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Une analyse pluraliste des conceptions juridiques autochtones devant les tribunaux de juridiction pénale au Canada

Published online by Cambridge University Press:  18 July 2014

Hugues Melanon
Affiliation:
candidat au doctorat en droit, Université de Montréal

Abstract

The following article attempts to summarize the results of a study of Canadian criminal case law materials relating to aboriginals accused over the last hundred years. The goal of this analysis was to ascertain the openness of Canadian state law to certain forms of legal pluralism. The concept of “dialogism» was used to measure the intensity of recognition or application by a central legal order (Canadian criminal law) of values and norms pertaining to another legal order (legal concepts of aboriginal peoples). Analysis of the case law shows Canadian criminal law slowly evolving towards a weak form of legal pluralism. Early decisions by the courts denote an absence of cultural dialogue, with the exception of those of the circuit court in the Northwest Territories. The more recent case law indicates that if courts are reluctant to recognize the relevance of aboriginal values in the matter of jury selection, trial location and criminal liability, they are more and more receptive to legal pluralism on sentencing issues, where a form of power-sharing is possible between judges and native communities.

Résumé

Cet article consiste en une brève synthèse des résultats d'analyse des décisions jurisprudentielles canadiennes en matière pénale à l'égard des accusés autochtones au cours des cent dernières années. L'objectif de cette analyse est de mesurer l'ouverture du droit canadien à certaines formes de pluralisme juridique, à l'aide du concept de «dialogisme», c'est-à-dire une situation où l'ordre juridique étatique (le droit criminel canadien) intègre ou reconnaît l'application de valeurs ou de normes émanant d'un autre ordre juridique (les conceptions juridiques des peuples autochtones). L'analyse des décisions à révélé une lente évolution du droit criminel canadien vers un pluralisme juridique à faible intensité. D'abord, les premiers contacts entre les tribunaux canadiens et les autochtones se caractérisent par une absence de dialogue culturel, à l'exception des décisions de la Cour itinérante des Territoires du Nord-Ouest. Les décisions plus récentes révèlent quant à elles une réticence de la part des tribunaux à accepter que les valeurs autochtones aient une influence sur la composition du jury, l'emplacement du procès et la responsabilité criminelle. En revanche, en matière de détermination de la peine, on dénote une ouverture à l'égard du pluralisme juridique dans les cas de plus en plus nombreux où les tribunaux délèguent une partie de leur pouvoir décisionnel aux communautés autochtones.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Canadian Law and Society Association 1997

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References

1. La Commission royale sur les peuples autochtones, qui a rendu son rapport final en novembre 1996, a déjà reconnu aux peuples autochtones un «droit inhérent à l'autonomie gouvernementale» à l'intérieur du cadre constitutionnel canadien: Commission royale sur les peuples autochtones, Rapport final, vol. 2, «Une relation à redéfinir», Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1996 aux pp. 205–51Google Scholar. Voir également les documents pré1iminaires publiés par la Commission: Commission royale sur les peuples autochtones, Le Droit à l'autonomie gouvernementale des autochtones et la Constitution: Commentaire, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1992Google Scholar; Commission royale sur les peuples autochtones, Partenaires au sein de la Confédération: Les peuples autochtones, l'autonomie gouvernementale et la Constitution, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1992Google Scholar.

2. Entre autres, Royal Commission on the Marshall, Donald Jr. Prosecution, Findings and Recommendations, Halifax, Province de la Nouvelle-Écosse, 1989Google Scholar; Cawsey, R. A. et al. , Justice on Trial: Report of the Task Force on the Criminal Justice System and its Impact on the Indian and Metis People of Alberta, Edmonton, Gouvernement de l'Alberta, 1991Google Scholar; Hamilton, A. C. et Sinclair, C. M., Report of the Aboriginal Justice Inquiry of Manitoba, Winnipeg, Imprimeur de la Reine, 1991Google Scholar; Indian Justice Review Committee, Report of the Saskatchewan Indian Justice Review Committee, Régina, Province de la Saskatchewan, 1992Google Scholar; Ministère de la Justice, La Justice pour et par les Autochtones, Québec, Direction des communications, 1995Google Scholar.

3. Entre autres: Groupe d'étude sur le maintien de l'ordre dans les réserves indiennes, Rapport du groupe d'étude, Ottawa, Affaires indiennes et du Nord Canada, 1990Google Scholar; Groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale, La Création de choix, Ottawa, Commissaire du service correctionnel du Canada, 1990Google Scholar; Commission de réforme du droit du Canada, Renvoi de la ministre: Les peuples autochtones et la justice pénale, Ottawa, Commission de réforme du droit du Canada, 1991Google Scholar.

4. Commission royale sur les peuples autochtones, Par delà les divisions culturelles: Un Rapport sur les autochtones et la justice pénale au Canada, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1996Google Scholar. Ce rapport spécial, rendu en fèvrier 1996, recommande non seulement la réforme du système de justice pénale mais également la création de systèmes juridiques autochtones institutionnalisés et autonomes.

5. À ce sujet, voir l'étude du professeur Jackson, Michael, «Locking up Natives in Canada: A Report of the Canadian Bar Association Committee on Imprisonment and Release» (1989) 23 U.B.C.L. Rev. 215Google Scholar.

6. Sur le concept d'acculturation juridique, voir Rouland, Norbert, L'Anthropologie juridique, Paris, P.U.F., 1990 à la p. 85Google Scholar [ci-après L'Anthropologie juridique].

7. La puissance de l'appareil judiciaire, l'influence grandissante de la bureaucratie canadienne dans l'organisation politique des peuples autochtones, les conditions socio-économiques très précaires sont aussi des facteurs fréquemment cités pour expliquer comment les peuples autochtones ont perdu le contrôle de leurs institutions politiques et, par conséquent, de leur droit.

8. Les statistiques relatives au taux d'incarcération des autochtones sont les plus éloquentes et les plus fréquemment citées: voir Hathaway, James C., «Native Canadians and the Criminal Justice System: A Critical Examination of the Native Courtworker Program» (19841985) 49 Sask. L. Rev. 201 aux pp. 226–28Google Scholar; Jackson, supra note 5 aux pp. 215–16.

9. Pour une analyse plus détaillee des sujets traités dans cet article, l'auteur se permet de renvoyer le lecteur à Melançon, Hugues, La Reconnaissance des systèmes juridiques autochtones en droit criminel canadien, mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 1996Google Scholar.

10. Le terme monologisme est emprunté à Timsit, qui l'a utilisé dans le contexte de ses recherches en droit administratif. Voir Timsit, Gérard, «Sur l'engendrement du droit» (1988) 104 R.D.P. 39Google Scholar.

11. Pour une discussion de l'opposition entre monisme juridique et pluralisme juridique, voir Lajoie, Andrée et al. , Le Régime français et ses conséquences sur le statut des peuples autochtones au Québec, Cowansville, Yvon Blais, 1996Google Scholar.

12. Voir Belley, Jean-Guy, «L'État et la régulation juridique des sociétés globales: Pour une Problématique du pluralisme juridique» (1986) 18:1Sociologie et sociétés 1Google Scholar. L'auteur emploie le terme pluralisme intra-étatique pour désigner une situation dans laquelle un système juridique étatique reconnaît et intègre la normativité émanant d'autres sources créatrices tels les groupes sociaux et culturels, et le terme pluralisme extra-étatique pour désigner une théorie selon laquelle le droit étatique et le droit émanant d'autres sources créatrices coexistent et interagissent de façon non hiérarchisée.

13. On reconnaît dans ces conceptions les origines sociologiques du pluralisme juridique. Sur cette conception du pluralisme juridique en tant que foyer d'interaction entre champs sociaux «semi-autonomes», voir le célèbre article de Moore, Sally Falk, «Law and Social Change: The Semi-Autonomous Social Field as an Appropriate Subject of Study» (1973) 7 Law and Society Rev. 719CrossRefGoogle Scholar, ainsi que le texte initiatique de Griffiths, John, «What Is Legal Pluralism?» (1986) 24 Journal of Legal Pluralism 1CrossRefGoogle Scholar. Pour Griffiths, le pluralisme juridique ne peut exister que sous la forme extra-étatique, la version intra-étatique ne reflétant à son avis que la tendance centralisatrice de l'État vers le monisme.

14. Cette nouvelle conception du pluralisme juridique désigne la conscience juridique individuelle comme point d'observation du pluralisme juridique. Chez Macdonald, l'individu semble constituer un des nombreux foyers d'interaction normative. Voir Macdonald, Roderick A., «Critical Legal Pluralism as a Construction of Normativity and the Emergence of Law», Colloque Théories et émergence du droit, Montréal, 20–21 octobre 1995Google Scholar. Chez Vanderlinden, l'individu constitue plutôt le seul niveau d'observation valable du pluralisme juridique: Vanderlinden, Jacques, «Vers une nouvelle conception du pluralisme juridique» (1993) 2 Revue de la recherche juridique 573Google Scholar.

15. Voir, entre autres, LLewellyn, Karl N., The Cheyenne Way: Conflict and Case Law in Primitive Jurisprudence, Norman, University of Oklahoma Press, 1941Google Scholar; Gluckman, Max, Politics, Law and Ritual in Tribal Society, Chicago, Aldine, 1965Google Scholar; Nader, Laura, dir., Law in Culture and Society, Chicago, Aldine, 1969Google Scholar; Finkler, Harald W., Les Inuit et l'administration de la justice: Le cas de Frobisher Bay (T.N.O.), LaSalle, Hurtubise-HMH, 1980Google Scholar; Rouland, Norbert, «Les Modes juridiques de solution de conflit chez les Inuit» (1979) 3 Études InuitGoogle Scholar; Rouland, Norbert, «L'Acculturation judiciaire chez les Inuit du Canada» (1983) 13 Recherches amérindiennes au Québec 179Google Scholar; Allott, Anthony et Woodman, Gordon R., dir., Peoples Law and the State: The Bellagio Papers, Dordrecht, Foris, 1985CrossRefGoogle Scholar; Morse, Bradford W. et Woodman, Gordon R., dir., Indigenous Law and the State, Dordrecht, Foris, 1988Google Scholar.

16. Hoebel, E. Adamson, The Law of Primitive Man, Cambridge, Harvard University Press, 1954 à la p. 28CrossRefGoogle Scholar: «A social norm is legal if its neglect is regularly met, in threat or in fact, by the application of physical force by an individual or group processing the socially recognized privilege of so acting.»

17. Cette dernière conception du pluralisme juridique a donné lieu à de nombreuses études intéressantes depuis les années 1970. On pense notamment à la théorie des droits officiels et non officiels de Chiba et aux travaux de la Commission on Folk Law and Legal Pluralism, laquelle publie une revue trimestrielle, The Journal of Legal Pluralism.

18. L'Anthropologie juridique, supra note 6 aux pp. 51–52. Rouland y écrit que les sociétés traditionnelles «refusent au Droit des sanctions autonomes … mettent tout en œuvre pour empêcher l'uniformité du Droit, qui doit maintenir les particularismes des groupes [et que leur droit] est souvent indéterminé.» Ces trois remarques suggèrent que la vision positiviste de la norme juridique doit être é1argie si l'on veut examiner, sur une base transculturelle, les manifestations des stratégies et des structures normatives et décisionnelles.

19. Voir Peter R. Grant, «Recognition of Traditional Laws in State Courts and the Formulation of State Legislation» dans Morse et Woodman, dir., supra note 15, 259; Monture-Okanee, Patricia et Turpel, Mary-Ellen, «Aboriginal Peoples and Canadian Criminal Law: Rethinking Justice» (1992) U.B.C.L. Rev. [numéro spécial] 239Google Scholar; Asch, Michael, «Errors in Delgamuukw: An Anthropological Perspective» dans Cassidy, F., dir., Aboriginal Title in B.C., Lantzville-Montréal, Oolichan et Institut de recherches politiques, 1992, 221Google Scholar; Dumont, James, «La Justice et les peuples autochtones» dans Commission royale sur les peuples autochtones, Les peuples autochtones et la justice: Rapport de la table ronde sur les questions judiciaires, Ottawa, Approvisionnement et Services Canada, 1993, 42Google Scholar.

20. Bissonnette, Alain, «Le Droit à l'autonomie gouvernementale des peuples autochtones» (1993) 24 R.G.D. 5 à la p. 11Google Scholar. L'auteur se réfère à la démarche intellectuelle du Laboratoire d'anthropologie juridique de Paris. À ce sujet, voir L'Anthropologie juridique, supra note 6 aux pp. 112–13.

21. L'auteur néo-zélandais Brian Tamanaha n'a pas manqué de voir dans ce projet politique des anthropologues du droit un des nombreux indices de la «sottise» de la théiorie du pluralisme juridique. Selon lui, en empruntant à la fois au modèle de l'analogie avec le droit étatique et à celui de la différentiation par rapport au droit étatique dans le but de donner à la normativité extra-étatique la même légitimité que le droit étatique, les pluralistes tombent dans un «piège conceptuel». Voir Tamanaha, Brian Z., «The Folly of the “Social Scientific” Concept of Legal Pluralisms (1993) 20 Journal of Law and Society 192CrossRefGoogle Scholar.

22. Cette conception du droit comme mode de communication fondé sur une mythologie fondatrice est suggérée par le professeur Le Roy, Étienne, colloque Le Dialogue des cultures juridiques, Dunkerque, 6–8 mars 1996 [non publié]Google Scholar.

23. Tout comme le terme monologisme, le terme dialogisme est emprunté & Timsit, supra note 10.

24. Pour d'autres modèles typologiques des interactions possibles entre droit étatique et droits autochtones, voir LeRoy, Étienne et Wane, Mamadou, «La Formation des droits non étatiques» dans Encyclopédic juridique de l'Afrique, t. 1, Dakar, NEA, 1982, 353Google Scholar; Bradford W. Morse et Gordon R. Woodman, «Introductory Essay: The Statés Options» dans Morse et Woodman, dir., supra note 15, 5; Franz von Benda-Beckman, «Some Comparative Generalizations about the Differential Use of State and Folk Institutions of Dispute Settlement» dans Allott et Woodman, dir., supra note 15, 189.

25. Une telle disposition a quelquefois été jugée comme entrant en conflit direct avec les valeurs de la culture traditionnelle des Inuit. Voir J. Sissons, H., Judge of the Far North, Toronto, McClelland & Stewart, 1968Google Scholar; Morrow, William G., «Law and the Thin Veneer of Civilization» (1971) 10 Alta. L. Rev. 38Google Scholar; R. c. Curley, Issigaitok and Nagmalik, [1984] N.W.T.R. 263 (C.S.), conf. par [1984] N.W.T.R. 281 (C.A.) [ci-après Curley]. Prècisons que la dernifère décision canadienne dans laquelle on retrouve cette opinion remonte à 1984. Les recherches effectuées chez les Inuit au cours des dernières années démontrent une transformation très rapide des valeurs et des attitudes face à ce type de comportement.

26. Nadin-Davis, Paul, Sentencing in Canada, Toronto, Carswell, 1982Google Scholar. Voir aussi Tallis, Calvin F., «Sentencing the Native Offender» dans Dumont, Hélène, dir., Sentencing: La détermination de la peine, Cowansville, Yvon Blais, 1987, 107Google Scholar. Dans la jurisprudence, voir R. c. Ayalik (1960), 33 W.W.R. 377 (C.A. T.N.-O.); R. c. Onalik (1987) 199 A.P.R. 74 (C.A. T.-N.); R. c. P.G.H. (1994), N.J. n° 16 (QL).

27. R. c. Ettagiak, [1986] N.W.T.J. n° 39, p. 6 (C.S.) (QL) l[ci-après Ettagiak]: “In our smaller northern communities, furthermore, cultural factors must frequently be taken into account. While recognizing that there is only one criminal law for all of Canada, it is still necessary to remember that our criminal law has been made deliberately broad, so as to be applicable to a very wide and different range in circumstances.”

28. Mentionnons toutefois que depuis la conclusion de cette recherche en 1996, le législateur fédéral a adopté le projet de loi C-41, modifiant les dispositions du Code criminel quant à la détermination des peines. Une de ces nouvelles dispositions, l'alinéa 718.2e), en vigueur depuis septembre 1996, semble autoriser le dialogisme: «Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants: […] e) l'examen de toutes sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.»

29. R. c. Bear's Shin Bone (1899), 3 C.C.C. 329 (C.S. T. N.-O.)

30. R. c. Machekequonabe (1897), 28 O.R. 309 (C. Div.); R. c. Payoo and Napaysoosee (1899), (Edmonton, T. N.-O., aujourd'hui en Alberta) [non publié] citée dans Schuh, Cornelia, «Justice on the Northern Frontier: Early Murder Trials of Native Accused» (1979) 20 Crim. L. Q. 74 aux pp. 8687Google Scholar. Le windigo était, dans la croyance populaire des peuples des plaines, un esprit destructeur qui s'emparait d'un homme. Le windigo avait la réputation de dévorer les êtres humains. Dans les décisions judiciaires que nous avons analysées, les juges ne font que peu de cas de l'argument des avocats des accusés selon lequel ces derniers n'avaient pas l'intention de tuer un être humain, se contentant de considérer comme facteur atténuant sur sentence la mentalité «primitive» des autochtones.

31. R. c. Sabourin (1899), (accusé jugé à Edmonton) [non publié] citée dans Schuh, ibid. et dans René Fumoleau, As Long as This Land Shall Last, Toronto, McClelland & Stewart, 1975 à la p. 68.

32. R. c. Sinnisiak and Uluksuk (1917), (accusés jugés à Edmonton) [non publié]. Pour un compte-rendu détaillé de cette affaire, voir Keedy, Edwin R., «A Remarkable Murder Trial: Rex v. Sinnisiak» (1951) 100 U. Pa. L. Rev. 48CrossRefGoogle Scholar; Moyles, R. G., British Law and Arctic Men: The Celebrated 1917 Murder Trials of Sinnisiak and Uluksuk, First Inuit Tried Under White Man's Law, Saskatoon, Western Producer Prairie, 1979Google Scholar; Harring, Sidney L., «The Rich Men of the Country: Canadian Law in the Land of the Copper Inuit, 1914–1930» (1989) 21 R. D. Ottawa 1Google Scholar.

33. R. c. Lebeaux (1923) [non publié] cité dans Schuh, supra note 30; R. c. Tatamigana and Alicomiak (1923), (T. N.-O.) [non publié] cité dans Hairing, ibid. Dans ce dernier cas, le public canadien allait apprendre que le procès n'avait été qu'une imposture: on avait pris soin de faire accompagner la Cour d'un bourreau et d'apporter du bois pour construire un échafaud.

34. Jack H. Sissons a présidé comme unique juge de la Cour de 1955 à 1966. Bien que plusieurs de ses décisions aient été publiées, la plus grande partie des documents d'analyse de son travail dans les communautés autochtones nous proviennent de son autobiographic Sissons, supra note 25.

35. R. c. Kogogolak (1959), 31 C.R. 12; R. c. Koonungak (1963), 42 C.R. 143; R. c. Kallooar (1964), 50 W.W.R. 602 (Terr. Ct.T. N.-O).

36. Il s'agit des arrêts R. c. Sikyea (1965), 2 C.C.C. 129 (C.S.C.) et R. c. Sigeareak, [1966] R.C.S. 645.

37. R. c. Kikkik (avril 1958), (Terr. Ct.T.N.-O) [non publié] oil le juge instruit le jury de considérer la mentalité «primitive» d'une jeune mère inuit accusée d'avoir abandonné ses enfants. Voir Sissons, supra note 25 aux pp.99–110.

38. R. c. Amah, Avinga and Nangmalik (avril 1963), (Terr. Ct.T.N.-O) [non publié) ou le juge condamne trois Inuit pour avoir assisté un aîné à s'enlever la vie. Il tint compte du fait que les accusés avaient fait ce que la communauté considérait comme leur devoir, et suspendit le prononcé de sa sentence pour imposer une période de probation; R. c. Aiyoot and Shooyook (avril 1966), (Terr. Ct. T.N.-O) [non publié], où le juge en fit de même avec un chasseur inuk reconnu coupable d'avoir tué une femme atteinte de folie qui menaçait de s'en prendre à son groupe, conformément aux désirs de la communauté. Voir Sissons, ibid., aux pp. 161–65 et 181–86.

39. Sissons, ibid., aux pp. 125–26: «On other occasions I enlarged the rules of the territorial court to encompass the Eskimo custom of seeking corroboration from the crowd while giving evidence. There was a trial […] in which the witnesses made frequent appeals to the spectators, and a spectator once got up and corrected a witness. Counsel were quite upset by this unorthodoxy […]. But I did not interfere with the coaching, or with the discussion among the spectators. This was the normal Eskimo way of getting at the truth. They were trying to find the whole truth of the matter, just as the court was, and since our aims were identical it was proper for the court to enlarge the rules to encompass their method.»

40. Morrow, William G., «A Survey of Jury Verdicts in the Northwest Territories» (1970) 8 Alta. L. Rev. 50 à la p. 52Google Scholar. L'auteur, successeur du juge Sissons à la Cour territoriale des Territoires du Nord-Ouest, écrit que les procès par jury avaient largement contribué à l'appréciation judiciaire des facteurs culturels dans les communautés autochtones: «There can be no doubt that in several of the cases, had it been trial by Judge alone, the Judge would in all conscience have had to convict […]. Fortunately for Canada the jury system permitted a relaxation of the law so that a just decision could be arrived at.» En effet, dés son entrée en fonction, la Cour territoriale des Territoires du Nord-Ouest s'éait fondée sur les principes de common law, jugeant que pour un accusé autochtone, le droit d'être jugé par ses pairs signifiait le droit d'être jugé au lieu de son domicile par un jury comprenant des autochtones.

41. R. c. Baldhead (1966), 4 C.C.C. 183 (C.A. Sask.) [ci-après Baldhead].

42. R. c. Fireman (1971), 4 C.C.C. (2e) 82 (C.A. Ont.) [ci-après Fireman].

43. C'est effectivement de cette façon que les tribunaux ont eu tendance à interpréter l'arrêt Fireman. Les accusés autochtones à qui l'on pouvait coller l'étiquette de «non sophistiqués» pouvaient bénéficier de ce faux dialogisme par des réductions de peines. Par contre, les autochtones à qui cette description ne convenait pas se voyaient appliquer l'approche strictement monologique. Voir par ex. R. c. Beatty (1982), 69 C.C.C. (2e) 223 (C.A. Sask.).

44. R. c. Fatt, [1986] N.W.T.R. 388 (C.S.). Ce principe connaît toutefois des exceptions, notamment lorsqu'il se révèle impossible de former un jury impartial. Voir R. c. Anablak, [1984] N.W.T.R. 118 (C.S.).

45. R. c. F.(A.) (1994), 30 C.R. (4e) 333 (C. Div. Ont.) [ci-après F.(A.)]; R. c. Redhead (1996), 3 C.N.L.R. 217 (B.R. Man.).

46. R. c. Kent, Sinclair and Code (1986), 4 C.N.L.R. 93 (C.A. Man.).

47. R. c. Born With a Tooth (1994), 2 C.N.L.R. 158 (B.R. Alta.).

48. R. c. Yooya (1995), 1 C.N.L.R. 166 (B.R. Sask.).

49. F.(A.), supra note 45 aux pp. 362–63.

50. Ibid. aux pp. 376–77. Dans cette affaire, la partialité évidente de la communauté envers l'accusé et leur hostilité envers la plaignante ont joué un rôle très important dans la décision.

51. Protection de la jeunesse 623, J.E. 93–1018 (C.Q).

52. Curley, supra note 25.

53. R. c. Ashini (1989), 2 C.N.L.R. 119 (C.P. T.-N.). Voir aussi R. c. Potts, [1990], O.J. n° 2567 (C. div.) (QL). Contra R. c. Pratt and Stevenson (1990), 3 C.N.L.R. 120 (C.P. Sask.); R. c. Roche (1991), 90 Nfld. &. P.E.I.R. 199 (C.P. T.-N.).

54. Re Stacey and Montour and The Queen (1981), 63 C.C.C. (2e) 61 (C.A. Qué.); R. c. S.V., [1994] O.J. n° 2454 (C.J.) (QL); R. c. Williams (1994), 3 C.N.L.R. 173 (C.S. C.-B.), conf. par (1995), 2 C.N.L.R. 229 (C.A. C.-B.); R. c. Jones and Pamajewon (1993), 3 C.N.L.R. 209 (C.P. Ont.), conf. par (1995), 2 C.N.L.R. 188, 197 (C.A. Ont.), conf. pour d'autres motifs par [1996] 2 R.C.S. 821.

55. Supra note 26.

56. Curley, supra note 25.

57. R. c. Ittigaitok, [1984] N.W.T.R. 21 à la p. 27 (C. Terr.); R. c. J.S.B., [1984] N.W.T.R. 210 à la p. 216 (C.S.); R. c. Nungaq, [1984] N.W.T.R. 229 (C.S); R. c. M.(G.O.) (1990), 54 C.C.C. (3e) 79 (C.S. T.N.-O), conf. par (1991) 62 C.C.C. (3e) 9 (C.A. T.N.-O.); R. c. Baillargeon, [1986] N.W.T.R. 121 (C.S.); R. c. B.(W.), [1989] M.J. n°.474 (C.P. Man.) (QL); R. c. Brown, R. c. Highway, R. c. Umpherville (1992), 73 C.C.C. (3e) 242 (C.A. Alta); R. c. Crazybull (1993), 141 A.R. 69 (C.A.).

58. En effet, un tribunal ontarien a considéré, dans une affaire d'agression sexuelle commise par un aîné à l'endroit de jeunes filles, que la position d'autorité dans laquelle se trouve l'aîné dans la culture autochtone constituait un facteur aggravant: R. c. F.(A.) (1995), 35 C.R. (4e) 62 (Ont. Gen. Div.).

59. R. c. Paul (D.J.) et al. (1993), 139 R.N.-B. (2e) 346 (B.R.).

60. R. c. Cross, [1992] R.J.Q. 1001 (C.S.).

61. Ettagiak, supra note 27; R, c. Capot-Blanc, [1988] N.W.T.R. n° 113 (Terr. Ct.) (QL); R. c. Tartuk, [1987] N.W.T.J. n° 22 (C.S.) (QL); R. c. Amagoalik, [1987] N.W.T.J. n° 136 (C.S.) (QL); R. c. J.S., [1992] N.W.T.J. n° 62 (C.S.) (QL).

62. Cette question a fait l'objet d'un important contentieux, dont la complexité dépassait les possibilités de cet article. Pour une discussion plus détaillée du rôle de l'identité culturelle autochtone dans les interdictions prononcées en vertu de l'article 100, voir Melançon, supra note 9 aux pp. 140–50.

63. Les décisions publiées les plus importantes du juge Stuart sont R. c. P.(J.A.) (1991), 6 C.R. (4e) 126 (Terr. Ct. Y.); R. c. Moses (1992), 11 C.R. (4e) 357 (Terr. Ct. Y.); R. c. Webb (1993), 1 C.N.L.R. 148 (Terr. Ct. Y.).

64. R. c. Naappaluk, J.E. 93–1681; R. c. Tiivi, (19 octobre 1993) (C.Q.) juge Dutil [ciaprès Tiivi]. L'auteur a eu l'occasion de voyager à deux reprises avec la Cour itinérante afin de recueillir des données sur le dialogisme, en juin 1996 dans les villages inuit de Kuujjuaq et Salluit et, en mai 1997, dans les réserves de Kawawachikamach et de Matimekosh, près de Schefferville. Voir Melançon, Hugues, «La Justice québécoise au Nunavik: Un dialogue difficile à établir» (1996) 6:1Dire 13 aux pp. 1314Google Scholar.

65. Voir R. c. Rope (1995), 2 C.N.L.R. 209 (B.R. Sask.), conf. pour d'autres motifs par [1995] 4 C.N.L.R. 98 (C.A. Sask.); R. c. Taylor (1995), 3 C.N.L.R. 167 (B.R. Sask.), inf. pour d'autres motifs par [1996] 3 W.W.R. 88 (C.A. Sask.).

66. Au Yukon, , on ne parle même plus de «sentencing circles» mais de «community peacemaking circles». Voir Stuart, Barry, Building Community Justice Partnerships: Community Peacemaking Circles, Ottawa, Justice Canada, 1997Google Scholar.

67. R. c. Washpan, [1994] Y.J. n° 79 (C.A.) (QL); R. c. Johnson (1995), 2 C.N.L.R. 158 (C.A. Y.); R. c. Morin (1995), 9 W.W.R. 696 (C.A. Sask.) [ci-après Morin].

68. Les conditions les plus fréquemment citées sont les suivantes: 1) l'accord de l'accusé; 2) l'exigence que l'accusé ait des racines profondes dans la communauté appelée à participer au cercle; 3) la volonté de la communauté de trouver une solution; 4) l'accord de la victime; 5) l'exigence d'un crime qui ne mérite pas une longue peine d'emprisonnement; 6) la volonté du tribunal de prendre un risque calculé en s'écartant des peines nomalement infligées en pareilles circonstances. Voir Tiivi, supra note 64; R. c. Joseyounen, [1995] W.W.R. 438 (C.P. Sask.); Morin, ibid.; R. c. Johns (1996), 1 C.N.L.R. 172 (C.A. Y.); R. c. Manyfingers, [1997] A.J. n° 1025 (C.P.) (QL).