pencher sur cette question?

VN: Il y a une longue tradition de protection des droits des personnes trans au Québec, le plus ancien cas remontant à 1982 et portant sur l’état civil. Un autre dossier emblématique de 1998 portait sur le sexe.

Récemment, on a assisté à une vaste campagne médiatisée à propos du projet de loi C-16, qui portait sur le fait que les personne trans, y compris celles au Québec, ne jouiraient pas de la protection des droits de la personne. Ce n’est pas vrai. En affirmant cela, on démontre que l’on ne connaît pas le contexte juridique en matière de droits de la personne au Québec. Ce n’est pas vrai. En bon professeur, je dirais « cela manque de nuance; j’aimerais que vous souleviez davantage de contradictions à ce sujet. Vous pourriez peut-être proposer un autre point de vue. » Mais non : dans ce cas-ci, c’est tout simplement inexact. C’est tout simplement inexact. Je pense qu’il n’est pas simplement intéressant, mais bien essentiel que nous soyons réfléchi.e.s. Ceux et celles d’entre vous qui travaillez dans le contexte québécois, dans le secteur des droits de la personne, saurez bien qu’il y a une jurisprudence abondante à propos du sexe comme motif de discrimination. L’état civil est aussi un motif de discrimination, il faut le dire.

Si vous œuvrez à l’extérieur du Québec, vous avez là un point très intéressant pour mener une analyse comparative. Souvent, les personnes qui traitent de ces enjeux dans un contexte anglophone disent que « le sexe ne peut être retenu » comme motif de plainte pour non-respect des droits de la personne ou pour discrimination. Mais en fait, il le peut. Il y a beaucoup de cas de jurisprudence anglophone qui le démontrent. Il y a beaucoup de cas de jurisprudence qui illustrent que le sexe n’est pas qu’une question de sexe biologique, mais sous-tend aussi la façon de traiter les personnes en fonction de leur sexe biologique. Pensons, par exemple, aux entreprises qui disent « nous ne vous embaucherons pas parce que vous pourriez devenir enceinte, et nous ne voulons pas que vous partiez en congé de maternité. » La discrimination ici ne tient pas au fait que vous avez un utérus, mais au traitement institutionnel qui est imposé à la personne qui a un utérus. Cette nuance est très utile, et je suis une grande inconditionnelle de l’analyse comparative. Je pense que les gens à l’extérieur du Québec devraient examiner divers modèles de réformes juridiques qui pourraient se traduire par diverses stratégies juridiques.

Nous avons presque épuisé le temps que nous avions. Dalia, puis-je vous demander de présenter un rapide survol des enjeux les plus importants auxquels nous devons réfléchir à propos du cadre juridique entourant les personnes trans?

DT: Très brièvement, la solidarité à l’égard des droits des personnes migrantes est très importante. La solidarité à l’égard des travailleuses du sexe est également très importante. N’oublions pas que l’histoire des personnes trans est intrinsèquement liée à celle des travailleuses du sexe. Les mesures policières à l’égard des migrantes trans qui sont des travailleuses du sexe ont créé des sujets criminalisés qui subissent les effets de l’application du droit criminel et de l’immigration, ce qui se traduit par un cycle de violence et de précarité.Footnote 7

Également, nous devrons mettre de côté les dossiers portant sur les droits de la personne – une fois que nous aurons mené à bien le nôtre. Centrez-vous sur d’autres aspects, tels que le droit du travail, le droit de l’immigration ou l’accès aux avantages sociaux.

Par expérience, je peux dire que beaucoup de gens viennent consulter l’organisme où je travaille pour obtenir de l’aide juridique, mais, malheureusement, la justice, bien qu’elle protège nos communautés, n’est pas toujours accessible. Nous devons nous demander qui y a accès. Qui peut vraiment obtenir les services d’un.e avocat.e et avoir vraiment la force et l’endurance d’aller en cour pour défendre ses droits? À cela aussi nous devons réfléchir, particulièrement face au nombre croissant de personnes trans qui font appel à des organismes communautaires pour essayer d’obtenir cette aide juridique et qui, malheureusement, ne peuvent se défendre et faire valoir leur point de vue – parfois à cause d’un manque d’expertise et parfois à cause d’un manque de capacité. Une grande question à aborder est celle de déterminer comment on peut rendre la loi accessible aux gens, non seulement théoriquement, mais aussi dans la vie quotidienne.

Footnotes

Viviane Namaste (VN), professeure à l’Institut Simone de Beauvoir, Université Concordia, Montréal.

Dalia Tourki (DT), militante en droit trans et éducatrice publique au Centre de lutte contre l’oppression des genres et membre d’AGIR (Action LGBTQ avec les ImmigrantEs et RéfugiéEs). Elle a coordonné des projets de recherche, donné des manifestations, publié des articles, prononcé de nombreuses conférences, proposé un projet de loi, et a été la porte-parole d’une poursuite pour l’avancement des droits des personnes trans au Québec. Dalia est actuellement étudiante en droit à la Faculté de Droit de McGill.

Nous remercions Stephanie Weidmann, de la faculté de droit de l’université Thompson Rivers (2020), qui a travaillé à la transcription et à la révision de la prestation afin d’en faire un article, et à Charles Girard qui l’a traduite en français.

References

1 Voir, par exemple, Ross, Becki et Hamilton, Jamie Lee, « Loss Must be Marked and it cannot be Represented: Memorializing Sex Workers in Vancouver’s West End,” BC Studies 107 (printemps 2018) : 938 Google Scholar; et Ross, Becki, « Outdoor Brothel Culture: The Un/making of a Transsexual Stroll in Vancouver’s West End, 1975–1984, » Journal of Historical Sociology 25, no. 1 (mars 2012): 126–50CrossRefGoogle ScholarPubMed. Hamilton est décédée le 23 décembre, 2019.

2 Canada (Procureur général) v Bedford, 2013 SCC 72, [2013] 3 SCR 1101 [Bedford].

3 Matthew Weaver, « Transgender Woman Heckles Barack Obama at White House Gay Pride Event », The Guardian, 25 juin 2015. https://www.theguardian.com/us-news/2015/jun/25/barack-obama-heckled-transgender-woman-gay-pride-white-house.

4 Code civil du Québec, CQLR c CCQ-1991.

5 Voir Centre for Gender Advocacy c Québec (Procureure générale), 2015 QCCS 6026. Centre de lutte contre l’oppression des genres (Centre for Gender Advocacy) c Québec (Procureure générale), 2016 QCCS 5161.

6 Quelques mois après que ce point a été soulevé à l’occasion de la présentation principale, six organismes de Montréal travaillant auprès des populations trans, dont le Centre de lutte contre l’oppression des genres et l’ASTT(e)Q, ont critiqué publiquement le RQ CALACS pour avoir souhaité inclure les femmes trans dans leurs espaces alors qu’ils continuaient de s’opposer au travail du sexe et à l’autonomie et les droits des travailleuses du sexe et à faire campagne contre elles et leur travail. Voir Centre de lutte contre l’oppression des genres, « Position par rapport aux CALACS », 8 juillet 2019. https://www.facebook.com/notes/centre-for-gender-advocacy-centre-de-lutte-contre-loppression-des-genres/position-par-rapport-aux-calacs/1112641558929287/. Un article rédigé en français par Dalia Tourki (juillet 2019) et signé par les six organismes trans a été publié en ligne pour faire valoir le fait que l’inclusion des personnes trans est indissociable de la solidarité avec les travailleuses du sexe. Voir Dalia Tourki. « L’inclusion trans ne peut se faire en se positionnant contre l’industrie du sexe, » Huffington Post, 8 juillet 2019. https://quebec.huffingtonpost.ca/entry/linclusion-trans-ne-peut-se-faire-en-se-positionnant-contre-lindustrie-du-sexe_qc_5d23568be4b0f3125687b271

7 Burke, Nora Butler, « Double punishment : Immigration Penalty and Migrant Trans Women who Sell Sex,” dans Red Light Labour: Sex Work Regulation, Agency, and Resistance, dir. Durisin, Elya M., van der Muelen, Emily, Chris (Vancouver: UBC Press, 2018), 203212 Google Scholar.