C’est avec une rigueur tenace que Bartolomé Clavero parcourt, dans son livre consacré à la condamnation de l’usure, une partie de la littérature théologique de l’Espagne et de l’Italie des XVIe et XVIIe siècles afin de produire un essai étonnant, au sens le plus classique du mot. Cette volonté de troubler offre une excellente occasion pour débattre de certains problèmes qui préoccupent les chercheurs intéressés à l’histoire économique de cet ensemble fuyant qu’on désigne sous le nom de sociétés traditionnelles. Son point de départ n’est pas totalement inconnu: à partir du moment où le péché est dans l’intention, la rémunération d’un prêt (mutuo) n’est admise que si elle intervient comme une contre-prestation, libre mais incontournable, dictée par le sentiment d’amitié et de reconnaissance propre au trafic réglé par la grâce réciproque, l’antidora; si, en revanche, la rémunération s’ajoute à la dévolution du prêt comme obligation contractuelle, c’est l’usure. En dépit d’une analyse plutôt conventionnelle de ces textes, B. Clavero organise son matériel avec adresse et une extrême intelligence afin de conduire le lecteur sur un itinéraire au cours duquel il restitue la condamnation de l’usure à l’intérieur d’une matrice de concepts interconnectés, concernant la vie économique et l’ordre social dans leur ensemble.