C'est le cœur oppressé par le spectacle et la pensée des luttes sanglantes qui se succèdent presque sans interruption depuis cinq mois, que nous publions ce 6e Bulletin. Lorsque, à la fin d'octobre, nous réunissions, dans notre précédent fascicule, des notices sur les efforts combinés des sociétés de secours de tous pays, nous étions loin de prévoir qu'il y aurait encore de longues pages à ajouter à l'histoire de leur activité pendant la guerre actuelle, et qu'au terme de l'année 1870, nous les retrouverions à l'œuvre, devant un champ de travail qui n'a cessé de s'élargir. Telle est pourtant la réalité; au lieu de se reposer après le début grandiose dont nous avons déjà présenté un tableau à nos lecteurs, les sociétés de la Croix rouge ont dû redoubler de zèle et faire face à des misères qui ont dépassé toute prévision. Mises à cette rude épreuve, nous necraignons pas de leur rendre de nouveau le témoignage qu'elles ont été à la hauteur de leur mission, et que les services rendus par elles, durant ce trimestre, ne le cèdent en rien à ceux du commencement de la campagne. Elles ont eu cependant à hitter contre des difficultés nouvelles, provenant, soit de l'extension croissante du théâtre de la lutte, soit de l'épuisement des ressources, soit de concurrences redoutables, telles que l'assistance des prisonniers de guerre, des exilés, des populations ruinées, sans parler des pauvres qui, pendant la saison d'hiver, réclament toujours de leurs bienfaiteurs habituels un surcroît d'aumônes.

Le Comité international s'est ému à l'ouïe des récits relatifs à la condition des prisonniers de guerre, et il s'est préoccupé séieusement des moyens de l'améliorer.

Avec l'autorisation du Conseil fédéral suisse, nous mettons sous les yeux de nos lecteurs diverses pièces officielles, de nature à les intéresser. Les unes se rapportent aux modifications et explications demandées par la France et par la Grande-Bretagne, relativement au texte du projet d'articles additionnels à la Convention de Genève; d'autres sont relatives à l'obsecvation de ces mêmes articles par les belligérants pendant la guerre actuelle; la dernière enfin concerne la reconnaissance comme hôpital flottant d'un navire de la marine italienne.

1870. Juillet. — L'œuvre internationale à Sadowa. — Bibliographie. — Faits divers.

Nous avons donné, dans le cinquième cahier du Bulletin international, quelques détails sur l'organisation des secours volontaires dans l'Allemagne du Nord, ainsi que sur l'activité des sociétés pour le soin des blessés de Baden, de Bavière, de Hesse et du Würtemberg. Nos renseignements étaient tirés, soit de documents particuliers, soit de pièces imprimées.

Aujourd'hui, jour de la fête de S. M. la reine, son auguste protectrice, le Comité central prussien de secours aux militaires blessés et malades, est à même de faire la publication suivante

La Société patriotique autrichienne de secours aux soldats blessés, veuves et orphelins de militaires, a, par sa circulaire du 31 mars 1870, notifié à tous les comités de secours, à tous les journaux qui s'occupent de cette œuvre philanthropique, enfin à tous ceux qui y portent de l'intérét, le modus procedendi pour réunir à Vienne, en 1871, une Conférence de tous les comités de secours, Elle a, en outre, invité les dits organes à lui soumettre, dans le délai de trois mois, leurs observations tendant à modifier ses propositions, afin que les travaux préliminaires pour la Conférence pussent commencer après ce délai.

Les remarquables guérisons de soldats malades ou blessés pendant la guerre actuelle, obtenues par l'emploi des bains chauds de Bade, dans les lazarets de cette ville, suivant l'attestation des autorités compétentes, nous ont inspiré le vif désir de répondre à un besoin qui se fait sentir tous les jours, par l'établissement d'une station d'hiver. Il s'agissait de faire participer aux propriétés curatives de nos bains, les militaires de tous pays, malades ou blessés, dont la maladie est de telle nature qu'on peut espérer une guérison complète, soit par une application judicieuse de nos sources thermales, soit par le climat tempéré et la situation favorable de ces bains.

Dans la première séance du Gomité que j'ai présidée à Bruxelles, à laquelle assistaient Messieurs de Melun et de Sartiges, la situation financière ne soldait que par 45,000 francs; ce chiflre était même menacè par des dettes laissées à Sedan, des réclamations et des charges tellement au-dessus de nos forces, que nous ne pouvions songer é les remplir. Un appel par télégraphe, adressé à messieurs les délégués régionaux, étant resté sans résultat, une résolution énergique nous était impérieusement commandée : celle de la dissolution immédiate des grandes ambulances qui se trouvaient encore dans les Ardennes. Notre arrêté du 4 octobre fixait, aussi équitablement que possible, les conditions de liquidation des infirmiers, et les indemnités accordées au personnel médical. II laissait à ce personnel le vague espoir d'une réorganisation réduite, si des secours nous permettaient d'utiliser ses services.

L'investissement de Paris, loin d'être une cause de ralentissement dans la marche de la guerre, étant devenu, au contraire, le point de départ d'une extension considérable des opérations militaires, les membres du Comité central, délégués par lui sur les différentes parties du territoire, et les Comités sectionnaires, malheureusement alors en petit nombre, qui devaient seconder leur action, se trouv`rent placés en face de nécessités urgentes et d'innombrables besoins, auxquels il y avait à pourvoir dans le plus bref délai. Plus que jamais il fallait se hâter de rechercher les moyens les plus efficaces de disputer à la guerre la multitude de victimes qui tombent sur les champs de bataille, mais que la mort n'a pas encore moissonnées.

Voici un tableau vrai et coloré à la fois, un émouvant tableau de la réalité, devant lequel M. Guizot ne dirait pas : « On veut des romans, que ne regarde-t-on de près à l'histoire? » Les héroïnes et les scènes mises sous nos yeux n'ont rien de fictif; elles se sont récemment passées, ces scènes, elles vivent pour la plupart, ces héroïnes, et pourtant les unes ont tout l'attrait de la poésie, les autres tout le charme de l'idéal. C'est qu'ily a histoire et histoire. Heureux qui sait choisir! Nous savions bien que partout et en tout temps de nobles femmes ont tenu le dévouement, l'abnégation, le sacrifice pour le plus simple et le plus élémentaire des devoirs; mais l'héroïsme au bruit du canon, sur le champ de bataille, au plus fort de la mêlée, l'héroïsme qui soulage, secourt, console et sauve de pauvres blessés, cet héroïsme tout moderne n'avait pas encore été décrit et raconté en détail par un auteur français. Mme Monod a comblé une lacune. Des onze -chapitres qui composent son ouvrage, je n'en voudrais retrancher aucun, tant il y a unité de pensée et d'intérêt.

En annonçant, dans notre Bulletin (p. 66), par quelques lignes tracées à la hâte, la mort regrettable du Dr Basting, nous manifestions l'intention de consacrer à sa mémoire une notice plus étendue, et c'est de cette dette de reconnaissance que nous venons nous acquitter aujourd'hui.

M. de Vries, de la Haye, vient de graver les coins d'une médaille qui, par sa remarquable exécution, fait le plus grand honneur au talent de l'artiste

Nous n'avons pu, dans le précédent Bulletin, annoncer que trèssommairement la reconstitution du Comité de Lisbonne. Aujour-d'hui, mieux informés, nous donnerons è nos lecteurs quelques renseignements sur son personnel et ses premiers travaux.

L'extraction des corps étrangers des plaies d'armes à feu est une des plus urgentes indications de la chirurgie d'armée, et pas un chirurgien n'ignore combien il est difficile, dans certains cas, de rechercher et d'extraire les projectiles portés par une arme à feu dans le corps humain.

L'assemblée générale de la Société suédoise a eu lieu le 19 octobre dernier, sous la présidence de S. A. R. le prince Oscar, président de la Société. Parmi les personnes présentes à cette réunion, on remarquait S. A. R. la duchesse d'Ostrogothie, avec sa suite, Mmes les ambassadrices Fournier et Richshoffen, spécialement invitées par le Comité, le ministre de la guerre, S. E. le ministre d'Etat de Norwége, plusieurs autres notabilités militaires et civiles, ainsi qu'un grand nombre de médecins.

Savant de mérite, philanthrope connu, estimé au loin comme dans son pays, M. le Dr Hahn était qualifié entre tous pour donner une juste idée des associations de dames charitables, pour en faire connaître l'origine, le développement, l'organisation, les forces. Son livre, dédié à LL. MM. le roi et la reine de Wurtemberg, a vu le jour en août 1870.