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L'Invisibilité facteur d'exclusion : Les Femmes victimes de lésions professionnelles*

Published online by Cambridge University Press:  18 July 2014

Katherine Lippel
Affiliation:
Département des sciences juridiques, Université du Québec à Montréal
Diane L. Demers
Affiliation:
Département des sciences juridiques, Université du Québec à Montréal

Abstract

This article reports on three studies aimed at identifying ways in which seemingly neutral legislation may lead to discriminatory results. Three facets of workers' compensation legislation in Québec were examined in order to determine whether their application to injured women workers is equitable. The first study analysed 179 appeal decisions regarding claims for psychological disability relating to workplace stress. Results show that accessing compensation was more difficult for women than for men. Disparity in access could not be explained by individual differences. Discrimination operated by differential interpretations by decision makers of broad criteria (unusual stress) developed in the case law itself. The second study looked at legislative and administrative rules regarding compensation for inability to perform unpaid domestic work as a result of a compensable workplace injury. Differential obligations in the home conjugated with inadequate legislative programmes regarding domestic work led to under-compensation of women workers for the real economic consequences of their work injury. Thirdly preliminary results of a study of appeal decisions and policy regarding professional rehabilitation of injured workers are presented. Systemic discrimination is illustrated by the fact that pre-injury earnings are determinant in access to programmes and duration of rehabilitation benefits. Conjugated with systemic undervaluing of women's work, this leads to poorer access to appropriate rehabilitation programmes.

Résumé

Cet article présente les résultats de trois études démontrant comment une législation qui est en apparence neutre peut avoir des effets discriminatoires. Trois aspects de la législation québécoise en matière d'indemnisation des lésions professionnelles ont été examinés afin de déterminer si leur application aux travailleuses était équitable. La première étude a porté sur l'examen de 179 décisions en appel relatives aux réclamations pour dommages psychiques reliés au stress au travail. Elle conclut que l'accès à l'indemnisation est plus difficile pour les femmes que pour les hommes. Les difficultés ne s'expliquent pas par des différences individuelles. La discrimination est véhiculée à travers l'application par les décideurs de normes floues (stress inusité). La deuxième étude a porté sur l'examen des règles concernant l'indemnisation pour l'incapacité d'effectuer le travail domestique suite à une lésion professionnelle. La disparité des obligations des hommes et des femmes à l'égard du travail domestique avec le caractère inadéquat des programmes de réadaptation sociale ont eu pour effet de sous-indemniser les femmes pour les conséquences économiques réelles de leurs lésions corporelles. La troisième partie présente les conclusions préliminaires d'une étude sur les décisions et les politiques en matière de réadaptation professionnelle des victimes de lésions professionnelles. Elle fournit une illustration de la discrimination systémique découlant de la détermination de l'emploi convenable. L'accès aux programmes de réadaptation dépend en grande partie du salaire gagné au moment de la lésion. Le fait que le travail des femmes est sous-évalué de manière systémique se traduit par un accès limité aux programmes de réadaptation professionnelle qui seraient appropriés pour elles et qui tiendraient compte des conséquences réelles de leur lésion.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Canadian Law and Society Association 1996

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References

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123. Supra note 121 at 86.

124. Supra note 5 at 224 (Man. Q.B.). He contrasts this with finding “a firm and ascertainable legal … basis on which to found liablility.”

125. Supra note 101 at 270.

126. This is not the only instance of the Chancellor's foot being linked with sexual irregularity. In Re Public Trustee and Toronto Humane Society (1987), 60 O.R. (2d) 236 at 243, Anderson J. quotes from an article by Mockler, E. J., “Charitable Corporations: A Bastard Legal Form” (1966) Can. Bar Papers 229 at 229Google Scholar, in which the author speaks of the “interbreeding” of legal forms, “spawning” “curious results.” The result of one of these “out of wedlock” unions is the charitable corporation: “It has strains of both corporation law and trusts and on the paternal side one sees shades of the Chancellor's foot.” Strangely, in this conceit, the Chancellor's foot seems to have been transubstantiated into an organ of generation.

127. (1993), 103 D.L.R. (4th) 129 at 133–34 (Ont. C.A.).

128. [1985] 2 Lloyd's Rep. 470 at 474.

129. Supra note 91 at 376.

5. L.A.T.M.P., supra note 2.

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8. L'article 83 de la L.A.T.M.P., supra note 2, prévoit une indemnité pour une atteinte permanente à «[l']intégrité physique ou psychique» de la victime, et le règlement adopté pour baliser le degré de ces atteintes comprend un chapitre spécifique sur les atteintes psychiques. Voir Règlement sur le barème des dommages corporels, (1987) 119 G.O. II, 5567.

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10. Voir: Lippel, K., Le Stress au travail: L'indemnisation des atteintes à la santé en droit québécois, canadien et américain, Cowansville, Yvon Biais, 1992Google Scholar [ci-après Le Stress au travail].

11. Une des premières décisions de la Commission des affaires sociales qui reconnaissait le droit d'une travailleuse à une indemnisation pour le stress chronique a fait l'objet d'une saga judiciaire qui s'est terminée plus de dix ans après les événements ayant donné lieu à la réclamation. Voir C.A.S. AT-59927, décision du 7 novembre 1988, cassée en évocation dans Société canadienne des postes c. C.A.S. et al, C.S., 500–05–14015–885, 10 octobre 1989, appel accueilli par la Cour d'Appel du Québec dans Arseneau c. Société Canadienne des postes et Commission des affaires sociales Montréal, 21 novembre 1994, 500–09–001481–894 (CAQ) [ci-après Arseneau].

12. La première décision de la C.A.L.P. ayant accepté une réclamation pour le stress chronique était Soubigou et Maloso Inc. et C.S.S.T., [1988] C.A.L.P. 977.

13. Arseneau, supra note 11. La Cour d'appel constate que l'approche de la Commission des affaires sociales, qui accepte d'indemniser la victime du stress chronique en appliquant la théorie des microtraumatismes, est «défendable en droit».

14. «Accident du travail: un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle.»

15. «Maladie professionnelle: une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail.»

16. Ison, T. G., Worker's Compensation in Canada, Toronto, Butterworths, 1989 aux pp. 2425.Google Scholar

17. Voir: Worker's Compensation Board c. Theed, [1940] R.C.S. 553.

18. Pour un bilan jurisprudentiel détaillé, voir Le Stress au travail, supra note 10. La position québécoise se distingue de la position ontarienne (tribunal d'appel) et de celle d'une minorité d'états américains qui traitent les lésions psychologiques sur le même pied que la lésion physique, acceptant la réclamation sur preuve de la relation entre le travail et la lésion sans exiger que les conditions de travail soient inusitées.

19. Voir Girard et Commission d'emploi du Canada, C.A.L.P., no 25437–02–9012, 27 janvier 1993 (commissaire Carignan). Sur l'ensemble de cette question, voir Lippel, Le Stress au travail, ibid. aux pp.76–77.

20. La présente étude a été l'objet d'une discussion préliminaire dans Lippel, K., «Watching the Watchers: How Expert Witnesses and Decision-Makers Perceive Men's and Women's Workplace Stressors» dans Messing, K., Neis, B. et Dumais, L., Invisible: la Santé des travailleuses, Charlottetown, Gynergy, 1995, 265.Google Scholar

21. Voir Jeammaud, A. et Serverin, É., Évaluer le droit, Recueil Dalloz Sirey, 34, 1992, 263–68.Google Scholar

22. Par exemple, une des premières décisions qui a accordé une indemnisation à une victime de harcèlement portait sur le harcèlement à connotation raciste à l'égard d'un policier de race noire par ses collègues. La décision de la C.A.L.P. qui accepte la réclamation en appel fournit des détails importants sur différents incidents de nature raciste. Voir Anglade et Communauté Urbaine de Montréal, D.T.E. 88T-730 (C.A.L.P.). Par contre, la décision du B.R.P. portant sur le même dossier refuse la réclamation sans même mentionner que le réclamant est de race noire. Voir Anglade et C. U.M., [1985–86] B.R.P.131.

23. Voir Vézina, M. et al. , Pour donner un sens au travail: Bilan et orientations du Québec en santé mentale au travail, Boucherville, Gaétan Morin, 1992 à la p. 108.Google Scholar Tout porte à croire que les travailleurs et travailleuses hésitent à faire une réclamation à cet organisme, car il est beaucoup plus simple de se prévaloir des programmes d'assurance-salaire lorsqu'ils sont accessibles. Certains attribuent au travail un tiers des problèmes de santé mentale. Pourtant une augmentation significative des coûts semble se manifester dans les programmes d'assurance-salaire. Sur ces deux éléments, voir L'Espérance, J., «Santé mentale et travail: Bilan» dans La santé mentale au travail: Actes du forum du 5 mai 1995, Montréal, fondation québécoise des maladies mentale, 1995.Google Scholar

24. Les décisions du B.R.P. rejetant une plus grande proportion de réclamations provenant des femmes, on peut en conclure que les décisions portées en appel par les travailleuses soient mieux fondées que celles portées en appel par les hommes. Bien qu'il soit impossible de quantifier scientifiquement la qualité de la cause, une analyse qualitative nous porte à croire que les travailleuses qui ont gain de cause à la C.A.L.P. ont des meilleurs dossiers que les hommes. La neutralité statistique des résultats ne signifie pas qu'il n'y a pas de discrimination au niveau de la C.A.L.P., car s'il existe un surcroît de rejets injustifiés dans les dossiers des travailleuses devant le B.R.P., on pourrait s'attendre à ce que davantage de travailleuses que de travailleurs soient indemnisées à la C.A.L.P. Or l'écart est peu significatif. Cependant, si on exclut les dossiers portant sur l'évaluation négative de la personne réclamante, il existe une différence significative entre les hommes et les femmes dans l'ensemble des décisions. Voir ci-dessous la discussion sur la nature des agents stressants.

25. Les lésions reliées au stress aigu sont plus facilement reconnues que celles reliées au stress chronique. Pour une revue comparative de la jurisprudence sur cette question voir Le Stress au travail, supra note 10.

26. 26 acceptés, 46 reftisés/21 acceptés/38 refusés.

27. 52 acceptées, 55 refusées/ 45 acceptées, 29 refusées.

28. Valeur de double concordance de P=0.0052 (test d'exactitude de Fisher)

* Ces chiffres ainsi que ceux du tableau suivant, proviennent de l'analyse de 179 décisions, représentant 107 réclamations d'hommes et 72 réclamations de femmes. Plus d'un agent stressant peut être invoqué dans un même dossier d'où l'excédant dans le nombre absolu d'agent stressant.

* Pourcentage d'agents stressants acceptés par rapport au nombre allégué.

29. Comme pour les autres variables, notre conclusion se base sur le discours explicite des décideurs: nous ignorons la vérité quant à l'existence des problèmes personnels ou des particularités de personnalité. Par contre, il n'y avait pas de différence significative dans la nature des mentions dans les décisions, qu'il s'agisse des commentaires du décideur ou des commentaires des médecins experts reproduits par le décideur.

30. À ce sujet voir: Perelman, C. et Vander Eist, R., dir., Les Notions à contenu variable en droit, Bruxelles, Emile Bruylant, 1984Google Scholar; plus particulièrement, le chapitre de S. Riais, «Les Standards, notions critiques du droit», ibid., 39; Lajoie, A., Robin, R. et Chitrit, A., «L'apport de la rhétorique et de la linguistique à l'interprétation des concepts flous» dans Bourcier, D. et Mackay, P., dir., Lire le droit: Langue, texte, cognition, Paris, Collection Droit et société, 1993, 155.Google Scholar

31. Ces résultats ressortent de notre échantillonnage et ne reflètent pas nécessairement la composition de l'ensemble des B.R.P. On ne devrait pas trop s'en étonner: le monde des relations industrielles est un monde d'hommes. Voir Forrest, A., «Women and Industrial Relations Theory: No Room in the Discourse» (1993) 48:3Relations industrielles 409.CrossRefGoogle Scholar

32. On ne peut pas pour autant conclure qu'un plus grand nombre de femmes à ce tribunal changerait le portrait. La seule représentante patronale dans notre échantillonnage a démontré sa neutralité en refusant 100% des réclamations des hommes et des femmes. Faute d'effort pour sélectionner des représentantes sensibilisé(e)s à la réalité des travailleuses tout autant qu'à celle des travailleurs, les inéquités persisteront.

33. Voir Mercier et Services correctionnels du Canada, [1991] C.A.L.P.

34. Anonyme, B.R.P. dossier 6129 5509, [23 septembre 1993].

35. Communauté urbaine de Montréal c. C.A.L.P. et al., [1995] C.A.L.P. 1305, p. 1310–11 (C.S.). Jugement inscrit en appel à Montréal, no 500–09–00–1274–950. La décision de la Cour supérieure reproduit les extraits pertinents des décisions antérieures.

36. Les résultats complets et une analyse plus approfondie de cette étude sont rapportés dans Lippel, K. et Bienvenu, C., «Les Dommages fantômes: L'indemnisation des victimes de lésions professionnelles pour l'incapacité d'effectuer le travail domestique» (1995) 36 C. de D. 161Google Scholar [ci-après Les Dommages fantômes].

37. Sur l'analyse historique de cette législation, voir Le Droit des accidentés du travail, supra note 1. Sur le caractère transactionnel du régime, voir également Cliche, B., Lafontaine, S. et Mailhot, R., Traité de droit de la santé et de la sécurité au travail, Cowansville, Yvon Biais, 1993.Google Scholar

38. «La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.»

39. Sur l'ensemble de cette question, voir Asselin, S.et al., Statistiques sociales—Les Hommes et les femmes: Une comparaison de leurs conditions de vie, Québec, Publications du Québec, 1994, c. 6.Google Scholar On peut y lire, à la p. 6–125, que «de 1976 à 1991, les courbes d'activité des hommes et des femmes se sont rapprochées en raison de la forte augmentation de la participation des femmes (de 46,4% à 72,1%) et du maintien chez les hommes (de 82,3% à 81,2%)». Il nous faut cependant ajouter que la majorité des études situent à un peu moins de 60% la participation des femmes sur le marché du travail.

40. Asselin, ibid.

41. Voir, notamment, Marshall, K., «Les Travaux ménagers» (1990) 16 Tendances sociales canadiennes 18Google Scholar; Devereaux, M. S., «L'Emploi du temps des Canadiens en 1992» (1993) 30 Tendances sociales canadiennes 13Google Scholar; Lero, D. S. et Johnson, K. L., 110: Statistiques sur le Travail et la Famille au Canada, Ottawa, Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, avril 1994 aux pp. 8, 25.Google Scholar

42. Définition retenue par Ghalam, N. Zukewich, Les Femmes sur le marché du travail, Ottawa, Statistique Canada, 1993 aux pp. 9Google Scholar et s. Son enquête porte sur des données de 1986, à la p. 60.

43. Les données recueillies lors du recensement canadien de 1991 montrent que, sur un total de 1 883 230 familles québécoises, 268 880 étaient chefs de famille monoparentale (14,2%). Le pourcentage de familles monoparentales québécoises dépasse de 1,2% le pourcentage de familles monoparentales sur l'ensemble du territoire canadien. Au Québec, 81% des familles monoparentales étaient dirigées par des femmes. Statistique Canada, Familles: nombre, genre et structure, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1992Google Scholar; Recensement du Canada de 1991 no 93–312 au catalogue note 10 à la p. 9

44. Statistiques adaptées de celles de Zukewich Ghalam, supra note 42 à la p. 60. Des études plus récentes, utilisant des méthodologies différentes, constatent un écart relatif similaire bien que les chiffres absolus puissent varier. Observant les travailleurs et les travailleuses à temps plein dont le plus jeune enfant avait moins de six ans, l'auteur d'une étude de 1992 a conclu que les Canadiennes ont consacré 5,4 heures par jour au travail non rémunéré (37 heures par semaine), comparativement aux hommes qui ont consacré 3,4 heures (23,8 heures par semaine). Voir Devereaux, supra note 4 à la p. 14.

45. Voir Marshall, supra note 41 à la p. 19.

46. Ibid.

47. Voir Lero et Johnson, supra note 41 à la p. 9; Devereaux, supra note 41 à la p. 14.

48. Statistiques adaptées de celles de Zukewich Ghalam, supra note 42 à la p. 60.

49. L.A.T.M.P., supra note 2, art. 151–165

50. Ibid.

51. Ibid. L'article 152 prévoit que cinq services peuvent être offerts à un travailleur dans le cadre d'un programme de réadaptation sociale, mais notre étude ne traite pas de l'octroi des services professionnels d'intervention psychosociale ni des programmes visant l'adaptation physique du véhicule et du domicile de la personne accidentée.

52. Ibid., art. 152(3).

53. Ibid., art. 164.

54. Ibid., art. 165.

55. C.S.S.T., Directive no 4.12, Politique de réadaptation-indemnisation—Réadaptation du travailleur: L'Aide personnelle à domicile (26 août 1991). C.S.S.T., Directive no 4.01, Politique de réadaptation-indemnisation—Réadaptation du travailleur: L'Admissibilité en réadaptation (1er novembre 1992).

56. Pour illustrer, citons le cas d'une travailleuse qui subit un accident de travail alors qu'elle est enceinte de 7 mois et demi. Plus tard, mère du nouveau-né, elle quittera l'hôpital en chaise roulante et recevra l'aide personnelle pour la semaine durant laquelle elle fut incapable de prendre soin d'elle même. Une fois capable de marcher avec des béquilles, on lui retire l'aide personnelle, sans mention de l'impact de sa blessure sur ses capacités de prendre soin d'un nouveau-né. Voir Cerea Verger Nicolet Enr, B.R.P., no 61077931, 10 août 1993.

57. À la lecture de la disposition et en prenant en considération l'absence d'exigences particulières dans les directives administratives en matière d'hébergement ou d'hospitalisation, l'ouverture du droit aux frais de garde ne semble pas soumise à la présence d'une atteinte permanente. Le travailleur hospitalisé ou hébergé en centre d'accueil doit cependant satisfaire aux autres conditions énoncées dans la loi (assumer seul la garde de l'enfant, avoir un conjoint incapable d'en prendre soin pour des raisons d'invalidité ou de maladie ou avoir un conjoint qui doit s'absenter du domicile pour se rendre auprès de la victime de la lésion).

58. Relativement aux activités exécutées dans le cadre d'un plan de réadaptation, l'exigence d'une atteinte permanente formulée à l'article 145 de la L.A.T.M.P., supra note 2, a été interprétée par la jurisprudence comme étant une condition préalable à l'accès aux programmes de réadaptation professionnelle. Voir Nova P.B. Inc. c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles du Québec (1993), C.A.L.P. 327 (C.S.), et la C.A.L.P. a étendu cette application aux frais de garde dans Lambert et Centre hospitalier St-Jean et C.S.S.T., C.A.L.P. Montréal, no 55652–08–9312 [25 mai 1994] (commissaire Tardif)‥

59. Lambert et Centre hospitalier St-Jean et C.S.S.T., ibid. Pour un raisonnement analogue appliqué à une travailleuse ayant confié à quelqu'un la garde de ses enfants pour recevoir des traitements de physiothérapie, voir Quenneville et Hôpital Jean-Talon et C.S.S.T., C.A.L.P. Montréal, no 26357–60–9102 [26 juin 1992] (commissaire Giroux).

60. L.A.T.M.P., supra note 2, art. 164; C.S.S.T., Directive no 4.04, Politique de réadaptation-indemnisation—Réadaptation du travailleur: Le Plan individualisé de réadaptation (ler novembre 1992) à la p. 4. Le programme analogue appliqué aux victimes d'accidents d'automobile est plus souple: il permet un remboursement si le conjoint s'absente pour travailler ou étudier. Voir Loi sur l'assurance automobile, L.R.Q., c. A-25, art. 83, al. 4 [ci-après L.A.A.].

61. L.A.T.M.P., ibid.; C.S.S.T., ibid. aux pp. 3–4.

62. Voir notamment Brisson et Chantiers Chibougamau Ltée, C.A.L.P. Québec, no 09183–02–8808, [11 février 1991] (commissaire Dubois).

63. En 1994, 103 des 131 372 victimes de lésions professionnelles ayant causé une incapacité de travail (acceptées et indemnisées) ont reçu des frais de garde. C'est moins que 0,1%. C.S.S.T., Annexe statistique du rapport annuel d'activité, Québec, Direction de la statistique et de la gestion de l'information, 1994 aux pp. 25, 93.Google Scholar

64. Les Dommages fantômes, supra note 36 à la p. 195.

65. Des 27 décisions en révision et en appel étudiées, seules deux impliquaient des travailleuses. Voir ibid. à la p. 164.

66. C.S.S.T., Directive no 4.04, supra note 60.

67. Voir à ce sujet Beauséjour et Centre Hospitalier J. Henri Charbonneau, B.R.P., no 61133726, 15 juillet 1993.

68. Voir Québec, Assemblée nationale, Commission permanente du travail, «Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 42» dans Journal des Débats: Commissions parlementaires aux pp. B-14019, B-14095 et B-14201, B-14359 et B-14489, B-14682 et B-14715, B-15022.

69. L.A.T.M.P., supra note 2, art. 159(2). La loi reconnaît donc que les soins donnés à une personne blessée constituent un travail monnayable même si la personne blessée est le conjoint. Bien que les balises réglementaires sur l'application de cet article semblent remettre partiellement en question ce principe, nous croyons qu'il s'agit d'un apport innovateur de la part du législateur, qui a sans doute pensé à la femme qui doit rester au chevet de son mari blessé au travail. Sur l'ensemble de cette question, voir Règlement sur les normes et barèmes de l'aide personnelle à domicile pour l'année 1996, (1995)49 G.O. II, 5029.

70. Une comparaison de la L.A.T.M.P. avec la L.A.A. permet de voir que le législateur était beaucoup plus soucieux des conséquences d'un accident d'automobile sur la capacité d'effectuer le travail domestique. Voir notamment L.A.A., supra note 60 aux art. 80–83, ainsi que nos commentaires dans Les Dommages fantômes, supra note 36 à la p. 163 note 2.

71. «Emploi convenable: un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauché et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion.» L.A.T.M.P., supra note 2, art. 2.

72. On trouve présentement dans la banque 257 décisions concernant des hommes; 81% de ces décisions portent essentiellement sur la détermination de l'emploi convenable. Quant aux femmes, elles sont visées dans 92 décisions dont 84% portent principalement sur la détermination de l'emploi convenable.

73. Sur les enjeux qui ont mené à l'introduction de ces points, voir Lippel, K., «L'Insécurité du revenu des accidents du travail: les nouveautés dans l'indemnisation des lésions professionnelles» dans Bureau, R. et Mackay, P., dir., Le droit dans tous ses états, Montréal, Wilson et Lafleur, 1987, 285Google Scholar [ci-après L'Insécurité du revenu].

74. L.A.T.M.P., supra note 2, art. 236 et s.: deux ans, s'il y a plus de 20 travailleurs dans l'entreprise.

75. Pour des illustrations de ces mécanismes, voir Lippel, L'insécurité du revenu, supra note 73. Voir également Charette, M., «La Réadaptation pour le meilleur et pour le P.I.R.» dans Développements récents en droit de la santé et de la sécurité du travail, Cowansville, Yvon Biais, 1993, 119.Google Scholar

76. C.S.S.T., Modèle d'intervention en réadaptation à la C.S.S.T., mai 1992, [ci-après Modèle d'intervention].

77. L.A.T.M.P., supra note 2.

78. «Emploi équivalent: un emploi qui possède des caractéristiques semblables à celles de l'emploi qu'occupait le travailleur au moment de sa lésion professionnelle relativement aux qualifications professionnelles requises, au salaire, aux avantages sociaux, à la durée et aux conditions d'exercice.» Ibid., art. 2.

79. L.A.T.M.P., ibid., art. 146: «Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale ou professionnelle. Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.» [C'est nous qui soulignons.]

80. «Un programme de réadaptation professionnelle peut comprendre notamment: 1° un programme de recyclage; 2° des services d'évaluation des possibilités professionnelles; 3° un programme de formation professionnelle; 4° des services de support en recherche d'emploi; 5° le paiement de subventions à un employeur pour favoriser l'embauche du travailleur qui a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique; 6° l'adaptation d'un poste de travail; 7° le paiement de frais pour explorer un marché d'emplois ou pour déménager près d'un nouveau lieu de travail; 8° le paiement de subventions au travailleur.» Ibid., art. 167.

81. Modèle d'intervention, supra note 76 à la p. 13.

82. Ibid. aux pp. 18–19.

83. L.A.T.M.P., supra note 2, art. 2. La loi spécifie que cet emploi doit viser à l'utilisation de la capacité résiduelle et des qualifications professionnelles du travailleur, présenter une possibilité raisonnable d'embauché et s'exercer dans des conditions qui ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion.

84. L'article 171 de la loi prévoit l'évaluation des possibilités professionnelles du travailleur en fonction de sa scolarité, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail. Ibid., art. 171. L'article 172 ajoute que le travailleur peut bénéficier d'un programme de formation professionnelle dispensé dans une institution d'enseignement ou en industrie, s'il lui est impossible d'accéder autrement à un emploi convenable. Ibid., art. 172.

85. C.S.S.T., supra note 76 à la p. 12. Cette obligation découle de l'article 181 de la loi. À la page 66 de son document, la C.S.S.T. développe ce principe en qualifiant la solution de «pertinente» (permettant d'atteindre l'objectif fixé), «efficace» (permettant de résoudre le problème de façon maximale), «réaliste» (c'est-à-dire qu'elle est applicable et qu'elle tient compte notamment de la loi) et «acceptable» (c'est-à-dire qu'elle reçoit, le plus possible, l'adhésion des parties). De plus, on indique que «la solution la plus économique est la plus rentable considérant la globalité des coûts inhérents à celle-ci. La sélection du choix optimal s'oriente donc vers la solution la plus rationnelle en termes de rapport coûts/bénéfices.» [C'est nous qui soulignons.]

86. Ibid. aux pp. 40, 66, 85. Également C.S.S.T., Directive no 3.03, Politique de réadaptation-indemnisation, Réadaptation du travailleur: le plan individualisé de réadaptation, «La détermination de l'emploi convenable», 31 mai 1989 à la p. 2, no 1.3.

87. Modèle d'intervention, ibid. à la p. 39.

88. À cet effet, la C.S.S.T. mentionne cet exemple: «Si le travailleur occupait un poste, par exemple, où il n'avait aucunement besoin de lire, d'écrire ou encore de parler le français, la Commission doit respecter ce fait puisque cette caractéristique est en lien avec ses qualifications professionnelles.» Ibid. à la p. 10.

89. Ibid. à la p. 20.

90. Ibid. à la p. 21.

91. Ibid. à la p. 90.

92. La Commission écrit que: «Pour être considéré convenable un emploi doit être approprié (tenir compte, dans la mesure du possible, de la réalité du travailleur), utiliser les capacités résiduelles du travailleur, utiliser la qualification professionnelle du travailleur (acquise dans son travail ou au cours de sa formation théorique), présenter une possibilité raisonnable d'embauché et être sans danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur.» C.S.S.T., Tableau de connexité des emplois, 1991 à la p. 9Google Scholar [ci-après Tableau].

93. Ibid., Tableau, supra note 92

94. Ce logiciel d'information scolaire et professionnelle permet d'obtenir des profils de professions; implanté dans tous les bureaux de la C.S.S.T., cet outil a fait l'objet d'une articulation avec le Tableau de connexité des emplois.

95. Baril, R. et al. , Etude exploratoire des processus de réinsertion sociale et professionnelle des travailleurs en réadaptation, IRSST, Série Études et recherches, 1994, Rapport R-082 à la p. 66.Google Scholar

96. Le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme publiait, en juin 1990, Vivre ou survire? Les Femmes, le travail et la pauvreté, dans lequel les auteures écrivent: «Cette élévation du niveau de scolarité des femmes profite peut-être à certaines d'entre elles mais dans l'ensemble son effet demeure limité puisque les revenus d'emploi des femmes ayant un diplôme universitaire continuent de se situer approximativement au niveau de ceux des hommes qui ont un diplôme de fin de secondaire.» Gunderson, M. et Muszynski, L., Vivre ou survivre? Les Femmes, le travail et la pauvreté, 1990 à la p. 108.Google Scholar

97. Des 349 décisions actuellement en banque, 139 concernant les hommes et 63 les femmes incluent des informations relatives à la scolarité. Quant au revenu annuel ou à l'I.R.R.R., nous disposons respectivement de 133 (hommes) et 47 (femmes) décisions comprenant des données précises à cet effet.

98. Modèle d'intervention, supra note 76 aux pp. 25–26. La C.S.S.T. mentionne «que 86% des entreprises du Québec comptent à leur emploi des hommes analphabètes et 51% de celles-ci des femmes analphabètes.»

99. L'analphabétisme est mentionné dans 14 décisions concernant les hommes et dans quatre décisions concernant les femmes.

100. À titre d'exemples, voir les emplois déterminés par la C.S.S.T. dans les décisions suivantes: Tamaro et Aigfil Inc.—Fermé—, B.R.P., no 61132538/61165884, 22 juillet 1993; Thuot et Aliments Hostess Liée, B.R.P., no 61181287, 27 octobre 1993; Beaucheminet Cameo Inc., B.R.P., no 61228526, 27 juillet 1993; Vézina et Garderie Fleur et Miel Enr. et C.S.S.T., C.A.L.P. Rouyn-Noranda, no 26380–08–9101, 17 août 1992 [ci-après Vézina]; Cadieux et André Besner et C.S.S.T., B.R.P. no 61259851/61286367, 10 août 1993 [ci-après Cadieux]‥

101. La C.S.S.T. utilise au chapitre des sous-groupes, des appellations génériques telles que sténographes et dactylographes, teneurs de livres, commis en comptabilité et travailleurs assimilés, réceptionnistes, hôtesses d'accueil, autres personnels administratifs et travailleurs assimilés, opérateurs sur machines de bureau et matériel mécanographique électronique, etc. C.S.S.T., Tableau de connexité, supra note 92.

102. À titre d'exemple, le Tableau de connexité des emplois, de la C.S.S.T., ibid., enumere, au chapitre des sous-groupes, un certain nombre de travailleurs spécialisés: dans le traitement du minerai, des produits chimiques, du pétrole, du caoutchouc, du plastique, dans la fabrication et le montage de produits métalliques, dans le travail du bois, de l'argile, du verre, de la pierre, etc. Il cite également quelques exemples d'emplois: monteur-installateur de tableaux de bord, moniteur de balance, assembleur d'armes à feu, réparateur de carburateurs, mécanicien d'entretien de machines de bureau, mécanicien d'entretien d'enregistreurs et lecteurs de son, réparateur de compresseurs d'air, etc.

103. Des diverses décisions étudiées, on peut tirer quelques exemples qui illustrent ces propos: électricien de chantier: 27 356$ à 40 300$; journalier dans la construction: 31 281$; mécanicien: 24 604$; charpentier-menuisier: 37 394$; journalier en submersion/immersion: 24 901$; foreur: 24 940$ à 29 000$; poseur de placo-plâtre: 25 214$; opérateur de fournaise: 22 080$; serre-freins: 32 000$; mécanicien de locomotive: 25 618$; mécanicien, plomberie/chauffage: 26 000$; ferrailleur: 28 000$; emballeur: 21 000$; opérateur de débusqueuse: 22 113$; soudeur: 44 548$, etc.

104. Quelques-unes des décisions font état de formation d'appoint, c'est-à-dire un nombre d'heures limitées pour une technique spécialisée et déterminé, fournie par des écoles privées de secrétariat telle l'École Jocelyne Hudon. Voir également le tableau 9.

105. Voir le tableau 7: «Revenu annuel et scolarité».

106. Nous utilisons cette expression pour indiquer que, contrairement aux emplois spécialisés qui donnent lieu à des descriptions de tâches spécifiques et limitatives (par exemple, les mécaniciens qui sont tous plus spécialisés les uns que les autres), les emplois de caissière constituent plutôt des emplois déterminés et ce malgré le fait qu'ils comprennent une multitude de tâches toutes aussi précises les unes que les autres sans pour autant que l'on ne reconnaisse les spécialités qui y sont rattachées.

107. Modèle d'intervention, supra note 76 à la p. 20 et s.

108. Louise Laviolette et Orient-elle inc., C.A.L.P. Richelieu-Salaberry, no. 55363–62A-9312, 20 février 1995 (commissaire Lemire) [ci-après Laviolette].

109. La C.S.S.T. avait déterminé, à titre de solution appropriée la plus économique et malgré les résultats négatifs de l'évaluation à ce chapitre, que l'emploi convenable était celui de commis-vendeur.

110. Laviolette, supra note 109 à la p. 24.

111. Ibid. à la p. 26.

112. Vézina, supra note 101.

113. Cadieux, supra note 101.

114. Ménardet Foyer St-Joseph et C.S.S.T., [1994] C.A.L.P. 990.

115. Elhaiby et L'enfant chéri, B.R.P., no 61306942, 1 décembre 1993.

116. Trudel et Cambior Inc.—Mine Chimo, B.R.P., no 61172575, 28 juillet 1993.

117. Boless Inc. et Coutu, [1991] C.A.L.P. 347.

118. Notre banque compte plusieurs autres exemples, qu'il s'agisse d'une formation universitaire en gestion informatique ou d'une formation en technique électromécanique générale ou spécialisée en machines de bureau, peu importe: l'indicateur de l'octroi d'un programme de formation est toujours le salaire pré-lésionnel et l'I.R.R.R. qui en découlera lorsque le salaire de l'emploi convenable possible est trop bas. Seuls l'âge et le niveau de scolarité pré-lésionnel interviendront relativement à cet indicateur.

119. Les décisions ne mentionnent pas nécessairement l'octroi d'un I.R.R.R. Il est possible et même vraisemblable qu'un plus grand nombre de prestataires en reçoivent sans pour autant que la décision en fasse mention.

120. Sur l'ensemble de cette question, voir Armstrong et Armstrong, supra note 7 aux pp. 15–76.