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Un pays pour la colonie: Mourir de nostalgie en Algérie française, 1830-1880

Published online by Cambridge University Press:  20 January 2017

Thomas Dodman*
Affiliation:
Université de Chicago

Résumé

Bien avant l’époque de la «nostalgérie», les ambitions coloniales de la France en Algérie se heurtaient déjà à une «nostalgie africaine». Comme le découvrirent les premiers soldats et colons qui traversèrent la MÉd.terranée en 1830, cette nostalgie du sol natal était une maladie dangereuse, un mal du pays aux conséquences souvent fatales. Or, à peine quelques décennies plus tard, il ne restait plus de cette pathologie que le nom : diagnostic devenu désuet, la nostalgie laissa la place à une forme bénigne «d’amour du pays» qui, par un retournement original, offrait désormais aux Français d’Algérie la possibilité de se ressourcer dans un cadre de vie familier – dans un pays implanté dans la colonie. Cet article retrace la trajectoire surprenante de cette maladie dont la disparition fut l’occasion paradoxale de relancer une colonisation jusque là chancelante, et de donner corps à l’idée d’une «Algérie française».

Abstract

Abstract

Long before the days of “ nostalgérie” , French colonial ambitions in Algeria already came up against a “ nostalgie africaine”. As the first French soldiers and settlers discovered when they crossed the Mediterranean in 1830, this particular form of nostalgia was then a dangerous and often fatal disease. And yet, barely a few decades later, this deadly form of homesickness had all but disappeared. In its place, the French now cultivated an entirely benign form of nostalgia that provided them with a much-needed sense of homeliness in Algeria – a paysimplanted in the colony. This article follows the surprising trajectory of a disease that somehow managed, in its twilight, to revive the fortunes of a staggering colonization bid, thus giving substance to the idea of a “French Algeria”.

Type
Algérie coloniale
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2011

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Footnotes

*

Cet article a bénéficié des critiques et remarques de nombreux amis et collègues à l’université de Chicago, à l’atelier Simiand (Campus Paris-Jourdan), à la Society for French Historical Studies, et à l’université de l’Indiana. Je remercie aussi Maïa Gabily pour ses relectures vigilantes.

References

1- Hofer, Johannes,Dissertatio medica de Nostalgia, oder Heimweh, Bâle, Hans Jakob Bertsche, 1688.Google Scholar

2- Rousseau, Jean-Jacques,Dictionnaire de musique, Paris, Vve Duchesne, 1768, p. 314 315;Google Scholar Kant, Emmanuel,Anthropologie du point de vue pragmatique, Paris, Flammarion, [1798] 1993, p. 119120.Google Scholar

3- Sur le «pays», voir notamment Michel Puzelat, «La notion de pays, un parcours historiographique»,in Redon, O. (dir.),Savoirs des lieux. Géographies en histoire, Saint- Denis, Presses universitaires de Vincennes, 1996, p. 89106.Google Scholar

4- Selon l’EncyclopÉd.e méthodique, la nostalgie était aussi endémique et mortelle que le scorbut et le typhus à l’armée : Jean-Baptiste Tyrbas De Chamberet, «Militaire (médecine, hygiène, etc.)»,in Vicq-D’Azyr, F. (dir.),EncyclopÉd.e méthodique. MÉd.cine, Paris, Vve Agasse, 1821, vol. 10, p. 125.Google Scholar Comme nous le verrons par la suite, il existe une filiation historique bien précise, et qui de surcroît passe par les colonies, entre la nostalgie du soldat du début du XIXe siècle et le cafard du poilu.

5- En paraphrasant bien évidemment l’autobiographie de Signoret, Simone,La nostalgie n’est plus ce qu’elle était, Paris, Éd. du Seuil, 1976.Google Scholar En 1874, l’Académie récompensa deux études exhaustives qui faisaient état de la disparition de la nostalgie pathologique : Haspel, Auguste,De la nostalgie, Paris, G. Masson, 1874;Google Scholar et Auguste Grandière, Benoist De La,De la nostalgie ou mal du pays, Paris, Delahaye, 1873.Google Scholar Elle ne décerna rien à une troisième étude anonyme, qui se distinguait surtout par sa nostalgie (au sens contemporain du terme) d’un honneur français enterré à Sedan : «De la nostalgie», s. d., Archives de l’Académie de médecine.

6- Pour quelques orientations dans l’histoire mÉd.cale du diagnostic, voir Jean STAROBINSKI, «Le concept de nostalgie»,Diogène, 54, 1966, p. 92-115 ; George ROSEN, «Nostalgia: A ‘forgotten’ psychological disorder»,Clio Medica, 10-1, 1975, p. 28-51 ; Michael S.ROTH, «Dying of the past: Medical studies of nostalgia in ninétéenth-century France»,History and Memory, 3-1, 1991, p. 5-29 ; Sylvain VENAYRE, «Le corps malade du désir du pays natal. Nostalgie et médecine au XIXe siècle»,inA.-E. DEMARTINI et D.KALIFA (dir.),Imaginaire et sensibilités au XIXe siècle. études pour Alain Corbin, Paris, Créaphis, 2005, p. 206-222 ; André BOLZINGER,Histoire de la nostalgie, Paris, Campagne Première, 2007. À ce jour, la seule étude fondée sur un travail d’archives reste celle pionnière de Marcel REINHARD, «Nostalgie et service militaire pendant la Révolution»,Annales historiques de la Révolution française, 30-1, 1958, p. 1-15. Sur la nostalgie dans l’armée, voir aussi Odile ROYNETTE, «Bons pour le service». L’expérience de la caserne en France à la fin du XIXe siècle, Paris, Belin, 2000. Sur le passage de la nostalgie du domaine mÉd.cal au littéraire, voir notamment Jean STAROBINSKI, «La nostalgie : théories mÉd.cales et expression littéraire»,Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 27, 1963, p. 1505-1518. À ma connaissance, les seuls travaux traitant de la nostalgie dans un contexte colonial sont : Alice BULLARD, «Self-representation in the arms of defeat: Fatal nostalgia and surviving comrades in French New Caledonia, 1871-1880»,Cultural Anthropology, 12-2, 1997, p. 179-212 ; et, dans une moindre mesure, Adrián LÓPEZ DENIS, «Melancholia, slavery, and racial pathology in eighteenth-century Cuba»,Science in Context, 18-2, 2005, p. 179-199.

7- Pour deux vues d’ensemble et interventions critiques récentes, voir Isabelle MERLE et Emmanuelle SIBEUD, «Histoire en marge ou histoire en marche ? La colonisation entre repentance et patrimonialisation»,in Andrieu, C., Lavabre, M.-C. et Tartakowsky, D. (dir.),Politiques du passé, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2006, p. 245255;CrossRefGoogle ScholarSophie DULUCQ et Colette ZYTNICKI, «Penser le passé colonial français, entre perspectives historiographiques et résurgences des mémoires»,Vingtième siècle, 86, 2005, p. 59-69.

8- Pour un exemple Éd.fiant, voir les contributions de la section intitulée «Nostalgia» de Patricia Lorcin, M. E. (dir.),Algeria&France, 1800-2000: Identity, memory, nostalgia, Syracuse, Syracuse University Press, 2006.Google Scholar Dans ces cinq articles, par ailleurs intéressants, il n’est question que de nostalgies récentes, postcoloniales (ce qui différencie cette troisième partie de l’ouvrage des deux premières, dont les contributions s’espacent sur toute la période indiquée dans le titre).

9- Voir, à ce sujet, Michèle Baussant, «Exils et construction de la mémoire généa- logique : l’exemple des Pieds-Noirs»,Pôle Sud, 24-1, 2006, p. 29-44.

10- Il convient de signaler d’ores et déjà que ce travail se limite à l’étude de la nostalgie parmi les soldats et colons de la société coloniale algérienne. Il ne sera pratiquement pas question ici des indigènes, qui ne jouent qu’un rôle marginal dans ces débats mÉd.caux. De même, notre propos ne concerne pas l’histoire de la colonisation de l’Algérie en soi. Il s’agit plutôt de comprendre comment la trajectoire de la nostalgie s’imbrique dans cette oeuvre colonisatrice. Il nous semble que cette démarche permet aussi, au passage, d’éclaircir un aspect important de cette colonisation, ainsi que de l’impact qu’elle eut sur la cristallisation des identités locales, nationales et impériales dans la France du XIXe siècle.

11- L’histoire la plus exhaustive de cette période reste celle de Charles-André JULIEN,Histoire de l’Algérie contemporaine, t. 1,La conquête et les débuts de la colonisation (1827- 1871), Paris, PUF, 1986. Pour une importante synthèse récente, voir Daniel RIVET,Le Maghreb à l’épreuve de la colonisation, Paris, Hachette, 2003. L’armée d’Afrique est l’objet de nombreux travaux par Jacques FRéMEAUX, notamment L’Afrique à l’ombre des épées, t. 1,Des établissements côtiers aux confins sahariens, 1830-1930, Vincennes, Service historique de l’armée de terre, 1993, et Id.,Les Bureaux arabes dans l’Algérie de la conquête, Paris, Denoël, 1993. Pour les aspects opérationnels de la conquête, on consultera avec profit l’étude de Paul AZAN,L’Armée d’Afrique, de 1830 à 1852, Paris, Plon, 1936. Pour une mise au point historiographique récente dans le cadre des «guerres coloniales», voir Vincent JOLY,Guerres d’Afriques : 130 ans de guerres coloniales. L’expérience française, Rennes, PUR, 2009. On trouvera aussi deux synthèses utiles dans Jean DELMAS (dir.),Histoire militaire de la France, t. II,De 1715 à 1871, Paris, PUF, 1992, p. 523-530, et William SERMAN et Jean-Paul BERTAUD,Nouvelle histoire militaire de la France, 1789-1919, Paris, Fayard, 1998, p. 223-224, 253-267, 288-291 et 377-382.

12- Selon l’estimation classique de Marcel Yacono, «Peut-on évaluer la population de l’Algérie vers 1830 ?»,Revue africaine, 440/441, 1954, p. 277-307. Kateb, Kamil,Européens, «indigènes» et Juifs en Algérie (1830-1962). Représentations et réalités des populations, Paris, Éd. de l’INED, 2001, p. 16,Google Scholar estime que la population indigène serait plus proche des quatre millions à la veille de la conquête française.

13- Dans sa synthèse par ailleurs organisée selon un plan chronologique classique, D. RIVET,Le Maghreb…,op. cit., p. 15-56 et passim, ouvre son analyse par un long chapitre sur le rapport conflictuel entre colonisateurs et colonisés qui surdétermine, pour ainsi dir., l’histoire du Maghreb colonial.

14- Kateb, K., Européens, «indigènes» et Juifs en Algérie…,op. cit., p. 33.Google Scholar

15- Les débats parlementaires de ces premières années de la conquête sont étudiés par Hélène BLAIS, «‘Qu’est-ce qu’Alger ?’ : le débat colonial sous la monarchie de Juillet»,Romantisme, 139, 2008, p. 19-32.

16- Antonini, Jean-André,Rapport mÉd.cal sur l’Algérie, adressé au Conseil de santé, Paris, Impr. de Moquet, 1841, p. 41.Google Scholar

17- Entre 1830 et 1845, 67 des 100 régiments d’infanterie de l’armée française passèrent par l’Algérie, à raison de six à dix par an. Voir Regnault, Jean, «Les campagnes d’Algérie et leur influence de 1830 à 1870», Revue Historique de l’Armée, 9-4, 1953, p. 23-37, ici p. 24.Google Scholar

18- Boudin, Jean-Christian, «Colonisation française en Algérie», Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 39, 1848, p. 321-363, ici p. 343.Google Scholar

19- Service historique de la Défense (SHD), 1M 2357, ministère de la Guerre, «Renseignements sur la mortalité de l’armée depuis 1843 à 1878» ; Curtin, Philip D.,Death by migration: Europe's encounter with the tropical world in the ninétéenth century, Cambridge, Cambridge University Press , 1989, p. 89.CrossRefGoogle Scholar Selon l’estimation de K.Kateb,Européens, «indigènes» et Juifs en Algérie…,op. cit., p. 37-39, l’armée d’Afrique aurait perdu au moins 117 000 hommes de 1830 à 1875, dont 110 000 dans les hôpitaux. Ces chiffres sont certainement en dessous de la réalité, car manquent les données pour une dizaine d’années pendant cette période.

20- L’expression est d’Anne-MarieMOULIN, «Tropical without the tropics: The turningpoint of Pastorian medicine in North Africa»,inD. ARNOLD, (dir.),Warm climates and Western medicine: The emergence of tropical medicine, 1500-1900, Amsterdam, Rodopi, 1996, p. 160-180, ici p. 161. Le service de santé de l’armée en Algérie est l’objet d’études anciennes : les thèses de J.-B. VINCENT, «Les mÉd.cins de l’Algérie au temps de la conquête, contribution à l’étude de la médecine française en Afrique», thèse de médecine, Alger, 1914 ; de Jean TREMSAL,Un siècle de médecine coloniale française en Algérie (1830-1929) : contribution à l’étude de l’oeuvre mÉd.cale française en Afrique du Nord, Tunis, J. Aloccio, 1929 ; ainsi que le recueil collectif Le Service de Santé des Armées en Algérie. 1830-1958, Paris, Service de propagande, 1958. On consultera avec profit les études plus récentes de Patricia M. E. LORCIN, «Imperialism, colonial identities, and race in Algeria, 1830-1870: The role of the French medical corps»,Isis, 90-4, 1999, p. 653-679 ; et de Claire FREDJ, «Les mÉd.cins de l’armée et les soins aux colons en Algérie (1848-1851)»,Annales de démographie historique, 1, 2007, p. 127-154. L’oeuvre incontournable sur le rôle de la médecine coloniale pendant la conquête de l’Algérie reste celle d’Yvonne TURIN,Affrontements culturels dans l’Algérie coloniale : écoles, mÉd.cines, religion, 1830-1880, Paris, F. Maspero, 1971.

21- L’historien des maladies du passé se doit de prendre celles-ci au sérieux, avec un esprit critique mais sans condescendance. Comme tout autre syndrome psychologique, la nostalgie est une entité nosologique éminemment – et socialement – «construite» (vraisemblablement d’avantage que ne le sont celles fondées sur une base physicobiologique bien tangible). Cependant, ce constat ne saurait rÉd.ire le mal exclusivement à une logique arbitraire. Cette étude part du triple postulat méthodologique que les troubles psychiques (fonctionnels) «existent» par leurs effets à l’instar de maladies organiques ; que les diagnostics du passé répondent à un besoin de classification de maladies réellement existantes (dans le cas de la nostalgie un malaise socio-émotionnel grave) ; et que leur histoire dépend à la fois d’une construction socialeetd’une logique interne aux savoirs et aux taxonomies mÉd.cales spécifiques à l’époque en question. Dans ce sens, nous nous rapportons à l’approche nuancée de l’épistémologie des sciences élaborée et appliquée avec brio par Ian Hacking,Les fous voyageurs, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, [1998] 2002 ; ainsi qu’à «l’ontologie historique» prônée par Lorraine DASTON, «Introduction: The coming into being of scientific objects»,inL.Daston (dir.),Biographies of scientific objects, Chicago, University of Chicago Press, 2000, dans l’étude des multiples processus par lesquels apparaissent des «objets d’intérêt scientifique».

22- Archives historiques du Service de santé militaire et musée du Val-de-Grâce (VdG), carton 982, dossier 11bis, Dominique-Jean LARREY, «Instructions générales d’hygiène pour les troupes d’Afrique». Dominique-Jean LARREY, «Mémoire sur le siège et les effets de la nostalgie»,Recueil de mémoires de médecine, Paris, Compère Jeune, 1821. En 1830, la nostalgie était à l’apogée de sa célébrité. Les facultés de Paris et Montpellier lui consacraient alors à peu près une thèse par an et les encyclopÉd.es mÉd.cales engageaient les plumes les plus illustres pour en décrire les effets : l’autre grand chirurgien napoléonien, Pierre-François PERCY, dans le Dictionnaire des sciences mÉd.cales, vol. 36, Paris, Panckoucke, 1819, et le père fondateur de la psychiatrie française, Philippe PINEL, pour la section mÉd.cale de l’EncyclopÉd.e méthodique,op. cit., vol. 10. En 1835, la nostalgie entra même dans la sixième édition du Dictionnaire de l’Académie française(qui en reprit une définition purement mÉd.cale).

23- Antonini, Jean-André, Monard, Charles et Monard, Pascal, «Lettre mÉd.cale adressée à MM. les officiers de santé en chef de l’armée d’Afrique», Recueil des mémoires de médecine, chirurgie et pharmacie militaire, 33, 1832, p. 230231 ;Google Scholar VdG, 67/12, les Officiers de santé en chef du corps d’expédition STEPHANOPOLI, CHEVREAU et JUVENIG, «Rapport sur les maladies qui ont régné à Alger pendant les mois de juin, juillet, août et septembre 1831», 15 octobre 1831.

24- SHD, 1H4, Ange-François-FrÉd.ric MAURICHEAU-BEAUPRé, lettre au Conseil de santé, 2 septembre 1830.

25- SHD, 1H11, «Motifs qui ont nécessité le renouvellement des garnisons d’Alger et d’Oran», 3 janvier 1832.

26- VdG, 67/31, chirurgien principal GUYON, «Rapport sur la situation sanitaire», 8 septembre 1836 ; VdG, 96-1/2, [Auguste] HASPEL, «Hôpital militaire de Tiaret. Mouvement mÉd.cal des mois d’avril et juin 1843» ; Corneille TRUMELET,Bou-Farick, Alger, A. Jourdan, 1887, p. 130 ; et élie-FrÉd.#x00E9;ric Forey, , «Lettre au maréchal Boniface de Castellane, 4 novembre 1839»,in Campagnes d’Afrique, 1835-1848. Lettres adressées au Maréchal de Castellane par les maréchaux Bugeaud, Clauzel, Valée, Canrobert, Forey…, Paris, Plon, 1898, p. 158.Google Scholar

27- L’armée française ne commença à publier uneStatistique mÉd.cale de l’arméeannuelle qu’en 1863. À cette époque tardive, on observait encore quelques dizaines de cas de «nostalgie» par an en France et dans les possessions à l’étranger.

28- Ce sont les termes qu’utilisa le mÉd.cin d’armée Chamberet pour se justifier de comparer la nostalgie au typhus et au scorbut comme maladies les plus meurtrières et endémiques à l’armée – malgré l’absence de statistiques permettant de le vérifier (voir note 4).

29- Antonini, J.-A., Rapport mÉd.cal…,op. cit., p. 32.Google Scholar

30- Desjobert, AmÉd.#x00E9;e,L’Algérie en 1838, Paris, P. Dufart, 1838, p. 75.Google Scholar

31- VdG, 67/8, «Circulaire des officiers de santé en chef du corps d’occupation sur les dépôts de convalescence», 12 août 1841. Cette mesure n’avait rien d’extraordinaire ; déjà en 1794, l’adjoint au ministre de la Guerre, Didier Jourdeuil, demandait au général en chef de l’armée du Nord de limiter les congés aux cas de nostalgie (voir SHD, B13 20, Didier JOURDEUIL, «Circulaire au général en chef de l’Armée du Nord», 28 Brumaire an II, cité dans M.REINHARD, «Nostalgie et service militaire», p. 1). Une estimation des évacués de l’hôpital militaire d’Oran en 1842 permet de dénombrer 105 cas de nostalgie attestée et 150 autres où les «complications» non spécifiées dénotent probablement aussi un état nostalgique, sur un total de 804 soldats renvoyés en France. VdG, 82/12, étienne-Louis JOURDAIN, «Hôpital militaire d’Oran. Rapport statistique de l’année 1842», 1843.

32- J.-U. MALAPER DU PEUX, «De la nostalgie», thèse de médecine, Paris, 1853, p. 12-13.

33- Louis-Jacques BéGIN, «Nostalgie»,inG. ANDRAL et L.-J. BéGIN (dir.),Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, Paris, Gabon/Méquignon-Marvis, 1834, vol. 12, p. 76- 77. Si tous les traités sur la nostalgie reproduisaient ce jugement, la plupart reconnaissaient aussi que la maladie pouvait atteindre n’importe qui, dès lors qu’il y avait changement brusque d’habitudes et de mode de vie, comme le soulignait déjà en 1798 l’étude importante du docteur MORICHEAU BEAUCHAMP, «Réflexions sur les modifications que l’Éd.cation et les habitudes ont apportées dans le développement de la nostalgie, pendant la dernière guerre»,Mémoires de la société mÉd.cale d’émulation, 1, an VI (1798).

34- Denis-François-NoëlGUERBOIS, «Essai sur la nostalgie, appelée vulgairement maladie du pays», Paris, thèse de médecine, an XI, p. 15 et 41 ; Percy, P.-F. et Laurent, C., «Nostalgie»,Dictionnaire des sciences mÉd.cales, Paris, C. L. F. Panckoucke, 1819, vol. 36, p. 277.Google Scholar Ces épidémies sont régulièrement citées en exemple.

35- Courcy, Alfred De, «Le Breton»,in Les Français peints par eux-mêmes. EncyclopÉd.e morale du dix-neuvième siècle. Province, Paris, Curmer, 1842, t. 3, p. 8788 ;Google Scholar Nodier, Charles, Taylor, Justin et Cailleux, Alphonse De,Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France. Bretagne, Paris, Gide fils, 1845-1846, t. 1, p. 4.Google Scholar

36- VdG, 82/12, «Hôpital militaire d’Oran. Rapport général du mouvement des maladies pendant l’année 1838», 27 janvier 1839.

37- VdG, 83/2, Jean-Félix HUTIN, «Compte rendu de l’expédition de Tlemcen», 27 février 1842 ; et VdG, 77/2, Casimir BROUSSAIS, «Récapitulation par nature des maladies des militaires qui ont été traités pendant le troisième trimestre de 1844», décembre 1844. Sur la médecine clinique parisienne du début du XIXe siècle, voir les textes classiques de Michel Foucault,Naissance de la clinique. Une archéologie du regard mÉd.cal, Paris, PUF, 1988 ; et d’Erwin Ackerknecht,La médecine hospitalière à Paris, 1794- 1848, Paris, Payot, [1967] 1986.

38- Haspel, A., De la nostalgie,op. cit., p. 124129.Google Scholar

39- Depuis le XVIIIe siècle, les officiers de santé étaient régulièrement mis en garde contre les tentatives de simulation de la nostalgie. Voir, à titre d’exemple, De Meyserey, Guillaume Mahieu,La médecine d’armée, contenant des moyens aisés de préserver des maladies, sur terre et sur mer, Paris, Vve Cavelier et fils, 1754, p. 110111 ;Google Scholar Boisseau, Éd.ond,Des maladies simulées et des moyens de les reconnaître, Paris, Baillière, 1870, p. 147148.Google Scholar Comme le suggère O.ROYNETTE, «Bons pour le service»…,op. cit., p. 40 et passim, la réticence du soldat à admettre son mal invite à voir en la nostalgie une réaction à la diffusion de modèles virils de masculinité.

40- Haspel, A., De la nostalgie,op. cit., p. 105.Google Scholar Hélas pour le soldat Trude, l’amélioration de son état de santé fut aussi subite que temporaire, car il ne put finalement s’embarquer pour la France faute de place à bord et retomba vite dans une mélancolie profonde et fatale.

41- Voir, par exemple, J.-A. Antonini,Rapport mÉd.cal…,op. cit.;et VdG, 89/6, «Hôpital de Dellys. Rapport mÉd.cal du quatrième trimestre 1847», 1848.

42- Sur le traitement moral, voir Jan E.GOLDSTEIN,Consoler et classifier. L’essor de la psychiatrie française, Paris, Synthélabo, [1987] 1997. À quelques exceptions près (valables surtout pour la phase de déclin du diagnostic), la quasi-totalité des études sur la nostalgie gardait le cap sur cette première ébauche systématique d’une psychothérapie.

43- Thomas-Robert Bugeaud, circulaire du 23 mars 1844,in D’Ideville, H.,Le maréchal Bugeaud, d’après sa correspondance intime et des documents inÉd.ts, Paris, Firmin-Didot, 1881- 1882, t. 3, p. 235.Google Scholar

44- La distinction entre cas de nostalgie «primitive» et «secondaire» fut théorisée en ces termes par l’officier de santé Payen (aussi écrit Paÿn) lors de l’expédition de Tlemcen en 1836. VdG, carton 71/39, A. PAYEN, «Rapport sur l’expédition conduite par le général Bugeaud à Tlemcen», 1er novembre 1836 ; et SHD, 1H41, [PAYEN] «Rapport sur les maladies qui ont régné pendant la campagne de Tlemcen», 1836. Cette distinction fut reprise par nombre de ses collègues, par exemple VdG, 78/1, Joseph-Victor CHATELAIN, «Hôpital militaire de Mustapha. Division des fiévreux. Rapport trimestriel du service de santé de la médecine pendant les mois d’avril, mai et juin 1845», 15 juillet 1845. Elle le fut même par Alexis DE TOCQUEVILLE, «Travail sur l’Algérie»,Sur l’Algérie, Paris, Flammarion, 2003, p. 123-124, qui s’émut en termes distinctement sensualistes des effets de la nostalgie suite à son voyage en Algérie de 1840. Selon lui, les soucis mÉd.caux des soldats français en Algérie ne relevaient pas d’un manque de préparation ou d’une faiblesse constitutive, mais s’expliquaient «surtout parce que leur esprit n’a pas eu le temps de se tremper. Sortant de leurs villages, l’aspect étrange et terrible de cette guerre frappe aisément leur imagination peu aguerrie et ils deviennent la proie de la nostalgie et des maladies dont le climat les menace».

45- Louis-Alexandre-Hippolyte LEROY-DUPRé, «De la nostalgie», thèse de médecine, Paris, 1846, citation p. 25. L’expression «cafard» naquit dans les rangs de l’armée d’Afrique à la fin du XIXe siècle, et plusieurs officiers de santé la rattachèrent alors explicitement à l’ancienne nostalgie. Voir à ce sujet la thèse d’Éd.uard HOUSSIN, «Le cafard est-il une psychose coloniale ?», thèse de médecine, Lyon, 1916, p. 20-21 (je remercie Charlotte Ann Legg d’avoir attiré mon attention sur cette source) ; et Roynette, Odyle,Les mots des soldats, Paris, Belin, 2004, p. 55.Google Scholar

46- Pierre de CASTELLANE,Souvenirs de la vie militaire en Afrique, Paris, Lecou, 1852, p. 18-19. Ces dispositifs prophylactiques n’étaient pas toujours efficaces. Le malheureux colonel de la garnison de Miliana s’efforça de créer une chorale de soldats qui saurait ragaillardir.les autres avec des chants du pays. De son propre aveu, les effets furent mitigés et l’expérience dut être abandonnée hâtivement lorsque les chanteurs moururent eux-mêmes de nostalgie – épisode relaté par le journaliste Louis VEUILLOT,Les Français en Algérie. Souvenirs d’un voyage fait en 1841, Tours, Mame et Cie, 1847, p. 31. Le lien pathogénique entre musique (ou autres sons familiers) et nostalgie était souligné depuis les premiers écrits sur le mal. Lorsque le mÉd.cin suisse Théodor Zwinger publia une nouvelle édition revue et corrigée de la thèse de Hofer en 1710, il y ajouta, entre autres, la transcription d’une certaine«cantinella helvetica»ayant la fâcheuse habitude de nourrir outre mesure ledesiderium patriaedes mercenaires suisses aux Pays-Bas. Leurs officiers furent ainsi contraints d’interdir. cette mélodie dans les rangs, consacrant ainsi la réputation ombrageuse du «célèbreranz des vaches», comme le décrira ensuite Rousseau. Voir Theodor ZWINGER,Fasciculus dissertationum medicarum selectiorium, Basilae, Conradi, 1710, et J.-J. ROUSSEAU,Dictionnaire de musique,op. cit., p. 314-315.

47- Ou «phénomène de transit», selon la formule de Jean WAQUET, «Pour une sociopsychologie du transit. L’exemple du recrutement militaire français et belge pendant la Révolution et la première moitié du XIXe siècle»,in Recrutement, mentalités, sociétés : actes du Colloque international d’histoire militaire, 18-22 septembre 1974, Montpellier, Imprimerie de l’université Paul Valéry, 1974, p. 127-136.

48- VdG, 83/5, Charles Alexandre-Joseph CAMBAY, «Hôpital militaire de Tlemcen. Compte rendu du service des fiévreux pendant le quatrième trimestre de l’année 1843», 8 janvier 1844.

49- Montagnac, Lucien-François De,Lettres d’un soldat : neuf années de campagnes en Algérie, Paris, Pl on, 1885, p. 142 et 430431 Google Scholar (lettres datées du 1er février 1841 et du 20 décembre 1844, quelques mois avant la mort au combat de Montagnac).

50- Parisot, Flavien,Flavien de Fignévelle. Lettres d’Algérie et de Crimée d’un soldat vosgien (1850-1855), Monthureux-sur-Saône, Éd. Saône-Lorraine, 1994, p. 7273 et 87-88Google Scholar (lettres datées du 12 décembre 1852 et du 7 août 1854).

51- Villacrose, A.,Vingt ans en Algérie, ou Tribulations d’un colon racontées par lui-même : la colonisation en 1874, le régime militaire et l’administration civile, moeurs, coutumes, institutions des indigènes, ce qui est fait, ce qui est à faire, Paris, Chalamel aîné, 1875, p. 4546.Google Scholar

52- D.-F.-N. Guerbois, «Essai sur la nostalgie…»,op. cit., p. 3 et 13.

53- VdG, 86/9, Frey (?), «Hôpital de Boghar.Mouvement mÉd.cal pendant le quatrième trimestre de 1852», 1er janvier 1853.

54- Barthélémy-Prosper ENFANTIN,Colonisation de l’Algérie, Paris, P. Bertrand, 1843, p. 404. Enfantin élabora son projet suite à sa participation à l’expédition scientifique de 1840-1842 en Algérie. Sur celle-ci, voir notamment Marie-Noëlle Bourguet, et al.(dir.),L’invention scientifique de la MÉd.terranée. égypte, Morée, Algérie, Paris, Éd. de l’EHESS, 1998.Google Scholar

55- Enfantin, B.-P., Colonisation de l’Algérie,op. cit., p. 207208.Google Scholar Selon les mÉd.cins de l’époque, la nostalgie était, jusque-là, presque exclusivement une maladie masculine, spécifique aux militaires et aux matelots. Parmi les civils, elle pouvait toucher quelques exilés ou prisonniers, mais ne faisait de véritables ravages que parmi les esclaves noirs de la traite atlantique.

56- Pour les données statistiques, voir leTableau de la situation des établissements français dans Algérie, 1840, Paris, Imprimerie Royale, 1841, p. 96 ; et Julien, C.-A., Histoire de l’Algérie contemporaine,op. cit., p. 152-153 et 158.Google Scholar

57- Yacono, Xavier,Histoire de l’Algérie, de la fin de la Régence turque à l’insurrection de 1954, Versailles, L’Atlanthrope, 1993, p. 9495.Google Scholar

58- Cet aspect de la colonisation attend toujours une synthèse. Parmi les travaux anciens, on se référera à la vue d’ensemble d’émile VIOLARD,Les villages algériens, Alger, V. Heintz, 1925-1926 ; aux monographies détaillées de Julien FRANC,Le chef-d’oeuvre colonial de la France en Algérie : la colonisation de la Mitidja, Paris, Honoré Champion, 1928 ; de Marcel YACONO,La colonisation des plaines du Chélif (de Lavigerie au confluent de la Mina), Alger, Imbert, 1955. Parmi les études plus récentes, on consultera avec profit les travaux d’urbanistes, dont Saïd ALMI,Urbanisme et colonisation : présence française en Algérie, Sprimont, Mardaga, 2002 ; et la remarquable thèse de Tarik BELLAHSENE, «La colonisation en Algérie : processus et procÉd.res de création des centres de peuplement. Institutions, intervenants et outils», thèse, université de Paris VIII, 2006. Le peuplement de la colonie est aussi l’objet d’importantes thèses récentes aux états-Unis : voir, entre autres, Claire SALINAS, «Colonies without colonists: Colonial emigration, Algeria, and liberal politics in France, 1848-1870», thèse, université Stanford, 2005 ; Jennifer SESSIONS, «Making colonial France: Culture, national identity and the colonization of Algeria, 1830-1851», thèse, université de Pennsylvanie, 2005 ; et Tom HILL, «Imperial nomads: Settling paupers, proletariats, and pastoralists in colonial France and Algeria, 1830-1863», thèse, université de Chicago, 2006.

59- Bugeaud proposa plusieurs projets de colonisation pendant qu’il fut gouverneur général de la colonie (entre 1840 et 1847), mais se heurta à l’opposition du maréchal Soult. Il réussit cependant à fonder trois villages d’anciens soldats libérés, et ramena même des orphelines toulonnaises pour y célébrer des «mariages au tambour».

60- Voir par exemple les nombreux projets à portée philanthropique de l’abbé Landmann, J.-M.,Les fermes du petit Atlas, ou Colonisation agricole, religieuse et militaire du nord de l’Afrique, Paris, Périsse Frères, 1841.Google Scholar

61- Enfantin, B.-P., Colonisation de l’Algérie,op.cit. Google ScholarPour des analyses critiques, voir Marcel Emerit,Les saint-simoniens en Algérie,Paris, Les Belles Lettres, 1941 ; et Philippe RéGNIER, «Le colonialisme est-il un orientalisme ? À propos d’Enfantin et de son essai sur laColonisation de l’Algérie(1843)»,inM.LEVALLOIS et S.MOUSSA (dir.),L’orientalisme des saint-simoniens, Paris, Maisonneuve et Larose, 2006, p. 131-156. Les socialistes utopiques qui s’investirent en Algérie se partageaient entre partisans d’une solution «associationiste» prônée par des arabophiles tels Ismaÿl Urbain ou le dir.cteur du bureau arabe de Ténès, Ferdinand Lapasset ; et une colonisation «assimilationiste» sans trop d’égards pour les populations locales, réclamée par Auguste Warnier et Jules Duval, respectivement anciens saint-simonien et fouriériste, devenus tous deux avocats de la cause des colons sous le Second Empire.

62- Selon Lardillier, Alain,Le peuplement français en Algérie de 1830 à 1900 : les raisons de son échec, Versailles, Éd. de l’Atlanthrope, 1992, p. 52,Google Scholar en 1846 il y eut 47 000 arrivées de colons pour 31 000 départs.

63- Citations dans Franc, J., Le chef-d’oeuvre colonial…,op. cit., p. 260 Google Scholar ; et Hildebert ISNARD, «Les entreprises de fondation de villages dans le Sahel d’Alger (1843-1854)»,Revue Africaine, 82-3/4, 1938, p. 243-312, ici p. 277. Les villages en question sont ceux de Foudouk et de Guyotville.

64- Comme le souligne Jennifer SESSIONS, «‘L’Algérie devenue Française’: The naturalization of non-French colonists in French Algeria, 1830-1849»,Proceedings of the Western Society for French History, 30, 2002, p. 165-177, ici p. 170-171, l’origine socioprofessionnelle remplaça brièvement la nationalité comme premier critère dans la sélection des colons à envoyer en Algérie pendant les années 1840.

65- Tocqueville, Alexis De, «Quelques idées sur les causes qui s’opposent à ce que les Français aient de bonnes colonies»,OEuvres complètes d’Alexis de Tocqueville, publiées par Mme de Tocqueville, Paris, Michel Levy, 1865, t. 8, p. 267268.Google Scholar Tocqueville voyait le Français comme tiraillé entre ses penchants casaniers et ses «ardeurs aventurières» qui, elles aussi, nuisaient à l’établissement de colonies prospères.

66- Alfred Legoyt (pseud. d’Hermann),De la colonisation civile et militaire en Algérie, Sceaux, E. Dépée, s. d. [1846], p. 32. Sur les stéréotypes culturels du paysan français au XIXe siècle, voir James Lehning, R.,Peasant and French: Cultural contact in rural France during the ninétéenth century, Cambridge, Cambridge University Press , 1995.CrossRefGoogle Scholar Il est aujourd’hui acquis que cette image du paysan sÉd.ntaire, ainsi que le mythe de l’exode rural, ne correspondent pas à la réalité d’une société rurale bien plus mobile que l’on ne le pensait. Pour deux contributions récentes, voir Paul-André ROSENTAL,Les sentiers invisibles. Espace, familles et migration dans la France du 19e siècle, Paris, Éd. de l’EHESS, 1999 ; Daniel ROCHE,Humeurs vagabondes. De la circulation des hommes et de l’utilité des voyages, Paris, Fayard, 2003.

67- Sur les colonies agricoles de 1848, voir l’étude d’Yvette KATAN, «Les colons de 1848 en Algérie : mythes et réalités»,Revue d’histoire moderne et contemporaine, 31-2, 1984, p. 177-202 ; et celle deMichael J.HEFFERNAN, «The Parisian poor and the colonization of Algeria during the Second Republic»,French History, 3-4, 1989, p. 377-403. Le calvaire des colons est décrit dans plusieurs sources, dont notamment celles de Vivant BEAUCé,Le journal du voyage d’un colon de 1848, Éd. par M. Bel, Nice, M. Bel, 1997 (pub. orig. dansL’Illustrationen 1849 et 1850) ; Maxime RASTEIL,À l’aube de l’Algérie française. Le calvaire des colons de 48, Paris, E. Figuière, 1930.

68- Voir Xavier Malverti, «Les officiers du Génie et le dessin de villes en Algérie (1830-1870)»,Revue du monde musulman et de la MÉd.terranée, 73-74, 1994, p. 229-244 ; et, plus général, Malverti, Xavier et Pinon, Pierre (dir.),La ville régulière. Modèles et tracés, Paris, Picard, 1997.Google Scholar On trouvera pléthore de ces plans de colonies dans les fonds des Archives nationales d’Outre-Mer (ANOM).

69- Eugène François, cité dans Rasteil, M., Le calvaire des colons…,op. cit., p. 52;Google Scholar et ANOM, fonds ministériels, F80 1392, lettre d’un colon de Saint-Cloud à Ulysse Trélat (président de la commission officiellement en charge du projet), 8 mai 1849. Le témoignage célèbre de Truquin, Norbert,Mémoires et aventures d’un prolétaire à travers la Révolution. L’Algérie, la République Argentine et le Paraguay, Paris, Maspero, 1977,Google Scholar fournit de nombreux exemples du mal-être de ces ouvriers parisiens (plus ou moins férus d’idées socialistes) face à la discipline militaire qui régnait dans les colonies agricoles. ANOM, F80 1399, Louis BLANCHET, «Rapport du mois de janvier 1849 sur la situation de la colonie de Mondovi (1)» : une lettre du dir.cteur de la colonie nous permet de mieux saisir l’étendue de cette discipline. Notant le bon état moral de la colonie dans son rapport de janvier 1849, le capitaine se félicitait du fait que «la plupart des colons ont pris les habitudes militaires pour les heures du lever, du coucher, les heures des repas et du travail».

70- ANOM, F80 1412, «Rapport sur la situation de la colonie de Millesimo 1», 29 janvier 1849 ; et ANOM, F80 1424, «Rapport de décembre 1849 sur la situation de la colonie agricole de Millesimo N. 2», janvier 1850.

71- VdG, 70/33, Antoine-Paul VAILLANT «Inspection mÉd.cale de 1851. Colonie agricole de Zurich», 26 octobre 1851.

72- VdG, 70/28, «Extraits du registre servant à l’inscription des colons malades, traités à domicile ou envoyés à l’hôpital au village de Damette», février et juillet 1949 ; ANOM, F80 1422, Ferdinand Lapasset, «Rapport du mois de juillet 1849 sur la situation de la colonie de Montenotte et annexes», s. d. ; et Anom, F80 1410, pour la demande de congé pour Mlle Julie Félicie Prost, de la colonie de Castiglione [1852]. Bien que palpable par moments dans leur correspondance, la nostalgie était rarement invoquée explicitement par les colons. Elle restait un terme savant, utilisé principalement par les mÉd.cins ; encore que ceux-ci hésitaient à l’employer pour les colons civils, comme le remarquait Jean-Christian BOYER, «Considérations hygiéniques sur les colonies agricoles de l’Algérie en général et sur Barral en particulier», thèse de médecine,Montpellier, 1851, p. 58.

73- M.DUTRONE,Rapport fait à la commission des colonies agricoles de l’Algérie, Paris, Imp. d’E. Duverger, 1850, p. 66.

74- VdG, 70/34, Antoine-Paul VAILLANT, «Inspection mÉd.cale de 1851. Colonie agricole de Ponteba», 20 octobre 1851.

75- VdG, 70/30, voir par exemple les observations de Louis Théodore Laveran (père du célèbre mÉd.cin militaire Alphonse Laveran), «Rapport sur l’inspection mÉd.cale des colonies et des dépendances agricoles d’Afroun et de Marengo», 11 août 1851.

76- Louis REYBAUD (rapporteur), «Rapport fait à M. le Ministre de la Guerre par la Commission d’inspection des colonies agricoles», Paris, 16 novembre 1849. Le dénombrement effectué par Y.KATAN, «Les colons de 1848 en Algérie…», art. cit., sur un échantillon des colons de 1848 nuance un peu ce profil dressé hâtivement : parmi les colons du IIe arrondissement ancien, il y avait à peu près un tiers de célibataires, et la plupart vivaient à Paris depuis de nombreuses années, tout en ayant passé leur enfance dans les champs en province. Y.Katan confirme que la grande majorité des colons de 1848 étaient des ouvriers de l’Est parisien, mais conteste formellement leur prétendue politisation.

77- A. Haspel,De la nostalgie,op. cit., p. 38-39, et 17 pour la citation. Il parlait ici spécifiquement des soldats, mais élargit ensuite son propos aux colons après avoir constaté, ahuri, leur propension à la nostalgie.

78- Haspel, Auguste,Maladies de l’Algérie. Des causes, de la symptomatologie, de la nature et du traitement des maladies endémo-épidémiques de la province d’Oran, Paris, J. B. Baillière, 1850-1852, vol. 1, p. 5961.Google Scholar

79- ANOM, F80 1423, «Rapport du mois de novembre sur la situation de la colonie de St. Leu et annexes», s. d. ; «Rapport du mois d’octobre 1849 sur la situation de la colonie de St Louis et annexes», s. d.

80- Cité dans Robert Tinthoin,Assi-Ben-Okba. Un village de «Parisiens» en 1848, Oran, Heintz Frères, 1949, p. 20. On notera au passage à quel point ce cri de détresse ressemble à «l’abrutissement» par le travail que dénoncent les ouvriers-poètes dont Rancière, Jacques,La nuit des prolétaires, Paris, Fayard, 1981,Google Scholar se fait le porte-parole.

81- Beaucé, Vivant,Le journal du voyage d’un colon de 1848, Nice, M. Bel, 1997 Google Scholar (publié dans L’Illustrationdu 2 juin 1849, p. 218). Entrée du 19 novembre 1848.

82- Les colons devaient coexister avec une population locale souvent hostile (pour d’évidentes raisons), mais devaient surtout se confronter au dÉd.in des militaires, aux supercheries des spéculateurs, et à la compétition des autres populations européennes implantées en Algérie. Ces autres colons étaient essentiellement des Mahonnais, des Maltais et des Italiens, auxquels s’ajoutait une importante communauté juive. Ces communautés sont l’objet d’importants travaux, dont ceux publiés par les éditions Gandini : on citera, à titre d’exemple, l’ouvrage de Jordi, Jean-Jacques,Espagnol en Oranie : histoire d’une migration, 1830-1914, Calvisson, Gandini, 1986.Google Scholar Or comme le remarque Colonna, Fanny, «Algérie 1830-1962 : Quand l’exil efface jusqu’au nom de l’ancêtre», Ethnologie française, 37-3, 2007, p. 501,CrossRefGoogle Scholar nous connaissons encore très mal l’incroyable stratification et hétérogénéité de la population européenne en Algérie au XIXe siècle.

83- ANOM, F80 1392, Durand (colon à Millésimo), lettre à Ulysse Trélat, 21 mars 1849. Les projets utopiques pour créer une «grande famille» socialiste n’eurent jamais grand succès, que ce soit parmi les autorités ou les colons (désireux surtout d’accÉd.r à la propriété privée). Voir ANOM, F80 1423, Capitaine Milliroux, «Rapport du mois de juin 1849 sur la situation de la colonie de Saint Louis et annexes». Déjà en 1847, étienne Cabet, ,Réalisation de la communauté d’Icarie, Paris, Bureau du Populaire, 1847, p. 301,Google Scholar exprimait son désespoir de ne pouvoir transposer Icarie en Algérie en ces termes : «LaNostalgie(ou mal du pays) peut être un mal terrible enAlgériepour un soldat forcé ou pour un homme isolé, sans frères, sans liberté, sans sécurité et sans avenir ; mais en Amérique, en Icarie, les Icariens, qui auront brûlé de partir, qui travailleront ensemble et fraternellement à la plus glorieuse des entreprises, ne connaîtront certainement pas la nostalgie.»

84- Fillias, Achille,Histoire de la conquête et de la colonisation de l’Algérie (1830-1860), Paris, Arnauld de Vresse, 1860, p. 348349.Google Scholar

85- Mitchell, Timothy,Colonizing Egypt, Cambridge, Cambridge University Press , 1988.Google Scholar T. Mitchell utilise explicitement l’exemple des colonies de 1848 pour étayer ce concept.

86- A. De Tocqueville, «Travail sur l’Algérie», art. cit., p. 160.

87- Dans le cadre de la répression des journées de juin 1848, 462 révolutionnaires furent envoyés de Belle-Île aux travaux forcés en Algérie en 1850. Un an ans plus tard, le régime bonapartiste consolida son coup d’état en déportant dans la colonie quelque 6 000 opposants. Les plus dangereux allèrent croupir dans des pénitenciers ; les autres furent répartis dans les centres agricoles pour prêter main-forte aux quelques colons de 1848 restants. Tous languissaient de nostalgie, comme en témoigne Ribeyrolles, Charles,Les bagnes d’Afrique. Histoire de la transportation de décembre, Londres, Jeffs, 1853,Google Scholar dans son plaidoyer anti-bonapartiste. Si le bagne civil fut rapidement déplacé en Nouvelle- CalÉd.nie, l’Algérie garda la triste prérogative des bagnes de l’armée, maintenant ainsi l’image d’une terre de violence et de forçats : Kalifa, Dominique,Biribi. Les bagnes coloniaux de l’armée française, Paris, Perrin, 2009.Google Scholar Sur les «mythes» qui subsistent autour de la colonisation de 1848, voir notamment Y.Katan, «Les colons de 1848 en Algérie…», art. cit. Parlant de ce même projet, M. Yacono,Histoire de l’Algérie…,op. cit., p. 114, utilise la formule mesurée de «colonisation semi-militaire». émileTEMIME, «La migration européenne en Algérie au XIXe siècle : migration organisée ou migration tolérée ?»,Revue de l’Occident Musulman et de la MÉd.térranée, 43, 1987, p. 33, étend cette constatation à toute la colonisation, observant que dès ses débuts, la migration en Algérie est «organisée, contrôlée, quand elle n’est pas imposée par les autorités». L’image tragique des colons de 1848 que véhicule une certaine littérature d’exil émanant de pieds-noirs est bien évidemment à utiliser avec circonspection.

88- Voir le beau travail d’histoire orale de l’ethnologue Baussant, Michèle,Pieds-Noirs. Mémoires d’exils, Paris, Stock, 2002.Google Scholar Camus, Albert, dans son roman inachevéLe premier homme, Paris, Gallimard, 1994,Google Scholar donne un témoignage à la fois lucide et poignant de la symétrie entre, d’une part, cette Algérie française «terre d’oubli» et rivage où échouèrent des «enfants trouvés» au moment de la colonisation, et de l’autre, le drame fondateur des colonies agricoles de 1848, dont il relate dans ses feuillets plusieurs épisodes glanés des souvenirs du colon Rasteil cité plus haut.

89- M. J.Heffernan, «The Parisian poor and the colonization…», art. cit., p. 402 ; et A.Lardillier,Le peuplement français en Algérie…,op. cit., p. 56. Selon leTableau de la situation des établissements français dans l’Algériede 1851, l’effort de colonisation de ces années permit cependant aux Français de devenir pour la première fois majoritaires parmi la population européenne (66 000 sur 131 000 colons européens au total). Cependant, la mortalité resta très élevée (autour de 50 ‰), et à peine un quart de ces colons était considéré comme des agriculteurs :Tableau de la situation des établissements français dans Algérie, Paris, Imprimerie impériale, 1853, p. 83-84, 97, et 260-261.

90- Voir J. N. C. A. FLORANCE,Dissertation sur la nostalgie, Montpellier, chez Jean Martel aîné, 1814, p. 11. La propension des Français au mal du pays avait même été prise en compte dans le Code civil pour justifier l’adoption d’une citoyenneté basée sur le jus soli. Voir Rogers BRUBAKER,Citizenship and nationhood in France and Germany, Cambridge, Harvard University Press, 1992, p. 89.

91- Charles DUPONT-WHITE,L’individu et l’état, Paris, Guillaumin, [1857] 1865, p. 260.

92- Louis LENOEL, «La nostalgie»,Mémoires de l’Académie des lettres et des arts d’Amiens, 39, 1892, p. 321 ; ANOM, F80 1791, M. Constant, «projet de colonisation» adressé à Napoléon III en septembre 1862 ; Lucien-Anatole PRéVOST-PARADOL,La France nouvelle, Paris, Michel Lévy frères, 1868, p. 410. L’attribution de maladies spécifiques au caractère national était une activité de prÉd.lection de la médecine de l’époque. Au début du XIXe siècle, on utilisait encore l’expression «mélancolie helvétique» pour parler de la nostalgie. Avant Baudelaire, lespleenétait déjà «la maladie anglaise» grâce au célèbre ouvrage publié par le mÉd.cin anglais George CHEYNE,The English malady or, A treatise of nervous diseases of all kinds, as spleen, vapours, lowness of spirits, hypochondriacal, and hysterical distempers, etc., Londres, Strahan, 1733.

93- V.WIDAL, «Nostalgie»,inJ.RAIGE-DELORME et A.DECHAMBRE (dir.),Dictionnaire encyclopÉd.que des sciences mÉd.cales, Paris, G. Masson/P. Asselin, 1879, vol. 13, p. 361. On retrouve ces mêmes idées ailleurs. Voir par exemple le compte rendu d’une étude sur la nostalgie paru dans leJournal des Débatsdu 3 septembre 1873 (p. 3, où le mÉd.cin Georges Daremberg affirmait, confiant, que la nostalgie s’était éteinte partout sauf en France).

94- V. WIDAL, «Nostalgie», art. cit., p. 363.

95- Jules DUVAL,Histoire de l’émigration européenne, asiatique et africaine au XIXe siècle. Ses causes, ses caractères, ses effets, Paris, Guillemin, 1862, p. VIII ; Paul LEROY-BEAULIEU,De la colonisation chez les peuples modernes, Paris, Guillemin, [1874] 1882, p. 146. Sur cette «doctrine coloniale», voir les études classiques de Charles-Robert AGERON,France coloniale ou parti colonial ?, Paris, PUF, 1978 ; et de Raoul GIRARDET,L’idée coloniale en France de 1871 à 1962, Paris, Hachette, 2005.

96- Il ne nous revient pas de retracer ici l’histoire fascinante de cette science mÉd.cale de l’adaptation des organismes vivants à un climat nouveau – science qui devint une véritable obsession de jeunesse pour la médecine coloniale française, à tel point que le dir.cteur des jardins botaniques d’Alger sous le Second Empire, Auguste Hardy, n’hésita pas à qualifier la colonisation de «vaste oeuvre d’acclimatement» : Michael A.OSBORNE,Nature, the exotic and the science of French colonialism, Bloomington/Indianapolis, Indiana University Press, 1994, p. 145. La littérature sur l’acclimatement est vaste. Pour s’orienter, on consultera Anne-Marie MOULIN, «Expatriés français sous les tropiques. Cent ans d’histoire de la santé»,Bulletin de la Société de pathologie exotique, 90-4, 1997, p. 221-228 ; Michael A.OSBORNE, «Acclimatizing the world: A history of the paradigmatic colonial science»,Osiris, 15, 2000, p. 135-151 ; ainsi que le dossier «Race and acclimatization in colonial medicine»,Bulletin of the History of Medicine, 70-1, 1996. Le lien entre acclimatement et nostalgie reste largement inexploré. Pourtant il se profila dès 1705, lorsque l’érudit suisse Jacob SCHEUCHZER, «De Nostalgia»,De Bononiensi Scientiarum et Artium Instituto atque Academia Commentarii, Bologne, 1731, vol. 1, avança une explication purement atmosphérique des causes de la nostalgie chez ses compatriotes. Cette interprétation eut un succès réténtissant dans la première moitié du XVIIIe siècle, tant que perdurèrent les théories mÉd.cales iatromécaniques de l’époque.

97- Bonnafont, Jean-Pierre,Géographie mÉd.cale d’Alger et de ses environs, Alger, Brachet, 1839, p. 98107.Google Scholar J.-P. Bonnafont est à considérer comme l’un des tout premiers partisans de ces curieuses obsessions françaises que furent le climatisme et la mésologie dans les colonies.

98- Martin, A.-E.-Victor,Manuel d’hygiène à l’usage des Européens qui viennent s’établir en Algérie, Alger, Dubos frères et Marest, 1847, p. 159 ;Google Scholar et VdG, 86/2, Jean LACROIX et C. F. FINOT, «Hôpital militaire de Blidah. Rapport mÉd.cal du quatrième trimestre 1847», 1848.

99- VdG, 70/3, «Tableau nosographique à suivre pour la désignation des maladies dans les rapports sur le service mÉd.cal de l’Algérie», s. d. [années 1850].

100- SHD, Xb 641, Maréchal de camp THIéRY, «Inspection générale de 1845», 13 septembre 1845. Les effets positifs d’un acclimatement progressif au climat mÉd.terranéen n’étaient cependant pas toujours éclatants, comme en témoignent les inspections annuelles du 56e régiment de ligne, qui passa pourtant par le camp d’entraînement, mis en place à Perpignan par le général de Castellane pour les troupes destinées à l’Algérie (SHD, Xb 681). Les autorités militaires tergiversèrent longtemps entre un système de rotation des troupes et une armée permanente en Algérie, conservant au final un système mixte jusqu’au XXe siècle. Comme le montrent leurs dossiers individuels (conservés aux Archives de Paris, sous la côte VD4 10, 2943-2977), les colons de 1848 devaient en principe passer un examen mÉd.cal évaluant leurs chances d’acclimatement en Algérie.

101- L.-A.-H. LEROY-DUPRé, «De la nostalgie»,op. cit., p. 5 ; Alexandre Guillaume MUTEL, «De la nostalgie», thèse de médecine, Montpellier, 1849, p. 17 ; J.-R. Henri PARRON, «Essai sur la nostalgie», thèse de médecine, Montpellier, 1851, p. 32-33 ; Louis JOGAND, «Essai sur l’acclimatement en Algérie», thèse de médecine, Montpellier, 1854, p. 15. Cette distinction était déjà esquissée au début du siècle par le candidat Charles- Antoine GAILLARDOT (qui s’intéressait alors aux esclaves dans les Antilles), dans ses Considérations sur la nostalgie, Paris, Impr. Didot le Jeune, an XII [1804], p. 5-10.

102- Charles-Alexandre MORIN, «Considérations générales sur l’acclimatement en Algérie», thèse de médecine, Montpellier, 1855, p. 29.

103- À ce sujet, on se référera aux études déjà citées de Jean Starobinski, ainsi qu’au livre de Fritzsche, Pétér,Stranded in the present: Modern time and the melancholy of history, Cambridge, Harvard University Press, 2004.Google Scholar

104- Cette évolution dans le discours mÉd.cal de la nostalgie était commune à la plupart des thèses défendues à partir de la Restauration. Voir, à titre d’exemple, Antoine- François-André THéRRIN,Essai sur la nostalgie, Paris, Impr. Didot jeune, 1810, p. 8 ; J.-L.-A. PAUQUET,Dissertation sur la nostalgie, Paris, Impr. Didot jeune, 1815, citation p. 8-9 ; Jules-Prosper ROCHé, «Essai mÉd.co-philosophique sur la nostalgie», thèse de médecine, Paris, 1829, citation p. 10-11. Le célèbre physicien de Louis XVIII, Jean- Louis ALIBERT,Physiologie des passions ou Nouvelle doctrine des sentiments moraux, Paris, Bichet Jeune, 1825, vol. 2, p. 315-328, entérina le changement dès 1825, ne parlant de la nostalgie que comme un fâcheux excès de cet instinct autrement noble qu’était l’amour du pays.

105- Voir les travaux complémentaires de Chanet, Jean-François,L’école républicaine et les petites patries, Paris, Aubier, 1996 ;Google Scholar Thiesse, Anne-Marie,Ils apprenaient la France. L’exaltation des régions dans le discours patriotique, Paris, Éd. de la MSH, 1997 ;CrossRefGoogle Scholar Stéphane Gerson,The pride of place: Local memories and political culture in ninétéenth-century France, Ithaca, Cornell University Press, 2003.

106- Jean-André-Napoléon PéRIER, «De l’acclimatement en Algérie»,Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 33, 1845, p. 301-338, ici p. 314, et 34, p. 21-41. Périer ébaucha ses observations sur l’acclimatement lors de sa participation à la fameuse expédition scientifique officielle de l’Algérie de 1840-1842 (dont il était responsable de la section mÉd.cale, ensemble avec le futur préfet et député d’Alger, Auguste Warnier). Pour les versions successives de son rapport – au fil desquelles on remarque une diminution progressive des références au danger que constituait la nostalgie –, voir aussi le manuscrit de 1842 «Essai sur l’hygiène du soldat en Algérie» (VdG, 68/1) ; ainsi que le rapport officiel, «De l’hygiène en Algérie»,Exploration scientifique de l’Algérie pendant les années 1840, 1841, 1842, publiée par ordre du gouvernement et avec le concours d’une commission académique. II. Sciences MÉd.cales, Paris, Imprimerie Royale, 1847. Les craintes de Périer sur les effets néfastes de l’acclimatement excessif s’accentuèrent au fur et à mesure que s’imposaient les théories sur la dégénérescence : voir M.TOPIN et Félix JACQUOT,De la colonisation et l’acclimatement en Algérie, Paris, Dumaine, 1849, p. 110 ; Donatien THIBAUT,Acclimatement et colonisation. Algérie et colonies, Paris, Rouvier, 1859, p. 2 et 10. La trajectoire du mÉd.cin Jean-Christian Boudin est révélatrice à ce sujet : chef de file des sceptiques sur l’acclimatement des Français en Algérie pendant les années 1840, il succÉd. en 1862 à Paul Broca à la tête de la Société d’anthropologie de Paris, où il manifesta alors tous ses doutes vis-à-vis de la propension à la migration et au «cosmopolitanisme» de toutes les races humaines : Jean-Christian BOUDIN, «Du noncosmopolitanisme des races humaines»,Mémoires de la société d’anthropologie de Paris, 1, 1860-1863.

107- ANOM, F80 1791, CONSTANT, «Projet de colonisation»,op. cit.

108- ANOM, fonds du Gouvernement général de l’Algérie (GGA), L4, T. ACHARD,Projet de colonisation présenté par M. Achard, membre du Conseil Général du Département du Bas-Rhin, Paris, Imprimerie Royale, 1842. Ce projet présenté au duc de Dalmatie avait vraisemblablement déjà été soumis au Gouvernement général, qui en fit les louanges dans le Moniteur algérien. Journal officiel de la colonie, 27 septembre 1841. On retrouve en filigrane de ce projet et de ceux qui suivirent ci-dessous une autre perspective sur les paramètres déterminants des flux migratoires dans la société rurale du XIXe siècle selon P.-A. ROSENTAL,Les sentiers invisibles…,op. cit.Il s’agissait en effet pour T. Achard et ses émules successifs de s’inscrire dans la tradition d’un véritable «projet migratoire», indépendant des conjonctures et fondé à la fois sur une dynamique familiale ainsi que sur la reproduction d’un ancrage spatial assez large (soit à l’échelle du «territoire» proche plutôt que de la résidence stricte).

109- VdG, carton 67/8, M. Gaudineau, «Mémoire présenté à M. Bégin, Inspecteur du service de santé, sur la création d’un dépôt de convalescence en Algérie», 7 juin 1843.

110- ANOM, L3, pour le projet de Turck et sa correspondance avec le ministre de la Guerre et le préfet des Vosges. Comme pour Achard, le ministère se limita à remercier Turck pour ce projet «ingénieux».

111- Lieutaud, ,Société Angevine pour le placement des colons en Algérie. Projet de colonisation, Angers, Cosnière et Lachèse, 1847, p. 4.Google Scholar Notaire à Alger, Lieutaud se disait qu’«il serait beau, en parcourant un jour l’Algérie, de marcher continuellement au milieu des villes, des villages, portant des noms nationaux…».

112- ANOM, L3, pour le projet Brunet, ainsi que les procès-verbaux des différents conseils généraux interrogés sur leur disponibilité à participer au projet. Le projet, qui se limitait à la création d’un village par département, fut porté et débattu à la chambre le 19 juin (soit trois jours avant l’apparition des barricades) et de nouveau le 2 et le 24 octobre : «Proposition relative à la colonisation de l’Algérie» et «Proposition relative à la création de Colonies départementales en Algérie»,inAssemblée Nationale Constituante,Impressions. Projets de lois, propositions, rapports, etc., 1848-1849, Paris, Impr. de l’Assemblée nationale, 2, 1849, p. 138, et 4, 1849, p. 508 et 559.

113- ANOM, F80 1792, F[rancois] Lacroix, lettre au ministre de la Guerre, 30 août 1848. Le village de Cheraga[s] se situait à 12 km à l’ouest d’Alger et était habité depuis 1842 par des colons tous originaires de Grasse dans le Var.

114- Henri Cauvain, extrait d’un article paru dans Le Constitutionnel, cité dans Ducuing, François,Les villages départementaux en Algérie, Paris, Schiller, 1853, p. 39.Google Scholar Dans ce même livre, le journaliste proposait une nouvelle version du projet Turck pour répartir rien de moins que 40 000 colons dans 84 colonies départementales (il exclut la Corse, trop petite, et Paris, qui n’est habité que d’ouvriers ayant déjà fait preuve de leur inaptitude à la tâche…). Ducuing cita en précurseur de son projet un certain maire alsacien dans lequel nous reconnaissons Achard.

115- ANOM, F80 1177 et L3, pour la correspondance au sujet de Vesoul-Bénian entre le préfet de la Haute-Saône, le ministre de la Guerre et le Gouverneur général, 1853- 1854. L’histoire de ce village est retracée dans l’article de Victor DESMONTÈS, «Vesoul- Bénian, une colonie Franc-Comtoise»,Bulletin de la Société de géographie d’Alger et de l’Afrique du Nord, année 1903, Alger, 1904.

116- Voir Noël-Bernard BAILLET,Formation de villages départementaux en Algérie et projet de société pour la création d’un village normand à Aïn Bénian, Rouen, Lebrument, 1851 ; ANOM, L1 et L3, pour le projet de colonisation des Corréziens et Limousins détaillé dans les lettres et les plans envoyés par le préfet de la Corrèze au ministre de la Guerre en 1846 et 1847 ; ANOM, L5, pour une lettre de M. Chevalier au ministre des Affaires étrangères au sujet de la colonisation savoyarde, 19 mars 1862 ; sur la colonisation suisse, voir les différents projets dans ANOM, L2 et L4, ainsi que l’article de Claude LÜTZELSCHWAB, «Des premiers projets de colonies suisses en Algérie à la ‘Compagnie genevoise des colonies suisses de Sétif’. Quelques aspects de la question migratoire en Suisse durant les années 1830-1850»,Schweizerische Zeitschrift für Geschichte, 49, 1999, p. 470-495. En réalité, ces derniers avaient toujours été bien plus mobiles que ne le laissait présumer leur place de premier rang parmi les victimes désignées de la nostalgie. Mais alors que de nombreux projets de colonisation présentés jusque-là visaient à débarrasser les cantons suisses des Heimatlosen(les vagabonds «sans pays»), il s’agissait désormais d’inciter des familles d’agriculteurs relativement aisés à devenir des colons-propriétaires, dans une sorte de transfert de leur Heimatoutre-MÉd.terranée (comme proposait de le faire la fameuse Compagnie genevoise des colonies suisses de Sétif, qui obtint en 1853 une concession gratuite de 20 000 hectares du gouvernement français). Le carton L2 aux ANOM contient aussi de nombreux autres projets de colonisations par des populations étrangères (Allemands, SuÉd.is, Norvégiens, Lucquois, Irlandais, maronites de Syrie).

117- ANOM, L3, «Extrait du procès-verbal des délibérations du Conseil général», 28 novembre 1848.

118- ANOM, L5, pour le projet de Bourel-Roncière, étayé dans sa correspondance et le «Programme et statut» de sa compagnie. Voir aussi Auguste BOUREL-RONCIÈRE,Aperçu sur l’établissement d’une commune bretonne en Algérie, Saint-Brieuc, L. Prud’Homme, 1852. Malgré la continuation des échanges avec le ministère jusqu’en 1858, il semblerait que le projet n’ait jamais vraiment abouti. À ce sujet, ainsi que pour les autres exemples très modestes d’émigration de Bretons en Algérie, voir J.-L. DEBAUVE, «Essai sur le peuplement breton de l’Algérie au XIXe siècle»,Les Cahiers de l’Iroise, 20, 1958, p. 229- 238. Cette transformation de l’image du Breton s’insère vraisemblablement dans l’évolution positive des stéréotypes bretons qu’a étudiés Catherine BERTHO, «L’invention de la Bretagne. Genèse sociale d’un stéréotype»,Actes de la recherche en sciences sociales, 35, 1980, p. 45-62. Bourel-Roncière faisait d’ailleurs partie du groupe de notables régionaux qui contribuèrent à l’éclosion culturelle de la Bretagne pendant les années 1840 (avec, notamment, le succès du Barzaz Breizet la création d’une structure de valorisation du patrimoine comme l’Association bretonne). Selon l’historien Jean-Yves GUIOMAR,Le bretonisme. Les historiens bretons au XIXe siècle, Rennes, Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 1987, p. 115 sq., c’était l’époque où «la Bretagne devient à la mode». L’alliage de régionalisme, patriotisme et catholicisme dont faisait preuve Bourel- Roncière peut aussi être rapporté au processus d’acculturation «donnant-donnant» entre la Bretagne et la Nation décrit par Caroline C.FORD,Creating the nation in provincial France: Religion and political identity in Brittany, Princeton, Princeton University Press, 1993. Cet exemple concret montre à quel point la transformation de la nostalgie en émotion bénigne était intimement liée à la redécouverte des identités locales dans la France du XIXe siècle.

119- Les statistiques officielles parlent de 150 villages construits entre 1830 et 1850, 91 pendants les années cinquante et seulement 23 dans la seconde décennie de l’Empire : M. YACONO,Histoire de l’Algérie,op. cit., p. 145. Sur le Royaume arabe, voir Annie REY-GOLDZEIGUER,Le Royaume arabe : la politique algérienne de Napoléon III, 1861- 1870, Alger, Société nationale d’Éd.tion et de diffusion, 1977.

120- Selon les statistiques officielles, quelque 200 centres de colonisation furent créés entre 1871 et 1880, marquant ainsi l’apogée des efforts de peuplement de l’Algérie : M. YACONO,Histoire de l’Algérie,op. cit., p. 145. Pour une vue d’ensemble sur l’histoire de l’émigration des Alsaciens et des Lorrains en Algérie, voir Fabienne FISCHER,Alsaciens et Lorrains en Algérie. Histoire d’une migration 1830-1914, Nice, Éd. Jacques Gandini, 1999.

121- ANOM, L10, Conseil consultatif de colonisation, «Rapport de la 3e section sur une demande formulée par le conseil municipal de l’Alma» [1872].

122- Voir Kennedy, Dane K.,The magic mountains: Hill stations and the British Raj, Berkeley, University of California Press, 1996,Google Scholar citation p. 16 ; Jennings, Eric T.,Curing the colonizers: Hydrotherapy, climatology and French colonial spas, Durham, Duke University Press, 2006.CrossRefGoogle Scholar Ni E. Jennings ni D. Kennedy ne prennent en compte le lien historique et mÉd.cal entre le simulacre et la pathologie nostalgique.

123- ANOM, L10, comte D’Haussonville, «Société de protection des Alsaciens et Lorrains demeurés Français» [1878].

124- V.Widal, «Nostalgie», art. cit., p. 380 ; Rey, Henri, «Nostalgie»,in Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, Paris, Baillière, 1877, vol. 24, p. 130 Google Scholar ; A.Haspel,De la nostalgie,op. cit., p. 3-4, note 1.

125- Il n’est évidemment pas anodin de souligner le glissement dans le sens du titre de cet ouvrage depuis le processus de modernisation accentué par l’original anglais à l’archaïsme mis en avant par les deux éditions françaises : Weber, Eugen,Peasants into Frenchmen: The modernization of rural France, 1870-1914, Stanford, Stanford University Press, 1976 ;Google Scholar Id.,La fin des terroirs. La modernisation de la France rurale, 1870-1914, Paris, Fayard, 1983 ; Id.,La France de nos aïeux, Paris, Fayard, 2005. La thèse d’E. Weber est d’autant plus intéressante pour notre propos qu’elle ébauche explicitement une comparaison entre la modernisation des campagnes françaises et une oeuvre de colonisation qui se refléterait donc des deux côtés de la MÉd.terranée.

126- Sur l’importance de maîtriser ainsi l’espace physique et les cadres sociaux de la mémoire collective, voir M. BAUSSANT, Pieds-Noirs…,op. cit., chap. 4. On remarquera au passage que cette trajectoire de la nostalgie en Algérie marque aussi l’une des toutes premières instances historiques du passage de la «nostalgie» symptôme d’une authenticité perdue, à la «nostalgie», synonyme de reproduction, voire d’ersatz commercialisé.

127- Côte, Marc,L’Algérie ou l’espace retourné, Paris, Flammarion, 1988, citations p. 112 et 137.Google Scholar «Désagrégation» ou encore «destructuration» sont bien sûr les termes qu’utilise de façon insistante Pierre BOURDIEU,Sociologie de l’Algérie, Paris, PUF, [1985] 1961, pour décrire l’impact de la colonisation sur la société traditionnelle en Algérie.

128- Sur les différentes phases et visées de la redécouverte du patrimoine algérien, voir l’étude récente de Nabila OULEBSIR,Les usages du patrimoine. Monuments, musées et politique coloniale en Algérie (1830-1930), Paris, Éd. de la MSH, 2004. Le «mythe» kabyle, élaboré en premier lieu par Tocqueville et relayé ensuite par nombre de scientifiques, est étudié par Patricia M. E. LORCIN,Kabyles, Arabes, Français : identités coloniales, Limoges, Presses universitaires de Limoges, [1995] 2005. Pour une analyse brillante de la façon dont ce mythe kabyle révèle comment s’imbriquent à la fois l’élaboration des identités nationale et coloniale françaises, et la désignation de particularismes (en l’occurrence ethniques) au sein d’une culture politique farouchement universaliste, voir Paul A. SILVERSTEIN,Algeria in France: Transpolitics, race, and nation, Bloomington, Indiana University Press, 2004, chap. 2. Sur l’empreinte de l’aménagement urbain colonial en Algérie – empreinte qui ne se résume pas simplement à un quadrillage régulier et régulateur –, voir parmi d’autres : Aleth PICARD, «Colonie de peuplement et aménagement du territoire en Algérie (1830-1880)»,inA. SAUSSOL et J. ZITOMERSKY (dir.),Colonies, territoires, sociétés. L’enjeu français, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 135-165 ; «Architecture et urbanisme en Algérie. D’une rive à l’autre (1830-1962)»,Revue du Monde Musulman et de la MÉd.terranée, 73/74, 1994, p. 121-136 ; Gwendolyn WRIGHT,The politics of design in French colonial urbanism, Chicago, University of Chicago Press, 1991 ; S. ALMI,Urbanisme et colonisation…,op. cit.; X.MALVERTI, «Les officiers du Génie…», art. cit. ; Seth GRAEBNER, «Contains preservatives: Architecture and memory in colonial Algiers»,Historical Reflections, 33-2, 2007, p. 257-276.

129- Nous reprenons ici les questions analysées avec lucidité par Andrew SARTORI, «The British Empire and its liberal mission»,Journal of Modern History, 78-3, 2006, p. 623-642. Nous rejoignons aussi la mise en garde de Jacques Revel, «La région»,in P.Nora, (dir.), Les lieux de mémoire. III. La Nation, Paris, Gallimard, 1993,Google Scholar t. 1, p. 2907- 2936, ici p. 2909, sur le risque d’ontologiser l’antagonisme entre un état «monstre froid» et des régions «démunies et dociles».

130- Cette problématique n’était d’ailleurs pas entièrement nouvelle, s’étant déjà posée un siècle auparavant dans le contexte différent des colonies de la Nouvelle-France. Voir Saliha BELMESSOUS, «Être français en Nouvelle-France : identité française et identité coloniale aux dix-septième et dix-huitième siècles»,French Historical Studies, 27-3, 2004, p. 507-540.

131- THIESSE, Anne-Marie, «Les deux identités de la France», Modern and Contemporary France, 9-1, 2001, p. 918 ;CrossRefGoogle Scholar Id.,Ils apprenaient la France…,op. cit., p. 20-22, sur la naturalisation des départements.

132- Salinas, Michèle,Voyages et voyageurs en Algérie, 1830-1930. Aux sources d’un imaginaire collectif français, Toulouse, Privat, 1989, p. 305342.Google Scholar

133- PréVost-Paradol, L.-A.,La France nouvelle,op. cit., p. 416.Google Scholar

134- Lebovics, Herman,La vraie France : les enjeux de l’identité culturelle, 1900-1945, Paris, Belin, [1992] 1995,Google Scholarchap. 2. Voir aussi Catherine HODEIR et Michel PIERRE,L’Exposition coloniale : 1831, Bruxelles, Éd. Complexe, 1991. Ce même principe d’identité nationale «en matriochka» fut ensuite repris lors de l’Exposition universelle de 1937, dont les vedettes inattendues furent le paysan et le folklore français. Voir Shanny PEER,France on display. Peasants, provincials, and folklore in the 1937 Paris World's Fair, Albany, State University of New York Press, 1998.

135- Cité dans GeorgesDELAHACHE, «Alsaciens d’Algérie»,Revue de Paris, 15 décembre 1913, p. 771. Les journaux de l’époque rivalisaient à coup de formules aussi grandiloquentes qu’improbables, telle celle d’Akhbar, qui s’exclamait : «Algérie et Alsace for ever!».

136- Il est permis de penser que l’implantation de ces villages en Kabylie ne répondait pas seulement à un besoin stratégique d’occupation du terrain suite à l’insurrection de 1871. Ce choix facilitait en effet l’identification entre colonie et pays en vertu de la prétendue affiliation ethno-historique entre Français et population berbère prôné par le «mythe kabyle». L’opposition alors acceptée entre kabyles «sédentaires» et arabes «nomades» contribua sans doute à l’ambition «d’ancrer» ces nouveaux villages français dans le sol d’Algérie.

137- Voir à ce sujet la réflexion stimulante d’Eugen Weber sur la coïncidence entre la perte de l’Alsace et de la Lorraine et l’élaboration d’un projet cartographique de la «plus grande France» : Eugen WEBER, «L’hexagone»,in P.Nora, (dir.),Les lieux de mémoire. III. La Nation, Paris, Gallimard, 1997,Google Scholar p. 1184-1185 et passim.